C’était mille fois prévisible mais cela laisse quand même un petit goût de désespoir. Macron est président. De quoi ? Du rien. Macron n’est même pas le représentant d’un parti politique, il n’est l’homme d’aucune idéologie ni d’aucun engagement. Il est juste le pur porte-parole de la caste dirigeante qui s’est pressée derrière lui comme un seul homme. Les journalistes ont ouvert la marche triomphale de cet ectoplasme, suivi de toute la cohorte des profiteurs du système, depuis le nain de jardin bolchévique Robert Hue, qu’on croyait exilé en Corée du Nord, jusqu’au représentant pétochard de l’ex-droite républicaine Fillon. Suivaient aussi les spectres hideux et malfaisants qui hantent la politique française depuis des lustres avec leurs faces verdâtres et leurs âmes en lambeaux. Ils étaient là, les Attali, les Minc, les BHL, les Kouchner, les Bergé, les Cohn-Bendit… Et les voila tous au soir de la victoire de s’extasier devant ce homme qui aurait tout fait seul à force de volonté, de foi et de ténacité. Menteurs jusqu’au bout, il leur faut en plus bâtir une légende dorée pour leur champion, honteux qu’ils sont. Car ils savent bien que Macron n’est là que par la grâce d’un système qui vient de jeter le masque.
Macron, c’est l’homme sans qualité, au regard qui ne porte nulle part sinon dans le vague, au sourire figé pratiqué longuement devant un miroir. Macron, c’est la politique à visage inhumain, indifférent à tout. Son mariage devrait en faire quelqu’un d’un peu rassurant, c’est en fait une union qui met mal à l’aise et qu’on ne pourrait qualifié autrement que de creepy, si ce mot avait un équivalent français. Macron va nous emmener dans le monde européiste des technocrates, des territoires à administrer, des administrés à gérer, tout comme on gère le personnel d’un usine – et bientôt comme on gère un flux de poulets destinés à l’abattoir.
Et tout cela grâce aux Français qui semblent en redemander, encore et toujours plus. Inutile d’insister, le peuple a parlé, et il veut qu’on le laisse crever tranquille, pourvu que le coursier de chez Deliveroo arrive à temps pour le repas. Après tout pourquoi pas. Il faut bien admettre la défaite, mais cela fait mal quand c’est la défaite de la France. Après tout, peut-être est-ce une lubie de vouloir rester un peuple sur une terre. La France n’a pas toujours été ce qu’elle est. L’histoire l’a vue mainte fois démembrée, envahie, aux prises avec les menées de princes hostiles. La France s’en est relevée, et pas toujours pour le mieux. Alors qu’un séide de l’empire des Habsbourg vienne nous contraindre à l’obéissance, pourquoi pas. Les Français le désire tellement !
Je ne sais pas si Marine aurait été plus auspicieuse, mais je sais que Macron sonne le glas de la politique telle que nous l’avons connue. Plus rien ne sera jamais vraiment politique, en réalité. Pour cinq ans au moins. Mais dans cinq ans, il sera encore un peu plus trop tard. Lionel Jospin avait déclaré, dans sa candeur imbécile, qu’il se fichait bien que la France s’islamise. Macron est de la même eau. Sauf qu’il est au pouvoir. Et que derrière son regard bleu d’acteur hollywoodien pour série B, il y a comme une inquiétante hystérie.
Nous croyions que Hollande et sa clique avait franchi un cap dans la restriction de nos libertés, nous n’avons encore rien vu. Macron est l’homme de la machine européenne qui broiera sans état d’âme toute opposition.
J’aimerais lui laisser sa chance. J’aimerais croire que c’est moi l’imbécile qui ne comprend rien et que grâce à lui, tout va aller mieux. Mais là, j’ai du mal.
Paul Fortune (Blog de Paul Fortune, 7 mai 2017)