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alain de benoist - Page 128

  • Noël : la nuit des lumières et de l'espérance !

    Nous reproduisons ici un texte d'Alain de Benoist publié le 24 décembre 1977 dans le Figaro Dimanche et consacré à Noël !...

     

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    NOËL : LA NUIT DES LUMIERES ET DE L’ESPERANCE

     

    L'an dernier, Thierry Maulnier écrivait ici même : « Noël est pour nous, Occidentaux, chrétiens ou encore imprégnés de christianisme, la fête d'une naissance : la naissance d'un Dieu enfant, venu au monde pour le sauver ». Dans les foyers incroyants, ajoutait-il, « Noël, c'est la fête du solstice, la fête des jours qui recommencent à croître, c'est-à-dire, sous cette forme-là aussi, la fête de l'espérance » (Le Figaro, 25 décembre 1976). Et c'est vrai : Noël est la fête de tous. C'est la fête de la Nativité, la fête de l'espoir au cœur de l'hiver, la fête des jouets et des lumières, la fête des enfants. La fête de la famille surtout, rassemblée, pour retrouver la chaleur des temps anciens et la promesse des temps à venir.

    Son origine se perd dans la protohistoire. Bien sûr, pour nos contemporain, c'est d'abord la commémoration de la naissance à Bethléem de l'Enfant-Dieu. Mais déjà des millénaires avant notre ère, dans toutes les régions de l'Europe actuelle, les hommes se réunissaient autour du feu, au moment du solstice d'hiver, pour aider le soleil à reprendre sa course et proclamer, quand tout semblait noir et glacé, que la vie reprendrait un jour. Et si grande était la puissance de cette coutume que l'Église, après bien des hésitations, finit par greffer la Bonne Nouvelle sur l'antique tradition : la date du 25 décembre, écrit Arthur Weigall, « fut choisie sous l'influence païenne. C'était de tout temps, l'anniversaire du soleil qu'on célébrait dans beaucoup de pays par de grandes réjouissances » (Survivances païennes dans le monde chrétien, Payot, 1934). René Laurentin le constate aussi : « Le symbole cosmique du solstice d'hiver popularise et vulgarise à la fois la fête de Noël parmi nous » (Le Figaro, 26-27 novembre 1977).

    Aussi bien les festivités de Noël correspondent-elles d'abord à une période, à un cycle : ce sont les « Douze Nuits », de la Sainte-Lucie des Suédois (13 décembre) jusqu'à Noël ou de Noël au 6 janvier, date de l'ancienne Épiphanie. La fête de Noël représente évidemment le temps fort de cette période. Dans les pays du Nord, elle dure d'ailleurs non pas un, mais deux jours (le 25 et le 26), et en Allemagne, le pluriel Weihnachten (« nuits consacrées »), utilisé de pair avec le singulier Weihnacht, évoque une autre ancienne tradition. Durant ces « Douze Nuits », la vieille croyance voulait que tout reposât : on ne travaillait guère, le rouet ne tournait pas et les chariots s'arrêtaient. Noël est aussi le moment où tout repose, où tout semble dormir, où tout reprend son souffle pour un nouvel élan.

    En Scandinavie, pays de l'hiver le plus froid, des sapins, de la neige et des traîneaux, Noël porte encore le vieux nom de Jul (vieux-nor. Yeul ou Yol), que l'on rapproche tantôt du nom anglo-saxon de la roue, wheel, tantôt du nom suédois de la bière, öl. Dans la Rome ancienne, la déesse du solstice était Diua Angerona. Ses festivités se déroulaient le 21 décembre dans une chapelle proche de la porte Romanula, sur le front nord du Palatin. La divinité y était représentée avec la bouche bandée et scellée, un doigt sur les lèvres pour commander le silence. Chez les Indo-Européens, précise Georges Dumézil, « une des intentions du silence est de concentrer la pensée, la volonté, la parole intérieure et d'obtenir par cette concentration une efficacité magique que n'a pas la parole prononcée ; et les mythologies mettent volontiers cette puissance au service du soleil menacé » (La religion romaine archaïque, Payot, 1966). On retrouve ce trait chez les anciens Germains, pour qui les fêtes de fin d'année correspondaient à une représentation annuelle de la fin du monde ou du chaos primordial : cette époque portait le nom de Fimbulvetr, c'est-à-dire de « Grand Hiver », et le dieu qui permettait la renaissance du monde, Vidarr, était 1'« Ase silencieux ».

    Mais au-delà des croyances et des interprétations, Noël est d'abord un moment privilégié, un esprit, une émotion. C'est la fête familiale par excellence, celle qui permet à la maisonnée de faire retour sur elle-même. En cet instant de l'année, croyants et incroyants, hommes et femmes de toutes opinions peuvent se retrouver, oublieux de ce qui les divise, réunis par un même sentiment profond. C'est Noël. La trêve de Noël.

     

    Pourquoi le 25 décembre ?

     

    La fête de la nativité du Christ, telle que nous la connaissons, est une innovation relativement tardive. S'ils décrivent avec précision les circonstances de la naissance de Jésus, les évangiles restent en effet muets sur la date (ou même la saison) de l'événement. Du reste, on ne célébrait pas les anniversaires dans l'Orient ancien. Et vers 245, Origène déclare « inconvenant » qu'on s'occupe d'une telle question à propos du Fils de Dieu comme si celui-ci était un roi ou un quelconque pharaon.

    C'est en fait à partir du deuxième siècle que l'on se mit en devoir de fixer une date pour la naissance du Christ. On produisit alors des affirmations très contradictoires. Clément d'Alexandrie proposa le 8 novembre. D'autres auteurs avancèrent les dates du 2 avril, du 20 avril, du 20 ou du 21 mai. En 243, le De Pascha Computus prit position pour le 28 mars. De leur côté, les communautés chrétiennes d’Orient se prononcèrent pour le 6 janvier, date correspondant chez les Grecs a l'Épiphanie de Dionysos, et chez les Égyptiens à celle d'Osiris.

    Au IVe siècle, tout l'Orient chrétien célèbre la naissance de Jésus le 6 janvier. Mais en Occident, une autre date s'est imposé, celle du 25 décembre, vraisemblablement pour contrecarrer l'influence, alors très forte, du culte de Mithra. La (re)naissance de Mithra était en effet fêtée tous les ans le 25 décembre en plein milieu de la période du solstice d'hiver (que célébraient aussi les Barbares), peu après les Saturnales romaines. C'était également le jour où, sous l'Empire, on commémorait la fête de Sol Invictus, le « Soleil invaincu ».

    La première mention latine du 25 décembre comme fête de la Nativité remonte à l'an 354, la célébration proprement dite semblant avoir été instituée sous Honorius, qui régna en Occident de 395 a 423. Noël commence alors à être mis sur pied d'égalité avec Pâques et l'Épiphanie (cette dernière ne rappelant plus que l'épisode des « rois mages »). En 440, la décision est officiellement étendue à toute la chrétienté. Au concile d'Agde, en 506, Noël devient une fête d'obligation. Justinien, en 529, en fera un jour férié. Par la suite, la tradition sera peu à peu unifiée Toutefois dans les communautés orientales, la fête de l'Épiphanie, devenue en 1972 une simple fête mobile, conservera une solennité beaucoup plus grande qu'en Occident.

     

    L’histoire de l’arbre de Noël

     

    « Le grand arbre au milieu de la chambre portait de nombreuses pommes dorées et argentées, et les amandes sucrées fleurissaient sur ses branches. Mais ce qu’il y avait de plus beau, c’était les centaines de petites lumières qui scintillaient comme des étoiles, invitant les enfants à cueillir des fleurs et des fruits… » En quelques lignes, le conteur E.T.A. Hoffmann recrée toute l’atmosphère de Noël.

    Épicéa, pin sylvestre ou sapin, vert sombre ou gris bleu, chargé de lumières, mais aussi de boules de métal, de pommes et d'oranges, de friandises et de chocolats, d'étoiles de paille et de divers symboles, l'arbre de Noël – ce « roi des forêts » chanté dans les contes d'Andersen – trône dans la plupart des maisons Europe pendant les douze jours et les douze nuits du solstice d’hiver, c’est-à-dire d'un bout à l'autre du cycle de Noël. C'est à son pied que les enfants découvrent les cadeaux apportés par un bonhomme Noël surgi brusquement de la nuit enchantée. C'est sur ses branches que brille, au plus noir de l'hiver, la douce lueur des douze bougies – une pour chaque mois de l'année – que la mode des guirlandes électriques n'a heureusement pas encore supplanté.

    Cet arbre, dont la silhouette lumineuse et fragile cristallise tant d'émotions, venues de quelque mystérieux inconscient collectif, n'est pas seulement le sujet d'innombrables récits. Il a sa propre histoire. Déjà, sous l’empire romain, lors de la fête des Saturnalia, du 17 au 24 décembre, la tradition voulait qu’on échangeât des cadeaux : les strenae (d’où le mot français « étrennes »), et l’on avait aussi cioutume de suspendre à des sapins des petits masques de Bacchus. Il est tentant de voir là une forme lointaine du « sapin de Noël ». Mais en réalité, c’est dans l’Alsace du XVIe siècle que commence son histoire moderne.

    C'est en Alsace en effet, à Schlesttstadt, que l'on trouve, en 1521, la première mention d'un arbre de Noël. On en possède une autre pour Strasbourg en 1539 – la première description précise datant de 1605. Peu après, l'humaniste et théologien strasbourgeois Johann Konrad Dannhauer écrit dans son Katechismus-Milch (v. 1642-1646) : « Pour Noël, il est d'usage à Strasbourg d'élever des sapins dans les maisons : on y attache des roses en papier de diverses couleurs, des pommes, du sucre… » A cette date, il n'est pas encore fait mention de lampions ou de bougies, dont l'usage semble ne s'être répandu que dans le courant du XVIIIe siècle.

    L'arbre de Noël gagne d'abord l'Allemagne, probablement par l'intermédiaire de marchands de Nuremberg ayant participé à la foire de Strasbourg. Il y porte divers noms : dans le Nord on utilise le mot Tannenbaum (sapin), sauf en Frise, en Basse-Silésie, en Prusse, en Poméranie et dans le Brandebourg, où l'on parle plutôt de Weihnachtsbaum (arbre de Noël) Dans le Sud, en Rhénanie, en Souabe, en Bavière, en Franconie, en Autriche, dans la Hesse et dans le Palatinat, ainsi que dans l'ancien territoire des Sudètes, on emploie le nom de Christbaum (arbre du Christ). Dans la région d'Osnabruck et dans les Herzgebirge on préfère celui de Lichterbaum (arbre aux lumières).

    Outre-Rhin, l'arbre de Noël est bien attesté dès cette époque. En 1611, une chronique locale rapporte que Dorothea Sibylle, comtesse de Schleswig, a dressé un « Danenboom » (forme bas-allemande pour Tannebaum) dans une grande salle à l’occasion de Noël. Liselotte von der Pfalz, née en 1652 à Heidelberg, signale dans l'une de ses lettres, en 1708, avoir participé dans son enfance à l'allumage d'un sapin ; c’est dans cette lettre que se trouve la première mention explicite d’un « arbre de Noël illuminé » (Lichterbaum). En 1737, le juriste Gottfried Kissling, de Wittenberg observe à son tour la multiplication de « sapins décorés de lumières » dans tout le sud de l'Allemagne. À Leipzig, en 1765, Goethe fait l'éloge de cette coutume, qu'il évoquera à nouveau en 1774 dans Les souffrances du jeune Werther. En 1775, l'arbre de Noël fait son apparition à Berlin. Dans un poème intitulé Heimweh (« Le mal du pays »), Jung-Stilling célèbre les illuminations de l'arbre de vie (Lebensbaum). En 1796, un arbre de Noël est dressé dans la cour du château de Wandsbek (Schleswig-Holstein), où habite le philosophe et poète Hans Jacobi.

    Au XIXe siècle, la coutume se généralise un peu partout. En 1813, le Tannenbaum est à Vienne et à Graz. Deux ans plus tard, des officiers de Prusse l’introduisent à Danzig, tandis que la reine Thérèse, épouse de Ludwig Ier de Bavière le fait connaître à Munich. En 1816, Karoline von Humboldt, l'épouse du savant, le popularise dans le Brandebourg. L’arbre de Noël est alors déjà connu aux Etats-Unis, où des immigrants allemands et des soldats de la Hesse enrôlés dans les troupes de George V pendant la guerre d'Indépendance se sont fait un devoir de l’acclimater. Il fera son entrée à la Maison-Blanche en 1891.

    En Angleterre, dès 1821, une personne (d'origine allemande) de la suite de la reine Caroline fait dresser un sapin lors d'une fête de Noël destinée à des enfants. Huit ans plus tard, rapporte Charles Greville dans son Journal, la même initiative est prise par la princesse Lieven. Vers 1830, la tradition s'implante solidement dans la région de Manchester, où se sont installés des commerçants allemands. Le sapin trouve enfin sa consécration en 1841, lorsque le prince Albert, époux de la reine Victoria, allume solennellement un immense arbre de Noël au château de Windsor. Le sapin détrône alors définitivement le kissing bough, rameau de feuillage disposé en demi-cercle et suspendu au plafond, portant des pommes rouges et des bougies allumées, sous lequel on s'embrassait pour célébrer la nouvelle année.

    En France, la diffusion du sapin est à peine plus tardive. C'est en 1837 que l'arbre de Noël fait son apparition à Paris, à l'initiative de la princesse Hélène de Mecklembourg, épouse du duc d'Orléans. La coutume se répandra surtout après 1870, dans le sillage de la diaspora alsacienne. Toutefois, le sapin ne pénétrera vraiment dans les campagnes qu'à partir de 1905. Quant à l'habitude consistant à dresser des arbres de Noël sur des lieux publics, des places notamment, elle semble être apparue aux États-Unis, à Pasadena (Californie), en 1909. En Angleterre, un grand sapin envoyé par le gouvernement d'Oslo est dressé chaque année à Londres, sur Trafalgar Square : il perpétue le souvenir de l'aide apportée par l'Angleterre à la Norvège durant la Seconde Guerre mondiale.

    Attesté de façon ininterrompue depuis le XVIe siècle, l'arbre de Noël n'est-il toutefois pas beaucoup plus ancien ? Beaucoup d'auteurs répondent par l'affirmative et voient dans cette coutume de fin d'année la résurgence d'une coutume remontant à la plus haute Antiquité. « Dans les temps païens, écrit M. Chabot, lors des fêtes de Jul, célébrées à la fin de décembre en l'honneur du retour de la terre vers le soleil, on plantait devant la maison un sapin auquel on attachait des torches et des rubans de couleur » (La nuit de Noël dans tous les pays).

    Antérieurement à 1521, certaines chroniques, malheureusement assez imprécises, donnent à penser qu'un élément végétal entrait déjà dans la célébration des fêtes de la Nativité. Ainsi dès 1494, Sebastian Brant, dans sa célèbre Nef des fous, fait état de l'habitude de placer des feuillages verts dans les maisons à la fin de l'année Geller von Kayserberg signale des pratiques analogues en 1508. Dans la région de Salzbourg, un décret de 1525 réglemente la « coupe des verdures de Noël ». Un autre texte (Lubeck, 1520) fait allusion à des branchages de buis, Selon d'autres sources, la tradition de l'arbre de Noël aurait existé dès le Moyen Âge en Suède et en Norvège. Elle aurait ensuite été revivifiée en Allemagne par des soldats suédois, lors de la guerre de Trente ans.

    J. Lefftz (Elsässischer Dorfbilder, Worth, 1960) n'hésite pas à faire remonter au paganisme l'ancienneté de l'arbre de Noël. Certains faits, dans le domaine irlandais et surtout scandinave, permettent en effet de relier cette tradition au vieux culte de l'arbre attesté chez les peuples indo-européens. L'arbre de Noël serait ainsi l'« héritier », non seulement de cet arbre chargé de jouets mentionné par Virgile comme une coutume des Saturnales romaines, mais aussi de l'arbre (axe, pilier) du monde, qui était un frêne (dénommé Yggdrasill) chez les Scandinaves, un chêne chez les Gaulois, un tilleul chez les Germains, et que l'on trouve représenté, en association avec des symboles solaires, sur les gravures rupestres scandinaves de l'âge du bronze (cf. également les traditions connexes de l'« arbre de vie » ou Lebensbaum et de l'Irminsul des anciens Saxons).

    A Rome, au moment des Saturnales, les maisons étaient couramment ornées de feuillages et de végétation. Chez les Hittites, peuple indo-européen d'Asie mineure, une très curieuse légende populaire a trait à la disparition de la déesse du Soleil, fille de la mer et épouse du dieu Telibinus, disparition provoquant à dates fixes un dépérissement du monde – et qui est suivie d'une « renaissance » annuelle du soleil au cours de laquelle la vie sur terre reprend son essor. Un texte hittite déclare « Également au roi et à la reine, Telibinus donne vie, force et avenir. Telibinus comble ainsi le roi : devant lui se dresse un arbre. À cet arbre est attaché un sac fait d'une peau de mouton. Dans ce sac, il y a de la graisse de mouton, il y a de l'orge, des épis, du raisin, du bétail, une longue vie et la postérité… » Lors de la fête de Telibinus, au début de l'hiver, on enlevait l'ancien arbre du dieu et l'on en dressait un nouveau au pied d'un autel. Il est peut-être caractéristique de trouver ici, dans un rite vieux de près de 4000 ans, le thème du retour annuel de la vie associé à celui de l'arbre et du sac – de la « hotte » – dispensateur de bienfaits

    De façon plus générale, l'arbre joue un rôle important dans toutes les anciennes religions européennes. Les Grecs et les Romains honoraient les arbres comme des créatures vivantes, dotées d'une âme – ainsi le chêne du temple de Diane, près du lac de Némée, ou le chêne de Zeus, à Dodone. Chez les Germains, on connaît l'antique chêne de Thor, le Donar-Eiche, que fit abattre saint Boniface. Au siècle dernier, le mythologue Wilhelm Mannhardt fit paraître un volume tout entier, bien connu des spécialistes, sur le culte de l'arbre chez les Germains. Et peut-être faut-il rappeler le mot de Bismarck : Bäume sind Ahnen (« Les arbres sont des ancêtres »)…

    En Islande, on connaît une autre tradition, qui s'est maintenue au moins jusqu'au XVIIe siècle et qui nous a été rapportée par Jon Arnarson, consistant, au moment du solstice d'hiver, à décorer de bougies allumées un sorbier sauvage considéré comme sacré.

    La signification symbolique de l'arbre est donc assez claire. Avec ses feuillages, son tronc et ses racines, l'arbre apparaît comme une représentation du cosmos et de son organisation, en même temps que comme un symbole de régénération perpétuelle (soulignée quand il s'agit d'un « toujours vert »). Par son agencement, il met en communication les différents niveaux de la vie que sont le ciel, la surface de la terre et le monde souterrain. Il relie l'un à l'autre le présent, le passé et l'avenir. Il unit le continu et le discontinu. Il est le symbole d'une vie qui ne meurt jamais. C'est bien ainsi qu'en Europe, il a toujours été perçu. Michel-Ange disait : « L’homme ne trouve la paix qu'en la forêt ». Beethoven écrit : « Tout-Puissant, dans la forêt, je connais la joie, dans la forêt, je suis heureux, chaque arbre parle à travers toi. » Les romantiques reliaient eux aussi la forêt à la religiosité « naturelle ». Ernst Jünger, dans son Traité du rebelle, prônera à son tour le « recours aux forêts ». Aujourd’hui, la pure flamme des bougies illumine toujours les yeux des enfants.

     

    (24-25 décembre 1977)

    - Alain de Benoist, Au temps des idées à la mode, Les Amis d'Alain de Benoist, 2009

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  • Des animaux et des hommes...

    Poursuivant la réflexion entreprise dans le numéro 134 de la revue Eléments (janvier-mars 2010), dédié à la question animale, Alain de Benoist vient de publier aux éditions Alexipharmaque, Des animaux et des hommes - la place des animaux dans la nature. Un passionnant contrepoint philosophique au livre du biologiste Yves Christen, L'animal est-il une personne ? (Flammarion, 2009).

     

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    "En 1755, dans son Traité des animaux, Condillac écrivait : « Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes, si ce n'était pas un moyen de savoir ce que nous sommes ». Depuis l'Antiquité, le regard porté par l'homme sur le vivant nourrit une interrogation qui, au fil des siècles, depuis Aristote jusqu'à Descartes, puis jusqu'à nos jours, a suscité une multitude de débats philosophiques, scientifiques, idéologiques et religieux. A date récente, le développement de la recherche a conduit à se demander si les animaux ne sont pas des personnes. Il s'agit en fin de compte de savoir quelle est la place de l'homme dans la nature. 

    Konrad Lorenz disait que ceux qui refusent d’admettre que l’homme est un animal ont tort, mais que ceux pour qui il n’est rien d’autre qu’un animal ont tort également. Entre les hommes et les animaux, y a-t-il une différence de nature ou une différence de degré? Par rapport aux sociétés animales, quelle est la spécificité des sociétés humaines? Plus généralement, comment faut-il comprendre la façon dont s’articulent la nature et la culture? Quelles leçons tirer des plus récentes découvertes scientifiques? Peut-on encore jeter les bases d’une véritable anthropologie philosophique? C’est à ces questions que s’efforce de répondre ce livre, à partir d’un survol de l’histoire des idées et d’une enquête sur l’état actuel du  savoir."

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  • Oswald Spengler !

    Le numéro 59-60 de la revue Nouvelle Ecole est disponible !

    Comme annoncé, il est centré sur Oswald Spengler et sa philosophie de l'histoire. On y trouvera une introduction à l'oeuvre de Spengler, par Alain de Benoist, des articles de Michel Lhomme, Emmanuel Mattiato et Domenico Conte, le meilleur spécialiste italien du philosophe, qui lui a consacré de deux ouvrages Introduzione a Spengler (Laterza, 1997) et  Albe e tramonti d’Europa. Su Jünger e Spengler (Edizioni di Storia e Letteratura, 2009).

    A côté du dossier sur Spengler, on trouvera aussi un article consacré à la tradition bulgare de la danse sur les braises, un article et un entretien sur Ramiro de Maeztu, écrivain espagnol, défenseur de l'hispanité, mort fusillé pendant la guerre civile, et la suite et la fin de l'étude de Gérard Zwang, débutée dans le numéro précédent, consacrée à la sexologie. 

    Il est possible de se procurer ce numéro sur le site de la revue Eléments.  

     

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    Au sommaire :

    Oswald Spengler. Une introduction (Alain de Benoist)

    Oswald Spengler après « Le déclin de l’Occident » (Domenico Conte)

    Oswald Spengler et l’idée de « développement » (Domenico Conte)

    Perspectives d’histoire universelle dans l’œuvre de Spengler (Domenico Conte)

    Le double visage de la Russie et les problèmes de l’Allemagne à l’Est  (Oswald Spengler)

    Oswald Spengler et le IIIe Reich (Alain de Benoist)

    Carl Schmitt, lecteur de Spengler (Emmanuel Mattiato)

    Oswald Spengler et l’Amérique latine (Michel Lhomme)
     
    Le parcours espagnol et européen de Ramiro de Maeztu (Pedro Carlos González Cuevas)
     
    « Maeztu a élaboré une veritable théorie de l’hispanité » (Entretien avec Pedro Carlos González Cuevas)
     
    La valeur de l’hispanité (Ramiro de Maeztu)
     
    La sexologie (II) (Gérard Zwang)
     
    La danse de braise des Nestinari (Entretien avec Valeria Fol)
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  • Le paganisme, recours spirituel pour l'Europe ?...

    Les éditions L'Aencre viennent de publier Le Paganisme - Recours spirituel et identitaire de l'Europe, un ouvrage de Gilbert Sincyr, préfacé par Alain de Benoist.

    Le livre peut être commandé auprès des éditions Dualpha.

     

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    "Suite à une déclaration de Benoît XVI indiquant que « spirituellement, les chrétiens sont des sémites », l'auteur s'est senti interpellé. Dans ce livre, il souhaite démontrer ce qui oppose Sémites et Européens dans leurs spiritualités. De Stonehenge au Parthénon en passant par Lascaux, d'Odinn à Homère et Athèna, il nous explique ce qui est spécifique du paganisme européen, comparé aux valeurs bibliques du judéo-christianisme. Plus généralement, il oppose l'esprit du paganisme européen à celui du monothéisme proche-oriental. La première partie, destinée aux enfants, présente l'histoire d'Iris, fille de Zeus, parcourant une Europe païenne pour y découvrir sa spiritualité. La seconde partie est une confrontation entre les conceptions bibliques et païennes, de l'homme et du monde.

    Gilbert Sincyr nous invite à retrouver nos valeurs ancestrales, non pas par un retour formel aux Dieux de la mythologie, forme spirituelle d'une époque passée, mais par un recours à l'esprit qui les a fait naître, et qui nous identifie en tant qu'Européens."

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  • Alain de Benoist à propos du général De gaulle

    Nous reproduisons ici un entretien donné par Alain de Benoist au magazine Flash (18 novembre 2010) à propos du général De Gaulle, cueilli sur le site Mécanopolis.

     

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    Alain de Benoist, fondateur du GRECE, explique comment la réflexion fit de lui et de ses amis des gaulliens, à défaut d’être gaullistes… Entretien réalisé par Nicolas Gauthier.

    Nicolas Gauthier : Historiquement, le GRECE est né d’un milieu marqué par un fort antigaullisme, celui de 1945 comme celui de 1962. Pourtant, la revue « Eléments », qui en est proche, a été la première à poser la question en d’autres termes : à défaut d’être gaulliste, peut-on être gaullien ? Pouvez-vous nous expliquer ce cheminement ?

    Alain de Benoist : C’est surtout vrai de l’antigaullisme de 1962, ne serait-ce que pour une question de génération : mon adolescence, ce n’est pas la Libération, mais la guerre d’Algérie. Si la plupart des membres du GRECE n’en sont pas restés à cette époque, c’est qu’ils savaient qu’en politique, les rancœurs ne mènent pas à grand-chose. Face à une droite prisonnière de ses anciennes querelles, qui n’en finissait pas de remâcher ses amertumes, nous avons été plus réflexifs que réactifs. Le Général nous est vite apparu comme le seul homme qui disait « non ». Non à la politique des blocs héritée de Yalta, non à la dépendance vis-à-vis de Washington. Non aux partis, aux coteries, aux « comités Théodule ». Et oui à tous les peuples qui veulent être libres !

    Le tournant essentiel a été pour moi la décision du Général de quitter le commandement intégré de l’OTAN pour empêcher la France d’être vassalisée. C’était en 1966. L’extrême droite manifestait alors sa solidarité avec le Sud-Vietnam soutenu par les États-Unis. Moi, j’ai applaudi à la défaite américaine lors de la chute de Saïgon. J’ai aussi applaudi au discours de Pnom-Penh. Et à la tournée québécoise (“Vive le Québec libre !”, juillet 1967). Avec de Gaulle, le “monde libre” cessait d’être la seule alternative possible au système soviétique. C’était déjà l’ébauche d’une troisième voie.

    NG : Aujourd’hui, tout le monde se dit plus ou moins gaulliste, mais plus personne ne l’est vraiment. Votre avis ?

    AdB : « Le Général s’éloigne alors qu’on le célèbre », estimait tout récemment Philippe de Saint-Robert (Juin 40 ou les paradoxes de l’honneur, CNRS Editions). Tout le monde se dit-il encore aujourd’hui plus ou moins gaulliste ? Il me semble que c’est de moins en moins vrai. Les jeunes n’ont pas connu de Gaulle. Les moins jeunes l’ont souvent oublié. Les hommes politiques l’ont enterré – parfois sous les fleurs.

    En réalité, dès les années 1980, le « néogaullisme » était rentré dans le moule des droites classiques. Quoi qu’ils en aient dit, ni Pompidou, ni Giscard ni Chirac ne sont restés fidèles au Général. Ils n’ont en pas moins constamment allégué son souvenir. Nicolas Sarkozy a fait de même durant sa campagne présidentielle de 2007, lisant avec emphase les discours aux accents gaulliens rédigés par Henri Guaino, allant s’incliner à Colombey à la veille du premier tour, le 16 avril 2007, mais décidant, à peine élu, de fondre le RPR et l’UDF dans un seul et unique mouvement, l’UMP, doté dès sa fondation d’un programme nettement libéral et atlantiste.

    Avec le personnage qui se trouve aujourd’hui à l’Elysée, c’est en tout cas à une liquidation de grande envergure que l’on a assisté. Les coups de lèche à l’axe américano-israélien, les déculottades devant le président Bush, la politique en faveur des riches, la passion de l’argent, la vulgarité des mœurs et du style, avec « Sarkozy le petit », on est aux antipodes du « grand Charles ». La France est aujourd’hui revenue au bercail atlantique. Elle a rétrocédé, battu en retraite. Elle est allée à Canossa. Sarkozy a fait cadeau de la France à l’OTAN, sans même toucher les dividendes. Trente deniers, il est vrai, cela ne fait pas lourd à l’échelle du bling-bling. La petitesse et le néant.

    NG : D’ailleurs, est-il seulement possible de définir ce que fut le gaullisme et ce qu’il pourrait être désormais ?

    AdB : Le Général était étranger à tout esprit de système. On en a conclu qu’il ne saurait y avoir “d’idéologie” gaulliste. Après quoi, le gaullisme ayant été ramené à un “pragmatisme” peu éloigné de l’opportunisme, on l’a accommodé à toutes les sauces pour mieux en trahir l’esprit. Mais le gaullisme, s’il n’est pas une idéologie, est au moins une doctrine. Il a des principes, il se fonde sur des valeurs.

    Le gaullisme plaçait au-dessus de tout l’existence d’un lien direct entre le chef de l’État et le peuple (d’où le recours au référendum et l’élection du président de la République au suffrage universel) et l’indépendance du pays. Ce dernier mot était à comprendre sous toutes ses formes : affirmation de la souveraineté nationale, refus de la « vassalisation » par des organismes supranationaux ou des puissances étrangères, mais aussi des pouvoirs économiques et des oligarchies financières. Le reste en découlait tout naturellement : un pouvoir exécutif fort et stable, l’indifférence par rapport au clivage droite-gauche, la condamnation du tout-marché au profit d’une économie orientée, la construction d’une Europe des peuples et des nations, le refus de voir la politique soumise aux évolutions de la « Corbeille ».

    Le Général disait des choses simples. Que la France a fait de grandes choses dans le passé, quand elle était porteuse d’un projet collectif tendu vers un destin commun. Qu’elle entrait en déclin chaque fois qu’elle cédait à la tentation de se replier sur ses querelles intérieures. Qu’elle avait vocation à soutenir, partout dans le monde, les peuples qui ne voulaient plus être l’objet de l’histoire des autres. Qu’elle disparaîtrait elle-même lorsqu’elle se soumettrait à la volonté des autres. De Gaulle, en d’autres termes, se souciait du rang de la France. Il voulait lui rendre son rang.

    L’indépendance est la condition de l’affirmation de soi, mais aussi une des conditions de la grandeur. Elle est aussi conforme à l’honneur, parce qu’il est déshonorant de ne pas être libre. Mais voilà des mots – indépendance, grandeur, honneur – qui, quoique faisant encore partie du dictionnaire, ne veulent plus dire grand-chose aujourd’hui. Qu’ils ne signifient plus grand-chose n’aggrave pas le problème, mais constitue le cœur même du problème. « Le monde a tout ce qu’il lui faut, et il ne jouit de rien parce qu’il lui manque l’honneur », observait Bernanos dans Les grands cimetières sous la lune.

    De Gaulle ne disait pas ce qu’il fallait faire, il désignait la route à suivre. Or, c’est là le geste essentiel d’un chef politique : non pas discuter d’un bilan, bavarder sur un programme, jongler avec les chiffres, mais montrer le chemin qu’il convient de prendre. Tout chemin implique un horizon. Tout horizon implique un peuple en marche pour l’atteindre, sachant qu’une fois atteint, l’horizon se reporte toujours plus loin. Quant à l’actualité du gaullisme, le Général l’avait par avance évoquée dans ses Mémoires de guerre : « Puisque tout recommence toujours, ce que j’ai fait sera tôt ou tard une source d’ardeur nouvelle une fois que j’aurai disparu. »

    Propos recueillis par Nicolas GAUTHIER, pour la revue FLASH

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  • De la mélancolie française...

    A l'occasion de la sortie au Livre de poche de Mélancolie française d'Eric Zemmour, nous reproduisons la présentation qu'avait fait Alain de Benoist de son auteur pour l'hebdomadaire jeune-conservateur allemand Junge Freiheit en avril dernier.

     

    Mélancolie française.jpg

     

    Le phénomène Zemmour

    En dépit du « politiquement correct », il y a encore beaucoup d’anticonformistes en France, mais le seul anticonformiste que connaissent tous les Français, c’est Eric Zemmour. Peu connu il y a encore quelques années, il a aujourd’hui acquis une visibilité et donc une audience considérables depuis qu’il participe régulièrement à des émissions de télévision très populaires, comme « On n’est pas couché », de Laurent Ruquier. On l’entend maintenant aussi tous les matins sur la chaîne de radio RTL, commentant l’actualité du jour dans une émission intitulée « Z comme Zemmour ».

     

    Zemmour est un esprit libre. A la télévision, il tient tête aux fausses gloires et aux imposteurs – les échanges se terminant le plus souvent en affrontements. Et surtout, il aborde les sujets brûlants, ce qui suscite des polémiques et lui vaut des menaces. Le 6 mars dernier, par exemple, il déclare que « les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés par la police parce que la plupart des trafiquants sont noirs ou arabes ». C’est aussitôt un tollé. Plusieurs plaintes sont lancées contre lui et Le Figaro, qui l’emploie comme chroniqueur depuis 1995, envisage même de le licencier. Dans la presse, on lui fait aussitôt dire que « tous les Noirs et Arabes sont des trafiquants », ce qu’il n’a évidemment jamais dit. Il a seulement dit la vérité : si la grande majorité des immigrés ne sont pas des délinquants, la majorité des délinquants (de 70 à 80 %) sont d’origine immigrée.

     

    Eric Zemmour est né en 1958 dans la banlieue parisienne, dans une famille juive originaire d’Algérie (son nom signifie « olivier » en berbère). Ses premiers livres étaient consacrés à Edouard Balladur et Jacques Chirac, mais l’ouvrage qui l’a fait connaître est Le premier sexe (2006), dans lequel il dénonçait l’indistinction des sexes et la féminisation de la société, suivi en 2008 d’un roman intitulé Petit frère, dans lequel il s’en prenait au communautarisme et à l’« angélisme antiraciste ». Tout récemment, il a aussi publié Mélancolie française, un essai qui réinterprète toute l’histoire de France comme celle d’un long déclin, mais exalte la notion d’Empire. La France, dit Zemmour, ne s’est jamais remise de Waterloo !

     

    Gaulliste et « bonapartiste », résolument anti-libéral sur le plan économique, conservateur sur le plan sociétal, il se déclare hostile à l’idéologie des droits de l’homme et, comme Alain Finkielkraut, estime que l’antiracisme a aujourd’hui pris le relais de l’intolérance communiste : « A la sacralisation des races de la période nazie a succédé la négation des races. C’est aussi ridicule dans les deux cas ». Concernant l’immigration, qu’il compare à un « tsunami démographique », il est favorable à l’assimilation, qu’il juge toutefois « névrotique ». Notant qu’il ne s’exprime jamais sur Israël, certains de ses adversaires le présentent comme le porte-parole de cette fraction de la communauté juive qui estime que l’antiracisme conduit à l’antisionisme. Il y a en tout cas désormais un phénomène Zemmour !

     

    Alain de Benoist

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