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europe - Page 70

  • Imperium...

    Nous reproduisons ci-dessous un très beau texte d'orientation de Gabriele Adinolfi consacré à l'Imperium comme réponse à la crise civilisationnelle et identitaire que nous vivons. Principal inspirateur du mouvement Casapound, et fondateur du projet européen Lansquenets, Gabriele Adinolfi est l'auteur de plusieurs livres, dont certains ont déjà été traduits en français, comme Nos belles années de plomb (L'Æncre, 2004), Pensées corsaires - Abécédaire de lutte et de victoire (Edition du Lore, 2008), Orchestre rouge (Avatar, 2013) et Années de plomb et semelles de vent (Les Bouquins de Synthèse nationale, 2014).

     

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    Imperium

    L’Imperium n’était pas seulement la source et l’attribut du commandement militaire, mais également une prérogative « axiale », comme l’épée, le faisceau, le sceptre, qui, en tant que telle, représentait l’axe du monde. Lequel fut originairement associé au Licteur, dans l’ancienne Rome monarchique, quand assumer la Royauté signifiait avant tout être Rex et Pontifex, et, par conséquent, servir de « pont » entre le monde visible et le monde invisible, et, surtout, de pôle de stabilité.

    Celui qui était investi de l’Imperium, détenait un pouvoir lumineux qui, comme l’explique Mario Polia, résumant Julius Evola, « permet que choses et événements passent de la sphère du possible à celle de l’existence réelle, qu’il s’agisse de la victoire au combat ou de la fécondité, de la santé ou de la succession ordonnée des cycles saisonniers. »

    De l’Imperium descendait l’« Auctoritas », étroitement liée à l’idée et à la fonction du verbe « augere » (augeo, es, auxi, auctum, augere), c’est-à-dire « augmenter » (richesse, santé, fécondité, etc.), d’où vient le nom « Auguste », qu’adopta Octave, lequel fut, pour l’historiographie, le fondateur de l’Empire.
    Mais « auguste » fut à l’origine un adjectif, que l’on retrouve, par exemple, dans l’inscription « Rome, fondée sur d’augustes augures ».
    En ce que nous avons ensuite défini comme étant la fondation de l’Empire, Auguste réalisa un acte d’une très grande portée, liant les traditions de l’Urbs à la nécessité d’assumer la centralité universelle. Quasiment inspiré par Janus aux deux faces, le fils adoptif de Jules César réussit à souder entre elles, de manière indissoluble, deux exigences différentes, mais l’une et l’autre en recherche d’un Centre. La réforme du Consulat – qui resta formellement en vigueur durant toute la durée de l’empire–, avec l’institution d’un Princeps qui était avant tout un Tribun aux pouvoirs étendus, répondait aux attentes romaines, tandis que d’autres, universelles, se voyaient satisfaites dès lors que ce Princeps devenait également le Divus assurant l’union sacrée d’un monde à la fois uni et diversifié, dans lequel toutes les coutumes, tous les dieux, et jusqu’à toutes les lois, jouissaient d’une pleine liberté, à partir du moment où ils ne contredisaient pas le Ius.
    On notera en passant comment le Ius se relie au verbe « iubere » (iubeo, es, iussi, iussum iubere) qui, par rapport à « imperare », indique une autre acception du verbe « commander », celle d’ordonner, de disposer. Il s’agit ici de la sagesse normative qui vient de l’Imperium.

    Telles sont les particularités et attributs de l’Empire romain, qui existaient historiquement avant lui, aussi bien à l’époque de la Monarchie qu’à celle de la République, et qui ont également marqué toutes les formes politiques qui, ensuite, se sont inspirées de lui, ce jusque dans l’attribution des titres (Kaiser et Czar proviennent directement de Caesar). Par ailleurs, ce sont des caractéristiques qui le différencient totalement du colonialisme et de l’impérialisme, lesquels affichent clairement la prétention de tout uniformiser, alors que l’Empire, par contre, garantit, défend et exalte les particularités.
    Il le fait d’un point de vue religieux, culturel, moral ou encore social, vu que, dans les fondations mêmes de l’Empire, est enraciné le « Césarisme » (ou « Tribunat auguste »), lequel repose sur les liens tribuniciens existant entre la Tête et le Peuple, ainsi que sur la sauvegarde des plus faibles.

    Partons de là pour répondre à deux exigences de notre époque, l’une externe et l’autre interne.
    L’exigence externe consiste à trouver une voie de sortie historique à l’actuelle crise de civilisation et d’identité.
    Par « voie de sortie historique », nous entendons que celle-ci doit obligatoirement être identifiée dans ce qui constitue la réalité de notre époque et de ses exigences. Les dynamiques actuellement à l’oeuvre sont en effet dominantes, quoique l’on puisse en penser, et ce n’est certainement pas en leur opposant une résistance passive ou un rappel nostalgique de ce qui était et n’est plus, mais en agissant pour imposer un « changement de signe » et de sens aux événements que l’on doit répondre à ceux-ci, dès lors qu’ils ne vont pas dans la bonne direction.
    L’époque de la Gobalisation, du Mondialisme, de la confusion, du melting pot, de la transnationalité et de la « surnationalité » est inexorablement destinée à être également l’ère de l’impérialisme (où d’impérialismes reliés entre eux par des rapports d’unité et de concurrence tout en même temps) et à emporter chaque liberté, chaque identité et chaque différence, peut-être au nom même de l’exaltation de différences, que, cependant, on va homologuer en un édifice “idéal” fait d’un conformisme moral gélatineux, que cela soit dans le domaine des mœurs et des coutumes, ou dans celui de la rigidité éthique, de l’« ethos » et du comportement.
    La seule alternative possible ? L’Empire.

    Quand nous disons « l’Empire », nous ne parlons pas nécessairement d’une forme politique définie et précise, mais de la récupération de l’axialité impériale avec toutes ses prérogatives originelles, sans en exclure aucune.

    Il n’y a pas moyen de poser une alternative au monstre bureaucratique et technocratique du fédéralisme uniformisateur, sinon en faisant référence à une
    impulsion fondatrice et normative qui, au nom de l’Auctoritas et de l’Imperium, réponde aux exigences imposées par l’avènement inexorable de l’ère des espaces continentaux, du « Nomos » (ou ensemble des représentations culturelles) attaché à la situation actuelle et du « temps zéro », tout en garantissant et en exaltant toutes les spécificités de cette impulsion fondatrice.
    Comment ?
    Nous ne sommes pas nécessairement en train de proposer l’instauration d’un Empire proclamé comme tel, avec un Empereur en charge de notre avenir, mais plutôt la nécessité de suivre une ligne directrice à laquelle notre Fondation devrait se conformer, en vue de tracer, comme le fit Romulus, les limites d’un nouveau « Mundus » et d’instaurer un Ordre.
    Pour se préparer à cette entreprise, il est suffisant de se relier à nouveau au fleuve karstique qui coule depuis 476 après J.-C., lorsque le dernier empereur romain, Romulus Augustule, céda le trône à Odoacre, que nous connaissons comme Roi des Hérules, mais qui était en fait le chef de la tribu germanique détenant le secret des Runes, dont il était l’Odowahkr, mot que l’on peut traduire à peu près correctement par le « grand maître ». A partir de ce moment-là, à partir de ce legs, l’Imperium se poursuivit discrètement dans ce qui allait devenir l’Axe gibelin, liant indissolublement entre elles Rome et l’Allemagne, son aïeule protohistorique, et assumant, sur un mode nouveau, moins visible mais non moins solide, toutes les valeurs impériales qui, de Constantinople à Saint-Pétersbourg, de Vienne à Berlin, en passant par le Paris napoléonien, s’exprimèrent au cours des siècles.

    Assumer l’Axe impérial signifie donc connaître et reconnaître les liens préhistoriques et historiques entre les pôles européens concernés, de façon à pouvoir développer ceux-ci tout à la fois séparément et harmonieusement.
    D’une telle connaissance et d’une telle reconnaissance, dérive la capacité de prendre une position correcte, en rejetant les disputes particularistes des récurrents chauvinismes boutiquiers, qui servent les intérêts de chaque impérialisme, mais certainement pas ceux de notre puissance, de notre unité, de nos autonomies et de nos libertés.
    Une vision impériale et non impérialiste de l’Europe implique la capacité de rechercher sa puissance et d’en imaginer le développement à l’Est et au Sud, sans pour cela en perdre de vue le sens profond. Il faut partir de la conscience réelle des origines et de l’enracinement dans le Mythe, soit une démarche qui définit également les limites de l’identité et des affinités, reconnaît les contours de l’empathie et de l’antipathie, lesquels ne peuvent être arbitrairement déterminés sur la base des penchants d’un moi atomisé, mais seulement sur la base de ce qui est et devrait être.

    En partant de là, on peut tracer le contour et développer les solutions pour sortir de la crise contemporaine. Ce n’est pas le lieu de rappeler ces solutions -que nous avons déjà présentées à plusieurs reprises dans le détail et dont la mise à jour serait ici fastidieuse- mais plutôt celui de mettre au point les principes fondamentaux.
    Raisonner dans une optique impériale veut dire être centré sur un axe intérieur, qui doit rester toujours présent en nous, et, par conséquent, être animé de l’idée de la transcendance héroïque, mais pas seulement héroïque, de nos identités particulières, lesquelles se fondent sans se confondre, comme l’aurait dit Maître Eckhart. Elles le font par le haut, mais de là, à leur tour, elles nous forment, en faisant de nous des hommes, et non des individus dédiés à la consommation.
    Si ceci constitue le fondement, et nous n’en voyons sincèrement pas d’autre qui ne soit pas prisonnier du Chaos, nous savons également qu’« optique impériale » signifie aussi qualités, autonomie, liberté et « corpus ».

    Les qualités sont la marque de la personnalité. Toutes les identités, qu’elles soient sociales, culturelles, anthropologiques, claniques, tribales ou régionales, s’expriment en termes de qualités ou de prérogatives. Une logique impériale, contraire, de par sa nature, à l’uniformisation, garantit la défense de toutes les qualités particulières, et non seulement les garantit, mais aussi les exalte. Par conséquent, à ce niveau, le nationalisme comme le régionalisme deviennent compatibles, en plus d’être protégés. Ces qualités ne survivent évidemment pas dans l’acception plus diffuse qui en est donnée aujourd’hui, celle de la défense des privilèges économiques des uns par rapport aux autres, ou celle de la fuite en arrière dans l’Histoire, par peur de s’envoler, mais bien dans la confirmation régénérée qu’en donne la mentalité victorieuse de qui est sûr de soi, de ses Lares, de son devenir, un devenir qu’il écrit harmonieusement avec les autres tout en restant lui-même.
    La vision impériale est, d’autre part, la seule qui puisse garantir l’unité nationale, en une époque où l’Etat-nation est défunt, parce qu’elle fait, de cette unité nationale aujourd’hui à la dérive, un élément qui, en étant enraciné plutôt qu’institutionnalisé, n’a pas besoin d’être recollé pour tenir debout, ni d’être reconstruit comme un golem à l’aide de « codes de la nationalité ». Entre autres, dans l’ère post-jacobine, les régions, si l’on entend par là celles qui ont un passé et des qualités propres, et non des districts administratifs, peuvent elles aussi cohabiter tranquillement avec l’idée de Nation, sans se sentir niées par celle-ci et sans devoir nécessairement la nier. La carte de l’Europe « Völkische », telle que l’on a pu la dessiner au siècle dernier, sur la base d’une vision fondée sur l’essence et sur la conscience plutôt que sur les règlements, devient aujourd’hui compatible, de manière imprévue, avec la défense de la nationalité et avec l’orgueil de s’appartenir à soi-même. Dans la conscience impériale, chacun peut être représenté et reconnu à différents niveaux, qui ne s’élident pas ni ne s’opposent. Régionale, nationale et impériale, sont des dimensions différentes, qui se complètent les unes et les autres, y compris à l’intérieur de chacun d’entre nous.

    Une axialité intérieure permet de maintenir ensemble toutes les « verges du faisceau ». A ce niveau de conscience et de discipline, ne sert plus à rien le pullulement de codes, de règlements et d’interdictions qui se répètent sans cesse, dans la tentative impossible de maintenir ensemble les parties atomisées d’une civilisation en crise de sens.
    La logique assurant la cohésion de chaque partie avec l’ensemble est la même que celle qui unissait entre eux les « cives » de l’Empire : « à maximum de liberté, maximum de responsabilité ». Ce qui, immanquablement, garantit l’autonomie. Autonomie signifie, littéralement, se donner soi-même une loi, chose qui serait délétère et ruineuse, destinée à provoquer l’anarchie, en l’absence d’une connaissance et d’une adhésion à des principes, à des valeurs, à des hiérarchies éthiques et spirituelles dont cette loi donne une représentation correcte.
    Aujourd’hui pourtant, paradoxalement, sans autonomie, l’anarchie morale et l’injustice sont inévitables à tous les niveaux.
    En une époque d’« homologation », c’est-à-dire lorsque les lois ne proviennent plus du « Ius » et ne visent pas avant tout à assurer le Droit, mais se sont transformées en Actes de réglementation tendant à l’uniformité, il est évident qu’elles présentent souvent un risque pour les identités, les libertés et même les économies et les propriétés, ce sans rien produire d’autre qu’une forme de vivre ensemble précaire, artificielle, névrotique et angoissée. On ne peut répondre à cela que de deux manières : en allant progressivement et inexorablement vers une ruine totale, ou bien en s’organisant soi-même, localement, en tant que classe et catégorie sociale.
    L’idée impériale, non seulement conceptuellement, mais aussi historiquement, a favorisé, et ne pouvait pas ne pas favoriser, les autonomies pourvues de toutes leurs caractéristiques particulières : autonomies que l’impérialisme -en faisant violence au nom dont il est issu- entend au contraire réduire seulement à l’état de cellules uniformes, simples répliques d’un tout. L’idée impériale dicte en effet les orientations qui permettent de réaliser les organisations locales et catégorielles de façon organique et harmonisée, et non pas atomisée et atrophiée, comme c’est le cas dans le cadre de la Mondialisation. Dans ce domaine-là aussi, nous avons une série de propositions détaillées qui ont été exposées en d’autres lieux.

    Enfin, le « Corpus ». La société organique, à laquelle l’idéal impérial est étroitement lié, n’est pas composée d’individus et de masses, ou d’individus-masses, ni de classes sociales accumulées de manière informe et tirant leur force propre uniquement d’éléments néfastes évoqués dans un esprit négatif, mais de la propension et de la capacité à faire corps, d’où procèdent les Corporations et le Corporatisme, dont la signification exacte est le contraire de celle communément admise et qui a été imposée comme telle par ses adversaires.

    Etre soi, non comme une hypothèse que l’on construit à partir de soi -comme le suggèrent la théorie du genre et celle du code de la nationalité- mais bien plutôt comme une personnalité à la fois individuelle et étroitement connectée à son hérédité et à ses fonctions propres, interprétées non en un sens purement fonctionnel, mais comme parties d’une harmonie cosmique, voilà quelle est l’alternative à chaque forme de mercantilisme matérialiste réelle ou potentielle.
    L’idéal impérial ne peut pas ne pas s’articuler avec l’Imperium, l’Auctoritas, les Qualités et l’Autonomie, d’où il résulte un corps social conforme au sens littéral de Societas, c’est-à-dire un ensemble d’alliés et de participants à une Communauté organique de destin.
    Du haut en bas, des cercles de puissance à ceux de la production, du territorial au national, et jusqu’au continental, l’idéal impérial expose, propose et a la volonté d’imposer une alternative achevée et absolue.

    Tracer le contour d’un programme politique et législatif sur la base de ces préliminaires ne suffit pas, parce que nous vivons à une époque de dissociation, de post-démocratie et d’entrelacement de pouvoir et d’anarchie.
    Nous ne sommes plus au temps où la conquête de l’État donnait des pouvoirs qui permettaient de changer la société. Aujourd’hui, nous sommes dans une époque de pouvoirs confus et diffus, d’aires géographiques atomisées, d’individualismes sociaux qui s’étendent aux particularismes régionaux, d’égoïsmes de lobbies et économiques qui se mesurent aux pouvoirs forts en contournant les pouvoirs formels. Et, pour ceux qui ne jouent aucun rôle dans la société, c’est-à-dire pour la majorité, il reste les associations d’assistance et de consommateurs.
    Pour agir dans cette réalité, on ne peut absolument pas attendre d’achever une ascension électorale, mais on doit au contraire travailler dans le quotidien, sans hésitation aucune. C’est ce qu’il faut faire, toujours et partout, à tout niveau, en vue d’ordonner et d’organiser celui-ci, afin de créer un pouvoir à la fois autonome et centré, apte à résister aux pouvoirs uniformisateurs et liberticides. Cela, on ne peut le faire qu’en se considérant comme des « Unités impériales » et en se comportant en conséquence. Si l’idée impériale a été correctement acquise et métabolisée, c’est ce que l’on pourra qualifier d’« Empire invisible » qui sera notre épine dorsale et notre étoile polaire, et nous permettra d’agir partout. En traçant le sillon et en le défendant avec le glaive.

    Cela nous amène à traiter de la seconde exigence de notre époque : celle de notre forum intérieur. L’ère de l’homologation planétaire nuit aux libertés, les nie et les étouffe. Et elle le fait au nom de la liberté, voire au nom des libertés elles-mêmes.
    La liberté sexuelle et du « genre », à laquelle s’ajoute celle de la génétique, en dépit des intentions proclamées, tendent à homologuer et à moraliser les transgressions qui, toutefois, se révèlent être codifiées plutôt que libres ; dans le même temps, en les poussant à nier les identités génétiques mêmes et en ouvrant un champ de possibilités infinies, leurs mentors entendent couper chaque racine et chaque lien avec ce qui relève du domaine de la profondeur, que cela soit dans le cas d’une personne singulière ou dans celui de la communauté tout entière. Les enfants du progressisme libéral, qui étaient entrés en scène avec le slogan « Il est interdit d’interdire ! », sont en train, au contraire, d’interdire tout ce qui a toujours été (de l’éros à la cigarette, de boire de l’alcool à manger du porc), pour imposer à la place un projet mutant.
    Si l’on veut aller à l’essentiel, on se trouve là en face de la révolte de l’Utopie contre le Mythe, de la recherche, par l’informe tellurique, de sa revanche contre la Virilité olympienne et ce qu’elle représente, comme symbole et comme référence. Il s’agit là, pour le coup, d’un véritable « choc de civilisations » – le seul qui existe réellement – dont il faut absolument être conscient.
    Et l’Empire, quant à lui, est l’axe du Mythe et de la Virilité olympienne.

    « Le Mythe – nous rappelle Ernst Jünger dans Le Traité du Rebelle – n’est pas de l’histoire ancienne : il est une réalité intemporelle qui se répète dans l’Histoire ».
    C’est de là que nous devons partir, afin de changer le signe qui est aujourd’hui celui de l’Histoire.

    Toutefois, nous devons être conscients que nous vivons sous une dictature, et qu’il ne peut en être autrement dès lors que ceux qui mènent la danse cherchent de manière utopique à nier les lois du Cosmos.
    « La majorité, continue Jünger, peut agir dans la légalité tout en produisant de l’illégalité. (…) Les injustices peuvent se révéler de plus en plus féroces et devenir de véritables délits à l’encontre de groupes déterminés ».
    D’autre part, cette normalité présumée que l’on définit aujourd’hui comme « politiquement correcte », ne peut se tenir debout si elle n’identifie pas des « minorités différentes à persécuter : il va de soi que quiconque se distingue, d’un côté, par des qualités héréditaires, et, d’un autre, par le talent, ne pourra se soustraire à ce risque. »
    Qui se bat pour le respect de certaines règles, ainsi que pour la justice et la vérité, ne peut donc ignorer s’être engagé dans une lutte inégale, non seulement en ce qui concerne les règles du jeu, mais aussi parce que l’on y triche continuellement.
    Il est à la table de jeu et il ne peut pas ne pas perdre. Il peut faire des incursions rapides, fugitives et efficaces, mais ne peut tenir longtemps. Et s’il le fait, il doit savoir s’attendre à perdre la mise et, comme dans le If de Kipling, « recommencer du début une nouvelle fois, sans jamais faire cas de sa perte.
    La première liberté et la première autonomie, le premier pouvoir et la première puissance, consistent, par conséquent, à quitter la table de jeu. Ne pas dépendre, moralement, économiquement ou psychologiquement des nécessités induites par l’action du Léviathan, et ne pas se laisser hypnotiser par ses peurs est le seul et immanquable préliminaire à un acte libératoire et de refondation.
    La seule possibilité qu’ait le Rebelle impérial d’avoir l’avantage réside avant tout dans sa capacité à rester imperméable à toutes les flatteries et à toutes les menaces, de ne pas se perdre quand il se risque à des controverses, de ne pas se sentir attiré à parler la langue ou à accomplir les gestes de qui n’est pas comme lui.
    Il doit, tel un personnage augustéen, savoir être dans ce monde sans être de ce monde.

    Il lui faut, comme le suggère toujours Jünger, « faire retour à la forêt » ou, plus précisément et plus radicalement encore, réussir à être lui-même la forêt, ce alors qu’il est plongé au cœur de la ville.
    On ne peut pas faire retour à la forêt, et encore moins être la forêt elle-même, si l’on n’a pas récupéré ce que l’on a de fier en soi, si ne sont pas redécouvertes les racines qui permettent au tronc de se dresser tout droit.
    La première manifestation de l’Imperium – qui est une axialité intérieure avant tout autre chose- consiste justement à accepter que les choses se déroulent ainsi.

    Et c’est la raison pour laquelle la réponse impériale, qui sera d’une nature profondément populaire, naîtra sous la forme d’une réponse élitaire, mais provenant d’une élite ouverte, généreuse, qui se donne.
    Encore Jünger : « Il s’agira, par conséquent, d’élites aptes au combat pour une nouvelle liberté – un combat qui exige de grands sacrifices et également une
    interprétation conforme à la dignité de ces élites. »
    Celles-ci doivent par-dessus tout être conscientes que « si l’on ne se retourne pas vers le Mythe, on le rencontre de nouveau, le Mythe, quand le temps vacille sur ses fondations, sous le cauchemar d’un péril extrême. ».
    Ernst Jünger nous appelle également à être toujours actifs et présents : « La devise du Rebelle est Hic et Nunc » – le Rebelle étant l’homme d’une action libre et indépendante. »
    Hic et Nunc, ici et maintenant. Ces deux mots signifient Imperium et sont, si nous savons être à la hauteur, la garantie de notre liberté. Même si être libre, désormais, n’est plus un droit mais un devoir difficile, de moins en moins apprécié des gens, un engagement que nous devons assumer au moins par fidélité à nos aïeux et en pensant à nos descendants, à qui nous devons la restituer, la liberté, avec la dignité.

    Imperium, Hic et Nunc : pour assurer l’avenir des nôtres, de nos nations, de nos régions, de notre Europe, et pour être libres, comme les hommes de la forêt et les cavaliers errants.

    Gabriele Adinolfi (EurHope, 25 janvier 2017)

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  • Enracinement et mondialité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Dussouy, cueilli sur Metamag et consacré aux dynamiques contradictoires de l'enracinement et de la mondialité qui travaillent notre époque. Professeur émérite à l'Université de Bordeaux, Gérard Dussouy est l'auteur de plusieurs essais, dont Les théories de la mondialité (L'Harmattan, 2011) et Contre l'Europe de Bruxelles - Fonder un Etat européen (Tatamis, 2013).

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    Enracinement et mondialité : l’Europe entre nations et régions

    La notion d’enracinement ne va pas de soi, même si elle suggère l’attachement à un territoire, à des traditions ; enraciner voulant dire faire racine. C’est qu’elle n’implique pas la fixité, comme l’on peut être tenté de le penser, et comme le prouve l’expérience historique de plusieurs communautés humaines.

    Néanmoins, cette notion d’enracinement est mise en avant aujourd’hui. Et si elle soulève tant d’intérêt, c’est parce qu’elle répond à une évidente perte de repères. Celle que provoquent les mouvements, les flux ininterrompus, qui caractérisent la mondialité ; ce nouveau cadre de vie des humains. Et qui correspond à un changement radical, intervenu en quelques décennies.
    La mondialité est, en effet, le nouvel état du monde (celui qui résulte des différents processus de la mondialisation). Elle signifie que les individus et les peuples sont désormais tous inscrits dans un même monde connexe et synchrone, dans lequel la référence ultime ne semble plus être le local, mais le global. Dans lequel, le temps mondial absorbe toutes les temporalités régionales ou locales.

    Cette nouvelle donne suscite, à la fois, de plus en plus d’instabilité dans les activités humaines et de crispations identitaires ou sociales, et elle soulève nombre d’interrogations. Toutes celles qui se trouvent au cœur de la relation problématique entre la tendance forte à l’homogénéisation du monde et ses propres hétérogénéités (dont les enracinements). Et, à propos de laquelle, on risquera ici quelques hypothèses.

    La relativité de l’enracinement

    On peut définir l’enracinement comme un contexte de vie, un espace-temps individuel ou collectif marqué par un lieu précis, une histoire locale, des traditions, des métiers, des habitudes de consommation, d’alimentation, de comportement.
    Le village a pu être considéré comme l’idéal-type de l’enracinement. Symbolisé par son clocher, ou par son minaret en d’autres lieux, et marqué par le mythe du paysan-soldat. Ce qui n’est plus vrai suite à la révolution industrielle et à l’urbanisation des sociétés, facteurs de déracinement et d’uniformisation, à la fois.

    Aujourd’hui la transformation est largement accentuée avec la métropolisation du monde : l’interconnexion des capitales et des grandes villes fait qu’il existe souvent plus de liens entre elles qu’entre chacune d’elles et son propre arrière-pays. D’où, parfois, un sentiment d’abandon au sein des périphéries rurales (thème devenu récurrent en France).

    Mais l’espace-temps va au-delà de l’horizon villageois (région ou nation), comme il peut relever d’un contenu plus social que territorial (monde paysan ou monde ouvrier). Enfin, l’enracinement n’interdit pas des affiliations multiples. Dans tous les cas, son apport essentiel est qu’il fixe des repères de vie, et on pourrait dire presque, pour la vie.

    En contrepartie, l’enracinement génère nécessairement une vision du monde ethnocentrique. Tout individu ou tout groupement d’individus a une vision circulaire du monde qui l’entoure ; une vision autoréférentielle qui implique des perceptions faussées de l’environnement. C’est sans aucun doute là, le principal obstacle à la construction de l’Europe politique.

    Contrairement à l’étymologie même du terme, il existe une réelle dynamique de l’enracinement.

    D’abord, il n’est pas synonyme d’immobilité, et l’enracinement n’interdit pas l’échange, le déplacement. Le voyage est parfois le meilleur moyen d’apprécier ses racines. Quant à l’échange commercial, tant qu’il a été un échange de biens, et non pas un transfert de ressources financières ou technologiques, il était effectué entre des entités économiques enracinées.

    Ensuite, le déracinement lui-même n’implique pas, systématiquement, la perte des racines (l’éradication proprement dite). Il est à l’origine de nombreuses recontextualisations de vie qui s’accompagnent de ré-enracinements. On en veut pour preuve, les nombreuses Little Italy ou China Towns que l’on connaît dans le monde. A plus grande échelle, l’Argentine est comme une nation hispano-italienne, en tout cas cela y ressemble, installée en Amérique du Sud. Quant à Israël, quoique l’on puisse penser des conséquences géopolitiques de sa création, c’est une remarquable réussite de ré-enracinement, dans la terre des ancêtres après des siècles de dispersion. Mais la diaspora n’avait pas fait disparaître les racines culturelles des Juifs.

    De nos jours, la dynamique de l’enracinement est également la cause de la communautarisation des sociétés occidentales avec le ré-enracinement, au moins partiel, parce qu’il faut compter avec les phénomènes d’acculturation, des populations immigrées. En effet, partout dans le monde, les groupes qui migrent ont tendance à reconstruire leur histoire, et ils reconfigurent leur projet ethnique.

    La mondialité en cause : culture globale ou communautarisation globale ?

    C’est tout le problème aujourd’hui : les flux humains, matériels, et immatériels de la mondialité défient toutes les formes d’enracinement. Que peut-on en attendre ?

    Une culture globale ? Dans le monde connexe et synchrone qui est désormais le nôtre, une impression de mouvement perpétuel s’est installée. L’interchangeabilité des lieux, des espaces-temps individuels et collectifs  semble presque être devenu la normalité. Par exemple, jeunes migrants africains en Europe contre retraités européens en Afrique du Nord.

    Et la numérisation des sociétés vient ajouter au phénomène éminemment territorial du déracinement/ré-enracinement, celui, a-territorial, des multiples communautés virtuelles qui vient modifier les affiliations, les allégeances et les solidarités traditionnelles.

    Tout cela s’accompagne-t-il de l’émergence d’une culture globale ?

    Des sociologues la perçoivent déjà. Ils la comprennent comme une symbiose des cultures particulières. Ou, et c’est quelque peu différent, comme une hybridation d’éléments culturels nationaux, étrangers les uns aux autres et déformés, et d’éléments sans identité, apparus dans la sphère des réseaux sociaux, qui se transmettraient instantanément d’un lieu à un autre, grâce aux supports médiatiques et numériques.

    En quelque sorte, la culture globale serait, ni plus ni moins que, la culture du technocosme (à savoir, le système technologique, médiatique et numérique) qui enveloppe toutes les activités humaines et qui tend à se substituer au milieu naturel (avec toutes les rétroactions négatives que l’on connaît). Mais aussi, par la même occasion, des communautés virtuelles qui mettent en réseau des individus éparpillés dans le monde, lesquels peuvent finir par entretenir entre eux plus de relations qu’avec leurs proches ou leurs voisins immédiats. Il est clair que l’enracinement local, régional ou national n’est plus alors prioritaire.

    Pour des sociologues comme R. Robertson, la culture globale est devenue l’ensemble humain au sein duquel le processus de l’intégration mondiale a pris son autonomie, en raison de l’expansion et de l’intensification des flux culturels globaux. Mais, cet avis ne fait pas l’unanimité parce que le rétrécissement du monde et le raccourcissement du temps créent aussi de la promiscuité entre les groupes humains qui entendent, malgré tout, conserver leurs particularités.

    Une communautarisation globale ?

    Et si la proximité, au lieu de promouvoir l’unité, malgré une globalisation relative des cultures, entraîne alors une communautarisation générale des sociétés concernées, à quoi peut-on s’attendre ?

    Pour les plus optimistes, cette communautarisation pourrait prendre la forme d’une « fédération de diasporas », soit la cohabitation globale des groupes humains installés et déplacés. La rencontre des migrations de masse et des médias électroniques sans frontières, en permettant la restructuration des identités à distance, en d’autres lieux, serait ainsi fondatrice d’une ethnicité moderne qui caractériserait les nouvelles sociétés multicultures ; celle de la coexistence de différents espaces ou « lieux post-nationaux ». Et ce n’est plus là seulement une hypothèse d’école (propre au sociologue indien Appaduraï), puisque le Premier ministre canadien Trudeau a fait sienne la doctrine de l’Etat postnational qui fait qu’au Canada, à ses yeux, les communautés d’origine anglaise ou française n’ont pas plus de droits à faire valoir, du fait de leur antécédence, que les nouvelles communautés d’immigrés. Il est d’ailleurs fort possible que son successeur à la tête de la Confédération soit bientôt un ressortissant de la minorité indienne.

    Néanmoins, conséquemment à ses travaux sur les minorités indiennes (Sikhs notamment) installées aux USA, Appaduraï, avec amertume, mais aussi avec lucidité et honnêteté, a fini par constater que la globalisation culturelle pouvait exacerber les différences. Et que d’une manière générale, il fallait admettre l’aspect schizophrène qu’engendre l’hybridité de la culture de ceux qui depuis les pays du sud viennent s’installer en Occident. Ce qui paraît une évidence quand on parcourt les banlieues françaises.

    La fin des luttes hégémoniques ?

    Une culture globale ou une « fédération de diaspora », l’une ou l’autre, peut-elle mettre fin aux luttes hégémoniques ? Rien n’est moins sûr. L’historien et sociologue I. Wallenstein (d’obédience néo-marxiste et par conséquent plus politiquement correct que S. Huntington) a qualifié l’arrière-plan culturel de la mondialisation de « champ de bataille du système-monde moderne ». Pour lui, comme pour beaucoup d’autres, le champ culturel demeure un espace structuré par les rapports de puissances. Il reste le terrain des luttes hégémoniques entre les communautés les mieux enracinées et les mieux technologiquement équipées. Dès lors, bien que l’avantage aille encore aux Etats-Unis, il est certain qu’il n’y aura pas d’occidentalisation du monde, contrairement à ce qui a été proclamé tous ces derniers temps. Comme l’a parfaitement dit le philosophe américain R. Rorty, la pensée moderne et la théorie des droits de l’homme qui va avec n’auront jamais été, prises ensemble, qu’une originalité de la bourgeoisie libérale occidentale.

    Car, ce n’est pas maintenant qu’elle est devenue la première puissance économique mondiale, en attendant d’accéder à ce même rang militaire et technologique, à l’horizon 2050, comme vient de le promettre son premier dirigeant, que la Chine va renoncer à ses valeurs et à ses croyances. Bien au contraire, leur retour est à l’ordre du jour. Il va de soi que la culture chinoise, enracinée dans une masse plus que milliardaire, et portée par sa diaspora, va compter de plus en plus dans la structuration mentale de la mondialité.

    Nul doute aussi que la mouvance musulmane, malgré ses divisions, en raison de la multitude qu’elle représente et du profond enracinement de la religion qui l’anime doit être considérée, également, comme l’un des principaux challengers de la lutte hégémonique. L’instrumentalisation diplomatique de l’islam par la Turquie, mais elle n’est pas la seule, atteste déjà de ce potentiel.

    Trois hypothèses pour une relation problématique

    Le changement du contexte mondial, dans ses dimensions technologique et démographique/migratoire surtout, complique sérieusement la compréhension de la nature de l’enracinement. Pour évaluer ce dont il pourrait advenir de cette notion, relative en soi comme on l’a vu, il nous faut faire appel à la relation contradictionnelle qui existe entre la tendance à l’homogénéisation du monde avec toutes ses hétérogénéités (c’est-à-dire, comme on l’a dit tous ses enracinements), et qui ouvre trois hypothèses :
    celle de l’homogénéisation forte ou complète.
    Elle est la négation des enracinements, car dans cette hypothèse, le local ne serait plus que du global localisé. On en revient à cette culture globale générée par les technologies de la communication, mais aussi par l’uniformisation des styles de vie tournés vers la consommation et le confort.

    Mais, le global peut lui-même être imprégné d’éléments locaux globalisés. Il n’est donc pas incompatible avec la présence d’une hégémonie culturelle. Une sorte de global sous hégémonie. Comme cela en a l’allure depuis 1945, et surtout depuis la fin de l’Urss, en raison de la domination écrasante des USA en matière de productions culturelles. Cependant, comme on l’a noté, dans quelques décennies, cela pourrait être le tour de la Chine tant il est vrai que l’influence culturelle est la continuité de la puissance.
    celle de l’hétérogénéité triomphante et de la fragmentation planétaire.

    Pour différentes causes, la tendance à l’homogénéisation du monde, et à son intégration, par le marché notamment, pourrait s’interrompre. Car rien n’est irréversible. On peut en percevoir trois, parmi d’autres moins évidentes : les catastrophes naturelles engendrées par le changement climatique ; les crises économiques et sociales alors que l’économie mondiale est annoncée, par beaucoup d’économistes, se diriger vers un état stationnaire (insuffisant pour satisfaire à tous les besoins grandissants de la population mondiale en pleine croissance) ; les guerres démographiques structurelles. Trois causes qui peuvent s’avérer, bien entendu, interactives.

    Si de tels événements devaient survenir ou de tels phénomènes s’enclencher, il est sûr que l’on assisterait à une fragmentation du système mondial sous l’effet d’un vaste mouvement de reterritorialisation, de renationalisation, de relocalisation…et finalement de ré-enracinement.

    Ce nouveau désordre mondial, engendré par les luttes pour la survie, tous les groupements humains, toutes les nations, ne seraient pas en mesure de le surmonter. Parmi les entités politiques les mieux en situation d’y parvenir, on trouverait celles dotées d’un fort mythomoteur (complexe de symboles, de valeurs partagées, de styles et de genre de vie), selon la terminologie du sociologue anglais Anthony Smith. On pense ici au Japon dont le mythomoteur a survécu (et la nation japonaise avec lui) aux avanies subies depuis 1945, malgré la crise d’identité de sa jeunesse, et en dépit d’un déclin démographique prononcé.
    Mais le chaos aggraverait les inégalités et les crispations identitaires seraient, pour la plupart, sans apporter de solution, tant les unités reterritorialisées seraient faibles.

    En Europe, dans cette hypothèse comme dans la première, c’est la fin des modèles nationaux qui est annoncée. Et que l’on constate déjà, en raison du dépassement structurel des États concernés et de la décomposition de leur nation (dénatalité, vieillissement, communautarisation).

    Dès lors, entre l’homogénéisation de la culture mondiale, probablement sous hégémonie, destructrice des identités, et la dispersion régressive ou mortelle dans le chaos, une voie de salut existe du côté de la mise en place de nouveaux cadres politiques à la mesure des défis inventoriés. En recherche de sécurité et de régulation, fondés sur des affinités culturelles et/ou civilisationnelles, ces cadres seront nécessairement plurinationaux. Ce qui, inéluctablement, renvoi à la thématique du fédéralisme.

    En effet, face aux réalités de la géopolitique mondiale, et en présence de la diversité culturelle européenne, le seul recours réside dans la restauration du politique grâce à l’ancrage de sa verticalité dans les réalités historiques et locales européennes. Il s’agit de construire l’Europe par le haut et par le bas, de façon simultanée, et d’édifier des institutions à forte réflexivité collective, c’est-à-dire en mesure de s’auto-corriger (en jouant de la subsidiarité, dans un sens comme dans l’autre). Malheureusement, on n’en est pas là ! Malgré le constat d’impuissance, la logique du chacun pour soi l’emporte, jusqu’à engendrer de pathétiques querelles d’Européens.

    La question de fond demeure toujours la même : les Européens ont-ils conscience d’avoir des intérêts vitaux communs, et sont-ils prêts à s’organiser en conséquence ? Ou bien, considèrent-ils qu’ils peuvent s’en sortir, chaque État-nation ou chaque État-région, chacun de son côté, et sauver ce qui lui reste de prospérité et d’identité? Ou bien encore les Européens sont-ils résignés à leur autodissolution, ou sont-ils prêts à se replier dans des isolats au sein même de leur propre Etat. L’avenir donnera la réponse !

    Gérard Dussouy (Metamag, 12 novembre 2017)

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  • Le régionalisme, un recours possible pour les peuples européens ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Eric Werner, cueilli dans le n°102 d'Antipresse, lettre d'information de Slobodan Despot, dont la nouvelle formule sera disponible en début d'année 2018. L'auteur s'interroge sur ce que révèle l'affaire de Catalogne quant à l'état de la démocratie européenne

    Auteur d'un essai essentiel, L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1998 puis Xénia, 2015), Eric Werner vient de publier dernièrement Un air de guerre (Xénia, 2017).

     

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    La Catalogne comme recours

    L’affaire catalane est plus que simplement anecdotique. Elle dit ce qu’est aujourd’hui l’Europe, à quoi, de plus en plus, elle ressemble. Elle jette également une lumière crue sur les nouvelles lignes de fracture qui traversent aujourd’hui le continent. Car elles sont nouvelles.

    L’ancienne ligne de fracture était celle opposant l’UE dans son ensemble aux différents Etats membres. D’un côté, l’UE s’employant à élargir indéfiniment son champ de compétence, de l’autre l’ensemble des Etats membres résistant tant bien que mal aux pressions de la Commission européenne visant à les déposséder de leur souveraineté. Je dis tant bien que mal, car la Commission européenne ne cessait de pousser ses pions dans tous les domaines, alors que les Etats, de leur côté, ne cessaient de perdre du terrain. Mais ils n’en continuaient pas moins à résister. Jusqu’au moment, il n’y a pas très longtemps, en réalité, où ils ont arrêté de le faire. Car c’est un fait: ils sont aujourd’hui tous acquis à l’idée suivant laquelle la meilleure chose qui pourrait advenir aujourd’hui à l’Europe serait l’érection d’un super-Etat européen. (Les Etats est-européens sont, il est vrai, sur une ligne différente.)

    Le souverainisme subsiste encore, peut-être, mais n’est plus aujourd’hui défendu que par des partis-parias situés sur les marges de l’échiquier politique, partis dont les chances d’accéder un jour au pouvoir sont très exactement égales à zéro. Les partis aujourd’hui au pouvoir sont tous acquis au point de vue fédéraliste: point de vue selon lequel les Etats historiques sont appelés à se transformer en simples courroies de transmission du futur super-Etat européen.

    En sorte que l’ancienne ligne de fracture entre la Commission européenne et les Etats membres de l’UE n’existe tout simplement plus aujourd’hui. Ils tirent d’ailleurs tous à la même corde. Tous sont pour l’ouverture des marchés, les traités Ceta et Fatca, les délocalisations, les droits de l’homme, l’islam, le multiculturalisme, les quotas, les délits imprescriptibles, etc. On est très au-delà ici d’un simple projet fédéraliste. L’objectif est clairement de remodeler de fond en comble l’ancienne société européenne, afin de l’articuler aux exigences de la globalisation: celle-ci étant comprise comme point d’aboutissement de l’économie concurrentielle. C’est la Commission européenne qui fixe ici la route. Du passé faisons table rase. Les Etats suivent avec plus ou moins d’enthousiasme, mais toute espèce de résistance a aujourd’hui disparu. En revanche d’autres lignes de fracture sont récemment apparues. Et l’on retrouve ici la Catalogne.

    Historiquement parlant, l’Union européenne s’est toujours montrée plutôt bien disposée à l’égard du régionalisme. Elle-même n’a pas ménagé ses efforts pour favoriser toutes sortes de développements dans ce domaine. On pense en particulier à la charte européenne sur les langues régionales, mais pas seulement. Il y a aussi les eurorégions, théoriquement crées pour faciliter les relations transfrontalières. On en dénombrerait aujourd’hui 90 [1]. Bien d’autres projets de ce genre ont vu le jour ces dernières décennies, drainant de grandes quantités d'argent (les fameux «fonds communautaires») [2]. L’objectif, en réalité, était de miner l’Etat-nation de l’intérieur afin de le vider progressivement de sa substance et de le transformer ainsi en coquille vide. Il fallait aussi le prendre en tenailles: au-dessus, Bruxelles et son super-Etat en gestation, en-dessous, à l’échelon infraétatique, les régions avides d’autonomie, certaines, même, d’indépendance. La Catalogne, par exemple.

    En choisissant de se rendre à Bruxelles après sa récente destitution par le pouvoir central espagnol, le président catalan pensait peut-être que l’Union européenne le soutiendrait dans son bras-de-fer avec Madrid. Comme on le sait, cet espoir s’est révélé vain. L’Union européenne a fait savoir au président catalan que sa présence à Bruxelles «n’était pas la bienvenue». Les portes du Parlement européen lui sont restées fermées. Les deux cents maires catalans qui ont débarqué quelques jours plus tard à Bruxelles pour lui apporter leur soutien ont été traités avec le même mépris. C’est normal. Le régionalisme a pu, à un moment donné, servir d’instrument à la technostructure européenne dans sa lutte contre les anciens Etats-nations. Mais comme l’affaire catalane le montre justement, cette lutte appartient aujourd’hui au passé.

    La ligne de fracture s’est dès lors déplacée. Elle ne passe plus aujourd’hui entre Bruxelles et les Etats-nations, mais entre Bruxelles et les Etats-nations d’une part et les populations elles-mêmes de l’autre. Celles-ci sont désormais en première ligne. Les gens hésitent, tâtonnent, se battent avec les moyens du bord. Mais se battent. Se battent, en fait, pour leur propre survie. L’Etat-nation fonctionnait autrefois comme bouclier protecteur. Non seulement il ne remplit plus aujourd’hui ce rôle protecteur, mais il est devenu lui-même une menace pour les populations. Le régionalisme apparaît dès lors comme un recours possible. On le voit en Catalogne, mais aussi en Corse, en Bretagne, en Lombardie, en Flandre, ailleurs encore.

    A certains égards, c’est la démocratie qui est en jeu: «La colère, le sentiment de dépossession démocratique qui minent la confiance entre les peuples et leurs gouvernants incitent à imaginer de nouveaux liens démocratiques, plus proches, plus vivants» [3]. Les gouvernants répondent en invoquant l’Etat de droit (qu’eux-mêmes ne respectent guère, pourtant: ils en fournissent des preuves tous les jours). Mais l’Etat de droit est une chose, la démocratie une autre.

    Eric Werner (Antipresse, 12 novembre 2017)

    Notes

    1- Wikipedia, article «Euroregions».

    2- Sur l’ensemble de ce dipositif, cf. Pierre Hillard, Minorités et régionalismes dans l’Europe Fédérale des Régions, François-Xavier de Guibert, 2002, en particulier pp. 233-274.

    3- Natacha Polony, «Du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», Le Figaro, 28-29 octobre 2017, p. 15.

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  • Afrique, le cauchemar démographique...

    Les éditions L'Æncre, diffusée par Francephi, viennent de publier Afrique : le cauchemar démographique, les actes du colloque organisé le 21 mai 2015 par l’Institut de Géopolitique des Populations, présidé par Yves-Marie Laulan. On trouvera notamment dans cette ouvrage des textes de Bernard Lugan, de Jean-Paul Gourévitch ou encore d'Aristide Leucate...

     

    Laulan_Afrique-cauchemar-demographique.jpg

    " Hier l’Afrique fascinait, aujourd’hui elle effraie, moins pour ce qu’elle est que ce pour ce qu’elle pourrait devenir. Car voici qu’en ce début du XXIe siècle, un nouveau péril terrifiant vient assombrir encore davantage l’avenir de ce malheureux continent que l’on pourrait croire décidément voué au malheur.

    C’est une explosion démographique à venir, inouïe, sans précédent dans l’histoire du monde. Ce phénomène, selon les prévisions des Nations unies, pourrait porter la population africaine au chiffre véritablement hallucinant de 4,2 milliards de personnes, soit autour de 47 % de la population mondiale prévue pour la fin de ce siècle. En 2100, un homme sur deux sur la planète vivrait en Afrique !

    Cela alors que l’Afrique n’est, de toute évidence, nullement préparée à affronter ce prodigieux défi démographique. En conséquence, l’Afrique, naguère sous-peuplée, va-t-elle devenir un continent maudit, surpeuplé et affamé, livré à tous les déchirements que la misère extrême peut engendrer. Sans compter que son déversoir naturel serait inévitablement une Europe d’abord réticente, puis un jour peut-être, hostile.

    Les migrations d’aujourd’hui qui font couler tant d’encre ne seraient alors qu’un mince ruisselet par rapport au tsunami démographique monstrueux qui pourrait venir des côtes de l’Afrique. Que faire ? "

    Intervenants :

    Général Lamina Cissé, ancien ministre, ancien représentant des Nations unies
    Denis Garnier, président de Démographie responsable
    Jean-Paul Gourévitch, consultant international sur l’Afrique et les migrations
    Yves-Marie Laulan, économiste et démographe, président de l’Institut de Géopolitique des Populations
    Bernard Lugan, spécialiste de l’Afrique
    Aristide Leucate, docteur en droit, diplômé de l’Académie internationale de droit (Tunis), membre de Partenariat Eurafrique
    Bernard Moisy, ESCP, agrégé hors classe d’économie et de gestion
    Philippe de Parseval, auteur de La Dérive du continent africain
    Philippe Randa, Écrivain, éditeur

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  • L'empire de la terre contre l'empire de la mer...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Hervé Juvin sur TV Libertés consacré au retour de l'opposition entre l'empire de la terre, le bloc eurasiatique, et l'empire de la mer, l'Amérique... Économiste de formation, Hervé Juvin a publié des essais essentiels tels que Le renversement du monde (Gallimard, 2010), La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013) ou, dernièrement, Le gouvernement du désir (Gallimard, 2016), qui font de lui un des penseurs les plus pertinents du moment.

     

     

                                        

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  • La Bretagne, une terre d'hommes enracinés et aventureux...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous « Être Breton », une vidéo de l'Institut Iliade consacré à l'identité bretonne...

     

                                  

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