Dans leur blog spécialisé dans le "décryptage" des populismes de droite, Caroline Monnot et Abel Mestre, journalistes au Monde, nous rapportent l'analyse que fait Alain de Benoist, dans un entretien accordé au magazine Flash et publié dans son numéro à paraître, de la nouvelle ligne politique adoptée par Marine Le Pen, la présidente du Front National.
« Pour Alain de Benoist, donc, qui rappelle dans cet entretien qu‘il “n’a jamais voté pour le Front national”, il y a “trois inflexions nouvelles [dans le discours de Mme Le Pen]: sa critique accentuée du libéralisme économique et du pouvoir de l’argent, sa critique très jacobine du “communautarisme” et enfin une critique de “l’islamisation” qui me paraît se substituer de plus en plus à la critique de l’immigration”.
M. de Benoist ajoute: “J’approuve la première et désapprouve les deux autres. Il est possible de dénoncer les pathologies sociales issues de l’immigration sans s’en prendre aux immigrés qui, à certains égards, en sont aussi les victimes. Il est en revanche impossible de critiquer “l’islamisation” sans stigmatiser les musulmans. C’est en outre ouvrir la porte aux alliances contre-nature que l’on voit se multiplier actuellement, avec, pour conséquence que la droite et l’extrême droite islamophobes sont en train de devenir en Europe, une pièce du dispositif israëlien”.
Et que pense-t-il de l’orientation plus “sociale” de Mme Le Pen par rapport à la ligne incarnée par Jean-Marie Le Pen? “Du bien”, affirme-t-il, tout en précisant que “dans ce domaine, le FN revient de loin. (…) Même en 2007, le programme du Front était encore bien libéral. A date récente, d’ailleurs, le FN a brillé par son absence dans toutes les luttes sociales. (…) C’est dire que, pour entamer un nouveau cours- et subsidiairement démontrer aux électeurs de gauche qu’il y a plus de socialisme au Front national qu’au PS ou au PC - il reste beaucoup à faire. En la matière, il ne suffit pas de défendre les “petits” contre les “gros” ou de dénoncer de façon démagogique le “capitalisme mondialisé”. Et Alain de Benoist… d’inviter Marine Le Pen à parler “rapports de classe” et à démonter “la logique du profit et d’accumulation du capital”!
Selon lui, le FN va devoir trancher entre deux options: “soit être un parti de droite ‘respectable’ appelé à terme à passer des accords politique (…) avec la famille politique correspondant aujourd’hui à l’UMP; soit se poser véritablement comme le parti en devenantle porte-parole des classes populaires qui font aujourd’hui les frais de la crise, et des classes moyennes menacées de déclassement et de paupérisation”. Dans l’un ou l’autre cas, il estime que “le FN aurait tout intérêt à changer de nom”.
Pour Alain de Benoist,“toute la question est de savoir si Marine Le Pen se situe dans l’optique du “choc des civilisations” ou si elle entend contester frontalement un nouvel ordre mondial qui utilise (et encourage) l’éventualité de ce “choc” pour renforcer la puissance dominante des Etats-Unis et de ses alliés. Le vrai clivage est là.” »
(Source Droite(s) extrême(s), 26 janvier 2011)
Commentaires
Alain de Benoist, dont l'apport est essentiel pour comprendre l'évolution de la pensée anti-conformiste (on peut hésiter entre plusieurs expressions, telles "anti-modernistes", "conservatrices révolutionnaires", mais ces termes sont un peu érodés par la patine du temps, et à coup sûr pipés par les frictions polémiques), omet d'évoquer, sauf indirectement, par le truchement de la critique sociale, le positionnement géo-politique du nouveau Front national, depuis quelques dizaines d'années attaché au soutien des partis "arabes" dans leur lutte contre le sionisme et l'agression yankee. Or, Marine Le Pen, dans un récent entretien donné au journal de la gauche israélien Aaretz, a soutenu que son mouvement avait toujours été sioniste. On est en droit de s'interroger sur la réalité d'une ligne frontiste en politique étrangère, et si l'on veut, on peut même s'essayer à décrypter ce qui se cache derrière cet envoi de signe. Pour ceux qui savent, il ne fait guère de doute que Marine Le Pen ménage pour l'instant la chèvre et le choux.
Maintenant, il est des lois, en politique, qui sont ce que représentent celles de la nature pour les corps en mouvement. La loi de la gravitation, par exemple, contraint tout objet céleste à se rapprocher d'un autre corps pourvu d'une masse plus importante, pour peu que sa puissance centripète soit insuffisante pour le retenir d'être attiré. Le pouvoir, ou du moins l'attrait qu'il exerce, est cette loi de gravitation qui arraisonne de nombreux groupes gravitant autour du centre, et dont l'énergie contestatrice, l'équivalent de la force centripète, subit des fluctuations parfois redoutables.
Pour le coup, on deviendrait anarchiste, si le libertaire, dans son baraguouin dégoulinant de bien pensance n'était le pendant du cynisme politicien.
Reste le recours aux forêts.
Avec le colt dans les poches.