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  • La politique de l'oxymore...

    Les éditions La Découverte viennent de rééditer en collection de poche un essai de Bertrand Méheust intitulé La politique de l'oxymore. Philosophe, Bertrand Méheust est l'auteur d'un essai consacré à la parapsychologie, Les miracles de l'esprit (La Découverte, 2011).

     

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    " Les démocraties modernes possèdent-elles les ressorts nécessaires pour prévenir et affronter la catastrophe écologique due au réchauffement climatique ? Comme l'explique Bertrand Méheust, ce n'est pas de l'écologie libérale et du « développement durable » que viendra la réponse : ces discours consistent à graver dans l'esprit du public l'idée que l'écologie est compatible avec la croissance et même mieux, qu'elle la réclame, afin de masquer l'incompatibilité entre la société globalisée dirigée par le marché et la préservation de la biosphère.
    Un univers mental ne renonce jamais à lui-même si des forces extérieures ne l'y contraignent pas. Le système a saturé tout l'espace disponible et est à l'origine de tensions de plus en plus fortes. Pour les masquer ceux qui nous gouvernent pratiquent la politique de l'oxymore. Forgés artificiellement pour paralyser les oppositions potentielles, les oxymores font fusionner deux réalités contradictoires : « développement durable », « marché civilisationnel », « flexisécurité », « moralisation du capitalisme », etc. Ils favorisent la destruction des esprits, deviennent des facteurs de pathologie et des outils de mensonge. Plus l'on produit d'oxymores et plus les gens sont désorientés et inaptes à penser. Utilisés à doses massives, ils rendent fou. Plus la crise s'aggrave, plus le réchauffement climatique nous menace et plus nous assistons à la production et à l'usage cynique, sans précédent dans la démocratie française, d'oxymores à grande échelle."

     

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  • Poutine ou le Maître de la Parole...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte remarquable de Philippe-Joseph Salazar, cueilli sur le site Les Influences et consacré à Vladimir Poutine et à sa parfaite maîtrise de la parole dans la conduite de la crise ukrainienne. Philippe-Joseph Salazar est philosophe et spécialiste de la rhétorique.

     

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    Poutine ou le Maître de la Parole

    On se souvient de la phrase du philosophe allemand Hegel, le génial auteur de la Phénoménologie de l’Esprit, quand il vit Napoléon passer sous sa fenêtre, en octobre 1806 : « J’ai vu l’âme du monde à la manœuvre » [1]. Eh bien, voilà un mois en écoutant Vladimir Poutine s’adresser à la Diète fédérale russe, lors de la réincorporation des terres irrédentes de Crimée à la Mère Patrie Russe, j’ai entendu parler l’âme du monde. J’ai entendu, et vu, la plus puissante des paroles se déployer, avec une telle sûreté de ton, une telle acuité d’arguments, une telle saisie du moment qu’une autre phrase de Hegel m’est venue naturellement aux lèvres : Poutine explique la politique « comme l’oiseau de Minerve qui prend son vol à la nuit tombée », pour mieux saisir sur le vif ceux qui n’y voient goutte, qui sont dans la nuit de leurs idées toutes faites, et ne savent plus ni parler, ni écouter – je veux dire « l’Ouest » comme le disent les médias, ces perroquets câblés.

    Vladimir Poutine, âme du monde ? Ça mérite une explication. Maître absolu de la parole ? Ça mérite une analyse.

    Depuis l’Irak et l’Afghanistan les directeurs de la communication des Etats-Unis et de l’OTAN ont mis au point une technologie rhétorique dite de « stratcomm », « communication stratégique », d’une simplicité qui s’est voulu génialement opérationnelle (ça tient sur une carte qu’on met dans la besace du trouffion, littéralement) et qui s’est révélée accablante d’efficacité, comme on le sait. Le spectacle désolant qu’offrent ces deux pays, jadis féodaux mais en paix, désormais féodaux mais en guerre, suffit à démontrer la terrible stupidité de la « stratcomm ». La stratcomm est supposée suppléer à la force brutale par l’influence persuasive, en alimentant le discours public et la propagande à coups de mots simples comme « stabilité, paix, prospérité » [2].

    Dans le cas de l’Ukraine le mot clef, dès que l’Union Européenne, les Etats-Unis et l’OTAN ont mis le doigt dans l’engrenage, a été « désescalade ». Il faut « désescalader » ont répété les perroquets et les perruches médiatiques.

    Le terme est codé : il implique que l’adversaire a « escaladé » ; en bon français (mais qui s’en soucie) le mot est très récent (1970) et il est militaire : « Ensemble d’opérations stratégiques visant à diminuer ou à supprimer la gravité des mesures militaires » [3]. On a bien lu : « mesures militaires ». Dans ce langage codé que parlent entre eux les services secrets, qui manipulent les médias en usant d’honorables correspondants, ou en plantant des infos sur les fameux réseaux sociaux, et les services de communication/propagande, le concept est militaire. Dire « désescalade » c’est déjà accuser la Russie d’avoir « escaladé ».

    Qu’a fait Vladimir Poutine. Rien. Il a laissé dire. Sachant que s’il dit le mot, il est pris au piège.

    Quel piège ? Celui-ci : le problème, avec le langage de la stracomm, c’est qu’il faut que l’adversaire le parle aussi. En philo on appelle ça le « différend » : vous m’accusez de ceci, et vous voulez que j’utilise pour me défendre les mots que vous employez pour m’accuser ? Le piège est grossier ! Car me défendre avec les termes que vous employez, c’est déjà accepter que c’est vous qui définissez le cadre de ma défense. Je suis cuit. Allez au diable ! Je « diffère » [4], et je dis autrement.

    Un autre terme a donc été lancé par les services de stratcomm de l’OTAN et Cie, pour tenter de cerner et donc de cataloguer les récusants russophones d’abord de Crimée et depuis des régions frontalières orientales : ils ont été « radicalisés ». Les protestataires (on ne dit pas qu’ils sont des agents russes, ce qui est aussi difficile à prouver que de démontrer qu’à chaque fois qu’un chef de la CIA vient à Kiev, deux jours plus tard, comme par miracle, les Ukrainiens ont une poussée d’adrénaline et de frais uniformes), les protestataires, donc, sont « radicalisés ».

    Ce terme est apparu lors de l’attentat de Boston par les frères Tsarnaev. « Ces jeunes gens ont été radicalisés » jacassait la presse américaine, aussitôt relayée par les médias français, jamais en retard d’une attrape. Or le terme est toujours employé à la voix passive : « ils ont été radicalisés », pas « ils se sont radicalisés » . Il existe un « par », un agent qui radicalise. Ici : la Russie, bien sûr [5].

    Ce qui est intéressant est que, devant la faillite rhétorique de « désescalade/escalade », la stratcomm a tenté de lancer « radicalisation ». Mais, derechef, bec dans l’eau. Vladimir Poutine (et à faire pâlir d’envie le Quai d’Orsay, ce grand diplomate à la Metternich ou à la Kissinger, M. Lavrov), à la manœuvre, a fait comme si rien n’avait été dit. Il a ignoré. Magistral.

    On va me dire : tout cela est un langage entre eux, nous, les péquins, on s’en tamponne le château arrière comme le déclama un jour Régine Crespin, sur la scène du Châtelet, dans son immortelle Grande Duchesse de Gérolstein. Or justement, la réplique de Vladimir Poutine à cette ligne de stratcomm a été de réduire l’OTAN, et les bavards de Bruxelles, non loin du GQG, à n’être que des grandes duchesses d’opérette. Il a simplement ignoré le mot, et donc mis de côté l’implication.

    C’est alors que Poutine a retourné contre la communication « occidentale » sa propre méthode, à la stupéfaction des commentateurs américains depuis dix jours (Wall Street Journal, Reuters). Par exemple, il a ré-expédié à « l’Ouest » un autre terme clef de la stratcomm : « faire la guerre contre son propre peuple ».

    De fait, dans l’arsenal rhétorique de la bienfaisance militaire occidentale, « to wage war against your own people », « faire la guerre contre votre propre peuple », a été l’expression clef, la litanie médiatique issue du glossaire américain de la stratcomm, pour justifier l’invasion de l’Iraq, l’intervention en Lybie et l’appui donné à la rébellion en Syrie : « Assad/Yanoukovitch, si vous faites la guerre contre votre propre peuple, alors nous, qui sommes les représentants de la démocratie, c’est à dire, du droit des peuples, nous avons le droit d’intervenir, car ce droit est moral ». Certes, mais encore ?

    Vladimir Poutine a retourné l’expression. Les putschistes en place à Kiev « font la guerre à leur propre peuple ». Donc la Russie endosse le manteau dont s’est drapé jusque là « l’Ouest », pour venir à la défense des opprimés.

    Du coup soudain, la chandelle est soufflée, et on n’entend plus l’expression naguère favorite de M. Obama. Lequel, par une de ces bévues dont il parsème ses discours quand il se prend lui-même dans les réticules séduisants de sa propre éloquence, a nommé la Russie : « Une puissance régionale ». Je suppose que ça a dû plaire à son auditoire américain, très cultivé, mais il suffit de regarder une mappemonde pour voir que ladite région, ma foi … Vladimir Poutine n’a de nouveau rien répliqué. Il laisse dire. Il ne pratique pas le jeu psychanalytique du fort-da, du tu me donnes, je te prends, je t’envoie, tu me renvoies, qui, chez Freud, est une marque d’infantilisme.

    Quand on a rétabli les armoiries de la Russie impériale sur son drapeau, qu’on prépare un grandiose défilé militaire célébrant la victoire de l’Armée rouge sur l’Allemagne, qu’on méprise les fameuses sanctions comme un pauvre arsenal de boutiquier capitaliste, s’entendre dire que son empire, qui va de l’ancienne capitale Teutonique et prussienne de Königsberg à Vladivostok, on ne peut que sourire et laisser dire.

    La maladie infantile du néo-capitalisme communicationnel est la fièvre de la réponse instantanée, de la re-réponse, de la re-re-réponse. Je ne vais pas vous faire un dessin. Voyez internet.

    Laisser dire, un grand art. A « l’Ouest » règne l’irrépressible désir de parler, toujours, encore, et plus. De Russie, qui est aussi occidentale que nous le sommes, on mesure ses mots, comme à la manœuvre. Car, une des forces de la machine rhétorique de M. Poutine, est sa capacité à ne parler le langage de l’adversaire quand ça lui sert, et à ne rien rétorquer quand ça ne lui sert pas.

    Car l’art du pouvoir exige le silence, la réponse mesurée à l’effet à obtenir, ce contrôle exigeant de soi-même à ne pas parler. A attendre. Et à frapper.

    Dans la saga tragicomique et saignante de l’Ukraine, une vraie pièce d’Alfred Jarry, tout le monde est là à parler, à s’époumoner, à vitupérer, à baragouiner dans un anglais de bastringue (je recommande les débats désopilants sur France24 où des experts français bafouillent dans un anglais d’Auvergnat devant des Ukrainiens d’opéra-bouffe, sous l’œil ironique du très patient M. Picard), évidemment afin de satisfaire les médias – tandis que Vladimir Poutine, maître de la parole, calibre chaque conférence de presse, juge exactement du timing d’un communiqué, prend à chaque fois l’ « Ouest » au dépourvu, et simplement impose son rythme, son calendrier, sa marche, sa « manœuvre » en un mot.

    Vladimir Poutine est donc l’âme du monde, au sens exact du « monde » dont il s’agit ici, le monde du politique, et au sens exact où « âme » signifie principe – Vladimir Poutine nous donne à voir ce que nous vîmes jadis à l’œuvre avec le Général, quand la France comprenait ce qu’est la puissance : la politique comme principe vital du monde où nous vivons, et la parole politique comme mesure de l’action à entreprendre.

    Et l’âme, bien sûr, c’est aussi là où se loge, dans un fusil, la balle.

    Philippe-Joseph Salazar (Les influences,  6 mai 2014)

     

    Notes :

    [1On traduit toujours mal cette phrase en français (« j’ai vu Napoléon passer à cheval », pourquoi pas en patinette ?) car, dans l’allemand de haute précision de Hegel, elle est terrible, et le mot clef y est « recogniziert » : Napoléon est là, dans une manœuvre de reconnaissance du terrain. Relisez cette phrase hautaine et décisive, où la langue ennemie devient presque du latin cicéronien : « Den Kaiser – diese Weltseele – sah ich durch die Stadt zum rekognoszieren hinausreiten ».

    [3Trésor de la langue française, en ligne.

    [4Tout ça, of course, dans Lyotard.

    [5Dans l’attentat des Tsarnaev, les services de sécurité, incapables et d’avoir prévu et d’expliquer si/comment/pourquoi/avec qui, ont lancé dans la presse l’expression « self-radicalized », auto-radicalisés – ce qui était une manière de dire : nous n’avons pas à chercher plus loin qu’eux. La propagande n’a pas pris : les médias ont laissé tomber car un terroriste auto-radicalisé ne fournit par une « histoire » avec des complices, des réseaux, des épisodes, bref du tirage.

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  • L'ennemi utile...

    Les éditions allemandes Schneider Text viennent de publier en français une étude de Pierre Thoumelin intitulée L'ennemi utile et consacré à la présence massive de soldats allemands, anciens de la Wehrmacht et de la Waffen SS, dans les unités de la Légion étrangère qui ont combattu pour la France en Indochine. Un fait bien connu des férus d'histoire militaire mais largement ignoré du grand public...

     

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    " Ce livre retrace l'itinéraire improbable de milliers d'anciens soldats allemands de la Wehrmacht et de la Waffen-SS, ayant servi le Troisième Reich durant la Seconde Guerre mondiale, entre l'Europe au sortir de la guerre et l'Indochine française en cours d'émancipation. Depuis la création de la Légion étrangère en 1631, les Allemands ont toujours été présents en nombre dans ce corps d'armée unique au monde, où se côtoient les nationalités les plus diverses. Malgré une opinion publique française massivement hostile aux Allemands et l'Allemagne après quatre années d'occupation nazie, l'armée française continue de recruter de très nombreux Allemands - et ce dès 1943 ! L'Allemagne en ruine et les camps de prisonniers de guerre, où les conditions de vie sont souvent atroces, sont un terrain privilégié pour les recruteurs de le Légion, qui font miroiter aux vétérans allemands l'idée d'une vie d'aventures dans des paysages exotiques. En réalité, l'armée française, en voie de reconstruction, est à le recherche d'hommes ayant une expérience de combat et connaissant les tactiques à employer contre des Insurgés. Sur prés de 73 000 légionnaires ayant combattu en Indochine. prés de 30 000 sont Allemands ou Autrichiens. Une germanisation galopante de la Légion donne naissance en France, et en Allemagne, aux rumeurs les plus folles. A l'assemblée nationale, les députés communistes dénoncent bientôt l'emploi de criminels de guerre nazis par l'armée française en Indochine. Fruit de plusieurs années de recherches dans les archives allemandes et françaises, cet ouvrage propose un regard croisé sur l'histoire de ces légionnaires allemands au service de la France. De nombreux témoignages inédits d'anciens légionnaires et de soldats français de corps expéditionnaire français ayant servi en Indochine permettent une mise en perspective approfondie de la documentation officielle. Pour le première fois, un livre s'intéresse de près à ces improbables relations franco-allemandes dans le domaine militaire et qui naissent dès avent le fin de la Seconde Guerre mondiale. "

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  • Une victoire au-delà de la gauche et de la droite !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la victoire de Marine Le Pen et du Front national aux élections européennes...

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    Marine Le Pen : une victoire qui va au-delà de la gauche et de la droite !

    C’est peut-être votre paradoxe personnel. Vous êtes militant européen depuis belle lurette. Mais les mouvements dissidents qui vous lisent avec assiduité sont, eux, souvent enclins à des options plus nationalistes. Comment résoudre cette équation à inconnues multiples, sachant qu’on ne sait pas toujours de quelle Europe on parle ?

    Le plus grand reproche qu’on puisse faire à l’Union européenne est d’avoir discrédité l’Europe, alors que les conditions objectives de la nécessité d’une Europe politiquement unie sont plus présentes que jamais. Tout en estimant que le souverainisme ne mène nulle part, parce qu’aucun État isolé n’est en mesure de faire face aux défis planétaires actuels, à commencer par la maîtrise du système financier, je comprends très bien les critiques que les souverainistes adressent à l’Union européenne. Mieux encore, je les partage puisque la souveraineté qu’on enlève aux nations ne se trouve pas reportée au niveau supranational, mais disparaît au contraire dans une sorte de trou noir. Il est tout à fait naturel, dans ces conditions, d’être tenté par un repli sur l’État-nation. Pour moi, cependant, le mot d’ordre n’est pas « Pour la France, contre l’Europe », mais plutôt « Pour l’Europe, contre Bruxelles ».

    Que vous inspire l’indéniable victoire du Front national aux récentes élections européennes ?

    Elle confirme que les Français n’en peuvent plus de voir, année après année, se succéder des partis de gouvernement qui font la même politique libérale sans jamais tenir leurs promesses ni obtenir de résultats. À tort ou à raison, le FN leur apparaît, dès lors, comme l’ultime espoir. En même temps qu’il marque un tournant historique (mais il faudra attendre les résultats des prochaines élections régionales pour savoir si le FN est vraiment devenu le premier parti de France), le résultat du parti de Marine Le Pen est riche d’enseignements. Il montre d’abord, non seulement que la diabolisation dont il a fait l’objet ne fonctionne plus, car les gens ne croient tout simplement plus à des arguments trop répétés pour conserver encore un sens, mais que cette diabolisation, dont l’objectif était de délégitimer un compétiteur gênant en le transformant en ennemi répulsif et haïssable, a abouti exactement au résultat inverse, à savoir l’installation durable du FN au centre de la vie politique française. Comme l’expliquait ces jours-ci Pierre-André Taguieff dans Le Figaro, à l’occasion de la parution de son excellent livre intitulé Du diable en politique : « La propagande antilepéniste aura globalement joué le rôle d’un puissant facteur de la montée du FN. » Quand on aura compris cela, on aura compris beaucoup.

    Cette victoire électorale montre également combien Marine Le Pen a eu raison de résister à ceux qui la poussaient à se positionner de façon préférentielle en parti de la « droite nationale ». Le FN, aujourd’hui, transcende avec bonheur le clivage droite-gauche. C’est chez les jeunes et dans les classes populaires qu’il obtient ses meilleurs scores : aux européennes, 43 % des ouvriers ont voté pour le Front, 8 % seulement pour le PS ! Cette assise populaire montre que le FN a cessé d’être un parti de protestation pour devenir un parti capable d’aspirer au pouvoir – son adversaire prioritaire restant plus que jamais l’UMP.

    Dans la foulée, que pensez-vous de la montée en puissance de tous ces mouvements « identitaires » et « eurosceptiques » en Europe ?

    Leur dénominateur commun est de toute évidence le populisme. Il ne faut pas se lasser de rappeler que le populisme n’est pas une idéologie, mais un style, et que ce style est compatible avec des orientations très différentes. Il suffit d’ailleurs de comparer le FN avec la Ligue du Nord en Italie, ou le Vlaams Belang en Flandre, pour voir à quel point leurs positions divergent, que ce soit à propos du régionalisme, du programme économique et social ou de la « laïcité ». La montée en puissance des mouvements populistes traduit évidemment le discrédit des partis de la Nouvelle Classe, aujourd’hui totalement coupés du peuple, et la défiance dont ils font l’objet, qui alimente désormais de véritables paniques morales. Elle met aussi en lumière l’incroyable ampleur de la crise de la représentation. Le FN, arrivé en tête du scrutin du 25 mai, ne dispose que de deux ou trois députés à l’Assemblée nationale. L’UKIP, premier parti britannique depuis 1910 à avoir distancé à la fois les conservateurs et les travaillistes, ne dispose pas d’un seul siège au Parlement de Londres ! Et on s’étonne que ça craque ?

    À ce stade électoral, que faire de l’Europe ? La redéfinir ? La remettre sur d’autres rails ? En finir avec elle une bonne fois pour toutes ou, tout au contraire, lui redonner une autre vie, en admettant que ce soit encore possible ?

    L’Europe est aujourd’hui un grand corps malade, paralysé, bloqué, incapable de définir son identité, prêt à sortir de l’Histoire pour devenir un objet de l’histoire des autres, comme en témoigne son docile consentement à se fondre dans une grande zone de libre-échange atlantique où les normes environnementales, sanitaires et sociales américaines s’imposeraient inéluctablement. Cette Europe-là s’est construite depuis le début en dépit du bon sens, du haut vers le bas, sans tenir compte du principe de subsidiarité, sans se fixer de frontières et sans que les peuples soient jamais associés à sa construction. Elle baigne dans l’angélisme et l’inconscience de soi, elle a fait siens les principes du libéralisme le plus destructeur. La remettre sur ses rails impliquerait qu’elle décide d’être une puissance souveraine avant d’être un marché, et que cette puissance soit capable d’incarner un modèle de culture et de civilisation capable de jouer son rôle dans un monde redevenu multipolaire. On en est loin.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 mai 2014)

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  • Tour d'horizon... (69)

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    Au sommaire cette semaine :

     - sur Theatrum Belli, Paul-Georges Sansonetti souligne la force que conserve la figure du chevalier dans l'imaginaire des peuples européens...

    Le chevalier dans l'imaginaire européen

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    - sur Polemia, Michel Geoffroy prédit que les peuples de l'Union européenne n'auront bientôt plus le choix qu'entre être otages ou rebelles...

    L’Europe c’est la paix ? Non c’est la guerre de Sécession qui vient

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    - Et enfin, on apprend que l'organisme européen de statistiques économiques Eurostat souhaite que l'activité générée par les divers trafics criminels soit intégrée dans le calcul du PIB...

    Sexe, drogue et statistiques, ou comment doper son PIB

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  • Feu sur la désinformation !... (6)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un nouveau numéro de l'émission I-Média sur TV libertés, consacrée au décryptage des médias et dirigée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, avec le concours d'Hervé.

    Au sommaire :

    • Partie 1 : Débat entre Jean-Yves Le Gallou et Pierre-Alexandre Bouclay : L'Ukraine, guerre de l'information
    • Partie 2 : "Welcome to New York", l'antisémitisme à la barre
    • Partie 3 : La télévision et la lobotomie
    • Partie 4 : Brèves de la semaine

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