Au sommaire cette semaine :
- sur Cairn, un article de 2009 de Joanny Moulin, tiré d’Études anglaises et consacré à Tolkien...
J. R. R. Tolkien l'antimoderne
- sur Cairn, encore, un article de 2005 de Christophe Boutin, tiré de la Revue Française d'Histoire des Idées Politiques et consacrée à Houston Stewart Chamberlain
christophe boutin
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Tour d'horizon... (271)
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Christophe Boutin : «Emmanuel Macron devrait engager sa responsabilité et démissionner en cas de défaite»...
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la décision d'Emmanuel Macron de dissoudre l'Assemblée Nationale.
Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen. Avec Frédéric Rouvillois, il a notamment publié Quinquennat ou septennat (Flammarion, 2000), Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022), La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022) et Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple (La Nouvelle Librairie, 2023).
Dissolution : « Emmanuel Macron devrait engager sa responsabilité et démissionner en cas de défaite »
Alors que le président de la République vient d'annoncer la dissolution de l'Assemblée nationale, quels sont les types de dissolution engagés sous la Ve République ? Pourquoi celle de 2024 ne s'inscrit-elle pas nécessairement dans la continuité des dissolutions gaulliennes, demandant un arbitrage au peuple, mais plus dans la continuité de celle de Jacques Chirac en 1997, relevant de la manœuvre politique ?
Écartons de suite les dissolutions de 1981 et 1988. Dans les deux cas, le président nouvellement élu, François Mitterrand, demande aux Français de lui donner une majorité parlementaire qui lui permette de mettre en œuvre son programme. Avec cette volonté de concilier majorités présidentielle et parlementaire, ce n'est qu'un vote de confirmation qui est demandé aux Français.
Les dissolutions gaulliennes sont différentes, car il s'agit dans les deux cas de demander aux Français de trancher un conflit entre le président de la République et d'autres pouvoirs. En 1962, c'est une réponse à la motion de censure votée par l'Assemblée nationale contre le gouvernement Pompidou, et qui, au-delà du gouvernement, vise le chef de l'État, car il s'agit de sanctionner son choix d'appeler les Français à voter par référendum sur la question de l'élection du président au suffrage universel direct. Une question essentielle pour Charles de Gaulle, qui souhaite contourner le blocage du Sénat et utilise pour réviser la Constitution l'article 11 en lieu et place de l'article 89, une «forfaiture» selon le président du Sénat, Gaston Monnerville, qui entraîne la censure de l'Assemblée nationale. De Gaulle choisit alors de faire trancher la question par le peuple qui, en lui accordant une majorité législative, confirme sa légitimité et désavoue les parlementaires. La dissolution de 1968 vise là encore à demander aux Français un arbitrage, non entre deux institutions cette fois, mais entre le pouvoir en place et la contestation de la rue qui, soutenue par une partie de la gauche qui se dit prête à assumer le pouvoir, est devenue un véritable contre-pouvoir. De Gaulle l'emportera une nouvelle fois.
Le cas de Jacques Chirac est bien différent. En 1997, le président souhaite pousser plus avant les réformes engagées et craint que la prochaine élection législative ne tourne à son désavantage. Il décide alors de prendre les devants et, alors qu'il dispose d'une majorité à la chambre, demande aux Français de le faire bénéficier d'une nouvelle légitimité pour qu'il ait les mains libres dans la durée. Ces derniers ne lui apporteront pas leur confiance, ce qui conduira à la cohabitation avec Lionel Jospin.
Et c'est ici toute la différence entre les arbitrages gaulliens et l'approche chiraquienne, comme ce qui rapproche cette dernière de ce que vient de faire le président Macron : lorsque De Gaulle sollicite les Français il met en jeu sa responsabilité politique. Chacun sait en effet que s'ils lui refusent leur confiance il quittera le pouvoir - ce qu'il fera en 1969. Mais par la suite les présidents de la République ont cessé de considérer que les désaveux des Français, que ce soit par l'élection d'une majorité parlementaire contraire, comme François Mitterrand en 1986 et en 1993, ou par un échec à un référendum, comme Jacques Chirac en 2005, engageaient leur responsabilité politique et devaient les conduire à démissionner.
En 2024, Emmanuel Macron semble demander par cette dissolution un arbitrage aux Français, pour savoir s'il ne s'agit que d'une crise passagère ou d'une profonde volonté de changement. Pour autant, en se refusant à engager sa responsabilité politique, le président obère la possibilité de ce changement.
Soit, en effet, le programme qu'il va annoncer, comme la peur de l'inconnu, fédère une nouvelle majorité élargie et, vainqueur, il peut continuer à mener ses politiques comme il l'entend jusqu'en 2027 - ouvrant même la possibilité à cette majorité élargie de conserver le pouvoir après les prochaines élections présidentielles. Soit c'est le Rassemblement national qui arrive en tête, et une série de questions se posent : d'abord, celle de la nomination du premier ministre, qui peut être choisi par le président en dehors du parti arrivé en tête ; ensuite, celle de la majorité, absolue ou relative, du RN à l'Assemblée nationale, et donc des alliances qui pourraient se révéler nécessaires.
Mais même dans l'hypothèse d'une majorité absolue obtenue par le Rassemblement national, on a vu dans les périodes de cohabitation conflictuelles, et notamment entre François Mitterrand et Jacques Chirac de 1986 à 1988, que le chef de l'État dispose d'armes non négligeables, y compris sur la scène internationale, pour mettre à mal certains choix gouvernementaux. Si on ajoute à cela, sur un certain nombre de thématiques particulièrement importantes pour les électeurs du RN, comme l'immigration ou l'insécurité, le poids des jurisprudences nationales et internationales, qui, toutes, visent - et on l'a vu ces derniers temps - à limiter les capacités d'action des gouvernements, il est permis de penser que le Rassemblement national, pris en étau entre le président et les juges, se trouvera très largement en incapacité. Ajoutons que ses gouvernements pourraient faire l'objet de motions de censure sans que les députés ne craignent de dissolution en retour. Ses électeurs, déçus, pourraient alors en 2027 se reporter sur d'autres formations qui n'engageraient pas des épreuves de force avec les pouvoirs de l'Union européenne et des juges, ou s'abstenir.
On a pu reprocher aux choix gaulliens un caractère «plébiscitaire», mais la formule «moi ou le chaos» posait une claire alternative, quand «moi, quoi qu'il arrive» n'en laisse aucune, et ce alors même que le président aurait pourtant perdu en cas de défaite la substance de sa légitimité politique. Il ne pourrait la retrouver qu'en étant réélu après avoir démissionné – après tout, les Français peuvent avoir envie de cohabitation -, mais l'interdiction du troisième mandat le rend ici impossible.
Cette absence de responsabilité politique interdit en tout cas de confondre les arbitrages gaulliens, permettant au peuple de sanctionner celui qui est plus que jamais la chef de voûte des institutions, des jeux politiques actuels.
Christophe Boutin (Figaro Vox, 11 juin 2024)
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Face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Christophe Boutin, cueilli sur le Figaro Vox et consacré à la décision du Conseil Constitutionnel d'interdire la proposition des Républicains d’organiser un référendum sur la politique migratoire.
Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen. Avec Frédéric Rouvillois, il a notamment publié Quinquennat ou septennat (Flammarion, 2000), Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022), La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022) et Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple (La Nouvelle Librairie, 2023).
RIP sur l'immigration : face au tout-puissant Conseil constitutionnel, le peuple est-il vraiment souverain ?
Le Conseil constitutionnel intervenait pour la sixième fois dans une procédure de référendum d'initiative partagée (RIP). L'exercice suppose de réunir un cinquième des membres du Parlement, puis un dixième du corps électoral, avant que la proposition ne soit soumise au référendum - à moins que le Parlement ne «l'examine». Mais entre proposition et récolte des signatures intervient aussi le contrôle du juge.
Aux termes de l'article 11, celui-ci doit d'abord vérifier le nombre de signataires, puis que la proposition n'ait pas pour objet «l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an», ou porte «sur le même sujet» qu'une proposition de RIP rejetée par référendum depuis moins de deux ans. Encore faut-il avoir un effet, et le Conseil a pu estimer en 2023 que deux propositions visant à interdire un âge du départ à la retraite supérieur à 62 ans n'emportaient «pas de changement de l'état du droit» et les écarter.
Quatrième condition, la proposition doit entrer dans le champ de l'article 11. Si l'on exclut la ratification de traités, ce dernier concerne «l'organisation des pouvoirs publics» et les «réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent». Tous les termes sont importants : en 2022 la création d'une «contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises» est écartée. Parce qu'elle ne concerne pas la politique économique ? Le commentaire de la décision patauge pour justifier d'en exclure les dispositions fiscales, mais la décision sanctionne la proposition comme n'étant pas une «réforme» car n'ayant pas «une ampleur significative».
Reste enfin le contrôle de constitutionnalité des «propositions de loi mentionnées à l'article 11 avant qu'elles ne soient soumises au référendum» (article 61). Comme le Conseil constitutionnel s'interdit depuis 1962 le contrôle de la loi référendaire adoptée, on veut en 2008 lui permettre de bloquer les choses avant. Mieux, comme le Conseil constitutionnel vérifie «qu'aucune disposition» de la proposition ne soit contraire à la Constitution, cela interdit une séparabilité qui permettrait de laisser prospérer un texte amputé des dispositions jugées inconstitutionnelles. Sur cette base, la proposition de 2021 sur un «service public hospitalier de qualité», touchant à la «politique sociale de la nation», a été jugée inconstitutionnelle comme portant atteinte au pouvoir réglementaire du Premier ministre.
Cette même logique des cinq lames du rasoir constitutionnel est celle de la décision du 11 avril 2024. Les trois premières conditions factuelles étant remplies, la question sur laquelle les auteurs de la proposition comme le gouvernement se sont focalisés était celle du domaine de l'article 11. Pour éviter une sanction, si le texte se voulait un moyen de faire valider par référendum des éléments écartés par le Conseil constitutionnel lors de son examen de la loi immigration (décision du 25 janvier 2024), les parlementaires le présentaient comme modifiant «certaines aides sociales susceptibles de bénéficier à des étrangers», entrant donc dans la «politique sociale de la nation», et bien comme une «réforme» au vu de l'ampleur de ses conséquences financières.
Contre l'avis du gouvernement, le Conseil allait leur donner raison… Mais restait la conformité à la Constitution. L'article 1er excluait notamment de certaines aides les étrangers ne bénéficiant pas «d'une durée minimale de résidence stable et régulière en France», chose possible selon le juge tant que cette durée ne prive pas «de garanties légales» les exigences résultant selon lui du préambule de 1946. Or la durée retenue - au moins cinq ans -, leur aurait porté «une atteinte disproportionnée», et avec l'article 1er, c'est toute la proposition qui disparaît.
Soyons clairs : en confrontant les termes des propositions à son interprétation de la Constitution, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui à même d'empêcher la mise en place d'un RIP sur quasiment tous les sujets. Pour prendre le cas d'espèce, si une durée de résidence de cinq ans était une «atteinte disproportionnée», quelle aurait été la bonne ? Nul ne le sait, à part les neuf Sages - pas plus ici que pour d'autres de leurs jurisprudences où se manifeste toute leur subjectivité.
Conflit d'interprétation contre interprétation donc : a priori, et quoi qu'en disent leurs opposants, les auteurs de la proposition n'avaient pas l'intention de violer la Constitution. Et puisque conflit d'interprétation il y a, entre les parlementaires et le juge constitutionnel, il faut le faire trancher. Qui, du juge ou des représentants du souverain, doit avoir le dernier mot ? La réponse à cette question posera tôt ou tard celle de la révision constitutionnelle, ce «lit de justice» moderne selon le doyen Georges Vedel.
Une telle révision-arbitrage peut se faire par le Parlement réuni en Congrès, comme en 1993, mais le peuple souverain pourrait de manière tout aussi légitime trancher le débat si on le laissait s'exprimer. En ce sens, nous avons fait avec Frédéric Rouvillois un certain nombre de propositions pour «redonner le pouvoir au peuple», en ouvrant par exemple le champ référendaire - on voit mal au nom de quoi on interdit de soumettre au peuple souverain quelque texte que ce soit - ou en se demandant si l'appréciation du Conseil ne pourrait pas prendre la forme d'un avis plutôt que d'une décision.
Mais que le juge constitutionnel puisse continuer d'interdire, sur une base aussi floue, que des propositions référendaires puissent être soumises au peuple souverain, et ce quand il écarte en même temps, et de la même manière, les textes parlementaires sur le même sujet, bloque de fait toute possibilité de réforme sur des sujets qui semblent pourtant aux Français bien plus «existentiels» que d'autres. Notre démocratie n'y survivrait pas longtemps. La question n'est plus de savoir s'il faut réviser la Constitution, mais quand.
Christophe Boutin (Figaro Vox, 12 avril 2024)
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Comment redonner le pouvoir au peuple ?...
Les éditions de La Nouvelle Librairie, en partenariat avec la Fondation du Pont-Neuf, viennent de publier un nouvel essai de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois intitulé Le référendum ou comment redonner le pouvoir au peuple.
Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen ; Frédéric Rouvillois est professeur de droit public à l’université Paris-Descartes et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. En 2000, ils ont rédigé ensemble un essai prophétique et salué par la presse, Quinquennat ou septennat (Flammarion), sur le raccourcissement du mandat présidentiel. Ils ont récidivé en 2022 avec Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022) et La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple (La Nouvelle Librairie, 2022).
" Un pouvoir élu peut-il imposer son choix à une majorité de citoyens hostiles ? Sommes-nous des « souverains captifs » ? Ces questions se posent alors que se creuse le fossé entre le peuple et ses dirigeants. Depuis des années, de la crise des Gilets jaunes à l’opposition à la réforme des retraites, les Français sentent qu’on ne les écoute plus et cherchent dans la rue les moyens de se faire entendre. Pour sortir de ces crises à répétition, le référendum apparaît comme une solution d’arbitrage. Sauf à récuser le principe même de la démocratie, la souveraineté du peuple, il faut rendre la parole à ce dernier. Face à cette urgence, Frédéric Rouvillois et Christophe Boutin en reviennent aux principes même de la Ve République pour rappeler ce qu’a été et dire ce que devrait être le référendum. "
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Le conservatisme a-t-il encore un avenir ?...
Dans ce nouveau numéro de l'émission de TV Libertés, « Les idées à l’endroit », Rémi Soulié, pour évoquer la question du conservatisme, reçoit Paul-Marie Coûteaux, haut fonctionnaire, essayiste, directeur de la rédaction de la revue Le Nouveau Conservateur, Bérénice Levet, philosophe, auteur notamment du Crépuscule des idoles progressistes (Stock, 2017), et Frédéric Rouvillois, professeur de droit public à l’Université Paris-Descartes, co-directeur, avec Olivier Dard et Christophe Boutin, du Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017).
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Comment rendre la parole au peuple ?...
Les éditions de La Nouvelle Librairie, en partenariat avec la Fondation du Pont-Neuf, viennent de publier un nouvel essai de Christophe Boutin et de Frédéric Rouvillois intitulé La proportionnelle ou comment rendre la parole au peuple.
Christophe Boutin est docteur en sciences politiques et professeur de droit public à l’université de Caen ; Frédéric Rouvillois est professeur de droit public à l’université Paris-Descartes et délégué général de la Fondation du Pont-Neuf. En 2000, ils ont rédigé ensemble un essai prophétique et salué par la presse, Quinquennat ou septennat (Flammarion), sur le raccourcissement du mandat présidentiel. Ils ont récidivé au début de cette année avec Les parrainages ou comment les peuples se donnent des maîtres (La Nouvelle Librairie, 2022).
" L’idée que les citoyens puissent être représentés au Parlement de façon proportionnée, c’est-à-dire juste, exacte, conforme à la réalité, semble tomber sous le sens. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, De Gaulle lui-même déclarait voir dans le scrutin à la proportionnelle le seul suffrage « honnête », le seul où le résultat – en sièges – correspond à ce que pensent et à ce que veulent les électeurs. Mais les a priori qui s’attachent à ce mode de scrutin sont multiples et tenaces. Nombreux sont encore les partisans du scrutin majoritaire, ceux qui demeurent inébranlablement attachés au préjugé selon lequel la proportionnelle, en multipliant les partis et en divisant le monde politique, rendrait l’État ingouvernable, alors que, de toute évidence, tel n’est plus le cas sous la Ve République. De nos jours, même intégrale, la proportionnelle ne présente plus aucun risque sérieux, tout en étant le meilleur moyen de rendre la parole au peuple. Plus que jamais, comme le disait déjà Jaurès au début du XXe siècle, elle est devenue « la seule issue ». "