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  • La soviétisation des droits pénaux occidentaux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Tomislav Sunic, cueilli sur Polémia et consacré à la soviétisation progressive de la justice européenne. Docteur en philosophie, polyglotte, politologue et ancien diplomate croate, Tomislav Sunic est également l’auteur de plusieurs livres dont certains traduits en français tels Homo americanus, rejeton de l’ère postmoderne (Akribeia, 2010) ou  Chronique des Temps postmodernes (Avatar, 2014).

     

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    La soviétisation des droits pénaux occidentaux

    Une image miroir du système communiste

    L’un des avantages du système judiciaire de l’ancienne Europe communiste était que personne, y compris les apparatchiks des partis, ne croyait à son langage frauduleux. C’est la principale raison pour laquelle le système s’est effondré. Les procédures judiciaires contre les dissidents politiques – officiellement qualifiés d’« éléments hostiles » ou d’« infiltrés fascistes parrainés par l’Occident » – étaient des parodies de simulacres où les procureurs projetaient leur vrai Moi dans leur double Moi imaginaire et embelli, tout en sachant que leur palabre juridique n’était qu’une litanie de mensonges fabriqués de toutes pièces. L’erreur judiciaire communiste est devenue visible peu après l’effondrement du système communiste au début des années 1990, incitant des milliers de juges et de législateurs communistes dans toute l’Europe de l’Est à adopter du jour au lendemain le mimétisme judiciaire libéral nouvellement importé d’Occident.

    Bien que l’on utilise des termes différents, le système judiciaire moderne occidental, et particulièrement américain, devient rapidement une image miroir du système communiste. Contrairement aux citoyens méfiants de l’ancienne Europe de l’Est communiste, des millions d’Américains et des milliers d’experts juridiques croient sincèrement que le système judiciaire américain est le meilleur du monde. Mais le fléau actuel des procès et des poursuites aux États-Unis et dans leur territoire, l’UE, prouve le contraire. Un étranger peut davantage comprendre le système judiciaire américain en comparant son jargon juridique à celui de l’ancien système communiste, ou en le traduisant de manière erronée et en l’appliquant au système judiciaire de l’UE.

    Anomalie verbale et juridique

    À l’instar du système judiciaire communiste et de son arsenal de constructions verbales diabolisantes conçues pour les dissidents politiques, le ministère américain de la Justice a, ainsi que les médias, de plus en plus recours à la criminalisation des dénominations des opposants politiques. « Donnez-moi l’homme et je vous donnerai le dossier contre lui » était une pratique juridique répandue dans les anciens États communistes d’Europe de l’Est. Des accusations fabriquées de manière similaire peuvent désormais être facilement formulées contre des libres penseurs, des écrivains et des lanceurs d’alerte qui critiquent la conduite du gouvernement. Un intrus non armé du Capitole, le 6 janvier 2021, qui crie des slogans pro-Trump et retire de force les barrières de police, ne peut guère s’attendre à être accusé d’un simple délit. Au contraire, sur un coup de tête d’un procureur en chef, toute personne qui défie le système libéral peut se retrouver accusée, en vertu du chapitre 115 du Code des États-Unis, de « s’être livrée à des activités séditieuses et criminelles ».

    D’innombrables constructions verbales que la plupart des citoyens américains tiennent pour acquises doivent être examinées de manière critique. Les expressions négatives ou fleuries telles que « discours de haine », « discrimination positive », « diversité », « suprémacisme blanc » et « rassemblements néo-nazis » sont utilisées par les médias et les tribunaux, avec un effort minimum de la part des juristes et des linguistes pour en extraire le sens. Lorsque leur origine, leur étymologie et les distorsions sémantiques qui en découlent sont soigneusement étudiées, des failles dans les codes pénaux américains sont détectées. Le même effort s’applique à la multitude de termes allemands et français émaillant les codes pénaux respectifs de la RFA et de la France, des termes qui sont pratiquement intraduisibles en anglais, ou, lorsqu’ils le sont, résonnent de manière totalement différente dans les procédures judiciaires américaines.

    L’expression « discours de haine » est une construction verbale bizarre qui permet de poursuivre un large éventail de manœuvres extrajudiciaires. La liberté d’expression de quelqu’un est toujours le discours de haine de quelqu’un d’autre. Cette expression n’existait même pas dans le glossaire judiciaire il y a un demi-siècle. On peut se demander qui a inventé cette expression et l’a introduite dans le droit en premier lieu. Sa signification abstraite permet aux juges ou aux jurys de la définir comme ils l’entendent.

    L’une des caractéristiques principales du légalisme totalitaire communiste était l’utilisation d’expressions abstraites et liquides qui fournissaient au procureur une myriade d’accusations potentielles lors des audiences. Mais le terme même de « légalisme totalitaire » est une contradiction dans les termes, étant donné que la juridification en cours de la politique dans l’UE et aux États-Unis a déjà conduit à un légalisme excessif, c’est-à-dire à une guerre juridique, qui n’est qu’un premier pas vers la mise en place de systèmes totalitaires. On pourrait illustrer encore davantage les anomalies juridiques qui en découlent en examinant l’expression tant vantée et universellement acceptée des « droits de l’homme », en oubliant que les droits de l’homme sont compris différemment par les différentes parties ; différemment, par exemple, par un Palestinien à Gaza et par un colon juif en Cisjordanie. C’est au nom de principes des droits de l’homme à consonance romantique, écrivait il y a longtemps le juriste Carl Schmitt, que les crimes les plus sauvages sont commis contre une entité ou un peuple déclarés hors de l’humanité. Une fois déclarés hors de l’humanité, une entité politique en guerre et ses civils ne sont plus des êtres humains ; les droits de l’homme ne s’appliquent plus à eux. La volonté d’imposer des droits de l’homme universels et une démocratie mondiale a été parfaitement observée lors des bombardements aériens des villes allemandes par les Alliés occidentaux pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Une autre expression largement utilisée, rarement examinée de manière critique, est l’« affirmative action » imposée par le gouvernement fédéral. Outre son contenu, bien connu de la plupart des employeurs, cette expression met en évidence un langage soviétique générique. Il est impossible de la traduire mot pour mot dans d’autres langues européennes, sauf en modifiant grossièrement son sens. Lorsqu’elle est traduite en allemand ou en français, elle génère une appellation hybride impropre telle que « discrimination positive » (positive Diskriminierung). On doit se poser une question légitime : s’il existe une chose telle que la « discrimination positive », existe-t-il également une « discrimination négative » ? L’expression « discrimination positive » est à la fois une anomalie lexicale, conceptuelle et juridique que la plupart des professionnels du droit aux États-Unis et dans l’UE considèrent cependant comme une figure de style acceptable.

    La mal-pensance criminalisée

    Les termes « fascistes » ou « nazis », autrefois utilisés sans cesse dans le code pénal soviétique pour condamner les dissidents, font désormais partie d’un vocabulaire diabolisant similaire, en particulier dans le système judiciaire de l’UE. Le national-socialisme ou le fascisme ne représentent plus d’affiliations historiques et politiques spécifiques, ayant été transformés en symboles du Mal absolu et ultime.

    Le code pénal allemand comporte une multitude d’expressions criminalisantes similaires, qui défient souvent les règles grammaticales et morphologiques. Le nom composé relativement nouveau de Volksverhetzung, qui figure en bonne place dans l’article 130 du code pénal allemand, a été maladroitement traduit en anglais par « incitement to hatred » (« incitation à la haine »), bien que l’original allemand ait une portée beaucoup plus large lorsqu’il est utilisé dans les actes d’accusation. Ce terme à sens multiples représente un cas d’anomalie linguistique semblable aux formulations du système judiciaire soviétique. Les citoyens allemands l’appellent péjorativement « Gummiparagraph » (paragraphe en caoutchouc, ou clause élastique) car son interprétation si large peut envoyer en prison toute personne posant des questions politiquement incorrectes, de quelqu’un qui fait une blague sur un migrant somalien illégal à une personne qui soulève des questions critiques sur l’Holocauste ou l’État d’Israël. Même un avocat américain parfaitement versé dans la langue allemande aurait du mal à déconstruire le sens de ce terme allemand lorsqu’il défendrait son client devant un tribunal allemand.

    Contrairement au dogme libéral sur la prétendue indépendance de la justice, c’est toujours la classe dirigeante qui fait et défait les lois ; jamais les lois ne font la classe dirigeante. Le mythe libéral répandu selon lequel la Cour suprême agit comme l’arbitre indépendant ultime pendant un état d’urgence n’a jamais fonctionné dans la pratique. Le penseur romain Juvénal le savait depuis longtemps lorsqu’il posait la question intemporelle : « Mais qui gardera les gardiens ? »

    Tomislav Sunić (Polémia, 30 août 2024)

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  • Les snipers de la semaine... (277)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Hashtable, H16 dézingue le système judiciaire français en pleine déliquescence...

    Impunité, laxisme, corruption : la justice française ne ressemble plus à rien

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    - sur Tocsin, Jean-Paul Brighelli flingue la secte des pédagogistes de l’Éducation Nationale et ses appels à la résistance contre le RN...

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  • Soulèvements de la Terre, Civitas: dissolution, piège à cons...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Nicolas Lévine, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à la question de la politisation de la justice notamment au travers des décisions de dissolution d'associations politiques...

     

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    Soulèvements de la Terre, Civitas: dissolution, piège à cons

    Il n’y a que les gens de gauche qui trouvent la France trop à droite. De même, il n’y a que les juristes de gauche qui pensent vraiment qu’on y juge « en droit ». Il est vrai que notre droit est de gauche – ou libéral, ou progressiste. La preuve par le Conseil d’État, lui qui doit statuer sur les demandes de dissolution du ministère de l’Intérieur, mais qui ne semble pas les traiter avec la même équité suivant qu’elles sont de gauche ou de droite. Ainsi les Soulèvements de la Terre seraient-ils indissolubles, alors que les soulèvements de la droite – hier Génération identitaire, demain Civitas ? – seraient quant à eux solubles. Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements tout court vous rendront blanc ou noir.

    En France, on juge globalement « en droit », parce qu’on a quand même des codes, des articles, et que la Justice s’y réfère pour absoudre – j’emploie ce vocabulaire à dessein, car il y a quelque chose de messianique dans cette Justice humaniste, adepte de la dixième chance, enfin uniquement pour certains, avec son idéal de la réinsertion qui sonne comme une rédemption maçonne – ou condamner. Mais la loi est sujette à interprétation, et les juges français – à l’instar des européens – ne se privent pas pour interpréter dans un sens qui leur convient. Lorsque le rappeur noir – par ailleurs caché derrière un pseudonyme, ce qui a pu jouer, je le conçois – Nick Conrad chante : « Je rentre dans les crèches / Je tue des bébés blancs / Attrapez-les vite / Et pendez leurs parents », en fait un clip horrifique, le diffuse et l’assume parfaitement, la loi permet de l’envoyer au trou pour un an et de lui soutirer quarante-cinq mille euros. Ce qui n’a pas été le cas, comme on s’en doute.

    Ce n’est pas rien, de prôner l’assassinat de nourrissons, de leurs parents, et ce en vertu de la couleur de leur peau. En Occident, il n’est rien de plus grave, de pire crime-pensée que le racisme. Conrad aurait donc dû être sévèrement puni. Mais Conrad est Noir ; or, selon le progressisme, le racisme est un système de domination inventé par les Blancs pour dominer les autres races ; l’appel au meurtre lancé, sur une base raciale, par le rappeur-afro-militant ne peut donc pas être tout à fait raciste ; il relève fondamentalement d’un autre ordre : c’est un appel au secours, l’expression d’un juste désir de revanche, la « blanchité » soumise à un examen de conscience, une « métaphore »… C’est là ce que pensent la plupart des journalistes, des universitaires, des écrivains, des comédiennes, des juges, des politiques, des cadres de l’économie nouvelle, en somme les membres des élites, qui recrutent d’ailleurs dans le même milieu, qui pratiquent une endogamie stupéfiante et partagent le même fond culturel et idéologique – en clair, la bourgeoisie, ou plutôt les deux, la petite et la tout court.

    Selon que vous serez correct ou incorrect

    Pour « décrypter le monde », comme disent les journalistes – laissant donc accroire que le monde est « crypté », mais heureusement ils sont là pour le révéler aux simples mortels que nous sommes ! –, ils disposent d’une unique grille de lecture, difficile à nommer – marxisto-raciale ? libérale-diversitaire ? –, avec des « dominés » et des « dominants », des gentils colorés et des méchants blancs. C’est là le « logiciel » de la gauche, pour parler (encore) comme elle – un logiciel directement issu des Lumières, donc, mais revu par deux cinglés, Sartre et Foucault. Si Nick Conrad avait été Blanc et avait chanté « Je rentre dans les crèches / Je tue des bébés noirs / Attrapez-les vite / Et pendez leurs parents », il la prenait, son année en zonzon, et il n’aurait pas non plus échappé à l’amende de quarante-cinq mille euros.

    Pour un raciste de ce genre, on tordrait sans remords les qualifications pénales afin de le tuer socialement et économiquement. Mais en tant qu’homme noir, donc victime atavique, pluriséculaire, victime du fameux système de domination instauré par les Blancs, justement désireux de se libérer de l’esclavage mental, culturel, économique et social dans lequel il vit, Conrad a le droit d’appeler à massacrer des enfants blancs, leurs parents et le revendiquer devant un tribunal. Cela ne coûte en tout cas que six mois et cinq mille euros avec sursis (qui seront du reste annulés en appel). Il en va d’ailleurs des gauchistes comme des « dominés » de naissance : si Clément Méric avait tué Esteban Morillo et non l’inverse, il est certain que le verdict aurait été différent. (Un antifa qui tue un facho, ce n’est pas la même chose qu’un facho qui tue un antifa. Nier cela, ce serait comme comparer nazisme et communisme, alors qu’on sait très bien que le second génocidait pour le bien de l’humanité, ce qui change tout. Les dizaines de millions d’innocentes victimes du communisme étaient heureuses de mourir d’une balle dans la tête, sur un petit sentier de Pologne, de Bohême, du Vietnam, dans un goulag.) Sans doute que, outre une peine bien inférieure à celle reçue par Morillo, Méric aurait été remercié d’avoir, avec ses camarades petits-bourgeois, participé au nettoyage des rues de France, où les fachos font régner la terreur. Mais donc on juge « en droit » ?

    Le bon accueil des Soulèvements de la Terre au Conseil d’État

    L’avocat – l’un des avocats ? – des Soulèvements de la Terre n’a pas fait semblant, lui. Le 11 août sur BFM, le bonhomme, en direct en visio, est lancé par la speakerine. Que pense-t-il de la décision du Conseil d’État qui refuse la dissolution de l’association d’extrême gauche ? Normalement, il devrait dire ceci : « C’est une décision logique. Le juge administratif a, en responsabilité, estimé que les éléments du dossier ne justifiaient pas au final la dissolution de l’association. » Le droit, toujours le droit – et ce qu’il faut de novlangue, d’anglicismes et de scies. Il était tôt ; l’avocat n’était pas ivre, à priori ; et le reste de son intervention manifestait une adhésion totale à l’époque et ses codes. Alors pourquoi a-t-il répondu, le plus posément du monde, la chose suivante : « Le Conseil d’État a déjà puni plusieurs fois le gouvernement pour son inaction climatique. Logiquement, il ne pouvait donc pas dissoudre une association qui a pour but de sauver la planète. Le Conseil d’État a été cohérent. » Hein ? Cohérent en quoi ? Politiquement ? Il ne pouvait vouloir dire que cela. Oui, en effet, le Conseil d’État est, en l’espèce, cohérent politiquement. Mais de quel droit notre plus haute juridiction administrative fait-elle de la politique, ce qui n’est pas du tout sa vocation ? Elle en fait depuis longtemps, certes. C’est par exemple le Conseil d’État qui, via le célèbre arrêt GISTI de 1978, a consacré l’immigration de peuplement – ce sont donc des juges, des fonctionnaires non élus et irresponsables, qui ont réinitialisé le paradigme civilisationnel dans lequel la France se déployait depuis quinze siècles. Nous nous sommes habitués à une inflation jurisprudentielle, systématiquement orientée politiquement, du reste raccord, dans le cas de l’ordre judiciaire, avec le gauchisme et le socialisme hégémoniques à l’École nationale de la magistrature – pour s’en convaincre, en plus des débats et des peines, on peut s’amuser à lire les productions « scientifiques » des élèves de l’école, évidemment tous obsédés par le social, le sexisme, le genre, les violences-faites-aux-femmes, les discriminations, les-violences-policières. Les juridictions administratives ne sont pas en reste qui mettent juridiquement en œuvre, avec le même zèle, le programme progressiste.

    Maman-Gaïa et Migrant-Rédempteur

    Selon ce dernier, il n’est rien de plus important que « l’urgence climatique ». Chaque jour, le JT le répète : « La jeunesse se mobilise pour la planète », « La crise écologique est l’affaire de tous », « Encore une preuve du dérèglement climatique ». Chaque jour un reportage nous montre les conséquences de la hausse du niveau des océans sur l’activité des pêcheurs de Zanzibar. Le climat, c’est limite, juste après l’indétrônable « pouvoir d’achat », qui est lui hors classement, la-première-préoccupation-des-Français. L’« enjeu de civilisation », et même l’enjeu tout court, c’est ça. Fondamentalement ésotérique, la gauche a trouvé dans l’écologie une nouvelle prophétie. Dans son culte dualiste, la protection de Maman-Gaïa va de pair avec celle du Migrant-Rédempteur : un jour, l’homme nouveau métis pourra gambader sur une Planète rendue à la Nature et libérée du Corrupteur-Blanc – cependant, il pourra toujours se rendre dans une clinique pour changer de sexe – pas plus que des autres la gauche n’a peur de cette insurmontable contradiction entre idéalisation puérile et mépris absolu de la nature, une nature bonne en soi, sauf quand elle concerne l’homme. Ce n’est pas « la » jeunesse, mais une certaine, la bourgeoise des métropoles d’Occident, qui manifeste « pour sauver la planète ». Peu importe : c’est la bourgeoisie qui décide du programme. Le climat est donc la grande et unique mission de notre génération et des générations à venir. Y’a-pas-débat. C’est là ce qui autorise l’avocat à avouer aussi benoîtement. En plus, sur BFM, on est entre nous, entre convaincus de l’« urgence climatique » ; on pense dans l’ordre des items proposés par les instituts de sondage ; on sait qu’on ne sera pas contredit sur le fond.

    Et d’ailleurs, la speakerine ne reprend pas l’avocat après sa saillie. La même speakerine, ou l’un de ses clones sévissant sur la pire chaîne de télé de France, qui dégaine sans relâche, quand la causalité y oblige mais que l’idéologie veut absolument le cacher, de chafouins « Vous faites de la politique ». Lola, les « attentats » : il ne faut pas « faire de la politique ». Les droits des minorités, la lutte pour le climat : là tout est politique, même si c’est un politique qui se confond entièrement avec la morale – la gauche est religieuse, disais-je. Il y a en somme, plus que jamais, plus qu’à n’importe quelle époque hormis peut-être les années 30 – et encore ! au moins les idéologies s’y affrontaient, en France le royalisme n’était pas tout à fait mort, c’était infiniment plus fun qu’aujourd’hui où le progressisme domine intégralement les élites, alors qu’elles étaient encore heureusement divisées durant l’entre-deux-guerres – le problème ce n’est pas les élites, il en faut, les nôtres firent d’immenses choses ; le problème c’est qu’elles soient désormais apatrides, que plus rien ne les lie à la France, qu’elles méprisent ses habitants autochtones plus sûrement que les aristocrates snobaient leurs gens en 1788 – il y a plus que jamais, disais-je, l’idéologie.

    Darmanin ou l’art de dissoudre des associations

    L’air satisfait des journalistes, sur BFM et ailleurs, en annonçant la décision du Conseil d’État trahissait le contentement de tout un système. Elle leur permettait en plus, au cœur de l’été, où ils n’ont habituellement que des incendies de forêt, le prix du steak frites en terrasse sur le bassin d’Arcachon et bien sûr les salvateurs conseils pour résister à la canicule – leur monde n’est qu’une suite de messages de prévention – à se mettre sous la dent, de titiller Gérald Darmanin, l’un des meilleurs « clients » de cette Macronie où les personnalités ne brillent guère. Dans l’imaginaire de la gauche – qui est d’abord un imaginaire –, Darmanin occupe la même place que Sarkozy autrefois. Dans sa lutte éternelle contre le nazisme, la gauche voit en lui un énième avatar de la Réaction, l’homme providentiel espéré par les cons qui n’ont rien compris à l’émancipation de l’individu dans un monde enfin débarrassé de ses frontières, évidemment artificielles, et qui empêchent les humains de vivre ensemble, heureux, en paix, ce à quoi ils aspirent évidemment. Darmanin, c’est le drapeau, l’ordre, l’autorité. Que sa dureté, comme celle de Sarkozy, ne soit que de mots, n’y change rien ; non seulement par hypocrisie, qui est chez elle une seconde nature, mais aussi parce que la gauche pense vraiment que « les mots tuent » ; pour elle, ils le font même plus sûrement que ce supposé « réel » qui plaît tant aux réacs et avec lequel la gauche est – même la marxiste, la « scientifique », parfaitement gnostique en vérité, en tout cas basée, comme le libéralisme dont elle procède, sur des postulats complétement faux sur la nature humaine – irrévocablement fâchée.

    Ministère de l’Intérieur au moment où la violence dite du quotidien explose, dix fois humilié dans le dossier des OQTF où les États des pays d’origine des clandestins l’ont baladé, confronté à une fronde systémique des policiers qui voient clair dans son jeu, il y a au moins une chose que Darmanin sait faire, en général : dissoudre des associations. Dans la frêle dynamique de l’oiseuse loi contre le séparatisme, il s’est enfin attaqué à des associations islamistes, parfois déguisées en ONG ; il s’en est pris à quelques figures de la mouvance, à l’instar bien sûr de l’imam Iquioussen – qui l’a bien eu, d’ailleurs, avec le soutien de la justice belge, de la couronne marocaine et, en partie, de notre justice administrative.

    Mais à chaque fois que Darmanin dissout une association islamiste, il se croit obligé de dissoudre également une association patriotique. Le nom de la loi annonçait la couleur, cela dit : outre qu’il vise à cacher le mot islam, le terme « séparatisme » traduit l’idée que nos élites se font des « radicalismes », qu’elles hiérarchisent ; et en vérité, pour un libéral et a fortiori un socialiste et un gauchiste, l’intégriste autochtone est plus dangereux que le salafiste exogène, le type qui veut juste prier en latin que celui qui prépare un massacre de masse, un fascisme imaginaire qu’un fascisme bien réel. Ainsi, Génération identitaire avait été dissoute en même temps que BarakaCity, dans une évidente logique de compensation. Car non seulement la Macronie doit satisfaire son aile gauche, mais elle est de gauche – il faut donc compenser sévère.

    Hyper-tolérance pour l’extrême gauche

    Ces dernières années, d’autres groupuscules identitaires, locaux, ont subi le même sort ; il est vrai que ce fut également le cas de quelques groupes antifas. On observera que le traitement médiatique diffère selon l’objet à dissoudre ; la dissolution d’une assos islamiste, même wahhabite assumée, provoquera une « polémique » ; il n’en ira pas de même de la dissolution d’un groupe de patriotes, dont la disparition sera seulement accompagnée, sur les plateaux, de formules définitives sur le péril fasciste distillées par des experts en extrême droite militant à l’extrême gauche – ce qui est un bon gage d’objectivité. Génération identitaire a été dissoute pour quelques feuilles jetées en l’air au siège marseillais de l’association d’ultragauche SOS Méditerranée, qui encourage des étrangers à violer les lois européennes et les viole elle-même, et des vidéos qui prouvaient que la frontière entre la France et l’Italie était une passoire. L’association refusait la violence. Son agit-prop était propre, et en plus très pro. Elle a été dissoute en cinq minutes. Il y a de cela quelques mois, des membres des Soulèvements de la Terre ont mené et même filmé l’attaque d’une usine de Lafarge, brûlant pour plus de quatre millions d’euros de matériel, affaire d’ailleurs traitée par les services antiterroristes – les journalistes semblent avoir omis ce fait, dont ils n’ont absolument pas parlé. L’association appelle à la violence, au moins contre les biens ; elle mène ou s’agrège à des manifestations interdites, comme celle de Sainte-Soline, où des dizaines de gendarmes ont été blessés ; son caractère séparatiste et même insurrectionnel ne fait aucun doute, tant ce qu’elle dit que ce qu’elle fait justifiait sa dissolution. Le Conseil d’État a en jugé autrement. Que le dossier présenté par le cabinet de Darmanin soit solide ou non, c’est d’abord au tamis idéologique qu’il est passé, et qu’il a logiquement perdu – comme perdent systématiquement toutes les maigres tentatives de durcir le droit des étrangers.

    Pas de civilité pour Civitas

    Compensation, toujours : tandis que le Conseil d’État examinait le dossier des Soulèvements de la Terre, Darmanin a annoncé, pour satisfaire une gauche évidemment indignée par la procédure engagée contre ces sympathiques amoureux de la planète, tous ces Jean-Eudes, Charlotte et Stan sortis d’un cauchemar de Papacito, la dissolution de Civitas. Association catholique, de droite dure, tendance tradi et donc éloignée d’une Église dominée par le gauchisme, Civitas s’est manifestée aux yeux du grand public – et des journalistes, qui ne s’intéressent à rien – lors du vote de l’Assemblée socialiste en faveur du mariage gay. Conséquente – contrairement à tant de catholiques dits de gauche, qui sont surtout de gauche –, l’association s’est opposée et continue de s’opposer farouchement à la PMA et à la GPA, et elle est clairement moins enthousiaste que l’antipape François vis-à-vis de l’immigration de masse extra-européenne. Civitas ne prône pas la violence, ne mène pas d’actions violentes.

    Récemment, lors de quelque colloque, Civitas a invité Pierre Hillard, géopolitologue promu par Égalité et Réconciliation. Durant son intervention – telle qu’elle a été rapportée par une presse évidemment hostile par principe –, Hillard a commenté la naturalisation des Juifs sous la Révolution, a dit voir en elle la matrice de l’immigrationnisme et s’est demandé s’il ne faudrait pas revenir sur ce principe. Niveau antisémitisme, on a fait cent fois pire. Comme tous les auteurs qui gravitent autour de Soral, Hillard a une fâcheuse tendance à analyser toute l’histoire avec le Talmud à la main. Comme le brillant Julien Rochedy l’avait expliqué à un autre essayiste soralien, Youssef Hindi, l’obsession soralienne pour les Juifs est d’abord et surtout bête ; prenant l’exemple de l’origine de la Révolution française, Rochedy opposait les tenants du complot maçonnique à Taine, en somme ceux qui croient en une cause unique et ceux qui savent que, bien sûr, il y a toujours plusieurs causes – et Taine le prouve génialement. Oui, les événements sont toujours multifactoriels ; et j’ajoute que rien, dans la vie des idées, n’arrive par hasard, spontanément, y compris le progressisme, qui correspond en premier lieu, comme l’a démontré Christopher Lasch, à une mutation de la bourgeoisie occidentale, sa sortie du corps social – comme l’aristocratie en était sortie au moment de la Révolution, ce qui l’explique en partie.

    Inviter Hillard est une drôle d’idée ; du reste, on ne voit pas ce qui, dans ses propos, choque tant – il n’a pas dit qu’il fallait déchoir les Juifs de leur nationalité française –, et puis les excès de la liberté sont toujours préférables à ceux de la censure. Aidé comme d’habitude par les mouchards LFI qui traquent sans relâche, avec l’enthousiasme de scouts commissaires politiques, les « dérapages » sur les réseaux sociaux, qui réclament sans cesse la dissolution de mouvements patriotiques quand ce n’est pas carrément celle du RN, Darmanin a immédiatement sauté sur l’affaire. Se débarrasser de l’une des principales associations authentiquement catholiques, d’un opposant constant aux délires transhumanistes et sociétaux : le Iago de Tourcoing ne pouvait laisser passer cette occasion. Sevrée de « polémiques » sur les tampons hygiéniques, les toilettes non-genrées et le changement de sexe à huit ans, la gauche accepte volontiers ce cadeau, qui l’autorise à faire des heures d’antenne et des pages et des pages sur l’intégrisme catholique, si présent, si oppressant, toujours capable de déclencher sur une nouvelle Saint-Barthélemy dans le Marais et à Sevran. Si le dossier contre Civitas est centré sur Hillard, il me semble bien léger ; et je ne vois pas ce qui, dans ses prises de position et actions passées, justifierait la dissolution de l’association ; mais on peut quand même parier que, pour elle, le Conseil d’État ne s’opposera pas.

    Une justice politique

    Chaque semaine, des associations islamistes accueillent – ou tentent d’accueillir – des prédicateurs imperméables aux « valeurs de la République ». Darmanin n’engage pas leur dissolution. Il laisse également tranquille, outre SOS Méditerranée qui accomplit un rôle de passeur, d’associé de trafiquants d’êtres humains, toutes les associations pro-clandestins qui – je le répète, car la chose semble ne choquer que moi – violent et appellent les clandestins à violer les lois et ce, en toute décontraction – imagine-t-on une association, subventionnée en grande partie par de l’argent public, appelant à ne pas payer les impôts ou promouvant la haine raciale ? Quid d’Utopia 56, qui a installé, sous des tentes, des clandestins sur les places de la République et du Palais-Royal, paye les procédures administratives des clandestins et, dans la lignée du GISTI toujours très actif, mène une guérilla juridique de chaque instant contre l’État ?

    Formidablement ambitieux, Darmanin se sert de la dissolution d’association pour nourrir sa com’. Donner aux boomers centristes l’impression de frapper les « radicalismes », ça doit rapporter. C’est son calcul pour 2027. Mais, entre les mains de cet énième Machiavel et sous la pression permanente de la gauche, cette procédure est aussi un outil au service d’une répression idéologique qui s’acharne encore plus durement sur ceux qui veulent sauver leur culture que sur ceux qui veulent la détruire. Et la Justice, sur la même ligne, vient consacrer ce titanesque renversement de civilisation auquel le droit a déjà collaboré de façon décisive. En somme, il s’agit d’une justice politique.

    Nicolas Lévine (Site de la revue Éléments, 21 août 2023)

     

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  • En quête des sources pures du droit...

    Les éditions de la Nouvelle Librairie, en collaboration avec l'Institut Iliade, viennent de publier un court essai d'Aristide Leucate intitulé Aux temps de la justice - En quête des sources pures du droit.

    Docteur en droit, journaliste et essayiste, Aristide Leucate est déjà l'auteur de Détournement d'héritages - La dérive kleptocratique du monde contemporain (L'Æncre, 2013), d'un Carl Schmitt (Pardès, 2017), d'un Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Dualpha, 2018), de Carl Schmitt et la gauche radicale - Une autre figure de l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2021) et d'un Dumézil (Pardès, 2021).

     

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    " Délié de toute attache avec une culture propre, le droit, dans l’optique libérale, ne se conçoit plus comme un ordonnancement recueilli du passé, mais comme un agencement volontariste et artificialisé en rupture délibérée avec lui. L’idéal, voire l’idée, de justice s’est dilué dans la masse informe et uniforme des individualismes, tandis que le droit a perdu de sa cohérence pour ne plus être qu’un catalogue pléthorique et indigeste de normes devenues prioritairement des biens de consommation monnayables, substituables et périssables. L’objet du présent essai est d’analyser la progressive dissociation du droit et du juste, et de rechercher — voire de renouer avec — les racines historiques et spirituelles du droit. "

    Délié de toute attache avec une culture propre, le droit, dans l’optique libérale, ne se conçoit plus comme un ordonnancement recueilli du passé, mais comme un agencement volontariste et artificialisé en rupture délibérée avec lui. L’idéal, voire l’idée, de justice s’est dilué dans la masse informe et uniforme des individualismes, tandis que le droit a perdu de sa cohérence pour ne plus être qu’un catalogue pléthorique et indigeste de normes devenues prioritairement des biens de consommation monnayables, substituables et périssables. L’objet du présent essai est d’analyser la progressive dissociation du droit et du juste, et de rechercher — voire de renouer avec — les racines historiques et spirituelles du droit.
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  • Les snipers de la semaine... (220)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Justice au singulier, Philippe Bilger mouche le "judiciairement correct", à l'occasion du lancement du procès au long cours des attentats du 13 novembre 2015...

    Un procès de neuf mois, réponse au terrorisme ?

    Procès attentats 13 novembre 2015.jpg

    - sur Hashtable, H16 dézingue le passe sanitaire et les discours triomphalistes du gouvernement...

    Le pass sanitaire, cette réussite que le monde nous envie mollement

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  • Justice politique et pouvoir des juges...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Régis de Castelnau à Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la politisation de la justice et le pouvoir des juges... Avocat, fondateur du Syndicat des Avocats de France, Régis de Castelnau, qui a enseigné à l’université Paris II, collabore à plusieurs médias de la sphère souverainiste et anime le site Vu du droit. Il vient de publier Une justice politique - Des années Chirac aux années Macron, histoire d'un dévoiement (Toucan, 2021).

     

     

                                               

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