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  • Les Dragons dans les mythes indo-européens...

    Les éditions Yoran viennent de publier un essai de Bernard Sergent intitulé Les Dragons - Mythologies, rites et légendes. Chercheur au CNRS, spécialiste des Indo-Européens et président de la Société de Mythologie française, Bernard Sergent a publié de nombreux ouvrages dont Les Indo-Européens - histoire, langue, mythes (Payot, 1995), Celtes et Grecs - Le livre des héros et Le livre des dieux (Payot, 2000 et 2004) et Le Dieu fou - Essai sur les origines de Siva et Dionysos (Les Belles Lettres, 2016).

     

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    " Ce livre étudie les mythes, les légendes et les fêtes rituelles du dragon chez les Celtes , les Hittites, les Grecs et même et les Indiens (Inde) etc...
    Combattu par l'Eglise du haut Moyen Âge, car il était assimilé au Diable (ex : St Michel terrassant le dragon), il était surtout une survivance de l'ancienne religion.
    Les traditions celtes sont à l'honneur du fait de l'importance du dragon dans celles-ci.
    Un chapitre entier montre de manière inédite jusque-là que les saints vainqueurs d'un dragon se répartissent sur les quatre fêtes de l'année celtique.
    Le chapitre sur le dragon hédoniste – il aime la musique – parle d'un dragon breton tandis que ceux sur saint Marcel à Paris et sur saint Véran dans les Alpes, montrent l'origine entièrement celtique de leurs légendes. Ailleurs à Lérins, la mythologie celtique s'est mélée à un apport grec.
    Ainsi se décèle la richesse et la diversité des mythes sur les dragons. "

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  • L'écologie au-delà du clivage droite - gauche...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Thibaut Isabel, réalisé par Edouard Chanot et diffusé le 8 octobre 2018 sur Radio Sputnik, dans lequel il évoque la question de l'écologie. Thibaut Isabel est rédacteur en chef de la revue Krisis.

     

                                          

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  • Voyage en terre illibérales...

    Le numéro 13 du mensuel L'Incorrect est arrivé en kiosque. On peut y trouver un dossier consacré à l'Europe illibérale, avec, notamment, des textes de Hadrien Desuin et de Gabriel Robin, ainsi que les pages "L'époque", "Reportages",  "Les essais" et "Culture"... Dans la rubrique "Politique", on pourra lire un entretien avec Eric Zemmour, à l'occasion de la sortie de son livre Destin français (Albin Michel, 2018)...

    Le sommaire complet est disponible ici.

     

    europe illibérale,illibéralisme,hadrien desuin,gabriel robin,eric zemmour

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  • Quand l'argent pue...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dimitry Orlov, cueilli sur De Defensa et consacré à l'indispensable dédollarisation du monde. De nationalité américaine, mais d'origine russe, ingénieur, Dimitry Orlov, qui a centré sa réflexion sur les causes du déclin, voire de l'effondrement, des civilisations, est l'auteur d'un essai traduit en français et intitulé Les cinq stades de l'effondrement (Le Retour aux sources, 2016).

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    Quand l'argent pue

    L’expression “pecunia non olet”(l’argent n’a pas d’odeur) aurait été pondue (sans jeu de mots) par l’empereur romain Vespasien qui régna de 69 à 79 après J.-C. Elle signifie généralement que la valeur de l’argent reste la même quelle que soit la façon dont il a été obtenu. (Eh bien, dites-le à une équipe de blanchiment d’argent !) Vespasien avait raison : la monnaie romaine était principalement utilisée sous forme de pièces d’argent qui tiraient leur valeur de leur teneur en argent plutôt que de toute autre chose.

    Mais déjà à l’époque, l’argent romain commençait à puer un peu : en 64 après J.-C., l’empereur Néron a dégradé les deniers de 25% en y mélangeant du cuivre. Ce processus a suivi son cours au IIIe siècle après J.-C., alors qu’un denier typique était composé de plus de 50 % de cuivre. Puis l’empereur Caracalla a introduit une pièce de deux deniers qui pesait 1,5 fois plus – une dépréciation supplémentaire de 25%. Il ne fait aucun doute que les légionnaires romains chargés de protéger les frontières de Rome contre les barbares de plus en plus nombreux, et qui étaient payés avec cet argent de moins en moins précieux, pensaient qu’il puait vraiment, et agissaient en conséquence, comme les barbares.

    Défilement rapide jusqu’à aujourd’hui, quand la pièce de monnaie impériale est devenue le dollar américain. Contrairement à la monnaie romaine, qui a perdu 75% de son argent en trois siècles, le dollar américain a perdu 96% de sa valeur, pour chaque dollar émis en 1900. Il a été, pendant un certain temps, convertible en or, mais cela a pris fin en 1970 après un recours massif aux réserves d’or des États-Unis. Depuis lors, sa valeur n’est plus attachée à rien mais elle reste soutenue par plusieurs forces. D’abord et avant tout, l’inertie pure et simple – la majeure partie du commerce international est réglée en dollars américains – est suivie de la menace de violence contre quiconque tente de fuir le système du dollar américain (comme l’Irak et la Libye, par exemple).

    Mais ces forces sont appelées à s’affaiblir avec le temps. Comme les États-Unis représentent une part de plus en plus petite de l’économie mondiale et que d’autres acteurs commencent à revendiquer une part de plus en plus grande du commerce mondial, l’inertie se dissipe. Et menacer de violence la Russie, la Chine et même l’Iran n’est pas particulièrement efficace parce que tous ces pays sont parfaitement capables de menacer les États-Unis en retour.

    Le dollar américain pue à bien d’autres égards. Le plus important est la situation financière terminale des États-Unis dans son ensemble : c’est, selon toutes les estimations raisonnables, un pays en faillite qui ne peut survivre qu’en s’endettant à un rythme de plus en plus rapide. Il n’y a aucune prétention que les dettes seront jamais remboursées ; les seuls moyens d’en sortir sont la dévaluation ou la défaillance (ou une combinaison des deux). Même le simple report de la dette deviendra impossible si les taux d’intérêt reviennent à leur moyenne historique. Comme Poutine l’a dit lors de la récente conférence internationale de Vladivostok, à laquelle ont participé les dirigeants de toutes les grandes nations asiatiques, c’est “un problème sans solution”.

    Les exigences juridiques et réglementaires de plus en plus onéreuses en matière de transactions en dollars américains viennent au deuxième rang. Toute transaction, quelle qu’en soit la taille, qui utilise des dollars américains relève automatiquement de la juridiction américaine. De son côté, le gouvernement américain a utilisé ce détournement de compétences à son avantage en punissant ses rivaux économiques et géopolitiques. Le scandale le plus récent concerne les sanctions que les États-Unis ont jugé bon d’imposer aux Chinois pour avoir acheté des systèmes d’armes à des entreprises russes déjà sanctionnées. La Chine n’a pas le droit d’acheter des armes fabriquées aux États-Unis, alors il ne s’agit même pas ici de faire mal à des concurrents, mais plutôt de faire du mal à tout le monde afin d’empêcher la Russie de prendre la première place en terme de ventes d’armes (elle est actuellement numéro deux après les États-Unis). Ajoutez à cela la menace omniprésente de voir ses fonds en dollars américains gelés à tout moment sur n’importe quel prétexte inventé, et il y a toutes les raisons de cesser d’utiliser le dollar américain. Mais comment ?

    La “dédollarisation” est actuellement un sujet de discussion très brûlant dans le monde entier. Bon nombre de pays, de manière bilatérale, notamment la Russie et la Chine, la Russie et la Turquie et plusieurs autres, sont déterminés à commencer à négocier dans leur propre monnaie, contournant ainsi le dollar américain. Mais il y a 180 monnaies en circulation dans le monde qui sont reconnues par l’ONU, et cela crée un petit problème. Tant que tout le monde transige avec le dollar américain, il en résulte un système en étoile avec le dollar américain en son centre. Pour commercer, tout le monde convertit sa devise en dollars, puis la reconvertit à nouveau en monnaie locale. Comme il est généralement plus coûteux d’acheter des dollars que de vendre des dollars, il existe une sorte de “taxe sur le dollar” que tout le monde doit payer, tandis que les États-Unis peuvent gagner de l’argent simplement en mettant des dollars américains à disposition. Ça n’a pas l’air très juste.

    D’un autre côté, il y a certains avantages à utiliser le dollar américain. Tout d’abord, il est très liquide : si vous avez besoin de trouver une grosse somme de dollars à la hâte, il suffit généralement d’un seul appel téléphonique, alors que pour certaines devises mineures, cela peut prendre un temps et des efforts considérables pour trouver la somme nécessaire. Deuxièmement, il a été relativement stable, avec une volatilité relativement faible par rapport à d’autres devises, ce qui rend la détention de dollars moins risquée que celle d’autres devises plus volatiles. Enfin, pour une entreprise qui fait des affaires à l’échelle internationale, la tenue d’une seule liste de prix, en dollars, représente beaucoup moins d’efforts que la tenue de listes de prix distinctes dans chaque monnaie nationale.

    Toutefois, il va de soi que si les avantages de continuer à utiliser le dollar américain dans le commerce international sont limités, les inconvénients potentiels sont incalculables : si les États-Unis et le système du dollar faisaient faillite de manière catastrophique, les dommages causés aux relations commerciales de chacun seraient également catastrophiques. De plus en plus de pays prennent conscience de ce fait et établissent des swaps de devises et d’autres moyens pour faciliter le commerce international dans leur propre monnaie. Le problème ici est la complexité même d’un tel système. Avec la disparition du dollar américain, le diagramme en réseau des monnaies du monde devient plus complexe, car il y a 180 nœuds au lieu de quelques-uns seulement.

    Une alternative est de laisser la Chine prendre le relais. C’est déjà la deuxième plus grande économie du monde après les États-Unis, et la plus grande économie du monde par sa parité de pouvoir d’achat (les Chinois gagnent moins d’argent dans l’absolu mais ont un meilleur pouvoir d’achat que les Américains). La situation financière de la Chine est presque un miroir opposé à celle des États-Unis : c’est exactement le contraire de la faillite, avec d’importants excédents et réserves de changes avec en bonus, des réserves d’or en expansion constante. Mais la Chine a tendance à être un acteur prudent et préfère les approches graduelles, ce qui rend peu probable un remplacement suffisamment rapide du dollar (USD) par le yuan (CNY).

    Lorsqu’il s’agit de questions susceptibles d’influer sur la stabilité de l’ensemble du système financier mondial, la prudence et les précautions sont de bon augure. D’un autre côté, vous vous demandez peut-être de quelle stabilité il s’agit. L’actuel résident intellectuellement déficient de la Maison-Blanche aime se réveiller le matin et déclencher une autre guerre commerciale. Il a doté diverses autres personnes au sein du gouvernement américain de l’autorité d’imposer à elles seules des sanctions financières à des pays, des entreprises et des particuliers partout dans le monde. Le déficit budgétaire fédéral américain s’élève à 1 000 milliards de dollars par an, et ce alors que l’économie est censée bien se porter. Mais ce n’est bien sûr pas le cas : il y a près de 100 millions de chômeurs de longue durée ; l’inflation (si l’on inclut le logement, l’éducation et la médecine) est effrénée ; le pays est parsemé de municipalités et d’États insolvables, etc. L’inégalité de la richesse aux États-Unis atteint les niveaux où les pays ont tendance à exploser politiquement. Peut-être plus important encore, la qualité des élites dirigeantes aux États-Unis, qui était assez élevée il y a quelques générations à peine, est maintenant devenue abyssalement faible. Ce n’est pas seulement Trump qui est intellectuellement inquiétant ; c’est aussi le cas de tous les autres. Ils feront tout ce qu’ils peuvent pour perpétuer la fiction selon laquelle les États-Unis sont toujours riches et puissants – jusqu’à ce que les lumières s’éteignent.

    Pourtant, il serait imprudent de paniquer, parce qu’en cas de panique, tout le monde s’effondrerait d’un coup. La bonne approche de la dédollarisation consiste à y travailler avec diligence, tous les jours, en poursuivant une stratégie qui minimisera ses pertes. L’effondrement du système du dollar américain ne sera pas une occasion de se faire de l’argent pour la plupart des gens dans le monde. Au lieu de cela, il faut choisir entre perdre un peu ou tout perdre, et je conseillerais la première solution. (...)

    Dimitry Orlov (De Defensa, 24 septembre 2018)

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  • La part sauvage du monde...

    Les éditions du seuil viennent de publier, dans leur collection Anthropocène, un essai de Virginie Maris intitulé La part sauvage du monde. Philosophe de l'environnement, Virginie Maris est déjà l'auteur de Philosophie de la biodiversité – Petite éthique pour une nature en péril (Buchet-Chastel, 2010).

     

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    " En déclarant la mort de la nature, nombreux sont ceux qui voient dans l'Anthropocène l'opportunité de prendre enfin les commandes d'un système-terre entièrement modelé par les humains.
    À rebours de cet appel au pilotage global, Virginie Maris réhabilite l'idée de nature et défend la préservation du monde sauvage. Elle revisite pour cela les attributs de la nature que les fantasmes prométhéens du contrôle total s'appliquent à nier : son extériorité, en repensant la frontière entre nature et culture ; son altérité, en reconnaissant la façon dont les non-humains constituent leurs mondes tout comme nous constituons le nôtre ; et enfin son autonomie, en se donnant les moyens de respecter et de valoriser ces mondes multiples.
    L'auteure invite à remettre au cœur de la réflexion sur la crise environnementale la nécessité de limiter l'emprise humaine sur la planète, en redonnant toute sa place au respect de cette nature indocile qui peuple nos paysages, nos imaginaires, et qui constitue finalement l'autre face de notre humanité. "

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  • Quand l'idéologie de la déconstruction implose...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alexis Carré, cueilli sur Figaro Vox et consacré à l'effondrement des sciences sociales à l'université sous les coups du multiculturalisme et de l'idéologie victimaire. L'auteur est doctorant en philosophie politique à l’École normale supérieure.

     

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    Une «culture du viol» chez les chiens ? La gauche identitaire au piège de ses propres obsessions

    Des voix de plus en plus nombreuses à gauche voudraient faire de la défense des minorités opprimées le nouvel horizon indépassable de notre temps. Dans le cadre d'un tel projet d'hégémonie culturelle, il n'est pas compliqué de voir en quoi la gauche identitaire a besoin de l'université pour survivre et se développer. À une époque où l'accès aux classes supérieures est de plus en plus étroitement conditionné par l'obtention d'un diplôme universitaire, l'influence de cette institution sur les esprits qui nous gouvernent n'a certainement jamais été aussi grande. Et, si cela ne suffisait pas, la durée des études supérieures augmente elle aussi, et avec elle notre exposition aux discours et aux modes qui prévalent dans ce milieu. Or, nous n'avons presque que des raisons de nous en inquiéter. L'idée édifiante selon laquelle l'université serait un lieu, et même le lieu par excellence, d'apprentissage de l'esprit critique souffre en effet de bien des démentis à l'ère de l'éducation de masse et des classements internationaux. Et c'est la rigueur même des savoirs qu'elle transmet qui est aujourd'hui remise en cause par des expériences telles que celle effectuée par Helen Pluckrose, James Lindsay et Peter Poghossian.

    Une mise en cause de la rigueur universitaire des études victimaires

    Lindsay et Boghossian s'étaient déjà rendus célèbres il y a un an en faisant publier un premier canular: Le pénis conceptuel comme une construction sociale dans la revue Cogent Social Science. Un certain nombre de critiques avaient alors considéré que la portée de la démonstration demeurait limitée du fait que la revue n'était pas de premier ordre et qu'il était difficile de diagnostiquer l'état de tout un champ de recherche sur la base d'une seule bévue éditoriale. C'est donc avec l'aide d'Helen Pluckrose qu'ils ont cette fois-ci soumis 20 articles à l'approbation d'une pluralité de revues reconnues. Comme on le sait, 7 de ces articles furent acceptés, et 7 autres avaient une possibilité de l'être également au moment où les trois universitaires ont été obligés d'interrompre leur expérience du fait de l'emballement médiatique engendré par l'une de leurs publications.

    Au-delà du caractère spectaculaire de l'entreprise, leur démarche invite à s'interroger sur les causes de cet engouement pour ce qu'ils appellent les «grievance studies», et qu'on pourrait traduire par «études plaintives» ou «victimaires», c'est-à-dire centrées sur les individus ou les groupes qui se disent victimes d'un tort dont le système organisant la société serait responsable. Cette désignation qui leur est propre regroupe en réalité une variété de disciplines et de niches allant de la théorie critique raciale aux études de blanchité en passant par les théories queer, féministe ou postcoloniale. Malgré leur prestige grandissant, la légitimité de ces nouveaux champs de recherche est souvent débattue du fait de leur politisation et des pressions qu'ils font peser sur les procédures qui gouvernent la production des savoirs. La question est de déterminer si ces manquements à la déontologie universitaire sont dus aux défauts individuels des chercheurs qui se consacrent à ces études ou bien si le cadre conceptuel qu'ils utilisent ne porte pas une part de responsabilité dans leurs erreurs.

    Des racines européennes

    Inspirée par la théorie française post-marxiste (Foucault, Deleuze, Derrida etc.) et par l'école de Francfort, cette pensée victimaire s'est élaborée à partir d'une réappropriation intellectuelle et militante de la déconstruction et de la théorie critique au service des minorités opprimées. Si elle comporte parmi ses défenseurs des universitaires établis comme Judith Butler, Kimberlé Crenshaw ou Kwame Appiah, elle repose également sur un vivier particulièrement actif de militants associatifs, de journalistes et d'adeptes des réseaux sociaux (pour ne citer que quelques noms: Ta-Nehisi Coates, Linda Sarsour, Tamika Mallory, Anita Sarkeesian etc.) chargés de mobiliser les communautés concernées autour d'un certain nombre de revendications.

    Le mode d'action de ces activistes, malgré la multiplicité des chapelles que nous avons évoquées, comporte toujours ces deux dimensions: la lutte pour la reconnaissance et la critique de la domination. Or ces deux concepts, qui au premier abord semblent être tout à fait respectables, s'articulent ensemble dans une relation qui rend impossible la recherche de la vérité. Ce n'est donc pas par paresse intellectuelle, ou quelque autre cause remédiable, que ces revues prestigieuses ont pu se laisser ainsi berner par ces trois chercheurs, mais parce que l'idéologie qui les anime les y prédispose.

    La remise en cause des ressorts mêmes de la discussion publique

    L'idée de critique de la domination ne consiste pas à opposer au discours de légitimité du pouvoir un autre discours de légitimité mais à attaquer les catégories sur lesquelles tout pouvoir est censé se fonder. En s'attaquant par exemple à la distinction entre folie et salubrité, culpabilité et innocence, ignorance et connaissance, l'héritier de Foucault prétend remplir une fonction à la fois épistémologique et sociale. Dans un entretien récent, Geoffroy de Lagasnerie déclarait: «Dire la vérité de ces institutions et les mettre en question sont une seule et même chose.» L'intention sous-jacente à cette critique est en effet d'atteindre, derrière la fausseté des concepts sur lesquels elle repose, l'autorité du psychiatre, du juge ou du professeur sur le malade, le prévenu ou l'élève, afin que celui-ci puisse leur résister. Ce faisant, on part du principe que tout pouvoir s'exerce nécessairement aux dépens de celui qui le subit, réduisant l'activité de soigner, de juger ou d'enseigner à leur dimension disciplinaire. Cette discipline formant un système de contrôle social suppose évidemment un bénéficiaire dans la personne du dominant et du groupe privilégié auquel il appartient.

    Alors que la gauche socialiste et la droite libérale se disputaient le même objet — il fallait organiser le travail pour l'une, le libérer pour la seconde —, la gauche identitaire s'attaque aux concepts mêmes qui nous servent à saisir la réalité. L'objectif n'est plus de corriger une compréhension de la justice qui serait erronée chez ses interlocuteurs mais de recourir à des récits communautaires qui dispensent du besoin et nient même l'existence d'une conception commune de la justice. Ce même Geoffroy de Lagasnerie ajoute ainsi dans l'entretien déjà cité: «Si vous construisez un mouvement politique en invoquant le concept de “citoyen”, vous attirez toujours ceux qui se pensent comme universels — la classe moyenne blanche.»

    À qui doit-on s'adresser dans ce cas? Ce type d'argument révèle la faible valeur, et pire, la faible ambition argumentative ou rhétorique de ces théories. Leur rôle n'est pas de convaincre d'autres individus mais de définir les signes par l'adoption desquels ses membres exprimeront leur appartenance au groupe. Cette manière de comprendre le monde ne va être d'aucune utilité dans l'économie des rapports entre les individus qui en sont membres et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers vont se voir soumis à des injonctions dont le but est de supprimer toute possibilité de discussion.

    Le caractère subversif de la reconnaissance

    La lutte pour la reconnaissance change en effet profondément les paramètres du discours, que celui-ci soit académique ou politique. Puisque les revendications des dominés ne sont plus médiatisées par une compréhension de la justice commune, c'est de leur souffrance elle-même qu'ils tirent la légitimité de leurs revendications. En l'absence d'action délibérée et revendiquée de la société en vue d'infliger de telles souffrances, ils ne peuvent comprendre la souffrance qu'ils ressentent sans un récit démystificateur qui prétend dévoiler les mécanismes de pouvoir invisibles à l'œil inexercé. Cette souffrance qui trouve son sens dans la mise en récit identitaire est indissociablement produite et exprimée par cette dernière. Se voir et se sentir victime du racisme d'État n'est pas une condition spontanée comme celle de se voir et se sentir victime d'une répression par une dictature militaire. Une telle compréhension de soi nécessite d'adhérer à une explication bien particulière de la structure de la société dont on est membre.

    L'identité que fonde cette explication justifie la demande d'une reconnaissance de la souffrance subie. La règle commune n'est pas injuste parce que j'en démontre l'injustice ; l'injustice est démontrée par le fait que j'en souffre et qu'elle est donc conçue pour le bénéfice de ceux qui n'en souffrent pas.

    Un jeu à somme nulle

    Cette compréhension du monde finit par dicter une politique centrée sur des rapports de force et des jeux à somme nulle. Son objectif est moins de faire comprendre que de faire céder. Des arguments opposés peuvent engendrer un concept qui surmonte leur contradiction ou un compromis qui organise leur opposition pacifique. Alors que chacun se reconnaît dans ces solutions théoriques ou pratiques au problème, la demande de reconnaissance n'admet qu'une capitulation complète. Celui qui me reconnaît comme victime, admet par là même que son argument reposant sur une règle commune à lui et moi dissimulait en réalité sa volonté de perpétuer une situation d'oppression.

    S'il est peu adapté à une conversation académique authentique, un tel discours unilatéral exploite des faiblesses morales et intellectuelles bien réelles. Lorsque nous sommes en désaccord avec quelqu'un, la recherche d'un principe sur lequel s'accorder à nouveau est incertaine et laborieuse, chacun a par ailleurs de bonnes raisons de douter de sa propre position. Alors qu'un argument est toujours discutable et dépend de l'intelligence de celui qui le défend, la grande efficacité de la posture victimaire sur beaucoup de gens de bonne volonté tient au contraire à ce qu'une souffrance authentiquement ressentie est un état de fait, même si le récit qui l'a produite s'avère erroné. Faire la démonstration de cette erreur requiert des capacités que certains n'ont pas et que d'autres n'ont pas envie de mettre en œuvre, tâche un peu vaine quand l'interlocuteur organise de toute façon l'impossibilité de la discussion.

    L'agressivité de telles demandes explique certainement le peu de succès politique de cette stratégie qui ne s'épanouit que là où elle peut s'exprimer sans contradicteurs. C'est pourquoi l'influence galopante qu'elle acquiert partout où les institutions lui permettent d'exercer un pouvoir vertical sur l'opinion publique devrait être un réel motif d'inquiétude.

    Une stratégie d'infiltration institutionnelle mise en échec

    Aux États-Unis, Mark Lilla, Yascha Mounk, William Galston et dernièrement Francis Fukuyama ont déploré les effets néfastes de ces mouvements sur les capacités électorales des partis de gauche. Mais il n'est pas certain que les victoires électorales soient un objectif immédiat de la gauche identitaire tant le pouvoir dévolu aux élus est de toute façon bien souvent délégué à des administrateurs et des experts qui prendront à leur place les décisions affectant la vie de leurs électeurs.

    Les commissions d'admission dans les universités prestigieuses, les comités d'éthique, les conseils d'administration des grandes associations caritatives, les directions des grands médias sont des lieux où le pouvoir de ces nouveaux militants peut s'exercer à l'abri et à l'encontre de la majorité, là où leur poste dépend, non pas d'électeurs qu'il faut convaincre, mais de pairs qui le sont déjà. Toutefois cette forme d'entrisme n'est pas sans conséquence pour ceux qui le subissent. Il est par exemple impossible de nier le rôle au moins partiel qu'a joué ce phénomène dans le divorce entre ces lieux de représentation et la société, qui ne se reconnaît plus en eux.

    Obnubilée par les rapports de domination, la gauche identitaire souhaitait utiliser ces derniers afin de servir les groupes qu'elle se proposait de défendre. Cette instrumentalisation a nui à la crédibilité des autorités dont elle tâchait de s'emparer. Cela vaut particulièrement pour l'université, où la monoculture intellectuelle qui s'y est développée au nom de la diversité a considérablement appauvri les départements de sciences sociales et d'humanités. Elle amenuise chaque jour leur capacité à informer et leurs étudiants et le monde extérieur sur les enjeux qu'ils partagent. Comme ce canular le prouve, il devient impossible pour des chercheurs certainement dévoués à leur domaine d'étude, de faire la différence entre un charabia aléatoirement rassemblé et un authentique travail d'analyse. La déconstruction a vécu. Trop occupée à démontrer le caractère artificiel des normes de production du savoir, elle s'est mise hors d'état de produire une connaissance que des chercheurs étrangers à ses formes d'activisme politique pourraient vouloir préserver.

    Alexis Carré (Figaro Vox, 8 octobre 2018)

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