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amérique - Page 8

  • L'Europe ne pourra se faire que contre les Etats-Unis !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux États-Unis et à leur place de grande puissance...

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    L'Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis !

    Après la chute du Mur de Berlin, les États-Unis sont devenus une « hyperpuissance ». Où en est aujourd’hui la puissante Amérique, entre crises financières et guerres erratiques ?

    Le débat sur le « déclin américain » a été lancé aux États-Unis dès la fin des années 1980, par Paul Kennedy, dont le livre (Naissance et déclin des grandes puissances) est aujourd’hui célèbre dans le monde entier. Beaucoup de ceux qui partagent son point de vue raisonnent à partir de l’adage selon lequel « tout Empire périra ». Les États-Unis n’ont pourtant jamais créé un véritable Empire, mais une zone d’influence, ce qui n’est pas la même chose. Les alliés y sont considérés comme des vassaux, les ennemis comme des figures du Mal (le dernier en date étant Vladimir Poutine). Ces dernières années, la montée en puissance des pays émergents, à commencer par la Chine, le bilan catastrophique des guerres en Irak et en Afghanistan, l’affaiblissement du système du dollar, aujourd’hui ouvertement contesté par les Chinois et les Russes, l’accumulation depuis Reagan de déficits d’une ampleur encore jamais vue, voire l’évolution démographique (la population d’origine européenne ne représente déjà plus qu’une minorité des naissances), ont donné une certaine crédibilité à cette thèse. Cela dit, les États-Unis sont encore la principale puissance du monde, d’autant que la mondialisation crée un environnement favorable au développement de leur « soft power », théorisé en 1990 par Joseph Nye dans Bound to Lead.

    Le fait que l’Amérique du Nord soit la seule nation au monde à avoir vu le jour à la suite d’un génocide peut-il expliquer sa psychologie si spécifique et l’idée que certains Américains puissent se faire de cette « destinée particulière » ?

    J’ai plutôt l’impression que c’est, à l’inverse, cette psychologie qui explique l’extermination méthodique des Indiens. La mentalité américaine est marquée par une conception économique et commerciale du monde, par l’omniprésence des valeurs bibliques et par l’optimisme technicien. Les États-Unis ont une histoire courte, qui se confond avec celle de la modernité ; la civilisation américaine est une civilisation qui se déploie dans l’espace plus qu’elle ne se déploie dans le temps. Au cours de leur brève histoire, les États-Unis n’ont connu qu’un seul grand modèle politique, pratiquement inchangé depuis les origines – d’où leur conformisme (Céline, en 1925, parlait de la « platitude accablante de l’esprit USA »). La pensée des Pères fondateurs est pour l’essentiel inspirée de la philosophie des Lumières, qui implique le contractualisme, le langage des droits et la croyance au progrès. Christopher Lasch dit à juste titre « qu’aux États-Unis, la suppression des racines a toujours été perçue comme la condition essentielle à l’augmentation des libertés ». Les États-Unis sont nés d’une volonté de rupture avec l’Europe. Tocqueville écrivait : « Les passions qui agitent les Américains sont des passions commerciales, non des passions politiques. Ils transportent dans la politique les habitudes du négoce ». La « démocratie en Amérique » n’est que le règne d’une oligarchie financière.

    Mais les premiers immigrants entendaient aussi créer une société nouvelle qui serait susceptible de régénérer l’humanité entière. Ils ont voulu fonder une nouvelle Terre promise qui pourrait devenir le modèle d’une République universelle. Ce thème biblique, qui est au centre de la pensée puritaine, revient comme un véritable leitmotiv dans toute l’histoire des États-Unis. Il constitue le fondement de la « religion civile » et de l’« exceptionnalisme » américains. Dès 1823, James Monroe avait placé sous le signe de la Providence la première doctrine américaine en matière de politique étrangère. Interventionnistes ou isolationnistes, pratiquement tous ses successeurs adopteront la même démarche. Et c’est aussi la théologie puritaine du « Covenant » qui inspire la doctrine de la « destinée manifeste » (Manifest Destiny) énoncée par John O’Sullivan en 1839 : « La nation d’entre les nations est destinée à manifester à l’humanité l’excellence des principes divins […] C’est pour cette divine mission auprès des nations du monde… que l’Amérique a été choisie ». Autrement dit, si Dieu a choisi de favoriser les Américains, ceux-ci ont du même coup le droit de convertir les autres peuples à leur façon d’exister, qui est nécessairement la meilleure.

    Les « relations internationales » ne signifient alors rien d’autre que la diffusion à l’échelle planétaire du mode de vie américain. Représentant le modèle à la perfection, les Américains n’ont pas besoin de connaître les autres. C’est aux autres d’adopter leur façon de faire. On ne peut s’étonner, dans ces conditions, que les déboires rencontrés par les États-Unis dans leur politique extérieure résultent si souvent de leur incapacité à imaginer que d’autres peuples puissent penser différemment d’eux. En fait, pour beaucoup d’Américains, le monde extérieur (le « rest of the world ») n’existe tout simplement pas, ou plutôt il n’existe que pour autant qu’il s’américanise, condition nécessaire pour qu’il devienne compréhensible.

    Le plus frappant chez les Américains, c’est leur incontestable capacité de rebond…

    Cette capacité de rebond s’explique à la fois par le fait que les Américains n’ont pas d’états d’âme sur la valeur de leur modèle, par l’omniprésence de la violence dans leur culture, et aussi par le fait qu’ils n’ont pas subi au XXe siècle les abominables saignées qu’ont subies les Européens. Les États-Unis ont eu 117.000 morts pendant la Première Guerre mondiale (1,7 million pour la France), 418.000 morts pendant la Deuxième (au moins neuf millions pour l’Allemagne), environ 40.000 au Vietnam, soit au total moins que les pertes humaines enregistrées lors la guerre de Sécession. Les États-Unis ne doivent pas être sous-estimés, non seulement parce que leurs moyens restent considérables, mais parce qu’ils n’ont pas été vidés de leur énergie. Il n’en reste pas moins que, de même que les États-Unis sont nés d’un refus de l’Europe, l’Europe ne pourra se faire que contre les États-Unis.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 21 juillet 2014)

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  • Alstom, le symbole d'une trahison !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré l'affaire Alstom. Quand ceux qui sont chargés de défendre l'intérêt général trahissent leur pays...

     

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    Alstom. Le symbole d'une trahison

    L'affaire Alstom, ce qu'il faudra bien appeler le scandale Alstom, n'a été que le dernier en date d'une suite d'abandons où l'Etat a laissé les fleurons de l'industrie française partir aux mains non seulement de la spéculation boursière à courte vue, mais, plus grave, aux mains des Etats étrangers pour qui la France est devenue une terre de conquête, pour qui aussi l'Etat à la française, hérité du Front populaire et du Conseil national de la résistance, est devenu le monstre à abattre. De quelle trahison Alstom est-il le symbole? De celle de la haute administration française qui en cet âge du capitalisme financier triomphant, a oublié les valeurs de ce que l'on nommait jadis le service public. Un certain nombre de ceux qui avaient suivi avant les années 1970 la formation classique des futurs fonctionnaires d'un certain grade (Science-Po, section service public, puis Ecole Nationale d'Administration) nous demandent d'exprimer leur écœurement. C'est aussi le nôtre. A cette époque, l'on pensait vraiment qu'il existait un Etat au service duquel il convenait de se mettre. Certains, il est vrai, quittaient très tôt l'administration pour « entrer dans le privé » (ce qui se disait pantoufler), ou pour faire de la politique. Mais l'essentiel des promotions acceptait des carrière souvent obscures, mal rémunérées, avec le sens chevillé au corps de servir l'intérêt général. Les « anciens élèves de l'Ena » de l'époque n'y trouvaient pas matière à se vanter, car ils savaient que ce même besoin de servir l'intérêt général animait – et anime encore- des millions de fonctionnaires de moindre grade, dans tous les corps de l'Etat, civils et militaires.

    Les choses ont bien changé lorsque, sous la pression d'une idéologie venue tout droit de l'Amérique du Big business, l'ensemble de la société française a commencé à considérer que les agents publics étaient inutiles. Il fallait, au niveau de la haute administration, quitter celle-ci très vite pour se mettre au service des entreprises. Le mal avait commencé au niveau de l'inspection générale des finances. Celui qui dans ce « grand corps » avait accepté un peu plus longtemps qu'un an de faire un métier pour lequel la collectivité le rémunérait, c'est-à-dire inspecter les finances, fut très vite considéré, selon la phrase honteuse de Jacques Séguéla, comme ayant raté sa vie. Il fallait impérativement entrer dans la banque avant quarante puis bientôt avant trente ans.

    Le mal s'est étendu à tous les corps de l'Etat, concernant tout au moins les hauts fonctionnaires. L'opinion éclairée a considéré que ne restaient au service dudit Etat que ceux incapables de faire autre chose. Plus subtilement, ceux qui ne voulaient pas abandonner le statut de la fonction publique tout en se mettant au service des affaires ont choisi de se faire recruter dans les cabinets ministériels. Là, soumis aux pressions des lobbies de toutes sortes, et pour accélérer leur carrière, ils ont conseillé à des ministres qui pour la plupart ne comprenaient rien aux enjeux, d'appliquer des politiques ou de prendre des mesures individuelles qui n'avaient plus de service public que le nom.

     

    La dernière en date d'une suite d'abandons

    L'affaire Alstom, ce qu'il faudra bien appeler le scandale Alstom, n'a été que la dernière en date d'une suite d'abandons où l'Etat a laissé les fleurons de l'industrie française partir aux mains non seulement de la spéculation boursière à courte vue, mais, plus grave, aux mains des Etats étrangers pour qui la France est devenue une terre de conquête, pour qui aussi l'Etat à la française, hérité du Front populaire et du Conseil national de la résistance, est devenu le monstre à abattre.

    Dans cette affaire Alstom, certains observateurs ont mis en cause la responsabilité d'une chargée de mission interministérielle qui au lieu d'exercer cette mission, n'a rien trouvé mieux que de se mettre au service d'une entreprise étrangère pour qui s'installer en France consiste à absorber ce qui dans son secteur restait d'ingénieurs et de travailleurs au service de l'économie française. Mais les premiers responsables ont été les fonctionnaires supérieurs à la nouvelle mode, qui n'ont cessé d'expliquer aux ministres, de droite et de gauche, que l'Etat ne devait plus exercer de responsabilité, ni dans l'industrie ni même dans ce que l'ex-Commissariat général au Plan (que Dieu ait ses cendres) appelait jadis les stratégies industrielles. Bruxelles y pourvoirait et, s'il ne le faisait pas, ce n'en serait que mieux pour la prospérité de l'économie.

    On voit ce qu'il en est aujourd'hui. Partout dans le monde, pays développés, pays émergents et même pays en (sous) développement, le besoin de grandes stratégies industrielles et scientifiques,s'appuyant sur des atouts nationaux ou régionaux puissants, se fait sentir. Partout dans le monde le besoin de cadres non seulement compétents mais intègres, est souligné. La République française, qui avait pu jadis, au moins dans certains domaines, donner l'exemple des solutions nécessaires, offre dorénavant l'exemple d'un chien rentrant queue basse dans sa niche à la première injonction de son maître. (1)

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 21 juin 2014)

    Note :

    (1) Certains pourront nous opposer: "Mais de quoi vous plaignez-vous ? Le compromis auquel le gouvernement est parvenu avec General Electric préserve les intérêts de la France..."
    Encore faut-il appeler un chat un chat : même si avec ce compromis, on est très loin de l'intention première du patron d'Alstom Patrick Kron, qui avait fait voter par son conseil d'administration, le 29 avril, la vente de sa branche énergie (70% de son chiffre d'affaires) à son ami Jeff Immelt, patron de GE, il n'en reste pas moins que les alliances décidées sont détenues à 50-50 entre GE et Alstom... Et si dans la concession sur le nucléaire, GE a proposé de créer une coentreprise 50/50 sur les turbines à vapeur pour le nucléaire (les Arabelle) dans laquelle l'Etat français disposerait d'actions préférentielles avec droit de veto, ainsi que la propriété intellectuelle de cette technologie, il faut bien voir que pour le reste de l'activité d'Alstom dans l'énergie thermique - les turbines à vapeur utilisées dans les centrales à charbon et les centrales à gaz à cycle combinée, les turbines à gaz, les alternateurs, etc. -, GE récupère tout. Dans le lot, en particulier, le trésor d'Alstom : la base installée des équipements du français génératrice de lucratifs services... Tout le monde se console en se disant : si l'Etat n'était pas intervenu, ce serait pire...
    Finalement, à quoi a-t-on assisté avec Alstom ? : à la mise en lumière de ce problème de fond récurrent, celui de l'incapacité de la France à faire émerger des investisseurs nationaux (voire européens) sur des enjeux aussi stratégiques.

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  • Désastres à l'américaine...

     

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bertrand Renouvin, cueilli sur son blog et consacré aux guerres scélérates menées par l'Amérique depuis cinquante ans et qui ont immanquablement conduit à des désastres. Le dernier exemple en date est celui de l'Irak...

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    Désastres à l'américaine

    Après la chute de Fallouja en janvier, la prise de Mossoul et Tikrit à la mi-juin reporte tout à coup l’attention sur l’Irak. Il ne s’agit pas seulement d’une succession d’opérations djihadistes bien menées mais d’un soulèvement général des tribus sunnites marginalisées par les autorités de la capitale. Plus que le gouvernement irakien, ce sont les Américains qu’il faut accuser : ce sont eux qui ont fabriqué le système des communautés ethniques et confessionnelles aujourd’hui effondré.

     

    Ce nouvel échec de la guerre à l’américaine et de la diplomatie des Etats-Unis devrait faire réfléchir les Etats nationaux qui s’abritent derrière l’Otan et les peuples ou les partis qui regardent avec sympathie les envoyés de Washington. Je sais que les mises en garde ne pèsent guère face à des agents qui utilisent sans le moindre scrupule l’intimidation et la corruption. Mais il faut tout de même rappeler aux jeunes générations, en Europe et ailleurs, les causes et les conséquences des échecs américains car il n’est pas impossible que de nouvelles élites décident, un jour ou l’autre, de refuser les voies prescrites par les Etats-Unis.

    Il y a eu le Vietnam. A la suite d’une guerre mal comprise et mal conduite, en dépit des bombardements massifs et du recours aux armes chimiques, le Vietnam et le Cambodge ont été conquis par des communistes qui ont installé des dictatures ici implacables et là génocidaires.

    Il y a eu, en 1999,  la guerre d’agression contre le Kosovo. Au cours de cette prétendue « guerre morale », les frappes aériennes de l’Otan sur la Serbie et le Monténégro n’ont pas permis d’unifier le pays et de régler les conflits entre ses habitants. Nul ne s’intéresse aux crimes commis par les extrémistes de l’UCK (1) et aux débris de projectiles à l’uranium appauvri qui provoquent et provoqueront d’innombrables cancers sur des terrains contaminés à jamais.

    Il y a eu la guerre d’Irak entre 2003 et 2011. Menée sans l’accord des Nations unies, cette guerre a fait plus d’un million de morts et provoqué l’exil de deux millions d’Irakiens ; les Etats-Unis ont dépensé 4 000 milliards de dollars pour aboutir, onze ans plus tard, à une catastrophe sans fin prévisible.

    Il y a eu la guerre de Libye. Menée par les néo-conservateurs français et britanniques avec l’accord et l’aide des Américains, elle a provoqué hors du mandat des Nations unies la chute d’une dictature et laissé le pays s’engager dans un processus de décomposition qui menace les pays voisins.

    Il y a la guerre d’Afghanistan. Elle va entrer dans une nouvelle phase après le retrait des Etats-Unis, responsables depuis 2001 d’innombrables fautes politiques et stratégiques, de tortures et d’exécutions sommaires, et qui ont laissé se constituer un narco-Etat miné par la corruption et largement reconquis par les Talibans.

    Il y a la guerre civile en Syrie. Les Américains ont eu l’intelligence de ne pas bombarder Damas comme le souhaitaient François Hollande et Laurent Fabius mués à leur tour en clones néo-conservateurs, mais ils ont laissé leurs alliés saoudiens et qataris appuyer les djihadistes.

    Il y a la guerre civile en Ukraine. Encouragé et financé par les Etats-Unis, le mouvement insurrectionnel de l’ouest du pays aurait pu conduire à une transition démocratique. A Kiev, le coup d’Etat parlementaire du 22 février a durci les oppositions et provoqué des affrontements meurtriers. Tout cela pour arrimer l’Ukraine à l’Union européenne et lui faire intégrer l’Otan…

    Ce n’est pas fini. L’Otan a ouvert une représentation à Tachkent le 16 mai et l’on s’inquiète des opérations de déstabilisation menées par des agents américains en Asie centrale pour contrer les Russes – au risque de faire exploser diverses poudrières.

    Persuadés qu’on ne peut rien faire contre les Etats-Unis, les dirigeants français sont complices de ces manœuvres irréfléchies et criminogènes. Ils devraient prendre exemple sur la « petite » Slovaquie et sur la « petite » République tchèque, qui viennent de refuser le déploiement de troupes de l’Otan sur leur territoire. Il suffirait que la France réaffirme sa souveraineté pour qu’une autre politique soit possible, afin de contenir puis de refouler les boutefeux américains.

    Bertrand Renouvin (Blog de Bertrand Renouvin, 17 juin 2014)

     

    Notes :

    (1)  Cf. Jean-Arnault Dérens, Kosovo, un trou noir dans l’Europe (1) : sur la piste de trafics d’organes, Mediapart, 29 juillet 2012. - See more at: http://www.bertrand-renouvin.fr/#sthash.zb0Umnaw.dpuf

     

    (1)  Cf. Jean-Arnault Dérens, Kosovo, un trou noir dans l’Europe (1) : sur la piste de trafics d’organes, Mediapart, 29 juillet 2012

    Après la chute de Fallouja en janvier, la prise de Mossoul et Tikrit à la mi-juin reporte tout à coup l’attention sur l’Irak. Il ne s’agit pas seulement d’une succession d’opérations djihadistes bien menées mais d’un soulèvement général des tribus sunnites marginalisées par les autorités de la capitale. Plus que le gouvernement irakien, ce sont les Américains qu’il faut accuser : ce sont eux qui ont fabriqué le système des communautés ethniques et confessionnelles aujourd’hui effondré.

    Ce nouvel échec de la guerre à l’américaine et de la diplomatie des Etats-Unis devrait faire réfléchir les Etats nationaux qui s’abritent derrière l’Otan et les peuples ou les partis qui regardent avec sympathie les envoyés de Washington. Je sais que les mises en garde ne pèsent guère face à des agents qui utilisent sans le moindre scrupule l’intimidation et la corruption. Mais il faut tout de même rappeler aux jeunes générations, en Europe et ailleurs, les causes et les conséquences des échecs américains car il n’est pas impossible que de nouvelles élites décident, un jour ou l’autre, de refuser les voies prescrites par les Etats-Unis.

    Il y a eu le Vietnam. A la suite d’une guerre mal comprise et mal conduite, en dépit des bombardements massifs et du recours aux armes chimiques, le Vietnam et le Cambodge ont été conquis par des communistes qui ont installé des dictatures ici implacables et là génocidaires.

    Il y a eu, en 1999,  la guerre d’agression contre le Kosovo. Au cours de cette prétendue « guerre morale », les frappes aériennes de l’Otan sur la Serbie et le Monténégro n’ont pas permis d’unifier le pays et de régler les conflits entre ses habitants. Nul ne s’intéresse aux crimes commis par les extrémistes de l’UCK (1) et aux débris de projectiles à l’uranium appauvri qui provoquent et provoqueront d’innombrables cancers sur des terrains contaminés à jamais.

    Il y a eu la guerre d’Irak entre 2003 et 2011. Menée sans l’accord des Nations unies, cette guerre a fait plus d’un million de morts et provoqué l’exil de deux millions d’Irakiens ; les Etats-Unis ont dépensé 4 000 milliards de dollars pour aboutir, onze ans plus tard, à une catastrophe sans fin prévisible.

    Il y a eu la guerre de Libye. Menée par les néo-conservateurs français et britanniques avec l’accord et l’aide des Américains, elle a provoqué hors du mandat des Nations unies la chute d’une dictature et laissé le pays s’engager dans un processus de décomposition qui menace les pays voisins.

    Il y a la guerre d’Afghanistan. Elle va entrer dans une nouvelle phase après le retrait des Etats-Unis, responsables depuis 2001 d’innombrables fautes politiques et stratégiques, de tortures et d’exécutions sommaires, et qui ont laissé se constituer un narco-Etat miné par la corruption et largement reconquis par les Talibans.

    Il y a la guerre civile en Syrie. Les Américains ont eu l’intelligence de ne pas bombarder Damas comme le souhaitaient François Hollande et Laurent Fabius mués à leur tour en clones néo-conservateurs, mais ils ont laissé leurs alliés saoudiens et qataris appuyer les djihadistes.

    Il y a la guerre civile en Ukraine. Encouragé et financé par les Etats-Unis, le mouvement insurrectionnel de l’ouest du pays aurait pu conduire à une transition démocratique. A Kiev, le coup d’Etat parlementaire du 22 février a durci les oppositions et provoqué des affrontements meurtriers. Tout cela pour arrimer l’Ukraine à l’Union européenne et lui faire intégrer l’Otan…

    Ce n’est pas fini. L’Otan a ouvert une représentation à Tachkent le 16 mai et l’on s’inquiète des opérations de déstabilisation menées par des agents américains en Asie centrale pour contrer les Russes – au risque de faire exploser diverses poudrières.

    Persuadés qu’on ne peut rien faire contre les Etats-Unis, les dirigeants français sont complices de ces manœuvres irréfléchies et criminogènes. Ils devraient prendre exemple sur la « petite » Slovaquie et sur la « petite » République tchèque, qui viennent de refuser le déploiement de troupes de l’Otan sur leur territoire. Il suffirait que la France réaffirme sa souveraineté pour qu’une autre politique soit possible, afin de contenir puis de refouler les boutefeux américains.

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  • Le nouvel art de la guerre ?...

    Les éditions Lux viennent de publier Dirty wars - Le nouvel art de la guerre, une enquête de Jeremy Scahill. Correspondant de guerre magazine The Nation, Jeremy Scahill est l’auteur de Blackwater : l’ascension de l’armée privée la plus puissante au monde. Après avoir participé à révéler le scandale Prism, il contribue à diffuser les informations révélées par Edwar Snowden.

     

    Dirty wars.jpg

     

    " Une armée secrète
      Une mission sans frontières
      Une guerre sans fin

    Dans cette captivante enquête qui prend la forme d’un thriller, Jeremy Scahill braque le projecteur sur les manœuvres clandestines du Joint Special Operations Command (JSOC), ce corps d’armée placé directement sous les ordres de la Maison-Blanche, muni d’un permis de tuer en toute impunité et pour qui le monde n’est un champ de bataille. De l’Afghanistan au Yémen, en passant par le Pakistan, la Somalie et les États-Unis, le journaliste donne la parole aux victimes de cette sale guerre, les familles anéanties, femmes et hommes qui doivent choisir entre la douleur résignée et le djihad contre l’Amérique sanguinaire.

    La lecture de ce chef-d’œuvre d’investigation fait l’effet d’un électrochoc. Scahill nous mène loin des fronts officiels, là où vont trop peu de journalistes et où l’État prend goût à d’inavouables pratiques. "

     

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  • Amours, viols et prostitution à la Libération...

    Les éditions du Seuil viennent de publier un essai de Mary Louis Roberts intitulé Des GI's et des femmes - Amours, viols et prostitution à la Libération. L'auteur enseigne l'histoire à l'université du Wisconsin, aux Etats-Unis. Son livre vient compléter celui de J. Robert Lilly, La face cachée des GI's (Payot, 2003), consacré aux milliers de viols commis en Angleterre, en France et en Allemagne par les soldats américains, nos sympathiques libérateurs...

     

    Des GI's et des femmes.jpg

    " Comment convaincre les GI de débarquer sur les plages de Normandie et de se jeter sous le feu ennemi au péril de leur vie ? En invoquant le patriotisme, la solidarité entre les démocraties, les crimes barbares des nazis ? Sans nul doute. Mais un autre argument fut employé au sein de l’armée américaine en 1944 : « Pensez à la beauté des femmes françaises qui n’attendent que vous et sauront comment récompenser leurs libérateurs. »

    S’appuyant sur de très nombreux documents d’archives, ce livre raconte une histoire fascinante et dérangeante : le commandement militaire américain a « vendu » le Débarquement à ses GI comme une aventure érotique et a sciemment exploité le mythe de la femme française experte en matière sexuelle et disponible. Il jette une lumière crue sur les conséquences de cette propagande : la prostitution débordante partout où se trouvaient des GI, exposant leurs relations sexuelles au vu et au su de tous, mais aussi les agressions sexuelles et les viols.

    Loin d’être anecdotique, la sexualité des GI fut l’un des enjeux de la bataille politique qui se jouait sur le territoire libéré, celle entre l’impérialisme américain et la souveraineté française. Humiliante, elle a contribué à nourrir l’antiaméricanisme d’après-guerre. "

     

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  • L'Europe colonisée ?...

    Les éditions Apopsix viennent de publier un essai d'Yvan Blot intitulé L'Europe colonisée. Président de l'association "Démocratie directe", Yvan Blot a récemment publié L'oligarchie au pouvoir (Economica, 2011), La démocratie directe (Economica, 2012) et Les faux prophètes (Apopsix, 2013).

     

    Europe colonisée.png

    " L'Europe qui a colonisé le Monde, est aujourd'hui colonisée par ses anciennes colonies. Ce fut prévu par le président russe Vladimir Poutine. La colonisation démographique vient surtout du Sud. Elle prend la forme d'une immigration de masse peu qualifiée et incontrôlable, contre la volonté des majorités démocratiques impuissantes. Mais il y a aussi une colonisation par le haut, politique, militaire, économique et financière. Celle-ci, depuis 1945, vient de l'Ouest. Elle est relayée, comme l'avait dénoncé de Gaulle, par les oligarchies politiques, notamment socialistes. Elle s'accompagne d'une colonisation culturelle : l'anglais et l'esprit anglo-saxon dominent tant nos élites que nos banlieues. L'Amérique aussi nous a colonisés.

    Enfin, nos peuples subissent une colonisation intérieure : la démocratie est une façade qui masque le pouvoir réel d'une oligarchie d'Etat qui impose une pression fiscale insupportable et un endettement public catastrophique.

    Comment sortir de ces colonisations multiples qui sont autant d'amoindrissement de nos libertés ? L'auteur trace des pistes de résistance en s'inspirant aussi bien de la Suisse que de l'exemple russe, très méconnus en France. Il faut ouvrir la classe politique à des catégories sociales nouvelles et utiliser le référendum pour faire participer le peuple aux décisions. Ainsi, nous retrouverons notre souveraineté perdue, notre croissance face aux puissances émergentes et notre identité nationale menacée. "

     

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