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Points de vue - Page 143

  • Vivre un monde où plus rien n’est humain, où l’homme est un masque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la crise sanitaire et à ses responsables. Économiste de formation, vice-président de Géopragma et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

     

    Masques_Asie.jpg

     

    Vivre un monde où plus rien n’est humain, où l’homme est un masque ?

    La cause est entendue, contrairement à ce qu’ont asséné avec certitude les autorités sanitaires françaises en mars dernier encore, le port du masque est efficace et conseillé. Deviendra-t-il obligatoire et durable ? Porter le masque deviendra-t-il le nouvel état normal des contacts humains ? Certaines municipalités ont franchi le pas. À Nice, par exemple, plus question de sortir sans un masque. Et le déconfinement pourrait bien être subordonné au port du masque – et à leur mise à disposition…

    Le masque, la nouvelle frontière

    Je me souviens de ces arrivées dans les capitales de l’Asie en ébullition, où l’exotisme n’était pas dans les palmiers, les filets anti-requins ou les odeurs d’épices, mais dans les masques portés par une majorité de passants dans la rue. Et de ces deux réactions spontanées : quelle tristesse que ce monde où il faut porter un masque pour sortir dans la rue ! Et, aussitôt après, heureusement que chez nous, ça n’arrivera jamais !

    Naïveté du visiteur, persuadé que chez lui… et bêtise devant la réalité criminelle de la globalisation, de la mobilité des hommes, de l’ouverture des frontières et des migrations de masse. Quand le monde se déverse dans les aéroports et le métro, le virus aussi y arrive. Et quand la frontière n’arrête plus la mobilité globale, la dernière frontière, c’est la peau.

    Nous ne pouvons plus ne pas regarder la réalité en face. Quand les Nations n’ont plus de frontières, les individus se masquent. Quand les communautés ne se séparent plus les unes des unes, ce sont les individus qui se séparent les uns des autres, et de la manière la plus radicale. Après le préservatif, la distance sociale. Après la distance sociale, le masque sur le visage. Après le masque, quoi ? Sinon l’interdiction de se serrer la main de s’embrasser, de se promener main dans la main, d’ouvrir son lit à l’inconnu(e) de rencontre… voilà le résultat du globalisme, du sans frontiérisme, de l’affirmation stupide que tous les hommes sont les mêmes, que nous ne sommes de nulle part et que la frontière est une barbarie antique.

    La globalisation tue.
    Les mouvements de population tuent.
    L’ouverture des frontières tue.

    Le Crime des Davos’guys

    Le nomadisme imposé à ceux à qui le marché vole leurs terres et promet l’idéal des mobiles sans terre, tue. Ceux qui ont promu le nomadisme comme la condition humaine de la modernité savent-ils le mal qu’ils commettent ? Car le nomadisme comme adaptation forcée des modes de vie à la globalisation, fait des hommes d’une Nation, des citoyens d’une terre, d’une loi et d’une société, des hommes hors sol, des hommes de rien, ceux qui se croient plus que des hommes parce qu’ils vont d’un aéroport à un centre de congrès, et qui sont moins qu’un homme, celui qui sait qu’il doit sa terre à ceux qui l’ont conquis, défendue et travaillée pour lui, et aux enfants de ses enfants qui la défendront et la travailleront comme il l’a fait.

    Le développement, qui provoque l’explosion démographique africaine sans offrir la contrepartie en ressources, en capital et en formation, tue.

    Le pouvoir sanitaire qui interdit que soient rendus les devoirs les plus universels, comme celui de l’assistance aux mourants, qui ferme les lieux de culte, les forêts et les sentiers, entérine un nouveau recul du sacré. Car le sacré commence avec l’idée qu’il y a plus que la vie, et qu’un homme commence avec ce qui justifie qu’il puisse tuer ou mourir pour autre chose que son intérêt individuel. Voilà pourquoi l’ordre nouveau des marchands et des financiers veut en finir à jamais avec la Nation, comme avec la religion, comme avec la famille et la nature ; car elles sont ce pourquoi tuer ou mourir, car elles sont tout ce qui s’oppose à la liquidation universelle de la vie pour le rendement financier.

    La séparation des proches de leurs proches au moment de leur mort, la séparation des fidèles de leur lieu de culte, église, synagogue, temple ou mosquée, appellent Antigone. Mais où est-elle, celle qui se lèvera face à l’inhumanité des règles de confinement, face aux manipulations des laboratoires pharmaceutiques et des édiles de la santé publique, pour dire qu’il y a plus que la vie, et qu’autre chose compte que la loi des hommes ?

    Nous ne pouvons plus voir les masques, porter les masques, faire face au masque obligé sur le visage de nos amis, de nos voisins, de nos proches, sans être certains du recul de la civilisation. Et nous ne pouvons suivre le chemin parcouru depuis le préservatif jusqu’au masque, sans constater que le rapport humain direct, amical et confiant est la victime achevée de l’individualisme radical, cette autocréation de chacun par lui-même, cette quête de l’indétermination absolue, cette négation de notre condition politique et humaine.

    Il faudra que les socialistes qui ont tout sacrifié à un internationalisme forcené mesurent ce qu’ils ont fait quand ils ont abandonné l’ouvrier français pour le migrant, le combat social pour la promotion des minorités autoproclamées, et le progrès du citoyen dans sa Nation pour l’utopie de la société globale et de l’humanité unie. Quant aux écologistes qui s’accrochent encore au discours global, mesurent-ils que c’est l’urgence écologique qu’ils mettent en danger à force de la détourner pour un agenda libéral totalement et définitivement hostile à la vie — celui de la climatisation généralisée et de la vaccination universelle ?

    Il faudra tôt ou tard que ceux qui ont imposé leur agenda criminel par haine de l’Europe et des Nations paient. Derrière leurs Fondations et leurs ONG qui blanchissent si bien l’argent du crime, les Davos’guys, les prêcheurs du nomadisme, les pirates de la Silicon Valley, sont coupables de crime contre la civilisation, cette civilisation qui n’existe que dans la diversité, donc la séparation, donc la discrimination.

    Qu’en aurait dit le grand ethnologue défenseur passionné de la diversité des sociétés humaines, Claude Lévi Strauss ? Lui qui, âgé alors de plus de cent ans, confiait qu’il allait quitter sans regret un monde où plus rien ne demeurait de ce qu’il avait aimé ? Que dirait-il devant la prolifération de ces masques qui font de chacun, de chacune, un fantôme aseptisé ? Et que dirait Emmanuel Levinas, lui qui a fondé sa philosophie de l’altérité sur le contact direct avec le regard et le visage de l’autre, dans des villes où le masque cache à chacun le visage de l’autre ?

    Le port du masque instaure cette Grande Séparation qui s’annonçait, voici bientôt dix ans (1). Nous vivons l’effet monstrueux de la négation de la distance, de la séparation, de l’éloignement. S’il faut porter un masque dans la rue, s’il faut se cacher derrière un masque pour sortir, rencontrer, côtoyer, la question se posera à beaucoup ; est-ce vraiment là le monde dans lequel nous avons envie de vivre ? Et la réponse s’imposera ; que paient ceux qui ont fait de lui ce qu’il est devenu ! Le prix ne sera jamais trop élevé.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 11 avril 2020)

     

    Note :

    1) pour une fois, je ne peux que rappeler mon livre, « La Grande Séparation », Gallimard, « Le Débat », 2014.

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  • La macronie face au Covid-19 : communication de crise ou crise de la communication ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et dans lequel il analyse la communication de Macron et de son équipe dans la crise du Coronavirus. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

    Macron_Sibeth Ndiaye.jpg

    La macronie face au Covid-19 : communication de crise ou crise de la communication ?...

    On apprend [1] que la présidence de la République a modifié, une nouvelle fois, son pôle de communication. La porte-parole du gouvernement aurait fait de même. Mauvais présage car, en macronie, tout commence et finit par la communication. Pour le pouvoir, face au coronavirus, la communication de crise ne tournerait-elle pas à la crise de communication ?

    Nous sommes en guerre… mais comme en 1940

    Au début de la crise, le président de la République a choisi, comme à son habitude, une pose théâtrale : contre le virus « nous sommes en guerre », affirme-t-il au moins six fois de suite, dans son allocution du 16 mars 2020.

    Le président, qui n’a pas fait son service militaire, aime jouer au chef de guerre ou se prendre pour Clemenceau.

    Las, il est bien vite apparu que l’on faisait la guerre, mais plutôt comme en 1940 : sans stratégie bien claire ni surtout sans moyens adaptés.

    On faisait la guerre à l’épidémie, mais sans contrôler les frontières, avec des hôpitaux publics et des services d’urgence en crise, sans stocks de masques suffisants ou sans respirateurs, et sans pouvoir procéder au dépistage du virus dans la population.

    Ne restait donc dans les arsenaux que le confinement qui ne requérait que peu de moyens, sinon policiers.

    Le choix du mensonge

    Curieusement, le gouvernement a alors choisi de mentir aux Français alors même que sa responsabilité dans cette absence de moyens n’est pas exclusive, même si cela fait plus de deux ans et demi qu’il est aux affaires.

    Il a d’abord menti en faisant croire que tout était sous contrôle, au temps d’Agnès Buzyn.

    Puis, avec l’aide de ses fidèles médias mainstream, il a seriné que les masques ne servaient à rien [2] ou qu’il fallait les réserver aux personnels de santé, que les contrôles aux frontières ne servaient à rien, que les virus ne s’arrêtaient pas aux frontières, que le dépistage n’était pas utile, etc.

    Mais, à l’âge d’Internet et des réseaux sociaux, il est de plus en plus difficile à un gouvernement de mentir durablement !

    Bien vite, les témoignages du désastre sanitaire et logistique auquel étaient confrontés les personnels de santé sont apparus. Il suffisait aussi de se rendre dans une pharmacie pour voir une affichette qui résumait à elle seule la déroute française : « Pas de masques ni de gel hydroalcoolique ». Il suffisait enfin de regarder les médias pour voir qu’à l’étranger, manifestement, on pensait que les frontières, les masques et les tests étaient utiles.

    Le contraste était donc visible et palpable entre le discours martial du pouvoir et la réalité des moyens qu’il pouvait mobiliser.

    Il mentait donc pour la bonne cause : la sienne, en essayant de transformer un manque de moyens en vertu thérapeutique !

    Volte-face

    Voyant que le désastre logistique passait mal et que le fait d’applaudir à 20 heures les personnels de santé ne suffisait pas, on a ensuite fait volte-face pour communiquer sur… les commandes massives de masques ou de réanimateurs effectuées par les autorités.

    Et on annonce maintenant que l’on va procéder à des tests massifs. Comme on a rétabli les contrôles aux frontières.

    Mais alors, pourquoi ce qui était présenté comme inutile ou absurde hier, devient-il maintenant un axe fort de la communication de crise du pouvoir ?

    Une telle volte-face donne surtout à penser que les décideurs n’ont pas de cap.

    Les experts à la peine

    Le gouvernement a choisi aussi de s’appuyer en permanence sur les analyses d’un conseil scientifique, pour justifier ses décisions.

    Mais, comme il était à prévoir, cette posture allait déboucher sur une polémique entre experts sur les réseaux sociaux, démontrant à l’évidence que le corps médical dans son ensemble était loin de soutenir les choix gouvernementaux.

    Cette attitude donnait aussi le sentiment que nos gouvernants ne gouvernaient plus vraiment mais abandonnaient les choix aux experts.

    Pire, l’ancienne ministre de la santé, s’est mise à affirmer publiquement que le gouvernement n’avait pas pris suffisamment au sérieux ses avertissements quant à l’ampleur de la crise. Et que, par conséquent, la guerre avait été déclarée avec retard.

    La question de la chloroquine a constitué un autre désastre de la communication gouvernementale puisque la polémique publique opposant le conseil scientifique, le gouvernement et ses médias aux travaux et affirmations du professeur Raoult a donné le sentiment que les décideurs tergiversaient dans l’adoption d’un remède contre le virus, pour des raisons incompréhensibles ou peu avouables.

    Et, une nouvelle fois, on a diabolisé une option, pour ensuite commencer de s’y rallier à moitié !

    Tragediante ! Commediante !

    Le gouvernement a enfin choisi, avec l’aide des médias mainstream, toujours avides de catastrophisme bon pour l’audience, de tenir un discours de dramatisation, affirmant chaque jour que demain serait pire.

    « Les 15 prochains jours seront encore plus difficiles que les 15 jours écoulés », affirme ainsi le Premier ministre, le 28 mars 2020. En écho à Emmanuel Macron pour qui « la vague est là […]. Nous allons affronter une crise financière sans précédent, une crise de l’économie réelle. Nous ne sommes pas au bout de ce que cette épidémie va nous faire vivre […]. C’est une guerre. Elle va durer [3] ».

    Un discours qui a évidemment permis aussi de faire passer dans l’opinion groggy un « état d’urgence sanitaire » ouvrant la voie au gouvernement par ordonnances et au renforcement de mesures liberticides.

    Mais un discours qui donne aussi le sentiment que l’on se borne à suivre l’évolution naturelle de l’épidémie et de ses conséquences, sans les maîtriser. Car ce discours comporte en lui-même ses propres limites lorsqu’on joue au chef de guerre : si vous affirmez « savoir » que demain sera pire, on finit fatalement par vous demander : que faites-vous donc pour empêcher ce scénario ? Et si vous n’y parvenez pas, à quoi donc servez-vous ?

    Union nationale ? Non, défiance nationale

    Cette communication calamiteuse a ancré nos concitoyens dans une forte défiance à l’égard des annonces gouvernementales dans la gestion de la crise.

    L’union nationale invoquée par Emmanuel Macron a cédé progressivement la place à une nouvelle défiance nationale à l’encontre de son action et de celle du gouvernement. Après la crise des Gilets jaunes et la réforme des retraites, cela commence à faire beaucoup.

    Un sondage montre ainsi que 69 % des personnes interrogées estiment que le gouvernement n’est « pas clair » face à la pandémie de Covid-19 et 70 % qu’il « ne dit pas la vérité aux Français ». 75 % considèrent qu’il n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment et la même proportion pense qu’il « ne fait pas ce qu’il faut pour bien équiper les hôpitaux et les soignants face à l’épidémie ». De plus, 75 % des interrogés disent ne pas être « rassurés » par un gouvernement qui, pour 79 % d’entre eux, ne « sait pas où il va [4] ».

    « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va », écrivait Sénèque.

    Avec le coronavirus, la macronie vient une nouvelle fois de l’illustrer.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 avril 2020)

     

    Notes :

    [1] Le Monde.fr du 31 mars 2020.

    [2] Sibeth Ndiaye a même expliqué que bien se servir d’un masque était compliqué, ce qui sous-entendait que les Français ne sauraient pas le faire.

    [3] Interview au JDD du 22 mars 2020.

    [4] Enquête d’opinion menée les 24 et 25 mars 2020 par Odoxa et Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info.

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  • La macronie face au Covid-19 : communication de crise ou crise de la communication ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy cueilli sur Polémia et dans lequel il analyse la communication de Macron et de son équipe dans la crise du Coronavirus. Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a récemment publié La Superclasse mondiale contre les peuples (Via Romana, 2018).

     

    Macron_Sibeth Ndiaye.jpg

    La macronie face au Covid-19 : communication de crise ou crise de la communication ?...

    On apprend [1] que la présidence de la République a modifié, une nouvelle fois, son pôle de communication. La porte-parole du gouvernement aurait fait de même. Mauvais présage car, en macronie, tout commence et finit par la communication. Pour le pouvoir, face au coronavirus, la communication de crise ne tournerait-elle pas à la crise de communication ?

    Nous sommes en guerre… mais comme en 1940

    Au début de la crise, le président de la République a choisi, comme à son habitude, une pose théâtrale : contre le virus « nous sommes en guerre », affirme-t-il au moins six fois de suite, dans son allocution du 16 mars 2020.

    Le président, qui n’a pas fait son service militaire, aime jouer au chef de guerre ou se prendre pour Clemenceau.

    Las, il est bien vite apparu que l’on faisait la guerre, mais plutôt comme en 1940 : sans stratégie bien claire ni surtout sans moyens adaptés.

    On faisait la guerre à l’épidémie, mais sans contrôler les frontières, avec des hôpitaux publics et des services d’urgence en crise, sans stocks de masques suffisants ou sans respirateurs, et sans pouvoir procéder au dépistage du virus dans la population.

    Ne restait donc dans les arsenaux que le confinement qui ne requérait que peu de moyens, sinon policiers.

    Le choix du mensonge

    Curieusement, le gouvernement a alors choisi de mentir aux Français alors même que sa responsabilité dans cette absence de moyens n’est pas exclusive, même si cela fait plus de deux ans et demi qu’il est aux affaires.

    Il a d’abord menti en faisant croire que tout était sous contrôle, au temps d’Agnès Buzyn.

    Puis, avec l’aide de ses fidèles médias mainstream, il a seriné que les masques ne servaient à rien [2] ou qu’il fallait les réserver aux personnels de santé, que les contrôles aux frontières ne servaient à rien, que les virus ne s’arrêtaient pas aux frontières, que le dépistage n’était pas utile, etc.

    Mais, à l’âge d’Internet et des réseaux sociaux, il est de plus en plus difficile à un gouvernement de mentir durablement !

    Bien vite, les témoignages du désastre sanitaire et logistique auquel étaient confrontés les personnels de santé sont apparus. Il suffisait aussi de se rendre dans une pharmacie pour voir une affichette qui résumait à elle seule la déroute française : « Pas de masques ni de gel hydroalcoolique ». Il suffisait enfin de regarder les médias pour voir qu’à l’étranger, manifestement, on pensait que les frontières, les masques et les tests étaient utiles.

    Le contraste était donc visible et palpable entre le discours martial du pouvoir et la réalité des moyens qu’il pouvait mobiliser.

    Il mentait donc pour la bonne cause : la sienne, en essayant de transformer un manque de moyens en vertu thérapeutique !

    Volte-face

    Voyant que le désastre logistique passait mal et que le fait d’applaudir à 20 heures les personnels de santé ne suffisait pas, on a ensuite fait volte-face pour communiquer sur… les commandes massives de masques ou de réanimateurs effectuées par les autorités.

    Et on annonce maintenant que l’on va procéder à des tests massifs. Comme on a rétabli les contrôles aux frontières.

    Mais alors, pourquoi ce qui était présenté comme inutile ou absurde hier, devient-il maintenant un axe fort de la communication de crise du pouvoir ?

    Une telle volte-face donne surtout à penser que les décideurs n’ont pas de cap.

    Les experts à la peine

    Le gouvernement a choisi aussi de s’appuyer en permanence sur les analyses d’un conseil scientifique, pour justifier ses décisions.

    Mais, comme il était à prévoir, cette posture allait déboucher sur une polémique entre experts sur les réseaux sociaux, démontrant à l’évidence que le corps médical dans son ensemble était loin de soutenir les choix gouvernementaux.

    Cette attitude donnait aussi le sentiment que nos gouvernants ne gouvernaient plus vraiment mais abandonnaient les choix aux experts.

    Pire, l’ancienne ministre de la santé, s’est mise à affirmer publiquement que le gouvernement n’avait pas pris suffisamment au sérieux ses avertissements quant à l’ampleur de la crise. Et que, par conséquent, la guerre avait été déclarée avec retard.

    La question de la chloroquine a constitué un autre désastre de la communication gouvernementale puisque la polémique publique opposant le conseil scientifique, le gouvernement et ses médias aux travaux et affirmations du professeur Raoult a donné le sentiment que les décideurs tergiversaient dans l’adoption d’un remède contre le virus, pour des raisons incompréhensibles ou peu avouables.

    Et, une nouvelle fois, on a diabolisé une option, pour ensuite commencer de s’y rallier à moitié !

    Tragediante ! Commediante !

    Le gouvernement a enfin choisi, avec l’aide des médias mainstream, toujours avides de catastrophisme bon pour l’audience, de tenir un discours de dramatisation, affirmant chaque jour que demain serait pire.

    « Les 15 prochains jours seront encore plus difficiles que les 15 jours écoulés », affirme ainsi le Premier ministre, le 28 mars 2020. En écho à Emmanuel Macron pour qui « la vague est là […]. Nous allons affronter une crise financière sans précédent, une crise de l’économie réelle. Nous ne sommes pas au bout de ce que cette épidémie va nous faire vivre […]. C’est une guerre. Elle va durer [3] ».

    Un discours qui a évidemment permis aussi de faire passer dans l’opinion groggy un « état d’urgence sanitaire » ouvrant la voie au gouvernement par ordonnances et au renforcement de mesures liberticides.

    Mais un discours qui donne aussi le sentiment que l’on se borne à suivre l’évolution naturelle de l’épidémie et de ses conséquences, sans les maîtriser. Car ce discours comporte en lui-même ses propres limites lorsqu’on joue au chef de guerre : si vous affirmez « savoir » que demain sera pire, on finit fatalement par vous demander : que faites-vous donc pour empêcher ce scénario ? Et si vous n’y parvenez pas, à quoi donc servez-vous ?

    Union nationale ? Non, défiance nationale

    Cette communication calamiteuse a ancré nos concitoyens dans une forte défiance à l’égard des annonces gouvernementales dans la gestion de la crise.

    L’union nationale invoquée par Emmanuel Macron a cédé progressivement la place à une nouvelle défiance nationale à l’encontre de son action et de celle du gouvernement. Après la crise des Gilets jaunes et la réforme des retraites, cela commence à faire beaucoup.

    Un sondage montre ainsi que 69 % des personnes interrogées estiment que le gouvernement n’est « pas clair » face à la pandémie de Covid-19 et 70 % qu’il « ne dit pas la vérité aux Français ». 75 % considèrent qu’il n’a pas pris les bonnes décisions au bon moment et la même proportion pense qu’il « ne fait pas ce qu’il faut pour bien équiper les hôpitaux et les soignants face à l’épidémie ». De plus, 75 % des interrogés disent ne pas être « rassurés » par un gouvernement qui, pour 79 % d’entre eux, ne « sait pas où il va [4] ».

    « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va », écrivait Sénèque.

    Avec le coronavirus, la macronie vient une nouvelle fois de l’illustrer.

    Michel Geoffroy (Polémia, 10 avril 2020)

     

    Notes :

    [1] Le Monde.fr du 31 mars 2020.

    [2] Sibeth Ndiaye a même expliqué que bien se servir d’un masque était compliqué, ce qui sous-entendait que les Français ne sauraient pas le faire.

    [3] Interview au JDD du 22 mars 2020.

    [4] Enquête d’opinion menée les 24 et 25 mars 2020 par Odoxa et Dentsu Consulting pour Le Figaro et France Info.

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  • La nature comme socle !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une superbe vidéo de l'Institut Iliade sur le thème de la nature qui vient annoncer le sujet du prochain colloque, dont la date a été déplacée au samedi 19 septembre 2020.

     

                                      

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  • Covid-19 : Macron s'en va-t-en guerre, Eléments fait le bilan !...

    En congé forcé pour cause de confinement, Le Plus d'Éléments n'en est pas pour autant au chômage partiel. Retrouvez ses journalistes pour un rendez-vous hebdomadaire sur TV Libertés. Billets d'humeur et nouvelles perspectives sont au programme avec dans ce numéro, Nicolas Gauthier, François Bousquet et Bruno Lafourcade !

     

                                  

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  • La révolution virale aura-t-elle lieu ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Byung-Chul Han, cueilli sur le site du quotidien Libération et consacré au nouveau pas que va faire franchir à l'Occident un nouveau pas vers la mise en place d'une surveillance généralisée... Philosophe allemand d'origine coréenne, Byung-Chul Han a vu plusieurs de ses livres traduits en français , comme Dans la nuée - Réflexions sur le numérique (Acte sud, 2015), Le parfum du temps (Circé, 2016), Psychopolitique (Circé, 2016), Sauvons le Beau - L'esthétique à l'ère numérique.(Actes sud, 2016), La société de transparence (PUF, 2017) ou Topologie de la violence (R&N, 2019).

    Coronavirus_révolution.jpg

    La révolution virale n’aura pas lieu

    Le coronavirus est un test système pour le logiciel étatique. Il semble que l’Asie parvient beaucoup mieux à juguler l’épidémie que ses voisins européens : à Hongkong, Taïwan et Singapour, on compte très peu de personnes contaminées et, pour la Corée du Sud et le Japon, le plus dur est passé. Même la Chine, premier foyer de l’épidémie, a largement réussi à endiguer sa progression. Depuis peu, on assiste à un exode des Asiatiques fuyant l’Europe et les Etats-Unis : Chinois et Coréens veulent regagner leur pays d’origine où ils se sentiront plus en sécurité. Le prix des vols explose, et trouver un billet d’avion pour la Chine ou la Corée est devenu mission impossible.

    Et l’Europe ? Elle perd pied. Elle chancelle sous le coup de la pandémie. On désintube des patients âgés pour pouvoir soulager les plus jeunes. Mais l’on constate aussi qu’un actionnisme dénué de sens est à l’œuvre. La fermeture des frontières apparaît comme l’expression désespérée de la souveraineté des Etats, alors que des coopérations intensives au sein de l’Union européenne auraient un effet bien plus grand que le retranchement aveugle de ses membres dans leur pré carré.

    Quels sont les avantages systémiques de l’Asie face à l’Europe dans la lutte contre la maladie ? Les Asiatiques ont massivement misé sur la surveillance numérique et l’exploitation des mégadonnées. Aujourd’hui, en Asie, ce ne sont pas les virologues ou les épidémiologistes qui luttent contre la pandémie, mais bien les informaticiens et les spécialistes du «big data» - un changement de paradigme dont l’Europe n’a pas encore pris toute la mesure. «Les données massives sauvent des vies humaines !» s’écrient les champions de la surveillance numérique.

    Il n’existe chez nos voisins asiatiques presque aucune forme de conscience critique envers cette surveillance des citoyens. Même dans les Etats libéraux que sont le Japon et la Corée, le contrôle des données est presque tombé aux oubliettes, et personne ne se rebelle contre la monstrueuse et frénétique collecte d’informations des autorités. La Chine est allée jusqu’à instaurer un système de «points sociaux» - perspective inimaginable pour tout Européen - qui permet d’établir un «classement» très exhaustif de ses citoyens, en vertu duquel l’attitude sociale de chaque personne doit pouvoir être systématiquement évaluée. Le moindre achat, la moindre activité sur les réseaux sociaux, le moindre clic est contrôlé. Quiconque brûle un feu rouge, fréquente des personnes hostiles au régime, poste des commentaires critiques sur Internet se voit attribuer des «mauvais points». C’est vivre dangereusement. A l’inverse, celui qui achète en ligne des aliments jugés sains ou lit des journaux proches du Parti sera récompensé par des «bons points». Et celui qui a engrangé assez de bons points pourra obtenir un visa de sortie ou des prêts à taux attractifs. Mais celui qui tombe en dessous d’un certain nombre de points pourrait bien perdre son boulot.

    200 millions de caméras

    En Chine, cette surveillance sociale exercée par l’Etat est rendue possible grâce à un échange de données illimité avec les fournisseurs de téléphonie mobile et d’accès à Internet. La notion de protection des données existe à peine, et l’idée de «sphère privée» est absente du vocabulaire des Chinois. La Chine a installé sur son territoire 200 millions de caméras, équipées pour la plupart d’un système de reconnaissance faciale extrêmement perfectionné qui peut déceler jusqu’aux grains de beauté. Personne n’y coupe. Partout, dans les magasins, dans les rues, dans les gares et les aéroports, ces caméras intelligentes scrutent et «évaluent» chaque citoyen.

    Et voici que cette immense infrastructure déployée afin de garantir la surveillance électronique du peuple se révèle d’une efficacité redoutable pour endiguer l’épidémie. Toute personne qui sort de la gare de Pékin est immédiatement identifiée par une caméra. L’appareil mesure sa température corporelle, et il suffit que celle-ci soit anormalement élevée pour que toute personne ayant voyagé dans le même compartiment en soit immédiatement informée par téléphone mobile - car le système sait exactement qui était assis à quelle place. Sur les réseaux sociaux, on parle même de drones utilisés pour surveiller la quarantaine. Dès que quelqu’un tente de rompre le confinement, un drone volant s’approche de lui et une voix automatique lui ordonne de regagner son domicile. Qui sait, peut-être même que ces engins impriment des amendes qui descendent doucement jusqu’aux fautifs. Un tableau dystopique pour les Européens, mais qui semble ne rencontrer aucun obstacle dans l’empire du Milieu.

    La Chine n’est pas la seule à avoir banni toute réflexion critique quant à la surveillance numérique ou au big data : il en est de même en Corée du Sud, à Hongkong, à Singapour, à Taïwan et au Japon, des Etats qui s’enivrent littéralement du tout numérique. Cette situation a une cause culturelle précise : en Asie, le collectivisme règne en maître, et l’individualisme n’est que faiblement développé. (L’individualisme et l’égoïsme sont deux choses différentes : il va de soi qu’en Asie aussi, l’égoïsme a de beaux jours devant lui.)

    Or, force est de constater qu’en matière de lutte contre le virus, les mégadonnées semblent être plus efficaces que la fermeture des frontières. Il est même possible qu’à l’avenir, la température corporelle, le poids et le taux de glycémie, entre autres données, soient contrôlés par l’Etat. Une biopolitique numérique qui viendrait renforcer la psychopolitique numérique déjà en place, dans le but d’influer directement sur les pensées et les émotions des citoyens.

    A Wuhan, des milliers d’équipes chargées de la surveillance électronique ont été formées, avec pour tâche de traquer les malades potentiels en utilisant uniquement leurs données spécifiques. L’analyse des mégadonnées leur permet à elle seule d’identifier les personnes susceptibles d’être contaminées, et ainsi de déterminer qui doit rester sous observation et être éventuellement placé en quarantaine.

    A Taïwan ou en Corée du Sud, l’Etat envoie simultanément un texto à tous ses citoyens afin de retrouver des personnes ayant été au contact de malades, ou d’indiquer aux gens les lieux et bâtiments par lesquels sont passées les personnes testées positives au coronavirus. Très tôt, Taïwan a fait coïncider différentes informations afin de retracer les déplacements de malades potentiels. En Corée, il suffit de s’approcher d’un immeuble où a séjourné une personne contaminée pour recevoir une alerte immédiate via l’application de lutte contre le Covid-19. La Corée a elle aussi fait installer des caméras de surveillance dans chaque bâtiment, chaque bureau, chaque boutique ; là aussi, impossible de se mouvoir dans l’espace public sans être visé par l’objectif. Grâce aux données provenant des téléphones mobiles, il est possible de vérifier en un instant les déplacements d’un malade, et les allées et venues de toutes les personnes contaminées sont d’ailleurs rendues publiques. Inutile de dire que les liaisons secrètes ne le restent pas longtemps.

    Pourquoi notre monde est-il pris d’un tel effroi face au virus ? La «guerre» est dans toutes les bouches, et cet «ennemi invisible» dont il faut venir à bout. Nous vivons depuis très longtemps sans ennemi. Il y a exactement dix ans, dans mon essai intitulé la Société de la fatigue (1), je défendais la thèse que nous vivons un temps où le paradigme immunologique reposant sur la négativité de l’ennemi n’a plus cours. La société organisée selon le principe d’immunité est cernée de frontières et de clôtures, comme à l’époque de la guerre froide. Des protections qui empêchent du même coup une circulation accélérée des biens et du capital. Or la mondialisation élimine ces défenses immunitaires pour paver la voie au capital. Il en va de même de la promiscuité et de la permissivité aujourd’hui omniprésentes dans tous les domaines de notre vie : elles annulent la négativité de l’étranger - ou de l’ennemi. Aujourd’hui, ce n’est pas de la négativité de l’ennemi que proviennent les dangers, mais bien de la surabondance positive qui s’exprime sous forme de surproduction, de surcommunication, de surperformance. La guerre, dans notre société de la performance, c’est avant tout contre soi-même qu’on la fait.

    Et voici que le virus s’abat brutalement sur des sociétés à l’immunité gravement affaiblie par le capitalisme mondialisé. En proie à la frayeur, ces sociétés tentent de rétablir leurs défenses immunitaires, elles ferment les frontières. Ce n’est alors plus contre nous-mêmes que nous menons la guerre, mais contre l’ennemi invisible venu du dehors. Et si cette réaction immunitaire face à ce nouvel assaillant est si violente, c’est justement parce que nous vivons depuis très longtemps au sein d’une société sans ennemis, une société du positif. Désormais, le virus est ressenti comme une terreur permanente.

    Mais cette panique sans précédent a une autre cause, qu’il faut, là aussi, chercher dans la numérisation. La numérisation supprime la réalité, et c’est en étant confronté à la résistance qu’on éprouve la réalité, souvent dans la douleur. La «digitalisation», toute cette culture du like, a pour conséquence d’éliminer la négativité de la révolte. C’est ainsi que s’est installée, en notre ère post-factuelle de la désinformation et du deep fake, de l’hypertrucage, une apathie de la réalité. Plongés que nous sommes dans cet état d’inertie, le virus, autrement plus réel qu’un virus informatique, nous assène un formidable choc. Et la réalité, la résistance du réel se rappelle à notre bon souvenir.

    Mais la peur exagérée du virus est avant tout le reflet de notre société de la survie, où toutes les forces vitales sont mises à profit pour prolonger l’existence. La quête de la vie bonne a cédé la place à l’hystérie de la survie. Et la société de la survie ne voit pas le plaisir d’un bon œil : ici, la santé est reine. Soucieux de notre survie menacée, nous sacrifions allègrement tout ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Ces jours-ci, la lutte acharnée pour la survie connaît une accélération virale : nous nous soumettons sans broncher à l’état d’urgence, nous acceptons sans mot dire la restriction de nos droits fondamentaux. Et c’est la société tout entière qui se mue en une vaste quarantaine. Livrée à l’épidémie, notre société montre un visage inhumain. L’autre est d’emblée considéré comme un porteur potentiel avec lequel il faut prendre ses distances. Contact égale contagion, le virus creuse la solitude et la dépression. «Corona blues», tel est le terme que les Coréens ont trouvé pour qualifier la dépression provoquée par l’actuelle société de la quarantaine.

    La survie forcenée

    Si nous n’opposons pas la quête de la vie bonne à la lutte pour la survie, l’existence post-épidémie sera encore plus marquée par la survie forcenée qu’avant cette crise. Alors, nous nous mettrons à ressembler au virus, ce mort-vivant qui se multiplie, se multiplie, et qui survit. Survit sans vivre.

    Le philosophe slovène Slavoj Žižek affirme que le virus va porter un coup mortel au capitalisme. Il invoque un communisme de mauvais augure, allant jusqu’à croire que le virus fera échouer le régime chinois. Žižek fait fausse route : il n’en sera rien. Forte de son succès face à l’épidémie, la Chine vendra l’efficacité de son modèle sécuritaire dans le monde entier. Après l’épidémie, le capitalisme reprendra et sera plus implacable encore. Les touristes continueront de piétiner et de raser la planète. Le virus n’a pas fait ralentir le capitalisme, non, il l’a mis un instant en sommeil. Le calme règne - un calme d’avant la tempête. Le virus ne saurait remplacer la raison ; et ce qui risque de nous arriver, à l’Ouest, c’est d’hériter par-dessus le marché d’Etats policiers à l’image de la Chine. Naomi Klein l’a dit : ce «choc» représente un moment propice qui pourrait nous permettre d’établir un nouveau modèle de pouvoir. Le développement du néolibéralisme a souvent été à l’origine de crises qui ont généré de tels chocs. Ce fut le cas en Corée, en Grèce. Mais une fois qu’elle aura encaissé ce choc du virus, on peut craindre que l’Europe adopte elle aussi un régime de surveillance numérique permanente, à la chinoise. Alors, comme le redoute le penseur italien Giorgio Agamben, l’état d’urgence sera devenu le temps normal. Et le virus aura réussi là où le terrorisme islamique semblait avoir échoué.

    La révolution virale n’aura pas eu lieu. Nul virus ne peut faire la révolution. Le virus nous esseule, il ne crée pas de grande cohésion - chacune, chacun ne se soucie plus que de sa propre survie. Au lendemain de l’épidémie, espérons que se lèvera une révolution à visage humain. C’est à nous, femmes et hommes de raison, c’est à nous de repenser et de limiter radicalement notre capitalisme destructeur, notre mobilité délétère, pour nous sauver nous-mêmes et préserver notre belle planète.

    Byung-Chul Han (Libération, 5 avril 2020)

     
    Notes :

    (1) La Société de la fatigue, traduit de l’allemand par Julie Stroz, éd. Circé, 120 pp.

     
     
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