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djihadisme - Page 7

  • Feu sur la désinformation... (23)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • 1 :  Djihadistes français, double effet loupe.

    • 2 :  Le zapping d’I-Média.

    • 3 :  CSA, faux ami des parents.
    • 4 :  Notre nouvelle rubrique, Bobard total.
    • 5 :  Dassault ou le silence du Figaro.
    • 6 :  Sciences Po: école de journalisme, école de plagiat.

     

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  • « François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain »...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à l'engagement de la France dans la guerre contre l'Etat islamique d'Irak et du Levant...

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    « François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain »

    La France a participé à la première guerre du Golfe, refusé de s’engager dans la deuxième, et se retrouve maintenant à bombarder les positions de l’État islamique en Irak. Incohérence ?

    Alain Marsaud, ancien juge antiterroriste, dénonce une grave « erreur ». Dominique de Villepin parle d’une intervention « absurde et dangereuse ». « La France n’a pas à caracoler au premier rang », a dit Jean-Pierre Chevènement. Ils ont raison. En décidant de bombarder l’Irak, mettant ainsi l’opinion devant le fait accompli, François Hollande s’est délibérément placé sous commandement américain pour engager la France dans un nouveau bourbier. Il s’est lancé dans une guerre dont la France n’a pas les moyens, avec des forces armées déjà engagées sur trois autres théâtres d’opérations (Mali, Centrafrique, Afghanistan), et de surcroît rendues exsangues par les coupes budgétaires, contre un ennemi mal défini, pour une durée indéterminée (au minimum trois ans, disent les Américains), guerre qui menace de s’étendre à tout le Proche-Orient, et dans laquelle les intérêts de la France ne sont pas en jeu (la lutte contre le terrorisme passe d’abord par la sécurité intérieure).

    Le pire, c’est qu’il n’y a aucune vision derrière ce choix. Ni vision stratégique ni vision politique, seulement le souci de détourner l’attention des problèmes intérieurs en se livrant à un nouvel exercice de reptation pour complaire au calife Obama, tout en prônant « l’unité nationale », argument mystificateur par excellence (« l’Union sacrée » de 1914 l’était déjà). Le seul résultat est de faire de notre pays la cible n° 1 des djihadistes de l’État islamique. La première victime en a été le malheureux Hervé Gourdel, dont on se garde de signaler que les (presque) derniers mots, prononcés quelques instants avant d’être décapité, ont été les suivants : « Hollande, tu as trop suivi Obama. »

    La « coalition internationale » visant à intervenir contre les combattants de l’État islamique semble se réduire comme peau de chagrin. Votre analyse ?

    Les Américains veulent aujourd’hui qu’on les aide à éponger les dégâts qu’ils ont causés. Ils appellent leurs vassaux à stopper un Golem qu’ils ont eux-mêmes créé, avec l’espoir de revenir comme force de libération dans un pays qu’ils avaient quitté comme force d’occupation après l’avoir saigné à blanc (un million et demi de morts). Pour quels résultats ? La Turquie, qui ne veut pas voir le Kurdistan devenir un État indépendant, a d’abord refusé de rejoindre la « coalition », alors même qu’elle est membre de l’OTAN. L’Égypte et les États du Maghreb étaient absents de la « Conférence sur la paix et la sécurité en Irak » tenue le 15 septembre à Paris. À l’exception de la Jordanie, tous les pays arabes se tiennent plus ou moins en retrait. Les pays européens traînent eux-mêmes les pieds pour s’associer aux Etats-Unis. On veut, par ailleurs, frapper les terroristes de l’EI tout en soutenant l’opposition à Bachar el-Assad, et en tenant à l’écart la Russie et l’Iran, alors que ces deux pays sont indispensables dans la guerre contre le djihadisme. Là est l’incohérence.

    La France a prétendu limiter ses frappes à l’Irak. Comme cela serait-il possible, puisque les bases arrière de l’EI se trouvent dans l’est de la Syrie ? Les États-Unis ont, d’ailleurs, déjà commencé à bombarder ce pays, en violation flagrante du droit international. À Paris comme à Washington, on assure aussi qu’on n’enverra pas de troupes au sol. Qui peut le croire ? Comme l’a dit Michel Goya, « des frappes aériennes seules n’ont jamais vaincu personne ». Alors qui fera le travail ? L’armée irakienne ? Les Américains ont essayé de la reconstituer entre 2003 et 2011, mais face aux combattants de l’EI, elle s’est débandée en trois mois.

    Quid de l’ennemi ?

    Dans l’expression « État islamique », désormais « Daech », le premier terme est encore plus problématique que le second, puisqu’il ne s’agit ni d’un État, ni d’un gouvernement, ni même d’une organisation, mais d’un ensemble de réseaux dissidents d’Al-Qaïda, comprenant en leur sein plusieurs milliers de combattants étrangers, non seulement des Européens, mais aussi des Libyens, des Saoudiens, des Tchétchènes et des Chinois musulmans (Ouïghours).

    De cet État islamique, Laurent Fabius dit qu’il « n’est mû que par la haine ». Cela peut faire plaisir à entendre, mais quand on a dit cela, on n’a encore rien dit. Toute guerre qui se veut moralement « juste » vise à déshumaniser ses adversaires, rendant ainsi légitime le recours à tous les moyens contre eux. Quand on prétend se battre au nom de l’humanité, on ne peut que placer ses ennemis hors humanité. Il n’est, dès lors, plus seulement question de les vaincre, mais de les « éradiquer », à la façon dont le Bien doit triompher du Mal. Les terroristes sont aujourd’hui l’équivalent moderne de ce qu’étaient autrefois les pirates : des hors-la-loi. Le problème, c’est que du même coup, on perd de vue le sens politique de la guerre. Or, c’est bien un problème politique qu’il s’agit de régler. Quels sont les objectifs politiques de cette guerre ? Et en quoi correspondent-ils aux intérêts français ? Aucune réponse à ces questions n’a, pour l’instant, été donnée.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 28 septembre 2014)

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  • Les contradictions de l'intervention occidentale en Irak...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 18 septembre 2014 et consacrée à l'intervention occidentale en Irak contre l'Etat islamique en Irak et au Levant...

     


    Éric Zemmour : "Les contradictions de l... par rtl-fr

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  • Le djihad, une chance pour la France ?...

     Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Bernard Huyghe, cueilli sur Atlantico et consacré à l'impact du djihadisme sur les populations musulmanes en France...

     

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    Atlantico : Selon la presse britannique, deux apprentis djihadistes, Yusuf Sarwar et Mohammed Ahmed, ont commandé les livres "L’Islam pour les nuls" et "Le Coran pour les nuls" sur Amazon avant de quitter Birmingham pour aller combattre en Syrie, en mai dernier. Cette attitude n'est-elle pas surprenante venant d'aspirants djihadistes ? 

    François-Bernard Huyghe : Le profil typique du djihadiste n’existe pas. Il y a aussi bien des djihadistes, issus d’un milieu très musulman, très fondamentaliste, qui fréquentent les madrasas (école théologique musulmane ndlr), et ceux, notamment en Occident, qui subissent des retournements brusques et des conversions très rapides.

    Généralement, ceux là ont adopté un comportement "occidental", ils possèdent des voitures, s’habillent comme tout le monde et vont en boîte, ou au contraire, se caractérisent par un parcours complètement chaotique, liée à la délinquance ou à la criminalité.

    Il n’est pas étonnant, qu’il y ait de nombreux cas de conversions brusques s’opérant avec un faible niveau doctrinal, dans la mesure où ce que recherchent ces djihadistes néophytes, c'est une occasion d’employer une énergie agressive qui bouillonne en eux ou une rationalisation, la formalisation d’un désir de revanche envers le système qui persécute leurs frères musulmans. Ils ont alors besoin d’action. La justification théologique, quant à elle, viendra toujours après et n’a pas besoin d’être élaborée. Enfin, beaucoup de ceux qui ont envie d’aller faire le dhijad, ne sont pas forcement des intellectuels, qui ont une grande habitude de la lecture, ce qui ne veut pas dire pour autant que les intellectuels ne fassent pas le djihad. 

    S'agit-il d'un signe de modernité et de massification du djihadisme ?

    Il est certain que les technologies modernes, en particulier de communication, facilitent le processus de radicalisation pour ceux qui ont une prédisposition. Dans le cheminement des islamistes passés au djihad, beaucoup racontent comment ils ont assisté à la télévision aux persécutions de leurs "frères" palestiniens, tchétchènes ou sunnites d’Irak.

    Au cours de ce processus, leur indignation et leur besoin de vengeance montent en flèche. Ils se rendent aussi sur Internet, où ils fréquentent des forums spécialisés. La radicalisation s’opère très vite. En effet, l’information mondialisée renforce l’identification entre musulmans, les plus radicaux apparaissant alors à leurs yeux comme des héros positifs, qui accomplissent des exploits, qu’il s’agisse de combattants d’Aqmi ou de shebabs somaliens. Ce processus d’identification, de basculement, cette montée de l’hostilité se fait beaucoup plus vite qu’auparavant et il n’y a pas besoin d’apprendre l’arabe littéraire à la bibliothèque ou de réciter le Coran pour en arriver là.

    Ce profil est-il courant, que dire de sa progression ?

    Oui. Il est difficile d’avoir des statistiques fiables en la matière, mais nous observons de nombreux profils de djihadistes, tout à fait intégrés dans la modernité. Le rap constitue notamment un détail parmi d’autres. Evidemment, tous les rappeurs ne sont pas extrémistes, mais beaucoup de djihadistes ont en commun d’aimer le rap, certains allant même jusqu’à le chanter. Ils aiment la musique très contemporaine, portent des vêtements très branchés et adorent les voitures modernes. Bref, ils ont des profils d’adolescent de chez nous. D’ailleurs, beaucoup de familles sont souvent étonnées de découvrir leurs proches ou leurs enfants passer au djihadisme violent, alors qu’ils voulaient dans le même temps être à la mode pour plaire aux filles, passaient la journée à regarder des clips à la télévision ou à écouter de la musique. Chez les convertis, on retrouve souvent ce genre profils, à l’image de Mohamed Merah, qui avait une petite amie, aimait les bagnoles de sport et allait en boite. 

    Quelles sont alors les raisons de cette radicalisation et de cet engagement terroriste ?

    On sait depuis 20 ans qu’il est impossible de dresser un profil psycho-sociologique type des gens qui passent au terrorisme. Mais il y a quand même des facteurs préférentiels, comme la colère ou le ressentiment, surtout chez les convertis rapides notamment attachés à la cause palestinienne, qui font des raccourcis sur les musulmans oppressés par "l’ennemi sioniste".

    Le besoin de gloire joue aussi. Le djihad n’est pas une lutte pour les timides mais pour des jeunes gens qui ont de la vitalité, qui expriment un besoin d’être chef, de dominer les autres, d’avoir du prestige.

    Certains passent notamment de la délinquance à l’islamisme, où ils expriment des qualités positives de courage et de prise de risques dans le cadre d’une guerre idéologique. Malgré leur us et coutumes occidentales, ils promeuvent une idéologie anti-occidentale, en adoptant des codes contradictoires et archaïques.

    Une identité religieuse affirmée et régulière n’est-elle pas un rempart contre la radicalisation islamiste ?

    Ce n’est pas la solution non plus. Evidemment, on peut tenir un discours politiquement correct en disant que la vraie religion éloigne de la violence du dhijad, que s’il y avait de bons imams et une bonne formation religieuse, les jeunes musulmans seraient des citoyens modèles. Hélas, il y a aussi le risque des imams extrémistes, l’initiation musulmane n’étant pas aussi structurée comme celle de l’église catholique. Les exemples extraordinaires en Angleterre de prêcheurs extrémistes, sont à ce propos particulièrement frappants. Vous pouvez ainsi aussi bien vous radicaliser tout seul devant votre ordinateur qu’en allant avec des "frères" à la mosquée où vous rencontrerez un prêcheur qui a beaucoup de prestige, surtout s’il a été en Afghanistan. S’il vaut mieux que les jeunes musulmans aient une formation religieuse sérieuse, en aucun cas, cela n’est une garantie contre les dérives islamistes.

    Ces nouveaux profils augmentent-ils le degré la de la menace et rendent-ils la lutte anti-terroriste dans les pays occidentaux plus difficile ?

    Oui, bien sûr. Parce que s’ils se mettent à se faire pousser la barbe, à porter la djellabah et à fréquenter des mosquées islamistes, il est relativement facile pour la police de mettre de caméras au bout de la rue, d’essayer d’infiltrer et d’avoir des indicateurs, de repérer les éléments radicaux et de les filer. Concernant ces conversion très rapides, je ne crois pas en revanche au loup solitaire complet, ce gars qui devant son écran pète un plomb un jour et se s’en va mourir pour le djihad afin de conquérir sa place au paradis. Quand vous vous battez, vous avez le plus souvent des camarades et des soutiens. Il vous faut au moins des complices pour fournir les armes et pour vous encourager. On parle alors du "djihad des copains", où des petits groupes pas du tout structurés peuvent pendre des initiatives, commencent à s’auto-exciter, à se former en cellules autonomes et à passer très vite à l’action violente.

    D’autant plus que les basculements sont brusques et les milieux d’incubation plus restreints. Par définition, ils sont donc plus difficiles à détecter. Souvent, la famille et l’environnement social ne repèrent même pas les changements. Vous avez ceux qui en font des tonnes, qui portent des t-shirt Ben Laden, qui hurlent des versets du Coran pour que tout le monde soit au courant, et ceux qui ne vont pas apparemment changer leur mode de vie ou tenir un discours religieux et moralisateur à leur entourage ou leurs amis. Ce sont des profils psychologiques un peu schizophrènes entre un monde de la modernité et de la consommation, et un monde de la mystique et de la conversion. En tout cas ils sont beaucoup moins repérables pour les autorités.

    François-Bernard Huyghe (Atlantico, 26 août 2014)

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  • Proche-Orient : incohérence et cynisme de la politique américaine...

    Vous pouvez écouter ci-dessous un court entretien accordé par Alain de Benoist à la radio francophone iranienne IRIB le 13 août 2014 à propos des frappes américaines contre les positions des miliciens djihadistes de l'Etat islamique d'Irak et du Levant. Il souligne l'incohérence et le cynisme de la politique américaine et le suivisme de la France...

     

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  • Sous le regard des barbares...

     Nous reproduisons ci-dessous un texte remarquable de Philippe Grasset, cueilli sur son site De Defensa et consacré à la barbarie post-moderne, promue par le système...

    Philippe Grasset a récemment publié La Grâce de l'Histoire (Mols, 2014).

     

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    Sous le regard des barbares

    J’avoue que les scènes diverses dont nous ont accablé les vidéos tournés par les islamistes, ou pseudo-islamistes, du groupe ISIS ou pseudo-ISIS (ou EIIL) lancé à l’assaut de l’antique Bagdad passé à la tronçonneuse du très clean Petraeus, scènes en Irak ou bien en Syrie qui le sait, ces scènes d’exécutions sommaires de pauvres hères ligotés, aveuglés par un bandeau, à genoux et psalmodiant une phrase ou l’autre de contrition forcée, tout cela fait passer le frisson de la barbarie. C’est la barbarie même qui s’exprime, primaire, sauvage, furieuse quoiqu’habitée étrangement et terriblement d’une détermination sans faille. C’est l’évidence même et on ne peut se le dissimuler une seconde ; c’est-à-dire qu’aucun parti-pris, aucun engagement ne devraient le dissimuler, et, de même, aucun parti-pris ni aucun engagement ne devraient bénéficier de la condamnation et du dégoût qui viennent à l’esprit et soulèvent le cœur. Pourtant il y a à voir à cet égard... Nous débusquons le monstre-Système, assez aisément si l’on veut bien, par ce simple détail de sémantique : dans la description de la chose affreuse, le qualificatif de “médiéval” vient souvent sous la plume de tel ou tel commentateur devenu par contraste immensément vertueux, le plus souvent anglo-saxon et immensément civilisé, nous signifiant qu’il s’agit de pratiques d’un passé sombre et obscur. Aussitôt un voile se déchire car ce qualificatif-là, n’est-ce pas, c’est déjà prendre parti en nous disant qu’une telle barbarie est “médiévale”, qu’elle nous vient d’une autre époque, et que notre aujourd’hui, notre modernité dissolue dans notre postmodernité, ont repoussé ce spectre à jamais. Passons outre mais voyons voir, tout de même...

    Ainsi procède-t-on, par amalgame de l’image, du cliché, du lieu absolument commun. Ce qui ne cesse de me stupéfier, c’est à quel point les régiments de la postmodernité, les défenseurs du Système, sont quitte de toute réelle humanité dans la façon dont il profite de chaque ignominie atroce de leur temps (on verra quelques lignes plus loin), pour faire la promotion de leur temps. Ces gens, pauvres hères de l’esprit, sont totalement, c’est-à-dire d’une façon totalitaire en eux-mêmes, les serviteurs-esclaves du Système.

    Cela me conduit à ce jugement après avoir vu telle ou telle vidéo de tel ou tel islamiste vidant son chargeur de Kalachnikov dans le dos de ses prisonniers ligotés, bâillonnés, aveuglés et mis à genou : non seulement cet acte n’a aucune signification directe d’un point de vue général et symbolique, – c’est-à-dire qu’il ne condamne pas rétrospectivement le temps “médiéval”, – mais au contraire sa signification indirecte nous conduit à condamner leur temps, c’est-à-dire notre temps présent. La cause est simple, et vite entendue. On sait bien que cette barbarie soi-disant “médiévale” a été réveillée, ranimée, relancée, rééquipée, remise à neuf pour les besoins de la cause, je veux dire de leur cause dont on voudrait nous faire croire que c’est notre cause, – et plus encore, que c’est une cause, quelque chose qui mérite le nom de “cause” ... On sait bien par quels chemins tortueux et vicieux ont été rallumés les incendies artificiels des extrémismes religieux. (On se reportera à l’inoxydable Brzezinski, circa 1979, préparant le soulèvement afghan à grands coups de manœuvres de la CIA – voir le 31 juillet 2005.) Je conclus à ce point avant d’en venir à l’essentiel : cette barbarie primaire sur vidéo, passé le frisson qu’on a dit, n’amène en moi aucune considération générale directe, notamment concernant la soi-disant sauvagerie “médiévale” de retour parmi nous. Cette barbarie primaire, qui est un montage-Système de notre modernité-postmodernité, voulu par le Système, ne nous ramène pas au temps “médiéval” ; elle nous conduit au contraire directement dans notre temps de la modernité-postmodernité. L’exécuteur à la Kalachnikov, souscripteur d’un ISIS/EIIL couvert de dollars fraîchement imprimés par la Fed, doit tout à leur temps ; il est notre rejeton, notre héritage, notre monstre accouché de nous. Il nous désigne, il nous dénonce, immanquablement. Ainsi passons-nous, comme subrepticement, de leur barbarie primaire à notre barbarie intérieure.

    Effectivement, l’image ne ment pas, comme la plume qui en fait le commentaire ; elle est la marque indubitable de l’acte monstrueux, et ainsi la barbarie primaire des bourreaux allumés de ISIS/EIIL est absolument et indirectement enfantée par notre “barbarie intérieure”... L’expression utilisée vient du titre de l’essai de Jean-François Mattei, La barbarie intérieure, qui porte comme précieux sous-titre : Essai sur l’immonde moderne  (1), – et cela nous permet de passer à l’essentiel. Mattei définit ici et là, dans son essai, ce qu’il entend par “barbarie intérieure :

    « L’histoire de l’Europe, et plus tard du monde, montrera dès lors l’étrange cadeau d’une barbarie qui, vaincue par la civilisation qu’elle avait terrassée, s’est retrouvée transposée au cœur de la civilisation elle-même... [...] Tout s’est passé comme si la barbarie, sous l’influence du monde intérieur du christianisme, s’était progressivement défaite de sa violence extérieure pour se convertir en une cruauté, ou une insensibilité, intérieure. Après l’avènement du christianisme, le barbare, ce ne sera plus l’Autre, à l’extérieur du “limes” impérial, mais le civilisé Meme, à l’intérieur de la conscience...»

    Comme complément de cette citation pour définir la barbarie intérieure, qui est évidemment celle de l’indifférence du monde, la barbarie posée comme par défaut au-dedans de soi et qu’on cherche à écarter, comme on chasse une mouche agaçante dans le chef des terribles cruautés du monde, qui deviennent la transmutation et l’expression opérationnelle de notre propre cruauté intérieure, sans que nous nous en avisions, par indifférence tout cela, – on ajoutera cette observation de Robert Redeker (2) : «La domination de l’indifférence est l’une des grandes singularités de notre modernité tardive. Tout dans notre société concourt à fabriquer à échelle industrielle cet être sans souci que j’appelle l’indifférent. L’histoire – comme d’ailleurs les paysages, œuvre de dizaines de générations de paysans – n’est plus pour lui qu’un spectacle. Il n’est plus lié à l’histoire nationale et aux paysages par aucun lien charnel...»

    Cette barbarie intérieure de l’être indifférent, le “dernier homme” qu’annonçait Nietzsche, n’a pas de meilleur champ d’expérimentation aujourd’hui que l’Ukraine... (La piètre basse-cour de l’“histoire-tout-court” de notre temps métahistorique où se sont réfugiés la plupart ces sapiens n’est pas une simple image. Elle existe, en pleine agitation, aisément identifiable, sur une carte, selon des références bien déterminées, en latitude et longitude. Elle est bien un “champ d’expérimentation” actif, où le Système s’essaie à créer des nouveaux modes d’humanité, où leur bassesse peut s’étaler dans son “bourbier” selon le terme employé par Platon autant que par Plotin, pour rester dans cette veine sublime... Mattei encore : «L’image traditionnelle du “bourbier” [...] est récurrente chez Platon, du Phédon à La République, avant de devenir dans le néoplatonisme, en premier lieu chez Plotin. Mais Platon lui associe, dans un des textes fondateurs de sa philosophie, au septième livre de La République, le terme de “barbare”, indiquant par là que le fond de l’âme humaine, aussi opaque qu’un bourbier, est impropre à la lumière. La barbarie, – “la matière, le bloc, la fange, la géhenne”, murmure la Bouche d’Ombre chez Hugo, – se trouve ainsi dès l’origine liée au destin de l’âme dans la philosophie...»)

    Ce “champ d’expérimentation actif” de la barbarie, initié et opérationnalisé par le Système, se trouve bien en Ukraine aujourd’hui, parallèlement à l’Irak, mais d’une façon particulière et si spécifique que la chose mérite un développement spécifique et particulier. Le concept de “barbarie intérieure” y trouvera tous ses composants et toute son universalité, sa globalisation d’époque, de l’époque de la globalisation. On connaît, – je parle de ceux qui veulent connaître, question d’en faire l’effort, – la situation en Ukraine... L’armée ukrainienne et ses multiples appendices tordus, vicieux, mafieux et mercenaires, continue à pilonner les villes et les villages du Donbass, au nom d’un pouvoir qui est un rassemblement d’êtres dissolus et déstructurés, dont l’âme est “aussi opaque qu’un bourbier”, sans honneur ni parole, faisant assaut de mensonges inconscients et de vitupérations haineuses, tremblants de n’être pas assez du parti de la fange et de l’ombre pour satisfaire leurs maîtres dont ils ignorent qu’il n’y en a qu’un, – et qu’il se nomme le Système, la Bête tentaculaire.

    La vérité de la situation en Ukraine est suffisamment manifestée, attestée, ouverte à notre intelligence et à notre intuition par les moyens clandestins du système de la communication lorsqu’il est de bon usage par une résistance antiSystème. Nous avons tous les témoignages qu’il faut, par les outils triomphants de la communication de la modernité, ses vidéos, ses photos, ses témoignages, ses interviews, etc. Par conséquent, nous disposons de l’évidence d’une campagne dite “de terreur”, où la force qui en a la charge pilonne sans trop de risque les bâtiments civils, les institutions publiques, les appartements anonymes comme les hôpitaux, sans discrimination, presque avec une sorte de souci d’égalité. Je ne dis pas que c’est un carnage monstrueux, que c’est un génocide sans égal, parce qu’en vérité je n’en sais rien ; mais l’on peut aisément savoir, par un simple effort civique de recherche facile de la connaissance, qu’il s’agit de ce que je décris, d’une campagne de terreur contre des populations civiles.

    On comprendra, je l’espère avec ferveur, que ce n’est, de ma part, prendre parti en aucune façon. Je suis en-dehors de ce débat et je dirais même au-dessus, parce que j’estime que ce débat n’est pas le vrai, que la seule chose qui importe pour garder une certaine hauteur est d’identifier ce qui est antiSystème dans telle ou telle occurrence, dans autant de crises, d’incidents, d’affrontements, pour soutenir le phénomène le temps qui importe, dans ce qui devient pour un instant ou pour un moment sa lutte à mort contre le Système. Il n’y a donc rien de politique (encore moins d’idéologique) dans ce cas comme dans mon propos, d’aucun parti, d’aucune chapelle, rien du tout. Ce qui m’importe, dans l’occurrence décrite, c’est bien de débusquer le barbare fondamental, le barbare de notre barbarie intérieure... Et il se trouve justement, dans ce cas, que ce n’est pas le bidasse ukrainien, le tordu de Pravy Sektor ni le psychopathe d’Akademi (ex-Blackstone) ou l’agent un peu exalté d’un service polonais quelconque, tous ceux qu’on retrouve dans la campagne “anti-terroriste” de terreur. Le barbare intérieur, c’est nous, ici, dans nos pays.

    L’Ukraine est champ d’expérimentation à plus d’un titre, et il l’est précisément et particulièrement dans le champ du déni de la vérité d’une situation, par automatisme, par fermeture, par enfermement dans “la matière, le bloc, la fange, la géhenne”, – ce champ bienheureux de l’indifférence où l’on ne voit rien. Il s’agit donc bien de notre barbarie intérieure. Jusqu’à l’Ukraine-2014, il n’existait aucune occurrence où les communautés dites-civilisées, chez nous, dans cet Occident du monde abîmé dans son hybris, aient si manifestement, si extraordinairement et consciencieusement, mais aussi en toute inconscience je crois, si complètement ignoré ce qui se passe sous leur regard vide.

    On sait comment fonctionne notre système de la communication. Des événements font l’objet de toute son attention, pour telle ou telle raison qu’importe, d’autres sont complètement ignorés. L’Ukraine (ce qu’on désigne comme la “crise ukrainienne”, à partir de son premier paroxysme de février 2014) fait partie de la première catégorie. L’événement a donc été suivi, commenté, chargé d’intenses significations antagonistes, disséqué, disputé, etc. On connaît la musique, avec les affrontements de communication qui vont avec, les polémiques, les narrative, les montages, etc., d’une façon désormais connue entre les tenants du Système (la presse-Système et le reste) et la résistance antiSystème, tout cela à la lumière encore éclatante des précédents libyens et syriens. Mais avec l’Ukraine, il s’est passé quelque chose de singulier. A partir d’un certain moment, disons vers quelque part début-avril ou courant-avril, lorsque la crise s’est concentrée sur la campagne “anti-terroriste” lancée par Kiev contrer le Sud-Est du pays, tout a semblé se contracter, se replier, se refermer et se fermer ; les lumières se sont éteintes, du côté du Système, la salle s’est vidée, les portes se sont fermées, les cadenas ont claqué. A part quelques éclats ici ou là qu’il était difficile d’ignorer, quelque événement politique ou “militaire” plus imposant que les autres, tout s’est passé dans le paysage de la communication comme s’il n’y avait plus rien à voir, comme si l’animation furieuse de la crise et des affrontements s’était dissipée en un lendemain silencieux de fin de saison, puis transformée en une immobilité sans accident ni relief particulier. Soudain, en Ukraine, il n’y eut plus rien, ou tout comme.

    Je crois bien que c’est la première fois qu’un tel phénomène se produit, que le Système, sans doute lassé d’avoir à argumenter pour imposer sa narrative, peut-être craignant finalement de n’y pas parvenir, rompt brusquement en disant en toute simplicité : “voilà, c’est fini”. Je ne parle pas ici d’efficacité, d’une opération d’étouffement de la communication réussie, etc., car l’on sait bien que ce n’est pas le cas, que, dans tous les réseaux antiSystème, sous la plume des commentateurs du domaine, chez les résistants, leurs relais divers, au contraire la description et la dénonciation de la vérité de la situation se sont poursuivies et se poursuivent toujours. Je parle du Système et de ses gros moyens en général, et, par conséquent, de tous ceux qui le suivent et qui obtempèrent, en le sachant un peu ou en l’ignorant souvent, qu’importe. Tous ceux-là se sont brusquement fermés à la vérité du monde qu’ils discutaient et contestaient l’instant d’avant, ils l’ont écartée, ils lui ont tourné le dos avec une telle effronterie et une telle impudence, et une telle inconscience d’ailleurs, que l’on en reste coi. Certes, et encore une fois, ils n’ont pas réussi à anéantir cette vérité du monde, mais ce n’est nullement ce qu’il m’importe de montrer et je crois même que ce n’était pas leur but ... Ce qui m’importe ici, c’est bien la soudaine et éclatante démonstration de la barbarie intérieure qui les habite, qui est bien le caractère de notre temps, car cette ignorance soudaine, ce basculement dans l’indifférence, et cela quel que soit votre parti et le parti-pris, – voilà bien la parfaite illustration de ce que l’on nomme “barbarie intérieure”. Elle n’a pas les mains tachées de sang, cette barbarie, elle n’a pas le regard furieux du bourreau ni la Kalachnikov au canon fumant, mais à tout prendre on comprend que je dise qu’elle est beaucoup plus effrayante, qu’elle est d’une terrible horreur d’un degré au-delà et en-dessous. Cette barbarie intérieure est celle du regard vide et tourné vers soi, et encore plus vide de ce fait, celle des âmes désagrégées dans l’entropie du nihilisme.

    ... Par conséquent, ils ignorent, ces barbares intérieurs à eux-mêmes, que les événements se sont poursuivis et se poursuivent. D’ailleurs, est-il bien nécessaire de les en instruire ? Poser la question, n’est-ce pas, on croirait que c’est déjà y répondre. (Mon Dieu, combien est lourde cette sorte de quasi-certitude, combien nous attriste cette désagrégation, cet éparpillement d’eux-mêmes de nos contemporains, de nos compagnons égarés et leurrés.) ... Mais qu’y puis-je enfin, – toute cette aventure, toute cette quête épuisante et sublime, toutes ces vérités que nous devons affronter, toute ces angoisses que nous devons supporter et dont je connais la cause, tout cela est hors des standards de leur “histoire-tout-court”, de leur petite histoire ripolinée et blanchie par les maîtres-mandarins de nos établissements-Système qui réécrivent la vérité du monde. Tout cela est de l’ordre de la métahistoire, et il faut leur annoncer avec la précaution nécessaire qu’on prend pour les âmes fragiles et fangeuses, et déjà dissoutes, qu’ils ont déjà perdu et qu’ils doivent songer à changer de parti, comme ils font en général dans cette sorte de situation... (Car au fond ils ne sont pas mauvais, comme on le sait bien depuis Plotin, mais simplement trop faible pour échapper à l’attraction du Système, aux tentacules de la Matière déchaînée.)

    On leur dira également, et avec autant de précaution, que si l’on s’élève un peu l’air devient assez éclatant de lumière pour constater que les événements sont si rapides, si emportés et si fous, dans le tourbillon de l’histoire transformée en métahistoire, qu’à cet instant vous pouvez croire que tout est possible, jusqu’à l’effondrement du monde-Système, jusqu’à la Chute... Nous y sommes. Il faudra bien qu’ils nous y rejoignent.

    Philippe Grasset (De Defensa, 19 juin 2014)

    Notes

    1). La barbarie intérieure –Essai sur l’immonde moderne, de Jean-François Mattéi, Quadrige/PUF, Paris, 3ème édition 2006. (Première édition publiée en 1999. La troisième édition comporte notamment une “préface à la 3ème édition” inédite.)

    2). Déjà citées dans nos colonnes (le 14 juin 2014), ces déclarations de Robert Redeker sont extraites d’Eléments, avril-juin 2014.

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