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  • La fin de la globalisation joyeuse...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré aux tensions géopolitique du monde fragmenté. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

     

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    Ce que l’IRA nous dit

    Les Etats-Unis ont adopté un plan massif de soutien à l’économie poétiquement dénommé « Inflation Reduction Act » (IRA) qui promet aux entreprises et aux particuliers américains des aides s’élevant à 500 Md$ sur dix ans. Abrité derrière la lutte contre l’inflation et le réchauffement climatique, ce plan prévoit notamment de nombreux crédits d’impôts et subventions en faveur de l’investissement et de la production de technologies nouvelles. Depuis quelques semaines Paris et Berlin, soutenus mollement par Bruxelles, s’élèvent contre ce dispositif qui, parce qu’il réserve les soutiens aux activités réalisées sur le sol américain, incite les entreprises européennes à se délocaliser aux Etats-Unis.

    Au-delà des enjeux de ce dossier, les débats qu’il occasionne sont révélateurs d’évolutions et de tensions géopolitiques plus vastes.

    1/ La première chose que l’IRA nous dit est que nous vivons désormais dans un monde fragmenté. Le constat n’est pas nouveau, mais l’intensification des tensions entre les Etats-Unis et la Chine et surtout la Russie entraîne une diminution importante des relations diplomatiques, économiques mais aussi culturelles[1] entre les blocs antagonistes. En outre, on observe parallèlement des tentatives plus ou moins abouties de constitution d’entités régionales restreintes qui ont pour origine la volonté de faire face à la politique expansionniste de la Chine dans le Pacifique, d’échapper aux contraintes résultant de l’utilisation du dollar dans les transactions internationales ou de ne pas choisir entre les camps qui s’opposent à propos de l’Ukraine. L’IRA, quant à lui, montre que cette fragmentation est plus forte que les alliances régionales et que les intérêts nationaux priment sur les solidarités militaires que l’on se plait pourtant à invoquer : les pays occidentaux proclament chaque jour l’unité indéfectible de leur alliance face à la Russie mais le plus puissant d’entre eux ne se gêne pas pour favoriser les intérêts de ses entreprises.

    Les temps de la « globalisation joyeuse » sont donc bien finis, aussi bien dans le domaine militaire que pour les relations commerciales et financières. Même le forum de Davos, le club des mondialistes convaincus, a cette année placé sa réunion sous le thème “Cooperation in a Fragmented World”.

    2/ L’adoption de l’IRA illustre également l’impuissance, voire la disparition de toute régulation internationale. Le constat est évident dans le domaine militaire puisque l’ONU est totalement absente des débats sur l’Ukraine, alors que, face à des Etats ne se préoccupant que des opérations militaires en cours ou prochaines, il aurait pu rechercher les conditions d’une paix durable fondée sur un équilibre des intérêts des parties en cause. Mais le constat vaut aussi dans le domaine commercial puisque personne ne cherche à soumettre l’IRA à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont la mission est pourtant d’éviter ou de sanctionner les atteintes à la liberté des échanges internationaux ainsi que l’adoption de dispositifs nationaux de soutien illicites. On voit là les résultats de la décision prise par D. Trump, et maintenue par J. Biden, de ne pas nommer de juge à l’organe de règlement des différends de l’OMC, privant cette dernière de toute possibilité d’action contraignante.

    3/ En troisième lieu, les Etats-Unis ajoutent avec l’IRA un nouvel élément à leur panoplie déjà considérable d’instruments de prééminence ou de domination. Depuis longtemps la suprématie du dollar leur permet de faire financer leur déficit par les pays étrangers et, grâce à l’extraterritorialité du droit américain, de soumettre aux tribunaux américains les entreprises étrangères, y compris celles de leurs alliés[2] ; l’OTAN leur permet d’agréger leurs alliés à leur stratégie « géopolitico-militaire » et de leur vendre leurs matériels militaires ; plus récemment, les décisions prises en matière d’approvisionnement énergétique pour affaiblir la Russie leur ont permis de devenir le principal fournisseur de l’Europe en gaz naturel, celui-ci étant de surcroît vendu aux Européens à un prix nettement supérieur à celui auquel les entreprises américaines ont accès, accroissant ainsi le handicap compétitif européen résultant de la façon dont l’Europe a conçu son marché de l’électricité. A ces instruments l’IRA ajoute désormais un appel d’air destiné à attirer les entreprises étrangères, notamment européennes, les plus dynamiques et performantes[3].

    4/ L’IRA met également en lumière le fonctionnement bureaucratique de l’Union européenne. Il est révélateur que celle-ci ait mis autant de temps à réagir : la loi américaine est en gestation quasiment depuis l’élection de J. Biden à la présidence et, même s’il a fallu de nombreux mois pour parvenir à un accord au Congrès, cet accord a été concrétisé par un vote de la Chambre des Représentants le 7 août 2022 entraînant la promulgation de la loi le 16 août. On peut s’étonner que les chancelleries européennes n’aient rien vu venir et que l’Europe ne soit pas intervenue avec vigueur avant même l’adoption de la loi et n’ait pas réfléchi à la façon dont elle réagirait en cas de mauvaise surprise : manque de vigilance ou excès de naïveté ? Le président du Conseil européen a beau déclarer qu’« il est crucial que nous répondions à l’initiative américaine de manière lucide et rapide[4] », rien ne sera décidé au mieux avant un sommet de l’Union programmé les 9 et 10 février prochains, soit environ six mois après l’entrée en vigueur de la loi. A supposer même que des décisions de principe soient prises alors, ce qui n’a rien d’évident compte tenu des divergences actuelles entre Etats membres, d’autres délais seront nécessaires pour mettre en œuvre les mesures une fois que les grands principes auront été adoptés.

    Ces délais seront d’autant plus importants que la réponse européenne prendra vraisemblablement la forme d’un assouplissement de l’encadrement des règles d’Etat, d’un redéploiement de dotations déjà votées et d’un nouveau « fonds européen de souveraineté »[5], lequel semble avoir davantage pour objectif de répartir une manne financière entre les Etats que de renforcer rapidement les entreprises de l’Union. Alors qu’aux Etats-Unis les crédits d’impôts pourront être appliqués sans délai, tout laisse penser que les aides européennes ne seront mobilisables qu’à l’issue de procédures bureaucratiques longues et à l’issue incertaine.

    Mais la Commission européenne est-t-elle vraiment, dans le contexte lié à la guerre en Ukraine, prête à affronter les autorités américaines ? Déclarer, comme Paolo Gentiloni, le commissaire européen à l’Economie, que « la relation transatlantique est [actuellement] au plus haut depuis des décennies »[6] ou se réjouir, comme Valdis Dombrovskis, le commissaire européen au Commerce, de ce que les Américains adoptent, dans les discussions, « un ton constructif »[7], est-il le meilleur moyen d’affirmer sa détermination à défendre ses intérêts[8] ?

    5/ L’IRA montre enfin les limites de la solidarité européenne. La France et l’Allemagne ont été les seuls pays à protester contre la loi américaine et la Commission ne les a suivis que tardivement et parce que les deux pays exerçaient sur elle une pression politique forte.

    L’entente entre la France et l’Allemagne n’est d’ailleurs pas totale puisque la première soutient la création du fonds européen de souveraineté alors que la seconde y est très réticente et souhaite surtout que les automobiles allemandes échappent à l’application de l’IRA. Les manifestations et déclarations d’amitié[9] auxquelles a donné lieu, le 22 janvier, le 60ème anniversaire du traité de réconciliation entre les deux pays n’ont pas un contenu bien concret[10] et la dizaine de pages de la déclaration conjointe rendue publique à l’issue du conseil des ministres franco-allemand est étonnamment muette sur l’IRA et se contente d’un paragraphe général sur la nécessité d’un commerce ouvert, équitable, loyal, etc.

    Il est frappant de constater que le clivage entre les pays de l’Union qui veulent réagir contre l’IRA et ceux qui ne se mobilisent guère à son propos est voisin de celui qui a été observé à propos de la livraison de chars à l’Ukraine, réclamée avec véhémence par la Pologne et les Pays Baltes mais regardée avec réticence par l’Allemagne et la France. On peut d’ailleurs se demander si la Commission n’a pas repris à son compte les revendications françaises et allemandes concernant l’IRA dans le seul but de faciliter en contrepartie l’acceptation par ces deux pays des demandes relatives à la livraison des chars, dont on peut d’ailleurs douter que les protagonistes aient tous une pleine conscience des conséquences potentielles.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 5 février 2023)

     

    Notes :

    [1] Les pressions exercées par les autorités ukrainiennes pour empêcher la représentation à la Scala de Milan de Boris Godounov de Modeste Moussorgski, mort en 1881, en sont un dernier et stupéfiant exemple.

    [2] Et, à l’issue d’un litige, de les contraindre à accepter la présence en leur sein d’un représentant de l’administration américaine.

    [3] Le déséquilibre économique entre les Etats-Unis et la France et, plus largement, l’Europe ne peut pas, toutefois, être interprété à l’aune des seuls soutiens publics. Ainsi la productivité du travail a, depuis 1998, augmenté de 62 % aux Etats-Unis mais de seulement 14 % dans la zone euro, le taux d’investissement net est aujourd’hui de 4 % aux Etats-Unis et de 2 % dans la zone euro et la R&D représente 3,5 % du PIB des premiers contre 2,4 % de la seconde. Voir Patrick Artus, « Croissance, pourquoi les Etats-Unis battent toujours la zone euro », Les Echos, 26 janvier 2023.

    [4] Interview de Charles Michel, président du Conseil européen, Les Echos, 23 janvier 2023.

    [5] Voir le projet de « Pacte vert » proposé par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne le 1er février 2023.

    [6] Les Echos, 10 janvier 2023.

    [7] Les Echos, 19 janvier 2023.

    [8] On peut aussi s’étonner que le président de Business Europe, le patronat européen, parte quasiment battu en affirmant qu’« il est extrêmement important de parvenir, au moins, à atténuer les mesures discriminatoires pour éviter les délocalisations de nos entreprises » (Interview de Fredrik Persson, Les Echos, 30 janvier 2023). Atténuer, pas supprimer…

    [9] Dans son discours à la Sorbonne, Emmanuel Macron a fait référence à l’image de « deux âmes battant à l’unisson dans la même poitrine ».

    [10] La seule décision concrète concerne le lancement d’un réseau de transport d’hydrogène mais l’Allemagne refuse toujours que l’hydrogène soit fabriqué à partir d’électricité d’origine nucléaire. Par ailleurs les deux pays restent en désaccord sur la réforme du marché de l’électricité et l’Allemagne n’a pas renoncé à s’équiper de matériels militaires et de systèmes d’armes américains.

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  • Chaos !...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un livre d'entretien de Stéphane Rozès avec Arnaud Benedetti intitulé Chaos - Essai sur les imaginaires des peuples. Ancien directeur général de l'institut CSA, politologue, Stéphane Rozès est maître de conférences à Sciences-Po Paris depuis trois décennies et a également enseigné à HEC.

     

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    " Qu'est-il arrivé à la France ? Pourquoi son décrochage, sa dépression ? Allons-nous basculer dans le chaos ? Comment le comprendre, comment le prévenir ? Convoquant les puissances de l'imaginaire, l'influent politologue et spécialiste de l'opinion Stéphane Rozès livre, comme jamais, son diagnostic sur l'état du pays.

    Aiguillonné par son confrère Arnaud Benedetti, il procède à un tour d'horizon complet des génies des civilisations et des imaginaires des peuples, frappés de plein fouet par une globalisation néolibérale qui porte en elle la menace d'une régression décivilisatrice.
    Témoin de la vie publique, Stéphane Rozès en appelle à l'histoire longue mais aussi à ses expériences de sondeur des mentalités et de conseiller des gouvernants, livrant ici leurs confidences et leurs confessions. Il formalise, surtout, une grille de lecture " imaginariste " globale, seule capable de saisir pleinement le réel et d'offrir les clés pour répondre aux défis auxquels nous ferons face demain. Plus que jamais, s'ils veulent éviter le chaos et s'approprier à nouveau le cours des choses, les peuples devront lutter pour redevenir maîtres de leur destin.
    Un essai lucide, lumineux, implacable. "

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  • Chez nous !...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un essai d'Hervé Juvin intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    " La crise de la Covid-19 n’a pas seulement changé nos vies, elle a révélé au grand jour les impasses d’une globalisation imposée à marche forcée par les marchés et la financiarisation des choses et des êtres, à telle enseigne que le trajet du coronavirus a suivi celui des lignes aériennes. Ce virus est à la fois l’avatar de la globalisation – et son échec le plus patent. Extension du contrôle social, restriction des libertés, toute puissance de Big Pharma et des Gafam, dérive de la séparation des pouvoirs, faillite de notre industrie. Pour autant, ce n’est pas la fin de tout ; une solution existe pour que l’économie redevienne plus humaine, le monde plus vert et l’homme plus libre…
    Et cette solution s’appelle le « localisme » ! Rien de tel pour réduire le pouvoir de la finance, restaurer une écologie créative et non plus punitive, redonner à l’homme le goût et le sens de la liberté. Revenir au plus proche, au plus concret, au plus vivant. Du rôle de l’État à la refondation de l’entreprise, les pistes ne manquent pas pour réaffirmer le droit de choisir notre destin en garantissant aux Français que nous sommes bel et bien « chez nous » ! Voilà ce que permet le localisme, voilà ce qu’explique cet ouvrage. "

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  • Pouvoir d’achat, vraiment ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré à la multiplication des pénuries et des hausses de prix depuis plusieurs mois.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Pouvoir d’achat, vraiment ?

    Une école américaine prévient les parents, que pour cause de rupture des chaînes d’approvisionnement, elle n'est pas en mesure d’assurer les petits déjeuners, ni sans doute les déjeuners. Les parents sont priés de nourrir leurs enfants avant l’école. Et des restaurants français s’inquiètent du nombre de produits en rupture de stock, des citrons aux mangues.

    Dans plusieurs secteurs industriels, dont l’automobile, la pénurie de semi-conducteurs arrête les chaînes de montage et provoque l’arrêt des livraisons. Et les garagistes signalent une impressionnante hausse du prix de vente des véhicules d’occasion ; jusqu’à 25 % depuis l’été !

    Des pénuries qui s’installent

    En Grande-Bretagne, plusieurs des premières usines de fertilisants, ces produits chimiques utilisés pour rendre la terre féconde et favorable aux cultures, sont arrêtées, en raison des difficultés d’approvisionnement en gaz naturel. Ce qui conduit les agriculteurs à s’interroger sur la récolte de 2022, et les prévisionnistes à pousser des cris d’alarme ; après la pénurie d’électricité à l’hiver 2021-2022 (espérons que les stocks de la France suffiront !), faut-il préparer les pénuries alimentaires pour le printemps-été 2022 ?

    Ajoutons à ces informations la réouverture d’une centrale à charbon au Royaume-Uni pour pallier la déficience des éoliennes due au manque de vent en cet automne, et nous pourrons retourner la question dans tous les sens ; comment ne pas s’inquiéter, non seulement du pouvoir d’achat, mais de l’approvisionnement en denrées essentielles, vitales, stratégiques, pour 2022 ? Car tout indique que les ruptures de chaînes, les retards de livraison, les goulots d’étranglement sont là pour durer.

    Trois facteurs expliquent une hausse des prix à la consommation que les indices de l’inflation reflètent mal, une tension croissante sur les approvisionnements, et une dégradation rapide et sensible de la qualité de vie des Français et des Européens.

    Un modèle obsolète

    D’abord, des modèles d’affaires délirants, dont le meilleur exemple est le « zéro stock, zéro délai, zéro trésorerie ». Les entreprises qui distribuent toute la trésorerie disponible à leurs actionnaires, notamment en rachetant leurs propres actions, qui ont supprimé tous leurs stocks (comme la France l’a fait avec ses masques sur recommandation de l’OMS !) et qui travaillent à flux tendu n’ont pas mesuré le risque qu’elles couraient en cas de toute rupture de chaîne logistique, en cas de tension géopolitique, ou simplement d’accident d’exploitation ?

    Voilà pourquoi l’État — le contribuable ! — a dû intervenir aussi vite et aussi massivement ; pour assurer la trésorerie de fins de mois que les dividendes servis aux actionnaires avaient sorti de l’entreprise ! Et voilà comment ce sont les déficits publics, donc les contribuables présents et futurs, qui paieront pour des modes managériales non durables, non soutenables — mais tellement rentables à court terme ! Et voilà comment l’entreprise privée reporte ses risques sur la collectivité — car nos modes de vie sont en jeu !

    L’argent ne remplace pas la stratégie

    Ensuite, l’erreur stratégique majeure, qui ignore qu’il y a des secteurs, des produits, des entreprises stratégiques. À l’inverse de ce qui s’enseigne à Sciences Po ou dans les écoles de commerce, tout ne se résume pas aux comptes, à la valeur boursière et au TRI (taux de rentabilité interne). L’argent n’achète pas tout. Il n’achetait pas des masques, des vaccins, il n’achètera pas le magnésium ou les engrais, pas plus que les semi-conducteurs et les puces — parce que ce sont là des produits stratégiques, des produits où peuvent se jouer la vie ou la mort, la puissance ou la dépendance, et que ceux qui ne sont pas capables de produire eux-mêmes ce qui leur est nécessaire ont d’avance perdu les guerres qu’ils ne pourront pas livrer. L’intelligence économique est l’arme décisive dans la guerre économique qui a remplacé la guerre des armes — ou qui décidera du sort des armes, qui sait ?

    La folie « écologique »

    Enfin, le totalitarisme écologique. La réalité du dérèglement climatique est utilisée pour porter les plus violentes attaques que l’indépendance des Nations et les libertés individuelles aient connues depuis les socialismes autoritaires. Et ce sont bien à des démocraties populaires que ressemblent de plus en plus ces pays qui souscrivent au pass sanitaire, instaurent le contrôle numérique permanent des populations, veulent faire payer pour tout et par tous les services gratuits de la nature, et plongent tout droit dans une dépendance aux maîtres du numérique dont les Etats ne semblent pas mesurer à quel point ils sont la nouvelle menace totalitaire du moment.

    Au moment où la COP26 réunit à Glasgow un grand nombre de dirigeants venus se soumettre aux injonctions des ONG et des Fondations qui occupent la rue, mais aussi les médias avec des injonctions aussi péremptoires qu’infondées, il n’est pas inutile d’affronter les contradictions affolantes du système écologique qui se met en place, et qui aggrave les tensions déjà observées sur les prix, les approvisionnements, les modes de vie. Tout commence avec l’affirmation scientifiquement erronée qu’à problème global, réponse globale. Les écosystèmes ne sont jamais les mêmes, et la réponse aux changements du climat — qui entraînent ici ou là refroidissement ! — si elle doit être pertinente sera d’abord locale, elle sera choisie, et elle entraînera l’adhésion des populations concernées — ou bien son autoritarisme la condamnera. Tout continue avec le syndrome bien connu de celui qui cherche la pièce perdue là où il y a de la lumière.

    Rien ne justifie les oukazes portés contre la France, l’un des cinq pays les plus vertueux de la planète en matière d’émissions de CO2 (0,6 % du total, grâce au nucléaire !), l’un aussi de ceux qui a su le mieux préserver son territoire et ses côtes. Chacun le sait, c’est en Asie, c’est en Amérique du Nord et du Sud que se jouent les équilibres de la planète, et les privations de libertés, et les restrictions insensées exigées par le Green Deal n’auront que deux conséquences. D’abord ruiner des pans de l’industrie européenne et affaiblir l’Union, et surtout, fâcher durablement les Européens avec l’écologie. La protection de la qualité de la vie en Europe et la défense de nos territoires sont chose trop sérieuse pour être laissées à la Commission.

    Des migrants aux vaccins, les preuves de l’abandon européen ne manquent pas. Et pour finir, le hold up sur l’écologie par Fondations et ONG sert à tout, et d’abord à manipuler les consciences, pour cacher les réalités qu’il ne faut pas voir. Le vrai enjeu de l’écologie est d’en finir avec les chaînes logistiques qui font le tour de la terre, et de relocaliser massivement les productions ; c’est de réduire le commerce international par un découplage entre continents. C’est d’en finir avec le nomadisme des biens, des capitaux et des hommes qui procède à la grande expulsion de ceux qui sont d’ici et de chez nous, c’est de lutter contre des migrations de masse qui ne peuvent que converger vers les terres tempérées et détruire les équilibres écologiques construits depuis des siècles – non, la terre n’est pas à tout le monde, mais à ceux qui se sont battus pour la garder des invasions, la mettre en valeur et la rendre féconde.

    C’est d’en finir avec la liberté de mouvement des capitaux, qui conduit nécessairement à valoriser le moins-disant écologique, et c’est d’en finir avec le privilège insensé du capital protégé des politiques nationales et de la loi par les cours d’arbitrage qui l’immunisent des choix démocratiques. Et c’est de sortir de la globalisation par la prise de pouvoir des collectivités sur les territoires qui sont les leurs, et par la responsabilité familiale de la transmission d’un cadre de vie préservé, bienveillant et sain. Famille, territoire, frontières, démocratie ; rien ne saurait être plus éloigné du vocabulaire de ceux qui entreprennent d’en finir avec la démocratie par la peur, la fausse science et la vraie propagande.

    Le catastrophisme écologique et la panique pandémique s’ajoutent pour imposer aux Nations européennes des contraintes qui ne sont ni environnementales, ni sanitaires, mais qui servent l’agenda globaliste de nos pires ennemis ; en finir avec la liberté des peuples européens. Si l’Union européenne doit avoir un sens, c’est de rendre aux citoyens des Nations européennes le pouvoir sur eux, sur leurs terres et sur la technique qui leur a été enlevé. Et c’est de préserver cette qualité de vie qui a été leur apanage pendant tant si longtemps. Que le vertige qui saisit la COP26 devant les conséquences d’engagements aberrants le rappelle à ceux qui oublient si vite qui les a élus, et pour quoi !

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 31 octobre 2021)

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  • Globalisation : le début de la fin ?...

    Le 31 janvier 2019, Pierre Bergerot recevait, sur TV libertés, Piero San Giorgio, pour évoquer l'actualité française et internationale. Figure de proue dans le monde francophone d'une forme de survivalisme identitaire, Piero San Giorgio est notamment l'auteur de Survivre à l'effondrement économique (Le Retour aux sources, 2011) et de Rues barbares (Le Retour aux sources, 2012).

     

                                      

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  • Le tourisme de masse et la révolte des élites...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Laurent Ottavi, cueilli sur Figaro Vox et consacré au comportement des élites occidentales. Laurent Ottavi est journaliste à la Revue des Deux Mondes et collabore à Polony TV.

     

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    Christopher Lasch, le tourisme de masse et la révolte des élites

    Des touristes dans leurs propres pays … L'historien Christopher Lasch l'avait déjà souligné dans son testament politique, La Révolte des élites ou la trahison de la démocratie. Les «élites» des États-Unis (mais le constat vaut aussi pour celles des pays d'Europe occidentale, ce qui n'est pas l'objet du livre de Lasch) se réjouissent que «le monde bouge». Leur idéal est la mobilité, qu'elle soit géographique ou virtuelle. Elles choisissent les réseaux plutôt que le lieu, l'uniformisation accélérée contre les frontières et la diversité réelle. Elles se voient comme des citoyens du monde, se déchargeant ainsi des obligations civiques inhérentes à la citoyenneté. Elles dénigrent la nation, cadre de nos démocraties, en ce qu'elle entrave leur idéal d'émancipation et qu'elle les astreint à la solidarité politique et économique avec leurs concitoyens.

    «L'homme de nulle part»

    Christopher Lasch s'interroge: les élites se pensent-elles encore comme américaines? Elles ont plus en commun avec leurs homologues d'autres pays plutôt qu'avec leurs propres concitoyens! Les modes de vie et la vision du monde des gens ordinaires aux États-Unis leur sont rebutants voire étrangers. C'est pourquoi elles s'emploient à «créer des institutions parallèles ou alternatives» pour s'extraire du sort commun. L'Amérique des côtes méprise celle du centre, rétrograde à ses yeux car enracinée. L'Amérique des gens ordinaires, comme la France périphérique, ne souhaite pas vivre en touriste dans son propre pays. Elle ne cherche pas à se dépayser dans un univers climatisé et standardisé ; elle veut se sentir chez elle, dans la continuité de son histoire.

    Le mot «touriste» remonte à Stendhal, quand l'écrivain «faisait des tours» sur les lieux de mémoire napoléonien. C'est bien autre chose aujourd'hui. Le touriste contemporain, même s'il s'agit ici d'une généralisation, n'est plus voyageur. Il est un consommateur en puissance qui traverse un monde débarrassé de ses négativités, transparent et par là exploitable. Il est vautré dans son confort, dans sa sécurité, dans son narcissisme (selfies). Il vit dans l' «Empire du même» (mêmes chaînes de restauration, même empire du globish, mêmes slogans …), bien qu'il clame sans cesse son amour de la différence. Il est en quête, permanente et pressée, de bonheur et ne veut pas s'entraver avec des dépendances.

    Le touriste est l'«homme de nulle part» dont parle Hervé Juvin. Il n'a guère d'égards pour l'histoire et la géographie. L'histoire nationale n'est ainsi «valorisée» que dans le cadre des musées, c'est-à-dire «entre quatre murs», et l'on prend bien soin de l'accompagner d'une lecture binaire bourreaux/victimes. La muséification n'est pas le triomphe de l'histoire. Elle est le signe que nous pensons en finir avec le tragique de l'Histoire en le mettant en vitrine! Le passé, croit-on, est définitivement enterré. Les visiteurs de musées observent d'un œil superficiel ces hommes et civilisations étranges, guerrières, patriarcales, qui sont pourtant ceux qui nous ont rendus possibles, ceux sans lesquels nous ne serions pas. Quant à la géographie, les frontières sont un obstacle à la libre circulation des biens, des capitaux et des personnes, et aux réseaux dans lesquels les élites se meuvent avec aisance.

    La quête de l'indifférenciation

    La «construction européenne», artifice langagier pour masquer l'ampleur de la déconstruction, est une bonne illustration de ces refus des contraintes temporelles et spatiales. Elle fait fi de la diversité des nations. Elle est hors-sol, comme les élites qui l'ont produite et n'ont pas hésité à passer outre le vote des peuples (le référendum de 2005) pour maintenir leur bijou d'inconsistance.

    «Il ne saurait y avoir de démocratie contre les traités» a-t-on entendu au moment de la crise grecque. La «vision touristique» du monde, de ceux qui nous «gèrent» plus qu'ils ne nous gouvernent (gouvernement), ne connaît pas le peuple, ni le politique. La démocratie, pourtant, implique d'abord l'existence d'un corps politique, d'un demos, souverain. Elle est pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple!

    Il est significatif que les «élites» françaises en soient réduites à opposer un argument «touristique» aux critiques de l'euro, cette «monnaie sans visage» (Juvin). Grâce à l'euro, les touristes n'ont pas à changer leur monnaie dans les pays membres de la zone. Quel progrès! Que pèsent, à côté de cette immense réussite, les divergences économiques et politiques croissantes entre les pays, la désindustrialisation, le chômage? Ce type d'argument relève du mépris de classe.

    La réalité aux oubliettes

    Le touriste contemporain, contrairement au voyageur, se fait détester des locaux, alors qu'il prétend «aimer», œuvrer au mélange des cultures et à leur amitié, donc à leur pacification. Il est l'homme lige de la mondialisation heureuse! Son amour est pourtant fait de bien peu d'attachements: il suffit qu'une destination ne soit plus desservie pour qu'il se précipite sur une autre. Pour lui, tout est remplaçable! Il participe à l'uniformisation du monde (les lieux de vacances, les enseignes, le globish etc.), et à la destruction des ressources (destruction de terres fertiles, émission de CO2 etc.). Il n'en appelle pas moins (car il a un minimum de conscience!) à développer un «tourisme de masse soutenable», de même que les élites parlent de «croissance verte». Deux inepties.

    La prétention des élites à répandre une conception du monde occidentale, maquillée souvent en discours «humanitaire», se paie de ressentiment! Car elle se fait au mépris des traditions, des coutumes, des mœurs et de la diversité des langues. Au discours sur le «monde ouvert», fluide, plus démocratique, «sans frontière», pacifique, répondent des murs toujours plus nombreux et des séparations au sein même des territoires. Le monde uni par la globalisation est d'autant plus fragmenté (sécessions, communautarismes, islamisme).

    La destruction de la diversité du monde à laquelle participent les élites est une destruction de la réalité. Comme les touristes, dont l'imaginaire est façonné par l'industrie du loisir, elles vivent dans une «hyper-réalité». Ce n'est pas pour rien que la «construction sociale de la réalité» est leur dogme, comme le souligne avec justesse Christopher Lasch. Il suffirait de la déconstruire pour pouvoir la reconstruire à partir de zéro. L'idéologie du genre et les transhumanistes y contribuent avec ténacité!

    Le multiculturalisme comme bazar universel

    La société à reconstruire, selon ces élites, est évidemment multiculturelle. Leur vision du monde, là aussi, est touristique. Elles ont en tête l'image du bazar coloré, tolérant, festif et abondant, qui met à disposition les cuisines et les vêtements du monde entier. Elles voient dans l'immigration un moyen de faire entrer le monde chez soi et, par-là, d'être touristes chez elles.

    Elles se réjouissent de la diversité des restaurants auxquels elles peuvent accéder et de la nounou d'origine étrangère qui garde leurs enfants. Le tout sans avoir à subir, protégées qu'elles sont au-dedans de leurs frontières invisibles (digicodes, contournement de la carte scolaire, homogénéité culturelle et sociale des immeubles qu'elles habitent), les conséquences désastreuses d'une immigration de masse sur l'intégrité et la pérennité d'une communauté nationale! Elles fonctionnent comme l'Union européenne, qui juge les hommes remplaçables: la population européenne baisse? Comblons «le manque» par les immigrés!

    À cette approche s'ajoute une lecture binaire de l'histoire, entre bourreaux et victimes qui méritent réparation (discrimination positive). Des groupes particuliers dont on exagère la souffrance doivent obtenir de l'État une «estime de soi» (Christopher Lasch). Big Mother se charge avec douceur et bienveillance de ceux qui sont jugés victimes, et «psychiatrise» les fauteurs de «discriminations», l'usage de ce mot traduisant la haine de la différence réelle.

    La discrimination, étymologiquement, est en effet un discernement. Ne pas distinguer, ne pas voir de différence, c'est se livrer à une unique option. Remarquons cette autre chose: ces discours sur les victimes de l'Histoire et les réparations induites ont des approches communautaristes ou individuelles, pas collectives. Quid de la démocratie, loi de la majorité, avec une telle conception?

    Persévérer dans l'erreur

    Les élites ont l'obsession du «modèle», non pas lié à une histoire et à une géographie, mais du «modèle» venu de l'extérieur: l'Allemagne pour l'économie, la Finlande pour l'éducation, la Suède pour le féminisme. Les singularités, quand elles ne vont pas dans le sens de l'émancipation des élites, sont à domestiquer, à mettre aux normes. Le monde est convoqué pour éradiquer le singulier! Philippe Murray parlait de «mondification», c'est-à-dire d'une «homogénéisation du monde», de sa «mise aux normes touristiques planétaires par indifférenciation de toutes les manières de vivre et de penser».

    Un tel programme implique l'optimisme - démesuré - de penser que la guerre ne viendra jamais troubler la «fête». En nous désignant, l'ennemi islamiste nous a rappelés à notre impuissance: à nos pertes de souveraineté, au peu d'épaisseur de nos mœurs, à la faible intensité de notre sacré. Les élites n'ont pas pour autant (ou en tout cas insuffisamment) pris conscience de ce qui nous livre à l'adversaire. Comme le touriste, elles poursuivent leur parcours balisé et confortable, dans une bulle où le tragique de l'Histoire n'a pas sa place. Le Mal ressurgit dans l'Empire du Bien sous les traits de l'islamisme, gros de nos renoncements et nos lâchetés? À cela, celles qui pourraient donner leur direction à la société n'ont rien d'autre à proposer que de lever nos verres …

    Laurent Ottavi (Figaro Vox, 27 juillet 2018)

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