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Economie - Page 28

  • Le scandale des délocalisations...

    Eric Laurent, journaliste sur France Culture, spécialiste des relations internationales, vient de publier chez Plon Le scandale des délocalisations. Une enquête qui démontre, s'il en était besoin, le caractère néfaste de la politique de recherche du profit à court terme menée pour le seul intérêt des actionnaires...

     

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    "Cette enquête plonge au coeur du phénomène qui angoisse le plus les français : la perte de leur emploi lié à des délocalisations. L'ouvrage montre que bien souvent le choix de délocaliser n'est économiquement pas fondé et crée plus d'effets négatifs que d'avantages pour l'entreprise. L'enquête révèle également comment des politiques, impuissants et dépourvus de courage, s'efforcent de cacher à l'opinion la gravité du phénomène. Elle décrit aussi la stratégie d'un grand nombre de sociétés, y compris dans les secteurs de pointe, qui financent leur délocalisation en se faisant octroyer des aides massives des régions ou de l'Etat puis ferment ensuite leurs usines sur le territoire français dès qu'elles ont empoché l'argent. Elle révèle enfin les mécanismes pervers de l'Union Européenne qui encourage le transfert d'emplois et d'usines vers les pays à bas coût. Un livre où le lecteur découvrira que par une choquante inversion ce sont les salariés qui sont menacés et au contraire les actionnaires qui sont protégés."

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  • Prêt à jeter...

    Nous reproduisons ci-dessous un article du blog économique et social consacré à une remarquable émission d'Arte sur l'obsolescence programmée, diffusée le 15 février 2011. Le reportage, visible gratuitement pendant sept jours, est mis en lien à la fin de l'article.

     

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    Prêt à jeter

    Tout le monde se souvient que les machines à laver, les réfrigérateurs marchaient facilement 25 ans lorsque nous étions enfants. Aujourd'hui faire tenir de tels appareils plus de 10 ans est un exploit. Je me souviens de mon avant-dernière machine à laver. J'avais voulu prendre une grande marque allemande et de haute technologie : écran couleur, calcul de la dureté de l'eau, pesée du linge, nombreux programmes automatiques. Elle est tombée en panne 4 ans après son achat et le réparateur indiquait (à tort ou à raison) qu'il fallait changer deux capteurs et le bloc électronique, qu'il fallait commander les pièces, qu'il ne les aurait pas avant un mois et que le cout total de la réparation n’était pas encore connu, mais était équivalent à 200 ou 350 euros minimum. J'ai alors décidé de la changer, mais cette fois j'ai pris un modèle de base et je me suis bien renseigné sur internet par rapport à la fiabilité de telle ou telle marque.

    Les ampoules

    Le documentaire présente l'origine de l'obsolescence programmée. Est à l'origine de cette terrible idée le cartel des fabricants d'ampoules. Les marques Phoebus, Osram, Philips, la Compagnie de Lampes et General Electric se sont regroupées en 1925 pour imposer une durée de vie de 1000h maximum par ampoule au lieu de 2500 h constatées en moyenne. Les fabricants devaient prendre des échantillons de leur production et les tester régulièrement. Les résultats étaient consignés et partagés. Un barème de pénalités financières avait été défini pour ceux qui ne jouaient pas le jeu. C'est ainsi que la durée classique de vie d'une ampoule fut considérée par tous comme étant de 1000 heures garanties. En réalité, déjà à cette époque nous savions faire des ampoules durant facilement 2500 h. Tout le monde connait le mystère de l'ampoule de la caserne de pompier de Livermore qui est restée allumée depuis 1901 soit près d'un million d'heures. Bien plus que les meilleures ampoules de la plus haute technologie du moment... Cette ampoule est si connue, qu'il a été installé une webcam en face d'elle pour que le web entier puisse l'admirer. Une webcam est déjà tombée en panne et a dû être remplacée alors qu'elle brille toujours. Elle fut fabriquée en 1895 !

    Le cartel de fabricants s'est finalement fait "pincée" en 1942 pourtant, le procès qui a eu lieu 11 ans après la découverte de cette entente et qui a interdit cette pratique n'a finalement pas permis de rallonger la durée de vie des ampoules qui est restée, à l'époque, de 1000 h au lieu des 2500 h que le fabricant savait faire sans effort ni sur cout. Des brevets concernant la fabrication d'ampoules durant plus de 100 000 h ont été très vite enterrés.

    L'idée de l'obsolescence programmée vient du fait que les industriels ont eu peur que les produits à trop longue durée de vie ne leur permettaient pas de vivre. L'essor du crédit a accéléré la tendance. Ainsi, certains en ont même profité pour calquer la durée de vie de leurs produits sur la durée du crédit nécessaire pour les acheter.

    Les exemples du reportage

    Les exemples d'obsolescence programmée ne manquent pas que ce soit dans le passé ou actuellement. Le documentaire raconte l'histoire de Dupond de Neumour qui lorsqu'il a inventé le nylon, proposait des bas pour femmes qui avaient une durée de vie presque infinie. L'entreprise a vite chargé ses ingénieurs de diminuer fortement leurs qualités, car sinon il n'en vendraient pas assez. Progressivement la formule chimique du nylon a été adaptée, les additifs le protégeant des UV et de l'oxygène ont été réduits afin qu'il soit moins résistant. Le reportage montre le cas d'école que constituent les batteries d'iPod volontairement programmées pour durer 18 mois environ et n'étant pas couvert par la garantie d'Apple. Une "class action" a été engagée par des clients, mais Apple a finalement négocié des bons d'achat pour le plaignant et accepté d'augmenter sa garantie et d'inclure la batterie dans cette dernière. Il montre également le cas d'une imprimante à jet d'encre bas de gamme de marque Epson qui possède un compteur d'impression et se met en défaut après 18 000 impressions. Il existe un petit logiciel russe que réinitialise le composant électronique qui mémorise le nombre d'impressions. Automatiquement, l'imprimante repart.

    Ceux que j’ai rencontrés

    Je connais d'autres cas de ce genre : les cartes mémoire des appareils photo ont parfois un compteur du même type qui compte le nombre de formatages et tombent volontairement en échec après une certaine valeur. Les cartouches d'imprimantes qui possèdent une petite puce électronique qui ne sert à rien, juste à empêcher que l'on recharge la cartouche. J'ai connu le cas d'un fabricant de vélo qui, en sortie d'usine, faisait volontairement une entaille sur le pédalier afin que celui-ci casse plus rapidement. Que penser de ces vis cruciformes qui, entre les branches de la croix, ont une deuxième croix moins profonde ?Aujourd'hui, on nous vend à prix d'or les nouvelles ampoules d'éclairage LED en nous indiquant volontairement des durées de vie gigantesques, mais leur calcul est faux. Il ne se base que sur le composant qui éclaire, les LED, et rarement sur l'électronique qui l'accompagne. Conséquence : c'est l'électronique qui casse en premier et souvent très tôt. Ainsi, une ampoule à LED de marque Xanlite sur les 3 que j'ai achetés a duré moins de 6 mois, c'est un record absolu de non-longévité.

    L’obsolescence technique

    La miniaturisation de l'électronique est un bon prétexte pour ne plus permettre de réparer les gadgets. Trop intégrée, trop petits et peu chers, leur réparation devient de fait trop couteuse. En Afrique, en Inde et en Chine, où la tradition de la réparation des objets est encore vive, dois nous rappeler un passé pas si ancien où l'on arrivait encore à faire réparer en franc nos télévisions et chaines HIFIS. Je vous défie, aujourd'hui de trouver un réparateur (surtout un SAV connu) capable de réparer quoi que ce soit sauf si c'est trivial. Que penser des fabricants qui, sous prétexte de préservation de leur propriété industrielle, interdisent l'ouverture de leurs produits par une personne autre que leur SAV ? N'est-ce pas une volonté délibérée de nous empêcher de le réparer ? Libre au SAV de la marque de juger l'appareil comme HS... Que penser des fabricants qui utilisent des vis non conventionnelles ou qui soudent les coques des appareils ?

    L’obsolescence technologique et de design

    Un classique de l'obsolescence programmée est de sortir un produit design, à la mode, mais volontairement légèrement dépassé. Il est ainsi facile de sortir un nouveau produit un peu mieux tous les ans et qui donne l'envie au consommateur de remplacer son ancien produit. Apple est passé maitre dans ce domaine. En proposant des téléphones avec des innovations, mais aussi des manques impardonnables, donne envie au consommateur de changer son téléphone chaque année. Il n'y a même plus besoin de programmer physiquement son obsolescence. Les changements de technologies sont également très pratiques : en passant du vinyle au CD, de la VHS au VCD, du VCD au DVD, du DVD au Blue Ray, nous sommes sans cesse obligés de renouveler des appareils qui marchent encore bien et qui n'avaient pas, à priori besoin d'être remplacés.

    L’obsolescence des services

    Une manière d'implémenter discrètement une obsolescence programmée à un produit est finalement de ne plus supporter ses évolutions et ses pièces détachées. Chaque téléphone portable, même de la même marque, à un chargeur différent. Ainsi, le changement du portable force le changement de tous les accessoires de ce dernier. Accessoires souvent vendus avec de confortables marges contrairement aux téléphones.

    Le matériel n'a pas le monopole de l'obsolescence programmée, le logiciel aussi. Ainsi, que penser de la volonté de Microsoft de ne plus supporter et vendre Windows XP alors que ce dernier est certainement la seule solution pour faire encore fonctionner de vieux ordinateurs peu puissants ? Que penser du fait que le couple Windows 7 associé à Office 2010 Pro nécessite 15 fois plus de puissance processeur, 71 fois plus de mémoire vive et 47 fois plus d’espace disque que le couple Windows 97 et Office 97 ? L'obsolescence des logiciels implique l'obsolescence du matériel informatique qui doit être toujours plus puissant, même pour une personne qui fait toujours des tâches de même complexité (écriture de textes). Autre possibilité : un constructeur propose sur l'emballage d'un produit électronique, une possibilité de mise à jour du produit. Nous avons l'impression, en l'achetant, que sa durée de vie technologique sera plus longue. Le piège, surtout pour des marques moins connues, est que les fameuses mises à jour ne seront jamais disponibles ou disponibles durant un temps très court. J'ai acheté il y a 7 ans une chaine HIFI avec une prise USB de marque Philips. Le logiciel marchait très bien en Windows XP, mais lorsque j'ai renouvelé mon PC, trois ans après, le logiciel n'était pas compatible avec Windows Vista et la connexion USB n'a jamais plus marché faute de pilote sur le site de Philips ! Énervant !

    L’obsolescence numérique

    La Gestion numérique de Droits (DRM) est très certainement une tentative de l'industrie de l'audiovisuel de créer une obsolescence programmée des biens de consommation culturels. Les protections des DVD et Blue Ray, les DRP des fichiers vidéo et audio ne sont-ils pas, par les limitations de reproduction qu'ils imposent, des obsolescences programmées numériques ? Faire payer le client plusieurs fois pour le même produit ou le même service étant la finalité.

    L’obsolescence intelligente et autres solutions

    L'obsolescence pourrait être intelligemment utilisée pour des produits qui, nous le savons, sont en train d'être grandement améliorés par de nouvelles technologies. Également dans le cas de produits qui ont un rendement qui baisse fortement au cours de temps. Leurs maintiens dans la vie de tous les jours pouvant polluer plus qu'un produit neuf. Mais cela nécessite une analyse complète du cycle de vie et de fabrication. Attention toutefois que l'argument écologique ne soit pas un énième moyen pour créer artificiellement une obsolescence. Notons également que la location avec maintenance est un bon moyen pour forcer les fabricants à produire de la qualité. Si les couts de non-qualité et de maintenance sont directement supportés par lui-même, il ne pourra que travailler sur la longévité des produits. Nous pouvons également rappeler l'intérêt des associations de consommateurs dans ce débat. Tester les matériels, dénoncer les abus, se lancer dans des procès lorsque ces abus sont avérés est également un bon contrepouvoir. Si les "class action" ne sont pas un remède miracle, ils ne peuvent qu'aller dans le bon sens. Il est frappant de voir qu'en franc nous n'en avons toujours pas, car les lobbys des industriels ont tout fait pour éviter cette éventualité. Ainsi, malgré de nombreuses promesses politiques nous n'avons toujours pas la possibilité de nous défendre en groupe, lorsque nous subissons un préjudice global ! Une autre piste à ne pas négliger : changer la loi et obliger les fabricants à une garantie de 10 ans minimum. Mais, comme pour les "class action" vous pouvez être certains que cela ne se fera pas.

    L’idéologie et croissance économique

    Évidemment, tout ceci est lié à l'appât du gain. Certains industriels défendent leurs attitudes par un souci altruiste de fournir du travail à des ouvriers. Bien entendu ce n'est que l'aspect présentable de l'iceberg. La vérité est plutôt que, pour satisfaire l'idéologie de croissance économique, il faut que l'on vende toujours plus de produits. Mais si certains pays ont grandement besoin de se développer et donc d'avoir une croissance positive, les pays déjà industrialisés doivent, au contraire, trouver un modèle alternatif. Si nous continuons ainsi et que toute la planète s'y met, il nous faudrait 7 planètes pour y parvenir. Bien sûr la France est plus raisonnable que les USA par exemple. Mais si le monde entier vivait comme les français, il faudrait tout de même deux planètes ! Il n'y a donc pas de quoi se venter et nous ne détenons aucune solution durable. Il faudrait remonter a notre façon de vivre dans les années 60 pour que notre mode de vie de soit équilibré.

    Blog économique et social (16 février 2011)

     


    Prêt à jeter
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  • Pourquoi la crise continue ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un article, cueilli sur Flashblog, de Pierre Le Vigan, consacré à la crise et à la guerre des monnaies qui va l'amplifier...

     

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    Pourquoi la crise continue... et pourquoi menace une guerre des monnaies

    Fin janvier, au forum de Davos en Suisse il a été question une nouvelle fois de réguler l’économie mondiale. Président temporaire du G20 et du G8, Nicolas Sarkozy n’est jamais le dernier à afficher de grandes ambitions dans ce domaine. Preuve que la régulation automatique du marché ne satisfait personne. A vrai dire, les théories de l’économie de marché ont souvent fait sourire. Elles supposent des agents rationnels, et ils ne le sont pas toujours. Elles consacrent peu de place à l’Etat, or il est omniprésent dans l’économie depuis la guerre de 1914 voire avant. Bref, ces théories paraissaient irréalistes.

    Une économie de casino ?
    Pourtant elles le sont de moins en moins. Pourquoi ? Parce que le monde réel ressemble de plus en plus à une économie de marché. Parce que l’économie de casino devient le fond réel de l’économie de marché « pure et parfaite ». Les Etats pèsent désormais moins, beaucoup moins, que les multinationales et que la finance. L’industrie n’est plus nationale. Et elle est à la remorque de la finance. Les investissements industriels, par définition à moyen et long terme, sont moins rentables que les spéculations financières, par définition à court terme. Les peuples et leurs représentants ne pèsent désormais plus grand-chose. On a pu dire des réunions du G20 que c’était un groupe d’anciens alcooliques qui se réunissaient pour décider de ne plus boire et qui se séparaient sans rien avoir décidé mais… en ayant pris un dernier verre. Ce dernier verre, c’est la dette mais plus encore la cause de la dette : la finance prédatrice, l’hyperclasse exigeant son taux de rentabilité.

    Jacques Attali remarque justement : « une économie de marché sans Etat, surtout si l’information est imparfaite, ne trouve son équilibre qu’à un niveau de sous-emploi des facteurs. » (Slate.fr, 12 novembre 2010). Autrement dit, l’ajustement se fait sur la base d’une compression de la demande. Nous en sommes là. Avec en prime la guerre des monnaies.

    La Chine ne veut pas réévaluer son yuan (ou renminbi selon son nom officiel). La monnaie chinoise n’est pas convertible donc pas soumise à des tensions ce qui accessoirement empêche toute démocratisation au sens occidental quand bien même le gouvernement chinois en aurait le goût. Plus de la moitié du PIB chinois est exporté : c’est dire l’enjeu. Puisque les Américains veulent maintenir leur dollar bas, les Chinois doivent maintenir bas le taux de change de leur yuan.

     

    La Chine avec un yuan faible, et une main d’œuvre de plus en plus qualifiée reste donc hyper-compétitive. Elle exporte de plus en plus, accroit son excédent donc son déséquilibre commercial avec l’Amérique, et investit cet excédent en bons du Trésor américain et fonds de pension. La Chine est donc le premier créancier des USA qui eux mêmes ont tout intérêt à un dollar sous-évalué. Pour deux raisons : rester un tant soit peu compétitif, et diminuer la valeur de leur dette.

    Chine et EUA : les deux ont intérêt à un euro surévalué. Les deux craignent que le premier marché mondial, la zone euro, devienne la première force mondiale. Mais qui mène le bal ? Philippe Dessertine note : « Le coupable premier, actuellement, ce sont les Etats-Unis, comme ils sont d’ailleurs généralement à l’origine de la dette folle ayant créé la crise de 2007-2008 et se prolongeant dans la crise économique et dans la crise de la dette souveraine actuelle. La Chine a d’abord financé la dette américaine, acceptant de devenir le premier détenteur de dette publique américaine (en dollars), avec comme contrepartie la possibilité d’asseoir sa croissance sur des exportations massives. » (« si la guerre des monnaies se poursuit… », Le Monde, 12 novembre 2010).

    La finance de plus en plus loin de l’économie réelle
    Or depuis la crise de 2008 l’économie réelle, l’économie de production ne s’est pas rapprochée de l’économie financière. Au contraire. Début 2007, la Banque centrale européenne détenait 900 milliards d’euros, elle en détient prés de 2000 fin 2010. La FED soit la banque centrale américaine est passée dans le même temps de 1200 à 2300 milliards de dollars. Un doublement en trois ans ce n’est pas la croissance de l’économie réelle c’est l’emballement de la financiarisation. Et l’un des indices de cela, c’est que les banques centrales ont du garder les actifs dépréciés qu’elles ont acquis. Sauvant ainsi le système bancaire privé avec l’argent public.

    La crise continue pour plusieurs raisons. Dans l’économie réelle les délocalisations se poursuivent. Depuis 2002 la hausse du prix des matières premières a été considérable. Pétrole et métaux sont de plus en plus couteux à extraire : cette hausse est donc structurelle. Cette hausse des matières première a accru les réserves de changes des pays producteurs. Elles ont été multipliées par 5 de 2002 à 2007. Total mondial des réserves de change : dans les 9000 milliards de dollars, soit 14 % du PIB mondial. Des réserves de change en dollar, et en bonne part détenues par la Chine, à hauteur de 2500 milliards de dollars : près du tiers des réserves mondiales. De cet excédent de liquidités se sont ensuivis des produits financiers parasites créant des bulles spéculatives qui ont fini par éclater avec la crise des ‘’subprimes’’ c’est-à-dire des prêts à hauts risques. Exemple de ces produits financiers : la titrisation soit le refinancement de dettes à long terme.

    « C’est là où se situe la principale dérive du système : rajouter un endettement qui a pour seul objectif d’améliorer le rendement. »  écrit Jean-Hervé Lorenzi (slate.fr, 27 octobre 2010). La crise de confiance dans le système bancaire depuis 2007 amène une baisse des crédits accordés, et la récession qui va avec. Le noeud de la crise est un excès d’épargne, un excès d’exigence de rentabilité des investisseurs, et une insuffisance de la demande. La crainte de la faillite d’un Etat surendetté (Grèce ou Irlande) amène à des hauts niveaux de primes de risque. Elle amène aussi à une guerre des monnaies. Une guerre dans laquelle l’Europe est désarmée. Car l’écart se creuse entre les BRIC, qui vont vers une croissance de 6 à 10 %, et les EUA et l’Europe, qui stagnent. Aux EUA l’immobilier ne repart pas, le crédit est rare, le chômage reste considérable (9%). Les fonds de pension US qui doivent financer la retraite des Américains manquent de 6600 milliards de dollar soit 45 % du PIB américain. Mais les plans de relance gouvernementaux vont limiter les dégâts et la monnaie américaine reste la principale monnaie de réserve mondiale. Les Américains produisent autant de dollar que nécessaire pour eux : un privilège qu’ils sont seuls à détenir. Il en est tout autrement pour l’Europe. Tout son flanc sud (Grèce, Espagne, Portugal…) est menacé par la montée des dettes souveraines.

    Dans ce contexte, la Chine joue le rachat des dettes. C’est le moyen pour elle de soutenir la monnaie des autres pays à un niveau au dessus de la sienne. Une façon là encore de sous évaluer son yuan. Le yuan faible est en effet « la garantie de la puissance chinoise » (Moises Naim) : il permet les exportations chinoises, et en rendant très chers les produits importés, il protège leur marché intérieur de la concurrence étrangère. Et c’est pourquoi la Chine peut avoir des réserves de change de la Chine égales à prés de la moitié de son PIB (40 %), le 2eme du monde avec 5500 milliards de dollars.

    Que faire ? C’est la question qui se pose aux Américains mais aussi à l’Europe. Rétorsion ? Taxation des exportations chinoises ? Les Américains le peuvent, mais la Chine ne manque pas de rappeler que ceux qui s’y risqueraient porteraient la responsabilité d’une crise sociale majeure dans un pays d’1,3 milliards d’habitants. Qui veut jouer avec cela ? Si les grands pays industriels ne veulent pas se lancer dans le protectionnisme, trop inquiets d’une contraction brusquée des échanges, l’arme monétaire reste une tentation. A défaut d’obtenir une substantielle réévaluation du yuan les Américains peuvent toujours maintenir le dollar le plus bas possible, ce qui limite l’invasion de leur marché par les produits chinois.

    Reste que tant que la Chine achète les dettes des occidentaux, le monde, et d’abord les USA, connait un trop plein de liquidités d’où des taux d’intérêt très bas, et donc une incitation au surendettement des ménages. Or, plus chacun s’endette, plus il y a de dettes à racheter. Solution : que chaque pays reconquiert son marché intérieur et que la production chinoise s’oriente vers… le marché chinois.

    Bref il faut plus d’économie autocentrée et moins de mondialisation pour limiter les risques de conflagration et de répercussions en chaine des crises des uns et des autres. Il faut certainement aussi une Europe plus autocentrée au niveau financier, d’où l’idée qui chemine d’un Trésor européen. Anton Brender, chef économiste de la banque Dexia note : « Il faut quelqu’un qui achète les dettes ; or, même à l’échelle de la zone euro, il n’existe pas de Trésor commun. Voilà toute l’ambiguïté de l’Union monétaire européenne. Elle est dotée d’une même monnaie, mais la Banque centrale européenne ne dispose d’aucune autorité en matière prudentielle vis-à-vis des banques ». (Le Figaro, 24.09.08). En d’autres termes : intervenir, prévenir la spéculation et mutualiser les risques. C’est déjà ce qu’affirmait Pierre Hillard dans La marche irrésistible du nouvel ordre mondial, F-X de Guibert, 2007).

    Indépendance européenne ou nouvel ordre mondial ?
    L’ennui, c’est que beaucoup voient toute action européenne comme une simple étape vers une gouvernance mondiale, et que celle-ci dans l’état actuel des choses ne peut être autre chose que la pérennisation de la domination de l’hyper-classe. Alors, comment fait-on ? Et si on revenait aux idées simples ? L’Europe souveraine, l’Europe protectrice de ses nations plutôt que l’Europe tremplin vers le grand marché mondial. Jean-François Jamet suggère de son coté que l’intérêt des pays émergents (surtout les BRIC – Brésil, Russie, Inde, Chine -, et la Turquie) serait d’évaluer leur monnaie non par rapport au seul dollar mais par rapport à un panier de monnaies. « Ce panier pourrait par exemple inclure le dollar, l’euro, le yen – éventuellement la livre britannique et le franc suisse – à proportion du poids de chacune des zones monétaires correspondantes dans les échanges de ces pays. » (Les Echos, 17 décembre 2010). Un usage multipolaire de la monnaie. Ce qui ouvrirait la voie vers un autre ordre mondial. Mais ce n’est pas seulement d’un rééquilibrage dont le monde a besoin. C’est d’une autre conception de la place de l’économie. Le président du forum économique de Davos, Klaus Schwab, constate : « Cette année, l’économie mondiale va croître de 5%. Si ce rythme se maintient, elle doublera de taille en quinze ans, ce qui signifie aussi que l’utilisation des ressources sera multipliée par deux, sauf si bien sur, on parvient entre temps à améliorer l’efficacité énergétique. Dans ces conditions, nous allons être confrontés à un problème de pénurie, un thème qui sera présent dans nos discussions de Davos. » (La Tribune, 26 janvier 2011). La hausse des prix des matières premières y compris les plus vitales, celles des produits alimentaires, est un signe. Ses conséquences politiques, nous les voyons déjà au Maghreb. Parce que cela commence toujours par les plus fragiles. Avant de remonter vers les pays faussement solides. La France par exemple. Développer l’homme et non seulement les biens matériels et l’argent : un sacré défi.

    Pierre Le Vigan (Flashblog, 10 février 2011)

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  • Radicalisation et misère politique...

    Vous pouvez visionner ci-dessous la dernière chronique d'Hervé Juvin sur Realpolitik.tv, en date du 20 janvier 2011.


    Radicalisation et misère politique
    envoyé par realpolitiktv. - Regardez les dernières vidéos d'actu.

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  • La Chine va-t-elle manger le monde ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Hervé Juvin réalisé par Realpolitik.tv le 20 janvier 2011 et consacré à la Chine.


    La Chine va-t-elle manger le monde ?
    envoyé par realpolitiktv. - L'info internationale vidéo.

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  • Le néolibéralisme face au mur des réalités...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Michel Geoffroy publié par Polémia et consacré à l'impasse du néolibéralisme en Europe.

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    Le néolibéralisme face au mur des réalités

     

    Le XXe siècle a été marqué par la victoire intellectuelle et politique de la gauche, mais aussi par la chute du communisme en Europe. Le XXIe siècle a commencé par la prise du pouvoir par la super-classe mondiale en Occident, sous domination anglo-saxonne, au nom de la révolution néolibérale.

    Mais au train où va le monde le XXIe siècle risque d’être marqué également par la fin de l'idéologie libérale en Occident. Car comme le marxisme, le libéralisme se heurte à son tour au mur des réalités.

    Dans l'histoire européenne, le libéralisme a d'abord rimé avec la démocratie. Les libéraux s'opposaient aux traditionalistes et prônaient la libération du commerce et de l'industrie comme moyen de réaliser le bonheur sur terre, voire de conduire les Etats vers la paix par le « doux commerce ». Mais ils prônaient aussi la liberté du commerce des idées et la liberté politique.

    Libéralisme et démocratie : la fin d’une convergence

    Il y avait donc convergence entre la théorie économique (l'intelligence du marché et de l'échange libres : plus ils sont libres et transparents, plus ils prennent de bonnes décisions car les acteurs économiques sont mieux informés) et la théorie politique (la loi de la majorité débouche sur de meilleures décisions que tout autre régime politique).

    A l'origine, le libéralisme n'est pas une idéologie d'importation et il y a une école libérale française ancienne qui tire son origine de la Fronde et de la lutte contre l'absolutisme. Mais le spectacle des débordements de la Révolution de 1789 va ancrer chez certains le principe de la supériorité absolue du modèle politique et économique anglais et bientôt américain (voir notamment à ce sujet le livre Les révolutions de France et d'Amérique, de Georges Gusdorf) sur celui de l'Europe continentale. A fortiori face aux effets désastreux de la mise en œuvre du communisme et de la social-démocratie dans la seconde moitié du XXe siècle, le libéralisme incarnait encore la défense de la propriété privée et la libération de toutes les contraintes étatiques.

    Le messianisme anglo-saxon a fait perdre la raison au libéralisme

    Le problème majeur tient justement au fait que le libéralisme a perdu la raison quand il a rencontré le messianisme anglo-saxon au XXe siècle et qu'il a hérité de sa prétention ridicule à incarner le bien absolu dans tous les domaines, quand le communisme s'est effondré. C'est alors « la fin de l'histoire » diagnostiquée un peu vite par Francis Fukuyama.

    Le libéralisme est alors devenu le discours des maîtres : il est passé du stade de la théorie – économique voire sociale – à celui de l'idéologie, c'est-à-dire un discours qui sert des fins politiques. C'est pourquoi aujourd'hui l'idéologie libérale s'est mise au service de l'oligarchie, de la super-classe mondiale, et se détache de plus en plus de la démocratie. Les néolibéraux considèrent les peuples comme des obstacles sur la route du gouvernement mondial, c'est-à-dire du leur, bien sûr. Tocqueville doit se retourner dans sa tombe…

    C'est justement cela qui est en passe d'être soumis au jugement de l'histoire.

    Comme le communisme a tenté de monopoliser à son profit la question sociale qui émergeait au XIXe siècle, l'idéologie libérale instrumente des principes de bonne économie, mais au service d'un projet politique de pure domination.

    Oui, il vaut mieux des prix libres que des prix administrés. Oui, la concurrence doit être recherchée de préférence aux monopoles. Oui, les déficits publics doivent être combattus. Oui, l'intervention publique dans l'économie peut déboucher sur des effets pervers. Oui, la bureaucratie est étouffante. Mais ce qui est en cause ce ne sont pas ces principes – dont beaucoup renvoient à la sagesse des nations – mais le fait que l'idéologie libérale soit frappée d'hybris et de cécité.

    Or les idéologues libéraux n'acceptent aucune contradiction, car leur libéralisme est désormais un système intellectuel fermé sur lui-même.

    L’idéologie libérale : un raisonnement de défense circulaire à l’image de celui du communisme

    L'idéologie libérale reste très prolixe, en effet, lorsqu'il s'agit de critiquer l'économie dirigée sous toutes ses formes. Parce qu'elle est un discours très efficace pour mettre en accusation les institutions ou les politiques, quelles qu'elles soient, en particulier les politiques redistributives. Elle est au sens propre une idéologie révolutionnaire, que les socialistes saluaient d'ailleurs en leur temps comme préparant la route à la révolution communiste. Il suffit de relire le Manifeste du parti communiste !

    Les intellectuels libéraux sont aussi très forts pour expliquer le passé : ils trouvent toujours des racines étatiques aux crises du marché ! On l'a vu lors de la dernière crise financière : c'était la faute aux subprimes, donc aux politiques publiques conduites en faveur de l'accès préférentiel des « minorités » au crédit. Pas au marché qui a pourtant donné massivement la préférence aux actifs toxiques.

    En bons idéologues, les intellectuels libéraux retombent toujours sur leurs pieds, comme les chats. Si ça marche, c'est grâce à la libération du marché. Si ça ne marche pas, c'est parce que le fonctionnement du marché a été perturbé par l'intervention publique. A ce jeu intellectuel, la réalité se trouve vite écartée.

    Il faut dire que, comme dans les pays occidentaux l'Etat – même aux Etats Unis – intervient toujours plus ou moins dans l'économie et le social, il n'est pas difficile de trouver des arguments en faveur de la thèse.

    Si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances ce n'est pas que les principes soient mauvais, c'est, au contraire, qu'on ne les a pas assez mis en œuvre : le genre de raisonnement circulaire – propre à tous les doctrinaires – de ceux qui expliquent que l'URSS ne représentait pas le vrai communisme…

    Les effets du libre-échange : chômage, désindustrialisation, immigration

    L'idéologie libérale reste aveugle au réel d'aujourd'hui. Nous sommes assurés avec elle de mourir en bonne santé économique et morale… 

    Comment ne pas s'interroger, en effet, devant les effets du libre-échange adopté par l'Union européenne : chômage, désindustrialisation, immigration ? Qui peut sérieusement prétendre que cette ouverture, mise en application concrète de l'idéologie du libre-échange, produit les effets bénéfiques escomptés par la théorie des avantages économiques comparatifs ? L'économiste Maurice Allais a pourtant clairement établi la connexion entre le chômage en Europe et ce choix du libre-échange mondial – sous l'influence anglo-saxonne d'ailleurs. Mais c'est vrai qu'on l'a réduit au silence à partir de ce moment là. « Maurice Allais : la mort d’un dissident »


    L’Asie et les Etats-Unis, eux, se protègent

    Comme il est curieux que les pays qu'on nous présente comme des parangons de la révolution libérale, soient en réalité ceux qui se protègent le plus – par des dispositifs les plus variés ou tout simplement par la distance culturelle – de la concurrence mondiale et notamment européenne : Etats-Unis, Asie. Est-ce à dire que la concurrence ne produirait pas toujours les effets bénéfiques escomptés quand les termes de l'échange sont par trop inégaux ? Ou que le protectionnisme pourrait produire des effets positifs ?

    Il est quand même remarquable qu'aucun pays ne mette vraiment en œuvre de politique économique reposant totalement sur le principe « laisser faire, laisser passer ». Et pour cause : tout ordre politique suppose de réaliser le contraire de ce fameux principe : il suppose notamment des frontières et d'édicter des droits et des obligations spécifiques en faveur de certaines catégories de personnes, autant d'obstacles à la transparence ou à la non-discrimination.

    La « société ouverte » n’existe nulle part

    Le débat réel ne porte donc que sur le degré de libération de l'économie que l'on préconise. Il faut alors se rendre à l'évidence : la « société ouverte » défendue par les théoriciens libéraux, paradigme qu'ils opposent toujours à l'enfer de la société fermée, n'existe nulle part. Ce qui devrait quand même conduire à nous interroger. Si on ne la rencontre pas, ne serait-ce pas parce que ce modèle est justement inhumain ?

    Que dire des effets réels des mesures de déréglementation et de réduction des charges pesant sur les entreprises initiées à partir des années 1990, quand le chômage de masse a commencé de progresser en Europe ? Ces mesures, inspirées du mot d'ordre libéral « Trop d'impôt tue l'impôt », étaient censées « libérer l'énergie des créateurs de richesses » – car l'idéologie libérale a aussi sa langue de bois ! – et permettre à nos entreprises de mieux affronter la concurrence mondiale et de sauver l'emploi.

    L’idéologie libérale trouve ses plus chauds partisans au sein de la super-classe mondiale

    Mais quel est le résultat réel de ces politiques ? L’augmentation de la profitabilité des entreprises et, en même temps, des déficits publics. Car les entreprises se sont restructurées, elles ont réduit leurs effectifs et délocalisé leur production mais l'Etat doit payer les plans sociaux. Comme il doit assumer les coûts de l'immigration qui a servi à limiter les coûts salariaux de ces mêmes entreprises. Pendant ce temps l'écart des salaires, lui, a explosé partout en Occident.

    Il faut en vérité une certaine dose d'optimisme – un optimisme déjà raillé par Voltaire dans son Zadig, d'ailleurs – pour qualifier « d'échange moral » un système économique où les profits sont privatisés et les pertes systématiquement transférées aux Etats !

    Mais on comprend que l'idéologie libérale trouve de chauds partisans parmi les dirigeants des entreprises transnationales, membres actifs de la super-classe mondiale, toujours prompts à fustiger le conservatisme des Etats et, bien sûr, des autochtones bornés et pas assez mobiles !

    Les désastres du « paradis » britannique

    Que dire des paradis anglo-saxons toujours vantés par les idéologues libéraux ? La Grande-Bretagne, quel paradis en effet ! : Ce pays n'a plus d'industrie et est devenu une économie de services, financiers principalement ; il n'a plus d'armée, et son modèle social implose sous les coups du communautarisme et de l'islamisme, fruit du dogme de l'ouverture des frontières. Après la révolution thatchérienne, les services publics anglais sont devenus un sujet d'hilarité à l'étranger. Que sont devenus les « miracles » irlandais ou espagnol qu'on nous vantait au début du siècle ? Qui nous parle de la progression de la pauvreté aux Etats-Unis, dont l'affaire des subprimes ne constitue que la face émergée ?

    Que dire des effets de la « destruction créatrice » tant vantée par Schumpeter comme ressort de la supériorité du capitalisme ? Les Européens voient bien les destructions mais ne voient pas les créations, si ce n'est la mise en place d'une vague économie de services, dont les emplois sont d'ailleurs de plus en plus occupés par les immigrés de première ou seconde génération.

    Le rouleau compresseur de l’esprit mercantile

    Que dire d'une société dont les valeurs sont passées au rouleau compresseur de l'esprit mercantile et dont toutes les structures, toutes les traditions ont été « dérégulées » pour les soumettre au modèle états-unien : la fin de l'histoire assurément, mais en poussant son caddy comme dans le terrible roman de fiction de Cormack Mac Carthy, La Route.

    Les libéraux expliquaient toujours que les erreurs publiques sont plus graves que les erreurs privées. Mais à l'heure des entreprises transnationales, qui ont des surfaces financières supérieures à certains Etats – sans parler de leur pouvoir d'influence politique – qui peut encore sérieusement soutenir cela ? Qui n'a vu les multinationales menacer les Irlandais de représailles si d'aventure ils maintenaient leur vote négatif lors du second référendum sur l'Europe ? Si le marché est toujours plus intelligent que les Etats, comment se fait-il que les Etats – c'est-à-dire les contribuables – soient appelés au secours des banques à chaque crise financière ?

    Une idéologie qui date du XVIIIe siècle

    A vrai dire le roi est nu : l'idéologie libérale – conçue pour l'essentiel au XVIIIe siècle – a beaucoup de mal à concevoir le monde du XXIe siècle, qui est devenu un monde de masses, d'oligopoles et de mise en concurrence non des simples acteurs économiques, mais des civilisations elles-mêmes.

    Le libéralisme – conçu à une époque où l'Europe était dominante, rurale, où le summum du transport était la marine à voile et où la monnaie était convertible en or ou en argent – a du mal à s'appliquer à un monde globalisé qui fonctionne avec Internet à la vitesse de la lumière et où les « traders » vendent de l'immatériel avant de l'avoir payé. A l'évidence nous ne sommes plus au temps d'Adam Smith.

    Déjà du temps de Marx on pouvait nourrir des doutes sérieux quant à la liberté réelle du travailleur « échangeant » sa force de travail contre un salaire. Que dirait-il aujourd’hui, alors que les médias – possédés par les puissances d'argent, c'est-à-dire les banques et les entreprises transnationales – façonnent par la publicité l'esprit public et sont dotés de pouvoirs de sidération sans précédent dans l'histoire : qui peut croire vraiment que le consommateur est libre de ses choix, que l'échange est équitable et que le commerce est « doux » ?

    Une théorie et une praxis adaptées à la situation de l’Europe restent à inventer

    Comment sérieusement croire que l'Europe va pouvoir « s'adapter », pour faire face à la concurrence des pays émergents qui pratiquent sur une grande échelle à la fois le dumping social et l'espionnage économique, en appliquant les potions libérales ? Pays émergents qui ne se bornent pas, au surplus, à fabriquer des T-shirts mais qui fabriquent aussi des ordinateurs et des fusées et qui regroupent la majorité de la population mondiale et qui constituent à eux seuls des marchés. En faisant en sorte que les Européens acceptent des salaires indiens ou des conditions de travail chinoises ? Qui peut sérieusement se réjouir d'une telle perspective ? Qui peut s'étonner que ce discours ait du mal à passer auprès des autochtones ?

    Nous sommes en réalité, nous autres Européens, déjà sortis du circuit économique tel qu'il était conçu par les libéraux. Nous sommes en train de découvrir que la « main invisible » nous pousse sans ménagements excessifs vers la sortie de l'histoire.
    Une théorie et une praxis – comme diraient les marxistes – adaptées à notre situation économique réelle restent à inventer !

    Michel Geoffroy (Polémia, 27 janvier 2011) 

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