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grece - Page 14

  • Engagements pour la civilisation européenne !...

    Les éditions Alexipharmaques doivent publier au mois de février 2014 Engagements pour la civilisation européenne, les mémoires, inachevées, de Jean-Claude Valla. Préfacées par Michel Marmin, l'ouvrage est en souscription sur le site de l'éditeur pour la somme de 17 euros.

     

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    " Jean-Claude Val­la (1944-2010) res­te­ra, de­vant l’his­toire, comme l’une des fi­gures les plus im­por­tantes et les plus at­ta­c­hantes de la Nou­velle Droite, à laquelle son par­cours per­son­nel et son œuvre ne sau­raient tou­te­fois être ré­duits.

    Mi­li­tant na­tio­na­liste dans les an­nées 1960, il fut dans la dé­c­en­nie sui­vante le chef de file in­con­tes­té du GRECE et le prin­ci­pal ani­ma­teur, avec Alain de Be­noist, d’un com­bat mé­t­a­po­li­tique qu’il de­vait il­lus­t­rer en lançant la re­vue Élé­me­nts en 1973 et en di­ri­geant les ré­dac­tions d’heb­do­ma­daires aus­si pres­ti­gieux que Le Fi­ga­ro Ma­ga­zine ou Ma­ga­zine Heb­do. Me­neur d’hommes qui sa­vait al­lier la dé­l­i­ca­tesse à la fer­me­té, Jean-Claude Val­la était un grand jour­na­liste, dou­b­lé d’un his­to­rien non con­for­miste et sc­ru­pu­leux.

    Ses mé­moires, dont sa dis­pa­ri­tion pré­m­a­tu­rée in­ter­rom­pit mal­heu­reu­se­ment la ré­dac­tion, res­ti­tuent plei­ne­ment sa per­son­na­li­té lu­mi­neuse. Pour être in­com­p­lets, ils n’en cons­ti­tuent pas moins une ma­g­ni­fique leçon de con­vic­tion et de cou­rage, deux ver­tus que les jeunes Eu­ro­péens ne sau­raient trop aujourd’hui cul­ti­ver.
    Pour les his­to­riens des idées po­li­tiques, ces En­ga­ge­ments pour la ci­vi­li­sa­tion eu­ro­péenne se­ront do­ré­na­vant in­con­tour­nables. "

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  • Entretien avec Guillaume Faye...

    Nous reproduisons ci-dessous de larges extraits de l'entretien donné par Guillaume Faye au Blog de Thomas Ferrier. Guillaume Faye y aborde la situation politique actuelle, la mort de Dominique Venner, la question de l'Europe et celle du paganisme...

     

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    Entretien avec Guillaume Faye

    LBTF: Juste quelques mots sur ce que vous inspire l’actualité politique du moment : affaire Cahuzac, bilan de François Hollande, « mariage pour tous », baisse programmée des allocations familiales, taxation future et probable des Smartphones et plus généralement de tout appareil connecté, laxisme judiciaire, affaire du « mur des cons », affaire du RER de Grigny, émeutes à Trappes, Colombes, Stockholm, agression islamique d’un militaire à Londres, Paris, situation de guerre civile à Marseille, affaire Méric, affaire Vikernes, affaire syrienne (faut-il intervenir ou pas ? Intérêt ou pas pour l’Europe ?)…

    Guillaume FAYE: Pour tous ces commentaires politiques, vous voyez mon blog, J’ai Tout Compris ou gfaye.com Le gouvernement socialiste mène sa politique catastrophique dans la plus parfaite inconscience. C’est l’idéologie qui dirige, mêlée aux calculs politiciens classiques, à l’improvisation, etc. L’affaire Cahuzac est très amusante et reflète les terrifiantes contradictions de la gauche et de ce pays : voilà donc un ministre chargé de taxer et d’assommer fiscalement ses concitoyens qui, lui-même, fraude le fisc qu’il estime (d’ailleurs à juste titre) confiscatoire et racketteur. C’est l’arroseur arrosé, le gendarme-voleur. L’État le savait et l’a protégé en vain. La commission parlementaire d’enquête, entièrement truquée par le PS, a essayé de limiter les dégâts.

    Mariage pour tous ? Ça fait plus de dix ans que j’avais dit que ça arriverait inéluctablement. C’est un symptôme, il faut s’attaquer aux causes. Sur l’insécurité et la criminalité (dues au mélange détonnant d’immigration incontrôlée et de laxisme judiciaire) nous allons monter vers des niveaux stratosphériques. Comme je l’ai souvent dit, nous nous dirigeons (pas seulement en France) vers soit une rupture, aux conséquences révolutionnaires, soit une mort tiède (Warmtod, concept éthologique lorenzien) , un effondrement mou. Il ne faut pas exclure , sous des formes imprévisibles, la révolte populaire massive des Européens de souche. Un phénomène viral, épidémique, transpolitique, qui ne toucherait pas que la France mais pourra se répandre comme une nuée ardente, au ras du sol, dans l’Union européenne. L’Histoire est ouverte, l’avenir est détectable mais non pas prévisible, l’impensable peut se produire. Mais l’Histoire, quand elle déchaine ses vagues, « n’épargne pas le sang », comme disait Jules César.

    LBTF: En règle générale, comment voyez-vous le fonctionnement de l’actuelle présidence ?

    Guillaume FAYE: François Hollande n’est pas à la hauteur d’un chef d’État, encore moins que ses prédécesseurs. Le dernier homme à la hauteur fut Pompidou. Pourquoi cette situation ? La cause est sociologique. Les élites, les vraies, se détournent de la carrière politique. Elles se destinent à la carrière économique (y compris à l’étranger). Les élus, le personnel des cabinets ministériels, les ministres sont d’un niveau plutôt en dessous de la moyenne requise par la fonction. Le plus étonnant, c’est au gouvernement, dont les membres (surtout les femmes) sont nommées au regard de critères (y compris la ”diversité”) qui n’ont rien à voir avec la compétence. Mme Duflot, Mme Taubira, Mme Touraine, Mme Filipetti, Mme Belkacem etc. sont des militantes, des idéologues, mais toutes atteintes par le principe de Peter : dépassement du niveau de compétence (c’était la même chose avec Rama Yade, un vrai gag ambulant). Ce n’est pas nouveau : un Kouchner aux Affaires étrangères était aussi inapte qu’un Douste-Blazy ou aujourd’hui que le prétentieux Fabius (rien à voir avec Hubert Védrine). Bref, pas de pros ou trop peu. La sphère politicienne souffre globalement d’un manque de niveau. Autant que d’une absence de vision, d’intuition et de bon sens.

    Second élément, très grave aussi : la pollution de la classe politique, droite et gauche, par les briques idéologiques de la vulgate mortifère que nous connaissons bien., notamment sur la question de la préservation de l’identité ethnique européenne. En rupture avec les sentiments intuitifs d’un peuple de souche, invisible et sans droit à la parole.

    LBTF: Par son côté « inamovible », par l’autisme dont semble faire preuve le Président de la République vis-à-vis d’un mécontentement croissant, illustré par une côte de popularité au plus bas, ne peut-on pas y voir là une certaine dérive monarchique, spécifique à la France, a contrario par exemple des Etats-Unis, où il existe, gravé dans le marbre constitutionnel et juridique, une procédure pouvant destituer le Président de ses fonctions (impeachment).

    Guillaume FAYE: Le problème n’est pas tant constitutionnel que relevant du ”peuple français” lui-même, qui est très pusillanime. On mérite ceux qu’on élit. La France est une république monarchique, la Grande Bretagne, une monarchie républicaine. Cela dit, deux rois de France sur trois n’étaient pas à la hauteur, pas plus qu’un Princeps Augustus romain ( on traduit faussement pas ”Empereur”) sur deux. Le problème réside plus dans la solidité de la société civile et de la congruence du corps social autour de la Nation. Aux USA, la destitution est exceptionnelle. En France, elle est remplacée par la cohabitation : le Chef de l’État, le PR, rendu impuissant par une majorité parlementaire hostile. Si, après l’élection de M. Hollande, l’électorat avait élu une majorité non-socialiste au Palais Bourbon, M. Hollande n’aurait pas pu appliquer son programme. Il aurait passé ses journées à l’Élysée, à tourner en rond.

    LBTF: Enfin plus généralement que vous inspire l’observation de l’actuelle classe politique, de l’extrême-gauche, au FN inclus, quand bien même ce dernier semble bénéficier d’une certaine notoriété médiatique plus importante qu’auparavant, notamment sous l’impulsion de Marine Le Pen et de l’énarque techno-souverainiste et ancien chevènementiste Florian Phillippot ? Que vous inspire le ralliement officiel du géopoliticien Aymeric Chauprade au FN, lui qui dans la Nouvelle Revue d'Histoire n°22 proposait comme solution au problème migratoire, le fait de « repasser le film à l’envers » ?

    Guillaume FAYE: Les réponses à ces questions sont largement exprimées dans mon blog J’ai Tout Compris. Le FN recueille des voix non-politiques, protestataires. Sa critique des actuelles institutions européennes est exacte, mais la vision de l’Europe qu’il en tire est erronée. D’ailleurs, (contradiction) le FN a prospéré sur les élections européennes tout en étant anti-européiste. Passons. Le vote FN est essentiellement motivé par les problèmes d’immigration massive, d’islamisation et d’insécurité, toutes choses liées. Les positions du FN sur l’économie et le social sont erratiques et irréalistes. Le FN occupe une position symbolique dans la dramaturgie politique française mais pas encore gouvernementale. Il y a une forme de jacquerie dans le vote FN.

    Concernant la question européenne, le FN rejette en bloc l’UE et l’Euro, parfois pour de bonnes raisons critiques. Cependant, les solutions du FN sont techniquement inappropriées. Sortir de l’€uro, c’est 40% d’inflation pour le Franc de retour et la fonte des neiges pour toutes les épargnes. La cata. Il vaut mieux modifier la structure du navire Europe en construction que de le couler. Encore une fois, l’idée européenne est la bonne mais les institutions européennes doivent être corrigées, comme l’idéologie qui les anime. La question centrale est d’ailleurs l’idéologie : une France souverainiste sans UE avec l’idéologie actuelle, il n’y aurait aucune différence. Le poison, ce n’est pas l’UE ou Bruxelles, c’est la mentalité générale qui nous corrompt. Elle est présente au cœur de toutes les élites de chacun de nos pays. Le problème, ce n’est pas l’UE, pas Bruxelles, pas le souverainisme, c’est l’idéologie dominante : le renoncement à l’identité ethnique et culturelle. L’ennemi, ce n’est pas l’ « Europe », c’est une pathologie mentale. Et, si une révolution surgit, une révolte, elle ne pourra être qu’européenne, c’est à dire épidémique – avec la Russie en arrière cour, derrière le décor.

    Concernant Aymeric Chauprade et sa remarque que vous citez, je dirais que le problème migratoire a atteint un point de non-retour en Europe. Exactement comme un processus thérapeutique qui doit passer des médicaments à l’intervention chirurgicale. Pour résoudre ce problème, il faudra instaurer des protocoles douloureux. Inverser la tendance, repasser le film à l’envers, effectivement, C’est un processus révolutionnaire, qui relèvera d’une polémologie lourde. Je n’en dirai pas plus.
     
    LBTF: Le mardi 21 mai dernier vers 14h40, sur l’autel même de la cathédrale Notre-Dame de Paris, l’historien Dominique Venner, auteur notamment du Cœur Rebelle (autobiographie), d’une biographie d’Ernst Jünger, de "Histoire des Européens. 35.000 ans d’identité", "le Siècle de 1914", "Le choc de l’Histoire", liste non exhaustive… et aussi directeur de la revue la Nouvelle revue d’Histoire, a mis fin à ses jours.

    Guillaume FAYE: Cette nouvelle fut pour moi un choc. Immédiatement, la comparaison avec la mort volontaire de Mishima, nationaliste japonais, m’est venue à l’esprit. Tout d’abord, en s’immolant à Notre-Dame, Venner a signifié que ce sanctuaire chrétien, il se le réappropriait comme païen. S’immoler sur un autel chrétien comme s’il était un réceptacle de sang à la mode capitoline ou delphique, c’est une première dans l’ Histoire. Venner a voulu frapper de stupeur ses contemporains par son geste. Dans un premier temps, je me suis dit : « quel dommage ! » Venner a décidé de conclure sa vie par sa propre volonté, d’organiser la ”chute”, comme disent les scénaristes et les dramaturges. Ne pas laisser sa mort entre les mains du destin, mais la vouloir. Choisir sa fin et lui donner un sens. L’éthique romaine de Regulus dans sa sombre splendeur. Fiat mors tibi. Ta mort n’appartient qu’à toi, même les dieux n’en décident pas, car le païen est un homme libre. L’inverse absolu du païen étant l’adepte de l’islam, c’est-à-dire de la soumission.

    LBTF: Que vous inspire l’homme, son œuvre, ses idées, et quel est selon vous le meilleur enseignement qu’il faut en tirer ?
     
    Guillaume FAYE: J’ai écrit un long texte sur cette question ainsi qu’un hommage funèbre à Venner, « La mort d’un Romain » que j’ai envoyé à Roland Hélie qui l’a diffusé sur Internet. Je vous y renvoie. Venner est celui qui m’a fait entrer en 1970 dans le milieu identitaire de la résistance européenne, pour employer une appellation peu courante. Je n’en dirai pas plus. Sur son œuvre et ses idées, il semble qu’il avait décidé d'aborder les choses sous un angle historique et détourné et non pas polémique et politiquement direct, contrairement à sa stratégie de jeunesse. Néanmoins son message testamentaire et funéraire est très clair quand on le lit honnêtement : Venner s’insurgeait d’abord contre la destruction de l’identité ethnique des Européens. Et il essayait aussi de résoudre ses propres contradictions.

    LBTF: Considérez-vous que son geste, doit être perçu comme étant un acte désespéré, ou un acte politique ? Ou les deux ?

    Guillaume FAYE: Il est très difficile de se mettre dans la peau d’un homme qui se donne la mort. Il y a forcément un mélange de motivations intimes et de raisons ”extérieures”. Néanmoins, on peut donner à son désespoir (dont les causes sont complexes) un sens politique. Par là, Venner a très exactement suivi Mishima. Mais il est impudique et ignoble d’interpréter ou pis, de salir un tel geste, comme l’ont fait les Femen. Le suicide est un mystère. Dans les religions du Salut (où le suicide est peccamineux) le martyre remplace le suicide. Mais c’est un autre débat. Dans l’islam, le martyre, sous forme d’une immolation qui tue les ennemis (p.ex. attentats terroristes) trahit une mentalité de paranoïa perverse, liée à une pathologie mentale.

    LBTF: Pensez-vous qu’il puisse réellement servir à « réveiller les consciences », vœu qu’il avait formulé dans le dernier éditorial de son blog ? Qu’il peut réellement avoir un impact, et disons-le « changer les choses » ? Croyez-vous réellement qu’il peut déboucher sur une refondation politique concrète, à l’instar par exemple de l’immolation de Ian Palach en 1968 ?
     
    Guillaume FAYE: C’est une possibilité. La mort sacrificielle a, depuis le néolithique, chez presque tous les peuples, une signification lourde. Même si notre époque tente, en vain, d’évacuer cette dimension. Le suicide de Dominique Venner au chœur de Notre-Dame fera date et n’est pas destiné à être un ”événement” englouti par l’actualité comme une défaite du PSG face à l’OM. Un mythe va se créer, en forme d’exemple, autour de cette mort volontaire. Mais il faudra un certain temps. Venner n’a tué personne en se tuant, il ne s’est pas fait exploser avec une ceinture de dynamite. Il a interrompu sa vie, et il a mis son plongeon dans la mort au service d’un message. Il a suivi très exactement les traces de Yukio Mishima. Maintenant, ce que je viens de vous dire n’est pas une certitude. Chacun suit sa voie. Personnellement, l’idée du suicide ne m’a jamais effleuré comme moyen de faire passer un message. Tout simplement parce que la mort interrompt la délivrance du message. À moins de penser qu’on ait tout dit...

    LBTF: Ou bien en regardant tout ce qui s’est passé (ou plutôt rien passé) depuis dans « la mouvance nationale » au sens large, ne partagez-vous pas le constat formulé par certains, où il ressort un certain cynisme désabusé (Pensons à un récent éditorial de Philippe Randa, reprenant les constats de Nicolas Gauthier et Alain Soral), pour ne pas dire le nihilisme que dénonçait Nietzsche ? En d’autres termes, ce suicide maintenant oublié des media une semaine après alors qu’on est à quasiment J+ 4 mois, a-t-il réellement « servi à quelque chose » ?
     
    Guillaume FAYE: Encore une fois, les commentaires de Randa, de Gauthier et de Soral sont hors-sujet, trop liés à l’actualisme. Les médias importent peu. La mort volontaire de Venner est un fait transmédiatique, qui restera dans les mémoires. La « mouvance nationale » actuelle n’est pas le réceptacle adéquat. Venner a voulu donner à son geste tragique une dimension historique et non pas médiatique et immédiate. Il ne s’adressait pas à ses amis, à ses proches, à la ”mouvance”, dite d’extrême-droite. Il s’adressait à son peuple, c’est-à-dire aux Européens, et son message portait essentiellement sur la préservation de l’identité ethnique actuellement menacée.
     

    LBTF: En 1999, vous ressortiez votre « Nouveau discours à la nation européenne », et en 2012 « Mon programme ». En 1999, vous affirmiez que « l’Union Européenne (…) est la mise en œuvre du projet d’union des cités grecques ». En 2012, dans le cadre de la campagne électorale, en revanche, vous déclarez ne plus défendre « la thèse des Etats-Unis d’Europe ». Qu’est-ce qui a changé, selon vous ?

    Guillaume FAYE: Ce qui a changé, c'est l'histoire. L'idée d'union européenne a été dévoyée de l'intérieur. Mais ce n'est pas une raison pour l'abandonner. Quand vous aimez une femme et qu'elle vous trompe, ce n'est pas forcément une bonne raison pour cesser de l'aimer et de la détester. Pour l'instant, les États–Unis d'Europe doivent être mis entre parenthèses provisoires. Ce n'est pas néanmoins un argument pertinent pour être souverainiste. J'ai conscience qu'étant profondément machiavélien (au vrai sens du terme et non pas vulgaire), ma position peut poser problème.

    LBTF: Dans « Mon programme », au chapitre sur la France et l’Europe, vous émettez des propositions que pourraient soutenir les souverainistes, avec un « conseil des gouvernements de l’Union », l’abolition du parlement européen, l’abrogation des accords de Schengen, même si vous prônez le maintien de l’€uro, avec exclusion des Etats surendettés, ce qui les amènerait objectivement à la ruine. Vous-êtes-vous converti au souverainisme ou est-ce simplement que, le cadre choisi par l’ouvrage, se plaçant dans une logique nationale, en lien avec les élections présidentielles, amène nécessairement à restaurer la « souveraineté nationale », en attendant une (éventuelle) souveraineté européenne ?

    Guillaume FAYE: La véritable Union européenne, de puissance, ne pourra se construire qu'autour d'institutions lisibles et simples. Nous sommes actuellement dans une situation ingérable, bureaucratique. Sans vrai fédérateur. L'essentiel est l'Idée Européenne qui, comme je l'ai répété est d'abord ethnique avant d'être économique, institutionnelle ou administrative. On a mis la charrue avant les boeufs. Le sentiment détermine les institutions et non l'inverse. Les Cités grecques ne se sont unies que face à un ennemi commun. En réalité, il faudrait la naissance d'un souverainisme européen. Mais il y a loin de la coupe à la bouche. L'idée européenne ne fonctionnera jamais tant qu'elle ne sera pas affectivement présente chez nos peuples. Ou alors, c'est du calcul de technocrates, sans aucune chance de réalisation. L'histoire a pour matière une certaine exaltation. L'Union européenne ne propose aucun idéal mobilisateur, pas plus – voire beaucoup moins, hélas – que les États qui la composent. Ce qui ne veut pas dire que j'abandonne mon idéal central de Nation Européenne (souveraine).

    L'idée officielle actuelle d'Union européenne est l'inverse même de celle de Nation européenne. C'est contradictoire, mais c'est le jeu de la dialectique historique. Compliqué, n'est-ce pas ? Les institutions nouvelles que j'ai proposées dans ce livre procèdent du réalisme. Je me méfie de ce paradoxe qu'est le romantisme technocratique. Maintenant, je ne suis pas un gourou, j'ai une analyse variable. Qui peut prétendre avoir raison alors même que nous ne connaissons pas l'avenir et que nous voyons assez mal le présent ? La détermination de Thomas Ferrier pour des États-Unis d'Europe est une position qui doit être poursuivie, tentée. L'essentiel est l'unité de l'Europe, ethniquement, quelle que soit sa forme. Machiavel, suivant Aristote son maître, disait que seul compte le but. Les formes sont toujours assez secondaires.

    LBTF: Même si le parlement européen n’a aucun pouvoir, il dispose d’une relative légitimité démocratique, en ce sens où des formations politiques marginales au sein de l’assemblée nationale, en raison d’un mode de scrutin majoritaire, peuvent y être représentées. En ce sens, à l’instar des Etats généraux en 1789, le parlement européen ne peut-il être l’antichambre d’une assemblée européenne constituante par auto-proclamation pour peu que des européistes authentiques y soient majoritaires ou en tout cas une forte minorité mobilisatrice (30% des députés par exemple) ? Une institution n’est-elle pas en mesure de s’émanciper et de prendre le pouvoir, malgré ses traités fondateurs ?

    Guillaume FAYE: Cette remarque est théoriquement vraie mais pratiquement problématique. Les institutions européennes ne sont pas démocratiques puisque la Commission viole en permanence les traités en passant du rôle d'exécution à celui d'ordonnancement. Le Parlement européen ressemble à une chambre d'enregistrement napoléonide. Bien sûr, une révolution serait possible. Le problème est que le Parlement européen n'est qu'une coquille vide. L'idée d'une assemblée européenne constituante et révolutionnaire ? Pourquoi pas ? Piste à suivre. Mais ce genre de situation ne sera possible que dans un contexte de crise très grave.

    Il faudrait étudier sérieusement la possibilité juridique d'une révolte parlementaire européenne. L'idée est intéressante, on ne peut que la souhaiter même si l'on en doute. L'idée est brillante mais elle se heurte à la pesanteur d'une opinion publique matraquée et d'élites médiocres. Cela dit, en cas de crise très grave, une prise de conscience européenne globale est possible. Le recours au Parlement européen serait intéressant. Qui sait ? Dans les situations tragiques, l'ordre juridique et institutionnel connaît une distorsion bien connue des historiens. Voir à ce propos la remarquable biographie de Pompée par Éric Thessier (Perrin). Le Parlement européen pourrait-il devenir une instance révolutionnaire ? Dans l'histoire romaine (où le Sénat fut nul) comme dans d'autres, c'est un Princeps qui rétablit l'ordre de marche.

    LBTF: En 1999, vous prôniez la subversion de l’Union Européenne et non la confrontation avec elle, « montons dans l’avion européen et jouons aux pirates de l’air, en montant en douce, puis braquons le pilote ». En 2012, vous évoquez l’idée que la France « fasse chanter » l’Union Européenne pour exiger d’elle une refonte totale.

    Guillaume FAYE: C'est vrai. Mais le problème, c'est que, tragiquement, l'avion européen n'a pas de réacteurs (contrairement à ce que j'avais cru) et ne peut même pas décoller. On ne s'amuse pas à braquer un avion au sol. En réalité, l'Union européenne est un être politique virtuel. Contrairement aux souverainistes français, je ne ne me réjouis pas de l'impuissance de l'UE. Celle de l'État français est la même. Le mal est global. Bien sûr, j'ai prôné une refonte totale de l'UE. Dans un sens machiavélien : reculer en apparence pour avancer en réalité. Il faut refonder complètement les institutions de l'UE, selon mes principes. Pour renforcer l'Europe.

    LBTF: Demeurez-vous un européiste qui attend que la flamme de la foi en l’Europe se réveille ? Ou avez-vous abandonné l’espoir d’une révolution européenne, d’une république européenne ?

    Guillaume FAYE: Mon espoir est évidemment celui d'une nation européenne globale. Tout mon courant de pensée a toujours été celui du nationalisme européen, respectueux de tous les autres.

    LBTF: L’Homo Indo-Europaeus : plutôt un vieux romain du temps de la République ou plutôt un guerrier germanique ?

    Guillaume FAYE: Du côté de Varus et de Caton contre Arminius, donc ? Le vieux romain et le guerrier tribal germain appartenaient au même peuple, sans le savoir. Mêmes valeurs. Les Germains rêvaient, selon Tacite, des « maisons chauffées » des Romains. Le vieux Romain et le guerrier germanique (ou celtique) appartenaient au même ensemble ethnique (à la différence des peuples orientaux soumis par l’Empire). L’historien allemand Theodor Mommsen l’a parfaitement démontré. Lorsque le Gaulois cisalpin Brennus (Ar Vrenn de son vrai nom celtique, Le Brenn en français) fait le siège du Capitole, il parle le même langage d’honneur et de courage que ses ennemis romains assaillis. En revanche, les codes ne seront plus du tout les mêmes quand Rome affrontera les peuples orientaux.

    Néanmoins, si la machine à remonter le temps existait, je m’engagerais dans la glorieuse Xème (le sanglier sur les enseignes, sous l’aigle) pour défendre le limes du Rhin. Mais, au delà de ces propos superficiels, ce qui est étonnant, c’est que sont les descendants des Germains tribaux décrits par Tacite, désordonnés, c’est-à-dire les Allemands, qui ont, aux XIXe et XXe siècle, repris les normes rigoureuses d’organisation militaire des Romains. Tandis que les Italiens, descendants des Romains, manifestaient des dispositions bien peu ”romaines”. À mon avis, moi qui raisonne de manière sociobiologique, c’est parce que les Italiens ont subi, dès le IVe siècle, un choc génétique, dû au brassage avec des populations exogènes non- indoeuropéennes. Ce qui a modifié la psychologie collective.

    LBTF: Le christianisme a-t ‘il joué selon vous un rôle majeur dans l’effondrement de l’empire romain ?

    Guillaume FAYE:  D’après feu Lucien Jerphagnon, grand historien catholique mais touché par la saga de Julien dit l’Apostat dont il écrivit une biographie émouvante, le responsable de l’effondrement fut le Germain – Goth du Rhin et de l’Elbe ou Goth transdanubien. Constantin (306-337) ne fit qu’autoriser le christianisme. C’est Théodose Ier qui l’instaura comme religion officielle. Mais le déclin de l’Empire était antérieur, ce qui disculpe le christianisme naissant. La cause de la chute de l’Empire romain – qui, ne l’oublions pas, a été un véritable orage historique (1) – reste un mystère, sur lequel les historiens s’empoignent. À mon humble avis, la trop grande taille –indéfendable– de l’Empire (de la Grande Bretagne à l’Irak actuels), l’hétérogénéité ethnique, l’édit de nationalité universelle de Caracalla (212) sont à mettre au rang des suspects, de même qu’un système de gouvernement impérial totalement chaotique, sans droit constitutionnel – contrairement à l’ancienne République.

    Mais le christianisme, avec sa mentalité dogmatique et antiscientifique, en rupture avec la pensée gréco-païenne libre, avec ses incessantes luttes entre orthodoxes et hérétiques, a certainement joué un rôle accélérateur. D’après André Lama , historien autodidacte et politiquement incorrect, le déclin de l’Empire romain provient du mélange des populations, qui a tué la source créatrice romaine de souche. Mais il est vrai que, d’après plusieurs auteurs des IVe, Ve et VIe siècles, qui ressentaient le déclin de l’Empire, le recul de la civilisation (transports, économie, culture, éducation...) et vivaient les incursions barbares, les populations restées païennes estimaient que la cause de la chute était la fin de la protection de Rome par ses dieux, abandonnés au profit du christianisme devenu religion d’État.

    Osons une comparaison ”archéofuturiste” : l’introduction du christianisme dans le Bas-Empire a fait régresser les mentalités par rapport à la période païenne vers l’archaïsme d’une pensée magique. Tout comme l’évolution de l’islam aujourd’hui...

    (1) D’un simple point de vue technique, il a fallu attendre 1.000 ans pour que les Florentins redécouvrent les techniques de sculpture sur marbre et de fonte du bronze des Romains. Louis XIV à Versailles vivait dans une situation de confort bien inférieure à celle de son homologue Trajan au Palatin, dix-sept siècles plus tôt. On allait plus rapidement de Trèves à Rome au IIe siècle qu’au XVIIIe siècle. Etc.

    LBTF: En matière de religion, vous avez toujours mis en avant votre sensibilité païenne, en particulier hellénique. Croyez-vous à la « résurrection » des « anciens » dieux ou à la renaissance de leur culte, même sous une forme très modernisée ?

    Guillaume FAYE: Le paganisme est un mot qui dissimule plusieurs réalités: le paganisme superstitieux (où l’on croit réellement à l’existence de forces et de divinités cachées) et le paganisme intellectuel des élites helléno-romaines , par exemple, qui étaient parfaitement agnostisques. La force du christianisme fut de camper une religion spiritualiste avec un abondement narratif nettement plus fort que celui des mythologies païennes, handicapées par le grand écart entre les dieux souverains, les divinités locales, familiales, et l’absence de sotériologie personnelle, à une époque de troubles et de dérélictions.

    Mon rejet du christianisme (mais non pas du catholicisme traditionnel, qui est du paganisme dissimulé, comme l’orthodoxie) tient à sa substance universaliste, à son humanisme doctrinaire. J’admire le paganisme grec pour sa liberté de pensée et son agnosticisme. Les divinités n’étaient que des allégories, pas des idoles. Je suis voltairien, je défends les chrétiens d’Orient persécutés par l’islam, mais c’est une attitude politique et culturelle, non pas religieuse. En revanche, l’attitude ethnomasochiste de l’Église actuelle face à l’immigration de peuplement et à l’islamisation (confortée par le Pape François) me renforce dans ma vision païenne du monde, tendance aristotélicienne : non, nous ne nous ne sommes pas tous frères, oui, il faut vivre chacun dans sa Cité.

    Concernant le retour des anciens dieux païens (au sens d’une croyance spiritualiste et d’un culte) ou même de la création de nouvelles divinités, thème d’ailleurs déjà abordé chez les poètes romantiques du XIXe siècle, je suis assez réticent. Ce serait du folklore et d’ailleurs ça existe déjà aux USA, c’est un business comme un autre. Pierre Vial, dans nombre de ses textes sur la question, a d’ailleurs très bien défini le néo-paganisme comme une conception du monde et non pas comme un néo-culte spiritualiste.

    L’essence du paganisme grec, auquel je me réfère, c’est de placer la philosophie, c’est-à-dire la liberté examinatrice de l’entendement , le logos, au dessus des vérités révélées, l‘examen au dessus de la croyance, le souci de son propre peuple (symbolisé par un panthéon « national » et civique) avant celui des autres. Le paganisme, comme vision du monde, ne méprise pas la notion d’humanité, mais, avec réalisme, ne la considère pas comme une divinité. Le paganisme est un anti-fanatisme, y compris contre le fanatisme de la tolérance.

    (Sur le paganisme, j’avais écrit un article, jadis, pour la revue de Christopher Gérard, Antaïos, qui avait été fondée par Ernst Junger. Sur les rapports paganisme/christianisme/ judaïsme, voir mon essai La Nouvelle question juive, ED. du Lore., qui a déplu aux ignorants.)

    LBTF: Quel est le dieu (ou la déesse) grec dont vous vous sentez le plus proche, et pourquoi ?

    Guillaume FAYE: Cette question n’est pas ”païenne”. Un vrai païen se sent pas plus proche d’une divinité que d’une autre. Il les aime toutes, en fonction des aléas de la vie. Cela dit, je vais vous révéler une chose étonnante : j’ai fait une grande partie de mes études chez les Pères Jésuites. Ils ne m’ont jamais appris l’Histoire sainte, l’Ancien ni le Nouveau Testament mais en revanche, ils étaient imbattables sur la mythologie gréco-latine (ainsi d’ailleurs que germano-scandinave, et celtique ou slave, très proches). L’Illiade, on en apprenait par cœur les vers (en grec ancien) alors que les écrits de St Augustin ou de St Thomas nous étaient parfaitement inconnus. Cela en dit long sur la prégnance du paganisme, au sein même de l’Église.

    Néanmoins, je vous répondrai que les deux divinités païennes helléniques les plus fascinantes sont le couple Apollon-Dionysos : la raison solaire et la turbulence créatrice. De même, le paganisme gréco-romain donne une image de la féminité complexe et complète à travers ses déesses. Historiquement, c’est la Renaissance italienne du quattrocento florentin qui a fait redécouvrir l’esprit païen et l’esthétique qu’il porte.

    Quant aux manifestations de survie et de renaissance des paganismes germano-scandinaves, celtiques et slaves, il ne faut pas les ignorer. Ils font partie d’une mystérieuse quête des racines dont nous ne connaissons pas l’aboutissement. C’est cela aussi, l’archéofuturisme.

    LBTF: le « Serment de Delphes » a-t-il une réalité historique ou est-ce un mythe ? Et s’il est véridique, en quoi consistait-il ?

    Guillaume FAYE: C’est une réalité absolue, qui a été mythifiée par la suite, et tant mieux. Pour en connaître l’histoire, je vous renvoie à l’article que j’ai écrit dans la revue des amis de Jean Mabire ainsi qu’à la collection de la revue Éléments. Au cours d’un voyage en Grèce, en 1979, Pierre Vial, alors Secrétaire général du GRECE, avait eu l’idée de faire prononcer un serment de fidélité au cœur même de l’Europe : le sanctuaire d’Apollon.

    Il y avait là des Français, des Belges, des Grecs et des Italiens. Mais tous les autres Européens étaient présents en esprit.
     
    Le texte du serment a été rédigé par Vial. Nous l’avons prêté au soleil levant, sur le site du sanctuaire de Delphes, devant la Stoa, après avoir couru sur l’antique stade et avoir fait des ablutions dans la fontaine sacrée. Nous avons juré que nous combattrions jusqu’à la mort pour l’identité européenne. Aucun des participants n’a trahi le serment. C’est pourquoi ceux qui n’étaient pas présents ne peuvent être accusés de trahison.

    Guillaume FAYE, propos recueillis par Thomas Ferrier, (Le Blog de Thomas Ferrier, du 27 octobre au 10 novembre 2013)
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  • Les Titans et les dieux...

    Les éditions Krisis viennent de publier Les Titans et les dieux, un recueil de textes de Friedrich Georg Jünger consacrés au mythes grecs. Auteur de très nombreux ouvrages et frère d'Ernst Jünger, Friedrich Georg Jünger a tout au long de sa vie échangé et noué un dialogue fécond avec ce dernier. Mort en 1977, aucun de ses livres n'avait fait l'objet, jusque-là, d'une publication en français.

    Le livre est disponible à la librairie Facta, à Paris, et pourra, également, être prochainement commandé sur le site de la revue Eléments.

     

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    " Ernst Jünger a souvent évoqué dans son oeuvre la lutte des dieux et des Titans. Mais on sait rarement que c’est chez son frère, Friedrich Georg Jünger (1898-1977), qu’il a trouvé la source de son inspiration. Auteur de plusieurs dizaines d’ouvrages, avec lesquels il s’est imposé à la fois comme un parfait connaisseur de l’Antiquité classique et comme un précurseur de l’écologisme, Friedrich Georg  Jünger a notamment publié sur cette thématique plusieurs essais d’une rare profondeur,qui sont ici traduits pour la première fois.« Si les figures évoquées dans l’imaginaire des Grecs n’étaient pas à jamais valables et agissantes, écrit-il, pourquoi faudrait-il nous en soucier, qu’auraient-elles encore à nous dire? » C’est en effet d’abord une démesure de la volonté qui jette l’homme dans les filets du titanisme: « Là où il n’est pas de mesure, rien de grand ne peut être, car rien ne se mesure sur rien. Sisyphe et Tantale causent leur propre ruine par leur démesure ». Le monde moderne, héritier de Prométhée, n’est pas inépuisable. Ses ressources seront un jour épuisées. C’est en portant le regard intérieur sur le message des dieux que l’on s’en rend le mieux compte. « Jamais le génie grec ne s’est exprimé plus complètement, plus puissamment que dans le mythe, écrit encore Friedrich Georg Jünger […] Le mythe n’entre pas dans les spéculations sur l’éternel et sur l’infini. Pour lui, les dieux sont là dans leur présence impérissable ». "

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  • Qui est Dieu ?...

    «Je l'aimais bien, Michel Onfray. [...] Mais voilà que, dans son plaidoyer pour Jean Soler, il dévoile une face cachée de son personnage. Les juifs le gênent.» Marek Halter

    «Tout y est, monsieur Onfray, et vous tout entier: votre "génie" sans talent, le drapé de vos postures, la Barbarie de vos grandes orgues, les rengaines que vous remettez au goût du jour. Ce que vous dites à mots à peine cachés est terrible de responsabilité envers les esprits faibles qui risqueraient de vous croire : "[Le judaïsme] suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu'aujourd'hui." Malheureusement, c'est l'antisémitisme "qui dure jusqu'aujourd'hui", et celui des intellectuels n'est pas moins violent que celui des nervis de telle ou telle mouvance.» Rabbin Haïm Korsia

    «L’article publié par Michel Onfray dans un récent numéro du Point (le 7 juin) pose un problème très grave. Prétendant rendre compte d’une étude de Jean Soler sur la Bible, il donne à l’esprit de vengeance sa plus redoutable expression en l’appliquant à ce qui focalise le ressentiment contemporain, le judaïsme, autant qu’à l'ensemble monothéiste qui en est issu.» Gérard Bensussan , Alain David, Michel Deguy et Jean-Luc Nancy

    «Mais je ressens un plus grand malaise encore de voir un journal aussi sérieux que Le Point laisser passer des allégations aussi médiocres et mal à propos, au point de se demander si on lit du Onfray ou un avatar d’une médiocre littérature antijuive qu’on croyait dépassée, le tout dans un climat français où assassiner un Juif à bout portant ou le tabasser est devenu chose possible.» Rabbin Yeshaya Dalsace

     

    Les éditions De Fallois ont publié récemment Qui est Dieu ? , un essai de Jean Soler consacré à la découverte du dieu de la Bible. Ancien diplomate, l'auteur est un érudit qui a déjà écrit plusieurs essais sur la question des monothéismes comme La violence monothéiste (De Fallois, 2009). Vous pouvez lire ci-dessous le commentaire élogieux qu'a fait Michel Onfray du dernier livre de cet auteur dans l'hebdomadaire Le Point. Un article qui a suscité un déferlement concerté de commentaires particulièrement violents...

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    Jean Soler, l'homme qui a déclaré la guerre aux monothéismes

    La France est riche d'une école exégétique biblique vieille de quatre siècles : de Richard Simon, son inventeur, un contemporain de Bossuet, jusqu'à Jean Soler, un savant bientôt octogénaire auquel notre époque a scandaleusement tourné le dos, en passant par le curé Meslier, le baron d'Holbach, l'anarchiste Proudhon, le laïc Charles Guignebert, Paul-Louis Couchoud ou Prosper Alfaric, qui nie l'existence historique de Jésus, il existe une école française remarquable de lecture des textes dits sacrés comme des textes historiques, ce que, bien sûr, ils sont. Le silence qui accompagne cette ligne de force scientifique s'explique dans un monde imprégné de judéo-christianisme.

    Qui est Jean Soler ? Un diplomate érudit, un homme qui a passé sa vie à lire, traduire, analyser et éplucher dans leurs langues originales les textes fondateurs du monothéisme. Diplomate, il le fut huit années en Israël, où il a été conseiller culturel et scientifique à l'ambassade de France. Il a également travaillé en Algérie, en Pologne, en Iran et en Belgique. Depuis 1993, ce défenseur des langues régionales vit en pays catalan et travaille dans un petit bureau-bibliothèque lumineux comme une cellule monacale, entre mer et montagne, France et Espagne.

    L'homme ne se répand pas, il va à l'essentiel. Son oeuvre dense concentre le résultat d'années de travaux solitaires et de recherches loin du bruit et de la fureur. Voilà pourquoi le fruit de ses études se trouve ramassé dans Aux origines du Dieu unique, un essai en trois volumes : L'invention du monothéisme (2002), La loi de Moïse (2003) et Vie et mort dans la Bible (2004). En 2009, il ajoute un opus intitulé La violence monothéiste.

    Dynamiteur

    Cet agrégé de lettres classiques déconstruit les mythes et les légendes juifs, chrétiens et musulmans avec la patience de l'horloger et l'efficacité d'un dynamiteur de montagne. Il excelle dans la patience du concept, il fournit ses preuves, il renvoie avec précision aux textes, il analyse minutieusement. Il a toutes les qualités de l'universitaire, au sens noble du terme ; voilà pourquoi l'université, qui manque de ces talents-là, ne le reconnaît pas.

    Cette patience de l'horloger qui ne convainc pas l'université se double donc de l'efficacité du dynamiteur qui pourrait plaire aux journalistes. Mais, si l'université ne doit pas aimer chez lui l'usage des bâtons de dynamite, les journalistes, eux, n'apprécient probablement pas sa méticulosité conceptuelle. Voilà pourquoi cet homme est seul, et sa pensée révolutionnaire, méconnue.

    Certes, il a pour lui la caution d'un certain nombre de pointures intellectuelles du XXe siècle : Claude Lévi-Strauss, Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, Maurice Godelier, Ilya Prigogine, mais aussi Edgar Morin, Claude Simon, René Schérer, Paul Veyne lui ont dit tout le bien qu'ils pensaient de son travail. Mais rien n'y fait, le nom de Jean Soler ne déborde pas le cercle étroit d'une poignée d'aficionados - même si ses livres, tous édités aux éditions de Fallois, se vendent bien.

    Jean Soler vient donc d'avoir la bonne idée de faire paraître Qui est Dieu ?. Le résultat est un texte bref qui synthétise la totalité de son travail, pourtant déjà quintessencié, un petit livre vif, rapide, dense, qui propose un feu d'artifice avec le restant de dynamite inutilisé... C'est peu dire qu'il s'y fera des ennemis, tant le propos dérange les affidés des trois religions monothéistes.

    Six idées reçues

    Jean Soler démonte six idées reçues. Première idée reçue : la Bible dépasse en ancienneté les anciens textes fondateurs. Faux : les philosophes ne s'inspirent pas de l'Ancien Testament, car "la Bible est contemporaine, pour l'essentiel, de l'enseignement de Socrate et des oeuvres de Platon. Remaniée et complétée plus tard, elle est même, en grande partie, une oeuvre de l'époque hellénistique".

    Deuxième idée reçue : la Bible a fait connaître à l'humanité le dieu unique. Faux : ce livre enseigne le polythéisme et le dieu juif est l'un d'entre les dieux du panthéon, dieu national qui annonce qu'il sera fidèle à son peuple seulement si son peuple lui est fidèle. La religion juive n'est pas monothéiste mais monolâtrique : elle enseigne la préférence d'un dieu parmi d'autres. Le monothéisme juif est une construction qui date du Ve siècle avant l'ère commune.

    Troisième idée reçue : la Bible a donné le premier exemple d'une morale universelle. Faux : ses prescriptions ne regardent pas l'universel et l'humanité, mais la tribu, le local, dont il faut assurer l'être, la durée et la cohésion. L'amour du prochain ne concerne que le semblable, l'Hébreu, pour les autres, la mise à mort est même conseillée.

    Quatrième idée reçue : les prophètes ont promu la forme spiritualisée du culte hébraïque. Faux : pour les hommes de la Bible, il n'y a pas de vie après la mort. L'idée de résurrection est empruntée aux Perses, elle apparaît au IIe siècle avant J.-C. Celle de l'immortalité de l'âme, absente de la Bible hébraïque, est empruntée aux Grecs.

    Cinquième idée reçue : le Cantique des cantiques célèbre l'amour réciproque de Dieu et du peuple juif. Faux : ce texte est tout simplement un poème d'amour. S'il devait être allégorique, ce serait le seul livre crypté de la Bible.

    Sixième idée reçue : Dieu a confié aux juifs une mission au service de l'humanité. Faux : Dieu a célébré la pureté de ce peuple et interdit les mélanges, d'où les interdits alimentaires, les lois et les règles, l'interdiction des mélanges de sang, donc des mariages mixtes. Ce dieu a voulu la ségrégation, il a interdit la possibilité de la conversion, l'idée de traité avec les nations étrangères, et il ne vise pas autre chose que la constitution identitaire d'un peuple. Ce dieu est ethnique, national, identitaire.

    Le dieu unique : un guerrier

    Fort de ce premier déblayage radical, Jean Soler propose l'archéologie du monothéisme. À l'origine, les Hébreux croient à des dieux qui naissent, vivent et meurent. Leurs divinités sont diverses et multiples. Yahvé a même une femme, Ashera, reine du ciel, à laquelle on sacrifie des offrandes - libations, gâteaux, encens. Pour ramasser cette idée dans une formule-choc, Jean Soler écrit : "Moïse ne croyait pas en Dieu." Le même Moïse, bien que scribe de la Torah, ne savait pas écrire : les Hébreux n'écrivent leur langue qu'à partir du IXe ou du VIIIe siècle. Si Yahvé avait écrit les Dix Commandements de sa main, le texte n'aurait pas pu être déchiffré avant plusieurs siècles.

    Le dieu unique naît dès qu'il faut expliquer que ce dieu national et protecteur ne protège plus son peuple. Il y eut un temps bénit, celui de la sortie d'Égypte, de la conquête de Canaan, de la constitution d'un royaume ; mais il y eut également un temps maudit : celui de la sécession lors de la création de la Samarie, un État indépendant, celui de son annexion par les Assyriens, à la fin du VIIIe siècle, et de la déportation du peuple, celui de la destruction de Jérusalem par le roi babylonien Nabuchodonosor au début du VIe siècle.

    Le monothéisme s'impose dans la seconde moitié du IVe siècle. Le dieu des Perses, qui leur est favorable, devient le dieu des juifs, qui souhaitent eux aussi obtenir ses faveurs. Ce même dieu favorise l'un ou l'autre peuple selon ses mérites. On cesse de nommer Yahvé, pour l'appeler Dieu ou Seigneur. Les juifs réécrivent alors le premier chapitre de la Genèse.

    Menacé de disparition physique, le peuple juif cherche son salut dans l'écrit. Il invente Moïse, un prophète scribe qui consigne la parole de Yahvé. Il se donne une existence littéraire et se réfugie dans les livres dont le contenu est arrêté par des rabbins vers l'an 100 de notre ère. Les juifs deviennent alors le peuple du Livre et du dieu unique.

    Le dieu unique devient vengeur, jaloux, guerrier, belliqueux, cruel, misogyne. Jean Soler associe le polythéisme à la tolérance et le monothéisme à la violence : lorsqu'il existe une multiplicité de dieux, la cohabitation rend possible l'ajout d'un autre dieu, venu d'ailleurs ; quand il n'y a qu'un dieu, il est le vrai, l'unique, les autres sont faux. Dès lors, au nom du dieu un, il faut lutter contre les autres dieux, car le monothéisme affirme : "Tous les dieux sauf un sont inexistants."

    Invention du génocide

    "Tu ne tueras point" est un commandement tribal, il concerne le peuple juif, et non l'humanité dans sa totalité. La preuve, Yahvé commande de tuer, et lisons Exode, 32. 26-28, trois mille personnes périssent sur son ordre. Dans Contre Apion, l'historien juif Flavius Josèphe établit au Ier siècle de notre ère une longue liste des raisons qui justifient la peine de mort : adultère, viol, homosexualité, zoophilie, rébellion contre les parents, mensonge sur sa virginité, travail le jour du sabbat, etc.

    Jean Soler aborde l'extermination des Cananéens par les juifs et parle à ce propos d'"une politique de purification ethnique à l'encontre des nations de Canaan". Puis il signale que le Livre de Josué précise qu'une trentaine de cités ont été détruites, ce qui lui permet d'affirmer que les juifs inventent le génocide - "le premier en date dans la littérature mondiale"... Jean Soler poursuit en écrivant que cet acte généalogique "est révélateur de la propension des Hébreux à ce que nous nommons aujourd'hui l'extrémisme". Toujours soucieux d'opposer Athènes à Jérusalem, Jean Soler note que la Grèce, forte de cent trente cités, n'a jamais vu l'une d'entre elles avoir le désir d'exterminer les autres.

    En avançant dans le temps, Jean Soler, on le voit, ouvre des dossiers sensibles. La lecture des textes dits sacrés relève effectivement de la politique. Il interroge donc la postérité du modèle hébraïque dans l'histoire et avance des hypothèses qui ne manqueront pas de choquer.

    Le judaïsme, écrit-il, a été en crise cinq fois en mille ans. Il l'est aux alentours de l'an 0 de notre ère. D'où son attente d'un messie capable de le sauver et de lui redonner sa splendeur. Il y a pléthore de prétendants, Jésus est l'un d'entre eux. Ce sectateur juif renonce au nationalisme de sa tribu au profit de l'universalisme. Dès lors, il n'y a qu'un dieu, et il est le dieu de tous. Plus besoin, donc, des interdits qui cimentaient la communauté tribale appelée à régner sur le monde une fois régénérée.

    Si Jésus séparait bien les affaires religieuses et celles de l'État, s'il récusait l'usage de la violence et prêchait un pacifisme radical, il n'en va pas de même pour l'empereur Constantin, qui, en son nom, associe religion et politique dans son projet impérial théocratique. Sous son règne, les violences, la guerre, la persécution se trouvent légitimées - d'où les croisades, l'Inquisition, le colonialisme du Nouveau Monde. Pendant ce temps, les juifs disparaissent de Palestine et constituent une diaspora planétaire. L'islam conquiert sans discontinuer et la première croisade, précisons-le, se trouve fomentée par les musulmans contre les chrétiens.

    Le schéma judéo-chrétien s'impose, même à ceux qui se disent indemnes de cette religion. Jean Soler pense même le communisme et le nazisme dans la perspective schématique de ce modèle de pensée. Ainsi, chez Marx, le prolétariat joue le rôle du peuple élu, le monde y est vu en termes d'oppositions entre bien et mal, amis et ennemis, l'apocalypse (la guerre civile) annonce le millénarisme (la société sans classes).

    Une oeuvre qui gêne

    De même chez Hitler, dont Jean Soler montre qu'il n'a jamais été athée mais que, catholique d'éducation, il n'a jamais perdu la foi. Pour Jean Soler, "le nazisme selon Mein Kampf (1924) est le modèle hébraïque auquel il ne manque même pas Dieu" : Hitler est le guide de son peuple, comme Moïse ; le peuple élu n'est pas le peuple juif, mais le peuple allemand ; tout est bon pour assurer la suprématie de cette élection ; la pureté assure de l'excellence du peuple élu, dès lors, il faut interdire le mélange des sangs.

    Pour l'auteur de Qui est Dieu ?, le nazisme détruit la position concurrente la plus dangereuse. Jean Soler cite Hitler, qui écrit : "Je crois agir selon l'esprit du Tout-Puissant, notre créateur, car, en me défendant contre le juif, je combats pour défendre l'oeuvre du Seigneur." Les soldats du Reich allemand ne portaient pas par hasard un ceinturon sur la boucle duquel on pouvait lire : "Dieu avec nous"...

    On le voit bien, Jean Soler préfère la vérité qui dérange à l'illusion qui sécurise. Son oeuvre gêne les juifs, les chrétiens, les communistes, les musulmans. Ajoutons : les universitaires, les journalistes, sinon les néonazis. Ce qui, convenons-en, constitue un formidable bataillon ! Faut-il, dès lors, s'étonner qu'il n'ait pas l'audience que son travail mérite ?

    Accusation

    L'accusation d'antisémitisme, bien sûr, est celle qui accueille le plus souvent ses recherches. Elle est l'insulte la plus efficace pour discréditer le travail d'une vie, et l'être même d'un homme. En effet, Jean Soler détruit des mythes juifs : leur dieu fut un parmi beaucoup d'autres, puis il ne devint unique que sous la pression opportuniste ethnique et tribale, nationaliste. Toujours selon Jean Soler, le monothéisme devient une arme de guerre forgée tardivement pour permettre au peuple juif d'être et de durer, fût-ce au détriment des autres peuples. Il suppose une violence intrinsèque exterminatrice, intolérante, qui dure jusqu'aujourd'hui. La vérité du judaïsme se trouve dans le christianisme qui universalise un discours d'abord nationaliste. Autant de thèses iconoclastes !

    À quoi Jean Soler ajoute que la Shoah ne saurait être ce qui est couramment dit : "Un événement absolument unique, qui excéderait les limites de l'entendement humain. Effort désespéré pour accréditer à tout prix, jusque dans le pire malheur, l'élection par Dieu du peuple juif ! En réalité, l'existence de la Shoah est la preuve irréfutable de la non-existence de Dieu." Soler inscrit la Shoah dans l'histoire, et non dans le mythe. Il lui reconnaît un rôle majeur, mais inédit dans la série des lectures de cet événement terrible : non pas événement inédit, mais preuve définitive de l'inexistence de Dieu - quel esprit assez libre pourra entendre cette lecture philosophique et historique ?

    Renaissance grecque

    Jean Soler, on le voit, a déclaré une guerre totale aux monothéismes. Bien sûr, il ne souhaite pas revenir au polythéisme antique, mais il propose que nous nous mettions enfin à l'école de la Grèce après plus de mille ans de domination judéo-chrétienne. Une Grèce qui ignore l'intolérance, la banalisation de la peine de mort, les guerres de destruction massive entre les cités ; une Grèce qui célèbre le culte des femmes ; une Grèce qui ignore le péché, la faute, la culpabilité ; une Grèce qui n'a pas souhaité l'extermination massive de ses adversaires ; une Grèce qui, à Athènes, où arrive saint Paul, avait édifié un autel au dieu inconnu comme preuve de sa générosité et de son hospitalité - cet autel fut décrété par Paul de Tarse l'autel de son dieu unique, le seul, le vrai. Constantin devait donner à Paul les moyens de son rêve.

    Nous vivons encore sous le régime de Jérusalem. Jean Soler, solitaire et décidé, campe debout, droit devant deux mille ans d'histoire, et propose une Renaissance grecque. Le déni étant l'une des signatures du nihilisme contemporain, on peut décliner l'invitation. Mais pourra-t-on refuser plus longtemps de débattre de l'avenir de notre civilisation ? Avons-nous les moyens de continuer à refuser le tragique de l'histoire pour lui préférer la comédie des mythes et des légendes ? Nietzsche aurait aimé ce disciple qui va fêter ses 80 ans. Et nous ?

    Michel Onfray (Le Point, 7 juin 2012)

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  • Voyage au pays de l'essentialisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent texte de Pierre Bérard, cueilli sur le site de La Droite strasbourgeoise. Membre fondateur du G.R.E.C.E., ami et disciple de Julien Freund, Pierre Bérard est un collaborateur régulier de la revue Éléments 

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    Le journal Le Monde publiait récemment la tribune d’un professeur d’histoire, Bruno Belliot, titrée « Le Front de Gauche est un mouvement républicain, contrairement au FN ». Faisant le procès de l’UMP et du FN tout en dédouanant les angéliques du PC et du FdG français, cette tribune contenait tout l’argumentaire médiatique habituel sur l’incompatibilité du FN et de la République, colporté tant par certains politiques ignorants que par des journalistes incultes qui mettent leur complaisance au service d’une cause inavouable : la nostalgie du totalitarisme stalinien. Sa participation au camp des vainqueurs de 1945 n’empêche pas, en effet, le PCF de s’être rendu coupable de complicité avec la tyrannie.

    Le sens de l’affaire est limpide, toujours et encore culpabiliser le camp de la « droite » : « C’est pourquoi, il m’est intolérable d’entendre, de lire (comme de voir dessiner), qu’un parallèle peut être fait entre Mélenchon, les communistes, les candidats du Front de Gauche et l’extrême droite du FN. Et que par conséquent, la droite n’aurait pas à rougir de ses alliances avec le FN puisque le PS s’allie avec le Front de Gauche. »

    Ainsi, nous démontrons ci-dessous non seulement l’inanité de cette culpabilisation mais démontons du même coup la notion de « droite républicaine » dont la signification reste à démontrer si l’on veut dire par là qu’il existerait en 2012 une droite qui ne le serait pas.

    La Droite strasbourgeoise

     

    Front de Gauche/FN : Voyage au pays de l’essentialisme

    Alors que tout change, y compris l’extrême gauche passée en 40 ans de la défense héroïque du grand soir prolétarien à celle lacrymale des sans papier, « armée de réserve » du capital qui exerce une pression discrète mais constante à la baisse des petits salaires (sinon on se demande bien pourquoi madame Laurence Parisot aurait, sur ce point, les mêmes idées immigrationnistes que messieurs Krivine et Mélanchon). Certes, on peut toujours s’évertuer à penser que la dirigeante du MEDEF est secrètement passée du coté obscur de la force et qu’elle contraint ses amis à cultiver une forme peu banale de masochisme altruiste. Hypothèse peu probable, reconnaissons-le. Tout change donc : le « socialisme » démocratique acquis, via l’Europe, depuis deux ou trois décennies au social-libéralisme, comme le « gaullisme » qui a renoncé à l’indépendance et au dogme du peuple souverain.

    Tout change, sauf bien sûr l’extrême droite vue par Bruno Belliot, membre du Front de Gauche. Impavide, elle est semblable à elle même, immobile et pétrifiée comme les années trente du XX siècle en ont donné la définition rituelle , guettant dans l’ombre (évidemment) l’heure de sa revanche, ourdissant des complots comme celui de la Cagoule, collaborant avec l’ennemi durant l’occupation, se relevant avec le poujadisme puis l’OAS pour finir par renaitre avec le Front National. Elle est là, figée, telle que la vulgate médiatique en fait le portrait, une vulgate inspirée par l’antifascisme stalinien qui nous ressert toujours le même plat continûment réchauffé depuis 80 ans, comme l’a très bien montré François Furet. Cette paresse a fini par s’inscrire comme un habitus dans nos moeurs et nos tics de langage.

    Pourtant, en ce qui concerne le procès le plus sévère instruit contre l’extrême droite, sa collaboration avec le régime nazi ou ses soit-disant affidés, qu’en est-il ? 

    Pour ce qui est de la résistance et de la collaboration, puisque c’est sur ce sombre épisode que s’enrochent la plupart des mythes fondateurs de l’histoire sainte dont se réclame Bruno Belliot, rappelons quelques faits marquants qui n’appartiennent nullement à une vision révisionniste de l’histoire. C’est le 26 septembre 1939 que le Parti Communiste est interdit par le gouvernement dirigé par un des chefs du Front Populaire, Édouard Daladier. Pour quelle raison ? Parce que en bon disciple stalinien il continue d’approuver le pacte Germano-Soviétique d’août 1939 qui permettra le dépeçage de la Pologne, alliée de la France, entre les deux contractants. Passé dans la clandestinité, Jacques Duclos, un des principaux dirigeants du PCF, diffuse le premier octobre 1939 une lettre ouverte invitant le gouvernement à entamer des négociations de paix avec l’Allemagne hitlérienne qui étant pour l’heure l’alliée de l’URSS ne représente plus le condensé de la menace fasciste. C’est à la même époque que Maurice Thorez, secrétaire général du Parti, déserte face aux armées nazies, pour rejoindre la « patrie des travailleurs » (et du Goulag), ce qui lui vaut une condamnation à mort et la déchéance de la nationalité française.

    Plus tard, la défaite de la France étant consommée, Jacques Duclos entre en contact dès le 18 juin 1940 avec les autorités allemandes d’occupation tout juste installées pour entreprendre une négociation. Dans quel but ? Permettre au Parti d’être à nouveau autorisé sur la base d’une bonne entente entre le peuple français et l’armée d’occupation. Duclos propose même d’orienter la propagande du Parti dans le sens d’une lutte contre le grand capital anglais et contre sa guerre impérialiste. Les allemands ne sont pas preneurs.

    Ce n’est qu’en Juin 1941 que l’extrême gauche communiste entre dans la résistance active suivant en cela ses sponsors. L’Allemagne ayant en effet décidé d’attaquer l’URSS. Dans cette résistance active, les communistes arrivent bien tard pour y retrouver des hommes qui venaient souvent de l’extrême droite. Comment, en effet, qualifier autrement les partisans de la monarchie tels Daniel Cordier (secrétaire de jean Moulin), le célèbre colonel Rémy (premier agent gaulliste en France occupée), De Vawrin (chef des services secrets de la France libre). Ou encore des cagoulards comme Guillain de Benouville (dirigeant du mouvement Combat) et des centaines d’autres affreux tels Honoré d’Estienne d’Orves fusillé un mois après Guy Moquet, célébré par Sarkozy ( à la suite du parti Communiste) et qui ne fut jamais résistant…

    Il suffit de lire les deux livres que l’historien israélien Simon Epstein a consacré à cette période pour abandonner tout schéma manichéen, schéma auquel s’accroche désespérément Bruno Belliot pour nous conter sa fable d’une France coupée en deux avec d’un coté les représentants du Bien et de l’autre ceux du Mal, c’est à dire l’extrême droite éternelle.

    Dans « Les Dreyfusards sous l’Occupation » (2001) puis dans « Un paradoxe français » (2008), il montre, liste de noms à l’appui, que dans leur immense majorité les dreyfusards, anti-racistes, généralement pacifistes de gauche s’engagèrent dans la collaboration, tandis que nombre d’antidreyfusards et antisémites appartenant à ce qu’il est convenu d’appeler la droite radicale germanophobe s’engagèrent dans la résistance et la France libre. Or ce paradoxe, on le comprend aisément, est peu abordé par l’histoire académique, prudente jusqu’à la couardise, permettant à une doxa politiquement correcte de prospérer sur les non dits de l’histoire savante. ce qui permet qu’aujourd’hui encore fleurissent des absurdités comme cette apologie du Front de Gauche intégrant trotskistes et communistes, dont peu, même dans une « droite » gagnée par la lâcheté, ose remettre en question les énoncés falsifiés. N’en reste pas moins vrai que les quatre cinquième de la chambre du Front Populaire ont accordé à un vieux maréchal, que sa réputation de laïque républicain plaçait au dessus de tout soupçon, les pleins pouvoirs. Il y avaient très peu de députés d’extrême droite, pourtant, dans cette assemblée. 

    Quant à la reconnaissance du Parti Communiste comme parti républicain par le général de Gaulle en 1943-1944, avait-il le choix ? Il lui fallait composer avec une force majeure à l’époque. Son réalisme politique a contribué à mettre en selle un parti qu’il s’est empressé de combattre à partir de 1947 (création du RPF). De même, n’est ce pas un récipiendaire de la francisque qui nomma en 1981 des ministres communistes dans son gouvernement pour mieux étouffer un parti qui devait plus tard ramasser les dividendes putrides de son long flirt avec une URSS désormais honnie? Ce qui montre bien que la reconnaissance de tel parti comme « parti républicain » est avant tout une question de rapport de force. Le statut « républicain » accordé à un parti n’a que très peu de rapport avec les vérités de la science politique et beaucoup à voir avec la « realpolitik » de l’époque. Les définitions de la République sont évasives, comme tout ce qui ressort de la condition humaine. Chacun devrait savoir que depuis 1793, la République a changé de signification. En faire une monade surplombant dans le ciel le monde des Idées est une niaiserie platonicienne. 

    Pierre Bérard (La Droite strasbourgeoise, 3 juillet 2012)

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  • Encore un effort pour être républicain !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré aux résultats des élections présidentielles en France et des élections législatives en Grèce... 

     

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    Encore un effort pour être républicain !

    Rien n’aura vraiment changé le 7 mai. Le grand vainqueur est évidemment le système. Non seulement parce que le parti du gouvernement mondialiste de cet « espace » néolibéral qu’est devenue la France, l’UMPS, est sorti conforté avec, au premier tour, un peu plus de 55% des voix, mais aussi parce que la puissante participation aux deux votes, plus de 80%, témoigne de l’attachement du peuple français au régime de despotisme éclairé postmoderne. Cette formidable adhésion à un scrutin qui n’est, somme toute, qu’un chèque en blanc, ne manque pas d’étonner si l’on se réfère à la défiance maintes fois réitérée à l’égard de la classe politique, tant dans les sondages qu’à l’occasion d’élections locales, et surtout lors du référendum, en 2005, sur le projet de constitution européenne, qui avait vu la victoire du nom, contre l’ensemble de la « France d’en haut ». Les 18% du score de Marine Le Pen, et les résultats d’autres mouvements protestataires, dont le total s’élève à peu près à 30%, montrent que cette méfiance s’exprime néanmoins, mais à un degré qui ne constitue pas une menace sérieuse pour l’oligarchie cosmopolite au pouvoir. Si l’on considère au surplus que 51% des électeurs du Front national ont reporté leurs voix sur un candidat frénétiquement libéral, destructeur du système de protection sociale issu du Conseil national de la Résistance, sur celui qui a vassalisé franchement notre pays, qui a mené une politique visant ouvertement à la disparition de notre nation, et qui a déconsidéré la plus haute fonction de l’Etat par sa vulgarité et son cynisme, on prend la mesure de l’ « illusion politique ». Il est encore prouvé, une fois de plus, que rien ne peut entamer, si le désastre n’y met bon ordre, le quasi envoûtement des maîtres chanteurs qui se partagent le pouvoir depuis des décennies, ni les faits, ni les critiques. 

    Hollande a, en effet, lourdement démenti les faibles mouvements de manches destinés à réinjecter quelque chaleur au rêve, désormais perdu, de l’anticapitalisme socialisant. Très rapidement, il s’est réclamé du blairisme, c’est-à-dire d’un grand parti « démocrate » à l’américaine, plus libéral que social. Il s’est empressé de rassurer les marchés et la finance, il n’est pas revenu sur la réforme des retraites imposée par le gouvernement Fillion, il ne conteste pas les délocalisations, l’ouverture des frontières, il avoue ouvertement sa préférence pour le métissage, il souhaite une intervention militaire en Syrie, s’inscrivant ainsi dans la continuité de la politique néocoloniale de Sarkozy, et dans un américanisme qui, sans être ostentatoire, n’en sera que plus réel, et il vante la « démocratie » israélienne, qui est un apartheid agressif. Quant à Sarkozy, outre son action extraordinairement dévastatrice pour la France et son identité, il a réussi, par des roulements de menton et d’épaule, à voiler la réalité de ses convictions, qui sont tout autant mondialistes, immigrationnistes, soixante-huitardes que celles de la gauche. 

    L’ensemble de la « droite » partage en effet les mêmes valeurs que la « gauche ». Bachelot n’a-t-elle pas augmenté de près de 50% de la rémunération des médecins pour une interruption involontaire de grossesse ? De même, le 22 novembre 2011, des responsables UMP, confortés par Chatel, l’inévitable Bachelot et Copé himself, avaient lancé un appel en faveur du mariage gay, comme l’avait fait, du reste, le premier ministre anglais et « ultra-conservateur » !, David Cameron ». Sarkozy n’était pas défavorable, en 2006, à un « contrat d’union civique » pour les homosexuels, comme d’ailleurs, à la même époque, il louait le « métissage ».

    Il serait relativement dérisoire de mettre l’accent sur ces péripéties appartenant au champ « sociétal », si cher à la « nouvelle gauche » américanisée, si elles ne dissimulaient, avec la peur rhétorique du « socialisme » ou du « fascisme », les questions de fond engendrées par les choix économiques et internationaux, celle, notamment, de la nécessaire rupture avec l’emprise des marchés financiers et de leur bras armé, l’empire hégémonique américain. Malheureusement, les réflexes conditionnés et les connotations idéologiques ont joué bien plus que la raison. Les foules en liesse à la Bastille, le soir du 6 mai, indiquent assez éloquemment le degré de mystification qui sidère encore une partie des masses.

    Au même moment avaient lieu des élections, dans une Grèce qui ressemble à ces ruines qui jonchent son sol chargé d’histoire. Le pays a rejeté, en bloc, les partis de gouvernement, la Nouvelle démocratie et le Pasok, l’équivalent de l’UMPS. Les Grecs montrent, en ayant choisi majoritairement des mouvements protestataires, qu’ils ne sont plus décidés à se laisser berner. C’est là évidemment un avertissement pour la caste bureaucratico-financière qui est en train d’emprisonner l’Europe dans un carcan libéral à tendances dictatoriales. Le pays d’Homère n’est donc plus gouvernable, et il est probable qu’on s’achemine vers de nouvelles élections, avec l’accompagnement propagandiste et les pressions que l’on augure.

    Quoi qu’il en soit, comme deux photographies d’une évolution dans le temps de la situation européenne, nous avons dans le même instant un passé qui cherche à perdurer illusoirement, et un avenir plein d’amertume et de colère. Les Français doivent attacher leur attention à ce qui se passe du côté de la mer Egée, car ils seront bientôt face au même dilemme : ou se résigner à l’esclavage, ou se révolter, voire mener une révolution. 

    Qu’est-ce donc, au fait, qu’une révolution ? Un tel chamboulement n’est possible que lorsque se conjuguent trois facteurs : un effondrement économique, avec la misère, le désespoir qui en résultent ; une démoralisation ou un amollissement de la classe dirigeante, et enfin une prise de conscience, par le peuple, de ses intérêts propres. Nous aurons le premier, fatalement ; la seconde est incertaine, car la caste européenne qui nous ment est partagée, mais reste conquérante et sûre d’elle, d’autant plus qu’elle sait compter sur la puissance de son maître américain ; la troisième n’est pas acquise, et c’est ce qui nous reste encore à parfaire, si nous voulons vraiment être républicains.

    Claude Bourrinet (Voxnr, 7 mai 2012)

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