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curzio malaparte

  • Le Journal secret de Curzio Malaparte...

    Les éditions de la table ronde viennent de publier, dans leur collection quai Voltaire, le Journal secret de Curzio Malaparte. Journaliste, essayiste et fasciste dissident, Malaparte est l'auteur de plusieurs livres célèbres comme son essai Technique du coup d'état ou ses récits Kaputt et La peau

     

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    " Le Journal secret est tenu par Malaparte de 1941 à 1944, alors qu'il est accrédité comme correspondant de guerre auprès des troupes allemandes pour le compte du Corriere della Sera, sur les fronts de l'est et du nord de l'Europe. La première partie suit Malaparte dans ses déplacements de Sofia à Berlin en octobre 1941, jusqu'à la Finlande et la Laponie en 1942. L'auteur y note les descriptions, dialogues et anecdotes, notamment issus du milieu militaire allemand et finlandais qu'il fréquente, susceptibles de devenir matériau d'écriture. De larges parties sont consacrées à la découverte des paysages et du peuple lapons. La seconde partie se déroule à Capri en 1943, dans la maison dessinée par Malaparte sur l'éperon rocheux de Capo Masullo, au moment où il entreprend l'écriture de Kaputt. Ce sont alors de courtes notes relatant entre autres les vicissitudes de la relation compliquée de l'écrivain avec Loula, la jeune épouse franco-guatémaltèque du directeur d'un hôtel de Capri. On assiste au jour le jour à la maturation puis à l'écriture de Kaputt. Le roman naît durant le séjour en Finlande et en Laponie : le titre surgit au détour d'une marge. De nombreuses scènes, telle que la célèbre scène du sauna, directement vécues par le reporter de guerre, sont racontées et seront retravaillées pour le roman que le lecteur voit se contruire sous ses yeux, depuis la nuit métallique et froide des terres arctiques jusqu'à l'île méditerranéenne incandescente. Poétique et intime, le Journal est souvent bouleversant pour le lecteur peu habitué à côtoyer Malaparte dans sa solitude d'homme, de romancier et de reporter de guerre. "

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  • Voyage en Ethiopie...

    Les éditions Arléa viennent de publier Voyage en Ethiopie, un récit datant de 1939 signé de Curzio Malaparte. Journaliste, essayiste et fasciste dissident, Malaparte est l'auteur de plusieurs ouvrages célèbres comme Technique du coup d'état, Kaputt ou La peau.

     

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    " En 1939, désavoué par le régime fasciste, Curzio Malaparte s’embarque pour l’Éthiopie afin de regagner estime et considération en témoignant de la colonisation italienne. Mais, séduit par la « terre des hommes rouges », il renonce à l’entreprise de glorification pour mener une exploration plus intime. Et son voyage devient littérature.

    À dos de mulet, seul ou accompagné de bataillons de l’armée coloniale, Malaparte sillonne une Éthiopie fascinante, qu’il confond parfois avec la campagne italienne et qui, parfois, s’apparente au sublime. Un sublime halluciné, traversé de brigands et de lépreux, de gazelles et de faucons, un paysage minéral, « d’une pauvreté âpre mais très belle », où chaque vision suggère un monde unique : celui d’un auteur magistral. "

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  • La Volga naît en Europe...

    Les éditions Les Belles Lettres viennent de rééditer La Volga naît en Europe, récit en forme de reportage de Malaparte, consacré à la guerre sur le Front de l'Est de juin 1941 à novembre 1942. Publié initialement en France aux éditions Domat, en 1948, il était depuis longtemps introuvable.Un complément indispensable à Kaputt, du même auteur.

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    "Juin 1941 : Kurt-Erich Suckert, dit Curzio Malaparte, 43 ans, auteur de Technique du coup d'État, vétéran de la première guerre mondiale, part couvrir, en tant que correspondant du journal Corriere della Serra, l'avancée des troupes italiennes et allemandes sur le front de l'Est. Il pénètre en Ukraine dans une vieille Ford V5 8 puis assiste au siège de Leningrad aux côtés des troupes finlandaises.

    Si de cette expérience, le caméléon de la littérature italienne tirera l'un de ses chefs d'œuvres, Kaputt, il rassemble aussi ses chroniques dans La Volga naît en Europe, peinture de maître de ce « fléau biblique » que fut la guerre à l'Est mais aussi ouvrage visionnaire sur l’expansion future du communisme en Europe.

    Préfacé en français par l’auteur, ce livre qui fut « la plaque tournante » de l’œuvre de Malaparte, selon son biographe Maurizio Serra, n’avait pas été republié en France depuis 1948."

     

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  • Le Christ interdit...

    Les éditions Tamasa viennent de faire paraître en DVD Le Christ interdit, seul film réalisé par l'écrivain et journaliste italien Curzio Malaparte, l'auteur de Kaputt et de La peau. Nous reproduisons ci-dessous un excellente présentation du film par Alexandre Mathis, cueilli sur le site Les influences...

     

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    Malaparte cinéaste

    Saluons la sortie en dvd de l’unique film réalisé par Curzio Malaparte, Le Christ interdit. Réédité en salle à Paris, le 7 mars dernier, le film a disparu du cinéma Arlequin peu de temps après. Esprit libre, associé aujourd’hui encore à un passé fasciste (1920 à 1941) par ceux surtout qui ne l’ont pas lu (certains, faute de dire autre chose, aiment à le rappeler), la mauvaise réputation qu’avait le film de Malaparte dès sa présentation au festival de Cannes et sa sortie à l’Impérial boulevard des Italiens, le 6 juin 1951, n’est pas effacée. Le film a eu plus de succès au festival de Berlin, la même année, avec un prix spécial.


    Georges Sadoul, qui ne fait pas dans la dentelle, donne le ton il y a plus d’un demi-siècle, traitant dans Les Lettres françaises le film de néo-fasciste, heure où l’adhésion au parti communiste est refusée à Malaparte. André Bazin, tout en commençant par une mise en garde se distançant de l’homme Malaparte lui inspirant peu de sympathie tient-il à préciser en employant la pincette du « nous », tient le film pour un chef-d’œuvre, dans le n°4 des Cahiers du Cinéma, où il lui consacre six pages.


    Pour l’homme, Malaparte, rappelons cette page irrésistible de Kaputt (1944), roman crépusculaire, flamboyant, halluciné, inadaptable à l’écran où l’auteur dédicace à Oswald Mosley Technique du coup d’état, en lui écrivant sur la page de garde ces deux phrases prises dans son livre : « Hitler, comme tous les dictateurs, n’est qu’une femme  » suivi de « la dictature est la forme la plus complète de la jalousie ». 
    Malaparte, pour le grand public, c’est la villa, à Capri, construction de la plus singulière modernité, perchée sur la pointe d’un rocher face à la mer, dont on voit une partie dans Le Mépris de Jean-Luc Godard, centre autour duquel gravite le film. L’intransigeant Roger Vailland a séjourné dans cette villa en 1950.


    Le nom Malaparte, officialisé en 1929, antinomie phonétique répondant à Bonaparte, année où l’écrivain prend ses distances avec Mussolini, est une autre image de l’homme. Malaparte rompt avec le fascisme en 1941. Malaparte, c’est un art du récit inoubliable. Des visions comme on en a pas lu ailleurs, celles, entre autres, sur ce front russe, pris dans un froid polaire, où naîtront des images prises au reportage vécu, dignes de Goya.

    Parabole autour du pardon


    Ce qui donne un ton irréel au village du Christ interdit est l’absence de désir de la population de vouloir tenir un coupable, la loi du silence qui y règne. 
    Comme Curzio Malaparte (qui, lui, cachait le manuscrit de Kaputt à travers l’Europe, lorsqu’il était correspond de guerre envoyé par La Stampa, avant d’être arrêté par les Allemands), Bruno était sur le front de l’Est. 
    Histoire éternelle du soldat rentrant, comme Ulysse, dans sa Toscane natale, découvrant la trahison, après une longue absence. Le frère de Bruno a été exécuté comme résistant par les Allemands, suite à une dénonciation. Maria, ancienne amie de Bruno, sublimissime Anna Maria Ferrero, son troisième film, elle a 16 ans, silhouette, erre et légèreté d’écureuil, a partagé la dernière nuit le lit du frère de Bruno, qu’elle croyait mort, et personne, dans le village, pas même la mère de Bruno ne veut lui dévoiler le nom de celui qui a dénoncé son frère. Un tonnelier, joué par Alain Cuny, lui fait croire que c’est lui. À partir d’un prétexte qui pourrait donner naissance à un film de vengeance de plus, Malaparte réalise une parabole sur le pardon.


    Le film se situe dans la lignée classique du cinéma italien. Post néo-réalisme – digérant le film néo-réaliste à sa fin, plus proche par ses images d’Eisenstein, la fête du 15 août dans le village, la procession, suivies de l’épisode païen « bénissez les jambes de ces jeunes filles  » qui piétinent le raisin dans la cuve de Bacchus, de Lattuada, voire de John Ford dans le traitement des scènes d’intimité, filmées latéralement, le film touche au baroque, auquel se mêle la vision du quotidien. 
    Le cinéaste d’un film a l’air d’avoir fait du cinéma toute sa vie (Bazin mettait l’accent sur la maîtrise du récit et de la mise en images). Le Christ Interdit alterne images presque documentaires et dramaturgie. Fluidité. Concision. Tout est noblesse, dans le film, la gestuelle. Le Christ interditest un film tout en retenue, et l’émotion vient de là.


    «  Tourné à Sienne, et dans sa région où les habitants pratiquent le jeu traditionnel de la Croix  », il s’ouvre sous l’égide de Minerva Films. Décor de rocaille, aride, servi par un noir et blanc superbe, on ne voyait plus ce film âpre, oublié, qu’à la cinémathèque, rue d’Ulm, dans les années soixante, et quelques fois, sur l’unique chaîne de la télévision. Il a été naguère édité en vhs par René Château en version française. Il était devenu invisible. Raf Vallone y trouve son plus beau rôle, mais peut-être aussi Alain Cuny. La distribution comprend Rina Morelli (la mère de Bruno), Elena Varzi, Philippe Lemaire, Gino Cervi. Musique de Curzio Malaparte. 
    Images de Gabor Pogany, qui signera celles du Passé d’une mère, pour son premier film avec Riccardo Freda, la même année.

    Alexandre Mathis (Les influences, 24 avril 2012)

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  • Monsieur Caméléon...

    Les éditions de la Table ronde publient dans leur collection de poche, La petite vermillon, Monsieur Caméléon, un roman satirique de Curzio Malaparte, l'auteur de Kaputt et de La peau, paru initialement en 1928. Fasciste critique, l'auteur s'en prend avec une joyeuse insolence à Mussolini...

     

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    "« Dans toute la littérature italienne parue du temps de Mussolini, c’est-à-dire pendant un quart de siècle, tant en Italie qu’à l’étranger, il n’y a pas de satire plus hardie et plus cruelle que ce Monsieur Caméléon. » C’est en ces termes que Malaparte présente sa fable baroque, qui a pour héros un caméléon. Le Duce se prend d’affection pour lui au point d’en faire son confident, puis son ministre. Chargé de réformer la Constitution, l’animal en fera voir de toutes les couleurs à la classe politique italienne, avant de connaître une fin extravagante et tragique.
    Publié en feuilleton en 1928, Monsieur Caméléon a voué Malaparte à la prison et l’exil. À la fois conte philosophique et charge politique, il évoque tour à tour Zadig de Voltaire et Le Dictateur de Charlie Chaplin."


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  • La technique du coup d'état...

    Nous reproduisons ici une excellente analyse de John Laughland publiée par la revue suisse Horizons et débats.

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    La technique du coup d’Etat – Opération «changement de régime»

    Les révolutions ne sont parfois pas aussi spontanées qu’on le croit

    par John Laughland

    Au cours de ces dernières années, une série de «révolutions» ont éclaté en différents endroits du monde.

    Georgie

    En novembre 2003, le président Edouard Chevardnadze a été renversé à la suite de manifestations et d’allégations d’élections truquées.

    Ukraine

    En novembre 2004, des manifestations – la «Révolution orange» – commencèrent au moment où des accusations similaires d’élections truquées étaient formulées. Il en résulta que le pays perdit son ancien rôle géopolitique de pont entre l’Est et l’Ouest et fut poussé vers une adhésion à l’OTAN et à l’UE. Etant donné que la Rus de Kiev fut le premier Etat russe et que l’Ukraine s’est maintenant tournée contre la Russie, il s’agit là d’un événement historique. Mais, comme le disait George Bush, «vous êtes soit avec nous soit contre nous». Bien que l’Ukraine ait envoyé des troupes en Irak, elle était manifestement considérée comme trop amie de Moscou.

    Liban

    Peu après que les Etats-Unis et l’ONU aient déclaré que les troupes syriennes devaient se retirer du Liban et suite à l’assassinat de Rafik Hariri, les manifestations de Beyrouth ont été présentées comme la «Révolution du Cèdre». Une énorme contre-manifestation du Hezbollah, le plus important parti de Syrie, fut passée sous silence alors que la télévision montrait sans fin la foule anti-syrienne. Exemple particulièrement énorme de mauvaise foi orwellienne, la BBC expliqua aux téléspectateurs que «le Hezbollah, le plus grand parti politique du Liban, est jusqu’ici la seule voix dissidente qui souhaite que les Syriens restent au Liban». Comment la majorité peut-elle être une «voix dissidente»?

    Kirghizistan

    Après les «révolutions géorgienne et ukrainienne, nombreux sont ceux qui prédisaient que la vague de «révolutions» allait s’étendre aux anciens Etats soviétiques d’Asie centrale. Et c’est ce qui arriva. Les commentateurs semblaient divisés sur la question de savoir quelle couleur attribuer au soulèvement de Bichkek: révolution «citron» ou «tulipe»? Ils n’ont pas pu se décider. Mais ils étaient tous d’accord sur un point: ces révolutions sont cool, même quand elles sont violentes. Le président du pays, Askar Akaïev, fut renversé le 24 mars 2005 et les contestataires prirent d’assaut le palais présidentiel et le mirent à sac.

    Ouzbékistan

    Lorsque des rebelles armés s’emparèrent des bâtiments gouvernementaux, libérèrent des prisonniers et prirent des otages dans la nuit du 12 au 13 mai dans la ville ouzbek d’Andijan (située dans la vallée de Ferghana où les troubles avaient également commencé au Kirghizistan voisin), la police et l’armée encerclèrent les rebelles et il en résulta une impasse de longue durée. On entreprit des négociations avec les rebelles qui ne cessèrent d’augmenter leurs revendications. Quand les forces gouvernementales les attaquèrent, les combats firent quelque 160 morts dont 30 parmi les forces de la police et de l’armée. Pourtant les médias occidentaux présentèrent immédiatement ces affrontements violents de manière déformée, prétendant que les forces gouvernementales avaient ouvert le feu sur des contestataires non armés, sur «le peuple».
    Ce mythe sans cesse répété de la révolte populaire contre un gouvernement dictatorial est populaire à gauche comme à droite de l’éventail politique. Autrefois, le mythe de la révolution était manifestement réservé à la gauche, mais lorsque le putsch violent eut lieu au Kirghizistan, le Times s’enthousiasma à propos des scènes de Bichkek qui lui rappelaient les films d’Eisenstein sur la révolution bolchévique; le Daily Telegraph exalta le «pouvoir pris par le peuple» et le Financial Times eut recours à une métaphore maoïste bien connue lorsqu’il vanta la «longue marche du Kirghizistan vers la liberté».
    Une des idées clés à la base de ce mythe est manifestement que le «peuple» est derrière les événements et que ces derniers sont spontanés. En réalité, bien sûr, ce sont des opérations très organisées, souvent mises en scène pour les médias et habituellement créés et contrôlés par les réseaux transnationaux d’«ONG» qui sont des instruments du pouvoir occidental.

    La littérature sur les coups d’Etat

    Le mythe de la révolution populaire spontanée perd de sa prégnance en raison de l’ample littérature sur les coups d’Etat et les princi­pales tactiques utilisées pour les provoquer.
    C’est bien entendu Lénine qui a développé la structure organisationnelle vouée au renversement d’un régime que nous connaissons maintenant sous le nom de parti politique. Il différait de Marx en ce qu’il ne pensait pas que le changement historique était le résultat de forces anonymes inéluctables. Il pensait qu’il fallait le provoquer.
    Mais ce fut probablement Curzio Malaparte qui le premier, dans Technique du coup d’Etat, donna une forme célèbre à ces idées. Publié en 1931, ce livre présente le changement de régime comme une technique. Malaparte était en désaccord avec ceux qui pensaient que les changements de régime étaient spontanés. Il commence son livre en rapportant une discussion entre des diplomates à Varsovie au printemps 1920: La Pologne a été envahie par l’armée rouge de Trotski (la Pologne avait elle-même envahi l’Union soviétique, prenant Kiev en avril 1920) et les bolcheviques étaient aux portes de Varsovie. La discussion avait lieu entre le ministre de Grande-Bretagne, Sir Horace Rumbold, le Nonce papal, Monsignor Ambrogio Damiano Achille Ratti (lequel fut élu pape deux ans plus tard sous le nom de Pie XI. L’Anglais disait que la situation politique intérieure de la Pologne était si chaotique qu’une révolution était inévitable et que le corps diplomatique devait fuir la capitale et se rendre à Poznan. Le Nonce n’était pas d’accord, insistant sur le fait qu’une révolution était tout aussi possible dans un pays civilisé comme l’Angleterre, la Hollande ou la Suisse que dans un pays en état d’anarchie. Naturellement, l’Anglais était choqué à l’idée qu’une révolution pût éclater en Angleterre. «Jamais!» s’exclama-t-il. Les faits lui ont donné tort car il n’y eut aucune révolution en Pologne et cela, selon Malaparte parce que les forces révolutionnaires n’étaient pas suffisamment bien organisées.
    Cette anecdote permet à Malaparte d’aborder les différences entre Lénine et Trotski, deux praticiens du coup d’Etat. Il montre que le futur pape avait raison et qu’il était faux de dire que certaines conditions sont nécessaires pour qu’il y ait révolution. Pour Malaparte, comme pour Trotski, on peut provoquer un changement de régime dans n’importe quel pays, y compris dans les démocraties stables d’Europe occidentale à condition qu’il y ait un groupe d’hommes suffisamment déterminés à l’effectuer.

    Fabriquer le consentement

    Cela nous amène à d’autres textes relatifs à la manipulation médiatique. Malaparte lui-même n’aborde pas cet aspect mais celui-ci est a) très important et b) constitue un élément de la technique utilisée pour les changements de régime aujourd’hui. A vrai dire, le contrôle des médias durant un changement de régime est si important qu’une des caractéristiques de ces révolutions est la création d’une réalité virtuelle. Le contrôle de cette réalité est lui-même un instrument du pouvoir, si bien que lors des coups d’Etats clas­siques des républiques bananières, la première chose dont s’emparent les révolutionnaires est la radio.
    Les gens éprouvent une forte répugnance à accepter l’idée que les événements poli­tiques, aujourd’hui, sont délibérément manipulés. Cette répugnance est elle-même un produit de l’idéologie de l’ère de l’information qui flatte la vanité des gens et les incite à croire qu’ils ont accès à une somme considérable d’informations. En fait, l’apparente diversité de l’information médiatique moderne cache une extrême pauvreté de sources originales, de même qu’une rue entière de restaurants sur un rivage grec peut cacher la réalité d’une seule cuisine à l’arrière. Les informations sur les événements importants proviennent souvent d’une source unique, souvent une agence de presse et même des diffuseurs d’informations comme la BBC se contentent de recycler les informations reçues de ces agences tout en les présentant comme étant les leurs. Les correspondants de la BBC sont souvent dans leurs chambres d’hôtel lorsqu’ils envoient leurs dépêches, lisant souvent pour le studio de Londres l’information que leur ont transmise leur collègues en Angleterre, qui les ont à leur tour reçues des agences de presse. Un second facteur expliquant la répugnance à croire à la manipulation des médias est lié au sentiment d’omniscience que notre époque de mass média aime flatter: débiner les informations de la presse, c’est dire aux gens qu’ils sont crédules et ce message n’est pas agréable à recevoir.
    La manipulation médiatique a plusieurs aspects. L’un des plus importants est l’iconographie politique. C’est un instrument très important utilisé pour défendre la légitimité des régimes qui ont pris le pouvoir par la révolution. Il suffit de penser à des événements emblématiques comme la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, l’assaut du Palais d’Hiver pendant la révolution d’octobre 1917 ou la marche de Mussolini sur Rome en 1922 pour se rendre compte que certains événements peuvent être élevés au rang de sources presque éternelles de légitimité.
    Cependant, l’importance de l’imagerie politique va bien au-delà de l’invention d’un emblème pour chaque révolution. Elle implique un contrôle beaucoup plus rigoureux des médias et généralement ce contrôle doit être exercé sur une longue période, pas seulement au moment du changement de régime. Il est vraiment essentiel que la ligne du parti soit répétée ad nauseam. Un aspect de la culture médiatique d’aujourd’hui que de nombreux dissidents dénoncent à la légère et à tort comme relevant du «totalitarisme» est que les opinions dissidentes peuvent être exprimées et publiées, mais c’est précisément parce que, n’étant que des gouttes d’eau dans l’océan, elles ne représentent jamais une menace pour la marée propagandiste.
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