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cancel culture

  • Le coma français...

    Les éditions Perspectives libres viennent de publier un essai de Pierre Le Vigan intitulé Le coma français.

    Urbaniste, collaborateur des revues Eléments, Krisis et Perspectives libres, Pierre Le Vigan a notamment publié Inventaire de la modernité avant liquidation (Avatar, 2007), Le Front du Cachalot (Dualpha, 2009), La banlieue contre la ville (La Barque d'Or, 2011), Écrire contre la modernité (La Barque d'Or, 2012), Soudain la postmodernité (La Barque d'or, 2015), Achever le nihilisme (Sigest, 2019), Nietzsche et l'Europe (Perspectives libres, 2022) et La planète des philosophes (Dualpha, 2023).

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    " Notre pays va mal. Il claudique mais avance vers plus de nihilisme. Comme nous étions montés haut, la chute est longue. Si « Jusque-là, ça va »
    l’atterrissage se devine brutal. Nous commençons à être éparpillés façon puzzle passant d’un tout à un tas. Ayant abandonné toute confiance en nous comme corps social et historique, nous singeons les dérives américaines : « wokisme » ou « cancel culture ». Nous nous sommes vautrés dans une société sans éthique et sans esthétique. Il faut faire ce constat avant de réfléchir aux remèdes. Il faut redonner le pouvoir au peuple. Faire une révolution démocratique. Mais cela suppose la vertu civique et une rupture radicale avec la domination capitaliste sur le peuple de France. "

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  • Le mythe de Perséphone...

    Les éditions du Verbe Haut viennent de publier un essai de Peggy Larrieu intitulé Le mythe de Perséphone - La femme et la mort, avec une préface de Michel Maffesoli.

    Peggy Larrieu est maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université d’Aix-Marseille. Elle mène depuis une quinzaine d’années ses recherches dans des domaines connexes à la discipline juridique. Elle a déjà publié plusieurs livres autour des thématiques du droit, des mythes et des neurosciences.

    Larrieu_Le mythe de Perséphone.png

    " Les poncifs actuels désignent le rôle de la femme dans la société occidentale comme étant en transition depuis mai 68, qui puise ses racines dans la Renaissance et les mouvements révolutionnaires. Or, Peggy Larrieu, dans ce livre novateur, montre que la place de la femme est en perpétuelle modification depuis les débuts de l’humanité. Pour ce faire, et de manière didactique, l’auteur part d’un principe aussi simple que puissant : la femme donne la vie, elle donne donc la mort. Et si la peur des femmes n’était, au fond, qu’une simple peur de la mort ?

    Si tel est le cas, la désacralisation de notre monde, par l’avènement du wokisme ou de la cancel culture, ne tenterait pas de « libérer la femme », mais bien de l’enfermer dans un monde dans lequel la mort serait l’étrange absente de la vie.

    À travers une analyse pertinente et inédite du mythe de Perséphone, Peggy Larrieu trace une véritable histoire de la femme à travers les âges. Enfermée, libérée, capturée, dominante ou dominée, cette figure ancestrale évolue au fil des changements anthropologiques. Patriarcat, matriarcat, influences orientales, créations juridiques, tous les éléments de la construction de notre civilisation sont étudiés pour faire résonner le rôle de la femme, ou de son absence, dans notre modernité.

    Puisant dans une riche littérature mythologique, anthropologique, sociologique et universitaire, Peggy Larrieu livre ici un ouvrage atypique qui semble proposer une sortie de crise par le haut : remettre l’altérité au cœur de nos vies. "

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  • De la culture de la censure à l'effacement de la culture...

    Les éditions Intervalles viennent de publier un court essai de Hubert Heckmann intitulé Cancel ! - De la culture de la censure à l'effacement de la culture. Agrégé de lettres et normalien, Hubert Heckmann est maître de conférences en langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’université de Rouen.

     

     

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    " Que désigne-t-on par l’anglicisme « cancel culture » ? S’agit-il seulement d’une « culture de l’effacement », selon la francisation recommandée par l’Académie française ?

    L’histoire de la cancel culture depuis son émergence dans les mouvements progressistes américains de défense des minorités, mise en perspective dans une histoire plus large de la censure des opinions et des oeuvres, permet de comprendre les dangers qui menacent aujourd’hui, en France, le débat d’idées et l’art.

    L’expression « cancel culture » peut bien avoir un usage polémique, elle n’en décrit pas moins une réalité : celle d’une culture de la censure qui est en train de s’instaurer sous nos yeux au nom des meilleures intentions. "

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  • La «cancel culture» fabrique-t-elle une génération d'ignorants ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Hubert Heckmann au Figaro Vox pour évoquer la question de la cancel culture et de ses effets dans l'enseignement.

    Agrégé et maître de conférences en littérature médiévale à l'université de Rouen, Hubert Heckmann est membre fondateur de l'Observatoire du décolonialisme et vient de publier Cancel ! De la culture de la censure à l'effacement de la culture (Intervalles, 2022).

    Cancel culture.jpg

    La «cancel culture» fabrique-t-elle une génération d'ignorants ?...

    FIGAROVOX. - L'expression de cancel culture (culture de l'effacement) n'est-elle pas oxymorique ?

    Hubert HECKMANN. - Au départ, comme dans l'expression «culture d'entreprise», «culture» ne désigne dans l'anglicisme cancel culture  qu'un ensemble de comportements au sein d'une communauté fédérée par des valeurs. Il s'agit en l'occurrence des pratiques d'ostracisation (cancel) de personnes dont les propos sont jugés choquants par les membres de certaines communautés idéologiques. Mais ces valeurs et ces comportements que véhicule la cancel culture ont des implications pour la culture elle-même, entendue comme le domaine de l'activité intellectuelle et artistique. Le terme cancel culture est un terme polémique qui n'est utile que dans la mesure où il permet de décrire le réel: la montée en puissance d'une culture de la censure entraîne de fait un véritable recul, la menace d'un effacement de la culture.

    La cancel culture réduit-elle l'œuvre à son auteur ?

    De ce point de vue, la cancel culture agit comme un effet paradoxal du culte de l'artiste: le mythe romantique du génie puis l'autopromotion de l'artiste contemporain ont fait passer au second plan les œuvres d'art, derrière la personne de l'auteur qui captive l'intérêt du public. En croyant parler d'art, on commente souvent la vie de l'artiste. Mais l'art, c'est avant tout les œuvres, qu'il faut considérer pour elles-mêmes si on veut pouvoir les comprendre et les apprécier. Or, pour l'art contemporain, l'œuvre ne réside plus dans l'objet mais dans l'expérience que l'objet va provoquer, et donc dans le discours qui conditionne et accompagne cette expérience, ce qui peut conduire à brouiller les frontières entre l'œuvre et la personne de l'artiste. Appliquer cette conception de l'art aux œuvres du passé, c'est céder à l'anachronisme. L'artiste en tant que personne ne doit pas pouvoir se soustraire au jugement moral, mais cela n'affecte pas le jugement esthétique, d'une tout autre nature, que l'on porte sur son œuvre. Savoir que Michel-Ange était d'un tempérament exécrable ne me conduit pas à préférer à ses œuvres les peintures et les sculptures d'artistes plus gentils…

    En faisant du texte littéraire un discours ordinaire qui doit provoquer adhésion ou rejet en fonction des valeurs et du message qu'il suppose, la cancel culture dégrade-t-elle la littérature ?

    Si les œuvres sont réduites à un rôle de message, alors il faut en effet ou bien les «aimer» (dans le sens très restreint du like des réseaux sociaux, qui est la manifestation d'une adhésion), ou bien les réprouver. C'est méconnaître la spécificité des genres littéraires, la diversité des niveaux de lecture, la puissance de l'ironie provoquée par les effets de décalage ou de citation… Par exemple, on attribue trop souvent au romancier les propos qu'il place dans la bouche de ses personnages. Ce n'est pas seulement la littérature qui est dégradée par une lecture aussi réductrice, c'est plus généralement notre capacité à accepter et à approfondir les nuances, jusque dans nos discours ordinaires qui s'en trouvent eux aussi appauvris.

    Le jeu de l'ambiguïté, qui fonde l'art d'écrire, s'adresse à l'imagination du lecteur pour susciter sa réflexion: les œuvres littéraires ne sont pas des recueils d'opinions et de commandements à l'interprétation univoque. La littérature est un art dont la particularité est de prendre les mots pour matériau, mais aucun art véritable ne trouve sa raison d'être dans la fonction de communication. Kundera écrit dans Les Testaments trahis: «vu que les tendances politiques d'une époque sont toujours réductibles à deux seules tendances opposées, on finit fatalement par classer une œuvre d'art ou du côté du progrès ou du côté de la réaction ; et parce que la réaction c'est le mal, l'inquisition peut ouvrir ses procès. (…) Depuis toujours, profondément, violemment, je déteste ceux qui veulent trouver dans une œuvre d'art une attitude (politique, philosophique, religieuse, etc.), au lieu d'y chercher une intention de connaître, de comprendre, de saisir tel ou tel aspect de la réalité.»

    Qu'est-ce qu'une littérature qui répond «aux besoins et aux critères d'un temps» ? Fait-on du livre un produit de consommation qui ne peut plus s'inscrire dans le temps long ?

    Certains éditeurs français recourent déjà à des sensitivity readers, chargés de passer les manuscrits au crible pour relever les passages qui risqueraient d'être perçus comme offensants ou désobligeants envers les minorités. Or, comme l'écrit Belinda Cannone, «la bêtise s'améliore»: de nouvelles susceptibilités éclosent continuellement, toujours plus chatouilleuses sur des sujets qui paraissaient hier anodins aux lecteurs les plus «conscients» et les plus «éveillés». Les livres qui répondent à un cahier des charges commercial et idéologique imposé par l'actualité sont donc ceux qui sont voués à sombrer le plus rapidement ou bien dans l'opprobre ou bien, si l'auteur est chanceux, dans l'oubli… Je cite dans mon livre le cas d'un auteur qui confesse, quelques années seulement après la publication d'un roman, que ce qu'il avait écrit est devenu choquant depuis le mouvement #MeToo. La date de péremption est atteinte ! La «révolution culturelle» permanente des réseaux sociaux invite à la création d'une littérature jetable, «annulable» au fur et à mesure des perfectionnements du conformisme.

    Vous abordez un point absolument essentiel: le respect de «l'altérité culturelle des époques passées». Comment éviter l'anachronisme et le jugement de temps disparus ?

    Le lecteur qui juge le passé à l'aune de ses propres critères moraux est aussi détestable que le touriste qui s'indigne, à l'étranger, de mœurs différentes des siennes ! Longtemps, la culture bourgeoise s'est considérée comme le terme d'une évolution à l'aune duquel il fallait interpréter le passé. La cancel culture perpétue la vieille illusion bourgeoise: elle se tient pour l'accomplissement du progrès et ne voit dans l'héritage culturel qu'une poubelle de l'histoire où s'accumulent les mêmes tares que celles qui restent à dénoncer aujourd'hui chez les ennemis du progrès… Au contraire, nous devons travailler à faire apparaître l'altérité, l'étrangeté des cultures anciennes, en partant de questions qui se posent à nous dans le présent sans faire du passé l'écran de projection de nos préoccupations morales contemporaines. Pour sortir de ce nouvel ethnocentrisme, il faut percevoir et faire sentir les différences dans l'ordre culturel, car ce sont elles qui mesurent le temps. La lecture des œuvres du passé peut être aussi bouleversante qu'une rencontre, mais il n'y a pas de rencontre authentique sans la reconnaissance d'une altérité, et cela représente une réelle prise de risque pour nos «identités» de plus en plus agressives et figées.

    Qu'est-ce que l' «auto-totalitarisme de la société» dont parlait Václav Havel ?

    Si la cancel culture peut rappeler certaines dérives propres aux sociétés totalitaires, la comparaison trouve sa limite car nous ne vivons pas sous le règne de la terreur nazie ou stalinienne: les victimes de la cancel culture ne sont pas encore physiquement éliminées, Dieu merci ! Et pourtant, l'intimidation idéologique fonctionne, sans même avoir recours à la menace des camps. La cancel culture ressemble donc au système communiste des années 1970 en Europe de l'Est, que Václav Havel a qualifié de «post-totalitaire» parce qu'il prolongeait la dictature sans employer les moyens de répression du stalinisme : «Dans le système post-totalitaire, la ligne de conflit passe de facto par chaque individu, car chacun est à sa manière victime et support du système. Ce que nous entendons par système n'est donc pas un ordre que certains imposeraient aux autres, mais c'est quelque chose qui traverse toute la société et que la société entière contribue à créer».

    «L'auto-totalitarisme de la société», c'est ce phénomène par lequel je me soumets par lâcheté aux mots d'ordre idéologiques, pour me faire bien voir de mes semblables que j'incite à obtempérer en même temps que je cède moi-même. Les réseaux sociaux recréent aujourd'hui un tel système de surveillance réciproque et d'intimidation dont les victimes consentantes de la cancel culture sont aussi les premiers chiens de garde. L'engrenage auto-totalitaire est actionné par la veulerie collective, mais il peut être enrayé par le grain de sable du courage individuel.

    Comment faire survivre la littérature ?

    La littérature en a vu d'autres, elle survivra. La littérature authentique a toujours représenté un péril pour le conformisme social, justement parce qu'elle est irréductible à un message univoque. La violence du procès intenté à la littérature n'étonnera pas l'historien, et peut-être la littérature s'est-elle mieux portée dans les époques où elle a subi les attaques des bigots, des bien-pensants et des polices politiques, plutôt que dans les époques où elle ne suscite que l'indifférence. Mais en voulant aujourd'hui «protéger» la jeunesse d'une contagion morale que répandraient la littérature et l'art du passé, on ne fait qu'aggraver la rupture de transmission culturelle. En effet, la cancel culture creuse les inégalités et accroît l'exclusion sociale, menant tout droit à l'opposé des bonnes intentions qu'elle proclame: en entravant l'accès d'une génération au savoir et à la culture, elle nuit gravement à la capacité de chacun de progresser vers la réflexivité et l'autonomie, portant préjudice en premier lieu aux plus pauvres et aux plus faibles.

    Ce qui me préoccupe, plutôt que la survie de la littérature, c'est la question de notre propre survie dans une société qui s'interdit de rechercher le vrai et le beau parce qu'il faudrait tout soumettre à l'exigence du bien, indexée sur le cours fluctuant des valeurs morales à la bourse des bons sentiments. Serions-nous assez lâches pour renoncer à la quête de la vérité comme à la recherche de l'émotion esthétique, sous la seule pression de quelques provocateurs vociférant qui ont décrété que le savoir et le plaisir étaient coupables ? La soif de vérité et la soif de beauté sont inextinguibles. La production commerciale et l'enrégimentement politique d'un art idéologiquement correct ne pourra jamais apaiser cette soif, ni même la tromper.

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  • Livres en danger : regard sur les nouveaux censeurs...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de l'Observatoire du journalisme consacré à la censure rétro-active qui s'installe pour purger les œuvres du passé de leurs mauvaises pensées...

     

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    Livres en danger : regard sur les nouveaux censeurs

    Censurer la pensée en exerçant un contrôle strict sur la littérature est loin d’être un phénomène propre au XXIème siècle. Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes de rang ont toujours exercé leur pouvoir sur les ouvrages qui, d’une manière ou d’une autre, s’avéraient nuisibles à leur influence.

    De Nabuchodonosor à l’Inquisition

    Nabuchodonosor déjà, roi de Babylone, fit incendier les livres religieux des juifs lorsqu’il s’empara de Jérusalem au VIIème siècle avant Jésus Christ. Les chrétiens, lorsqu’ils purent asseoir leur contrôle sur l’Europe purgèrent les archives littéraires païennes des gréco-romains puis, aux temps de l’Inquisition, décidèrent de ce qu’on pouvait lire, écrire et dire. Mais la censure n’est pas le seul fait des mouvements religieux. Les deux grands régimes athées, nazisme et communisme, conceptualisèrent l’idée d’autodafé à grande échelle. On détruisit des centaines de milliers d’ouvrages, au simple motif que les mots qui y figuraient n’allaient pas dans le sens de la doxa des dirigeants. La victoire du libéralisme à la fin du XXème siècle nous fit croire, de manière illusoire, que le temps de la censure était achevé. « La fin de l’histoire » écrivait Fukuyama, devait être le commencement de la liberté absolue et, plus jamais, un auteur ne se verrait brimer par quelconque influence de pouvoir.

    La société inclusive attaque !

    Mais en 2022, à l’heure de la société inclusive, du woke et de la cancel culture, les censeurs semblent faire leur triomphal retour sur les vestiges d’un Occident « déconstruit ». En 2021, une polémique éclate après qu’une école catholique canadienne annonce avoir épuré ses bibliothèques, en 2019, de près de 5000 ouvrages. Parmi les concernés, les albums de Lucky Luke, Tintin, Astérix mais aussi des biographies de l’explorateur français Jacques Cartier. Raison invoquée ? La « réconciliation » avec les autochtones et la lutte contre les stéréotypes négatifs héritiers de la « pensée coloniale » canadienne.

    Aux États-Unis, le grand classique de Margaret Mitchell, « Autant en emporte le vent » paru en 1936 et adapté en film 3 ans plus tard a également subi le courroux des nouveaux censeurs. Retiré de la plateforme HBO (un géant parmi les plateformes de diffusion) afin d’être « mieux contextualisé », on reprochera au monument du cinéma américain de projeter la face d’une histoire nationale jugée trop « offensante » pour une partie de la population. La fameuse émission de France Inter consacrée au cinéma, « Le Masque et la Plume », verra l’une de ses chroniqueuse, Patricia Martin, dire du roman qu’il est « écrit avec les poumons, mais dont l’arrière-fond raciste est insupportable ». Retraduit en français en 2020 par l’écrivain Josette Chicheportiche, cette dernière précise, dans un entretien accordé à France 24, avoir pris le soin de changer la façon dont s’exprime un personnage noir en « supprimant les ‘r’ à chaque début de phrase », supposés rendre compte de l’accent des esclaves afro-américains. Mme Chicheportiche récuse toutefois l’accusation  de racisme faite au livre, considérant qu’il est plutôt une critique du racisme des États-Unis du XIXème siècle.

    Réécriture bien-pensante

    Il reste que s’obstiner à vouloir « recontextualiser » une œuvre ou bien en modifier la forme afin de la rendre moins « offensante »  s’apparente bien à de la réécriture et se transforme en censure.

    De ce côté-ci de l’Atlantique, nous ne sommes évidemment pas épargnés. En France, c’est l’inoubliable roman policier d’Agatha Christie, « Les dix petits nègres » qui est passé entre les griffes des censeurs. Non pas pour son histoire, qui n’aborde en rien le sujet ethnique, mais simplement pour son titre, référence à la chansonnette qui constitue le fil central de l’ouvrage. C’est que le « N word », comme disent les anglo-saxons, n’a pas sa place dans les rayons de nos libraires. Rebaptisé « Ils étaient dix », le seul titre de l’œuvre n’a pas été changé mais aussi les soixante-dix fois où le mot « nègre » apparaissait.

    Sur RTL, James Pritchatd, le petit fils d’Agatha Christie dira en guise de repentir : «Mon avis, c’est qu’Agatha Christie était avant tout là pour divertir et elle n’aurait pas aimé l’idée que quelqu’un soit blessé par une de ses tournures de phrases. Nous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser : voilà le comportement à adopter en 2020″.

    Ainsi la littérature d’hier à la vie dure aujourd’hui, malmenée par certains qui voient en elle une effrayante menace venue d’une autre époque et rapportant l’existence passée de mœurs différentes, incompatibles avec le monde moderne.

    Ces quelques assauts contre le cinquième art (et le cinéma) ne sont en Europe pour le moment l’apanage que de certains cercles que l’on peut qualifier d’hystériques. Mais l’essor de ce genre de pratique est à craindre dans un Occident où l’on s’offense pour un rien, ou l’on crie au racisme pour tout, et où l’on « cancel » et « fact-check » tout ce qui nous tombe sous la main. La multiplication d’autodafés contemporains est loin de paraître fantasmagorique, et celle-ci pourrait concerner plus que des déconstructivistes en quête de déconstruction. Il y a quelques années, en Irak, Daech brûlait des centaines de milliers de livres dont certains avaient des siècles derrière eux. Qui nous dit que demain, dans les quartiers perdus de la République, les quelques bibliothèques publiques restantes et autres MJC ne connaîtront pas le même sort ?

    Richard Ovenden et la bibliothèque d’Oxford

    Richard Ovenden, libraire et responsable de la richissime bibliothèque d’Oxford, a publié un ouvrage en 2020 (Burning the books, a history of knowledge under attack) à l’ambition historique mais dont le propos est brûlant d’actualité. Faisant le bilan des innombrables bouquins détruits au cours des millénaires, Ovenden nous rappelle à quel point la sauvegarde de la connaissance, et donc de la pensée, peut s’avérer fragile. Nous ne sommes nullement à l’abri de voir les nouveaux censeurs se multiplier, encore et encore, et faire taire la pensée libre partout dans le monde. La toute-puissance des GAFAM, a mis au silence le président de la 1ère puissance mondiale alors qu’il était encore en fonction ! Et alors qu’Emmanuel Macron, dans ses vœux, annonçait fièrement l’aboutissement de la Commission Bronner, organe de surveillance généralisée de la presse dont le but est de « lutter contre la désinformation et le complotisme », on pouvait lire entre les lignes : la liberté d’expression est aujourd’hui plus que jamais remise en cause.

    Observatoire du journalisme (Observatoire du journalisme, 22 janvier 2022)

     

    Censurer la pensée en exerçant un contrôle strict sur la littérature est loin d’être un phénomène propre au XXIème siècle. Depuis la nuit des temps, les hommes et les femmes de rang ont toujours exercé leur pouvoir sur les ouvrages qui, d’une manière ou d’une autre, s’avéraient nuisibles à leur influence.

    De Nabuchodonosor à l’Inquisition

    Nabuchodonosor déjà, roi de Babylone, fit incendier les livres religieux des juifs lorsqu’il s’empara de Jérusalem au VIIème siècle avant Jésus Christ. Les chrétiens, lorsqu’ils purent asseoir leur contrôle sur l’Europe purgèrent les archives littéraires païennes des gréco-romains puis, aux temps de l’Inquisition, décidèrent de ce qu’on pouvait lire, écrire et dire. Mais la censure n’est pas le seul fait des mouvements religieux. Les deux grands régimes athées, nazisme et communisme, conceptualisèrent l’idée d’autodafé à grande échelle. On détruisit des centaines de milliers d’ouvrages, au simple motif que les mots qui y figuraient n’allaient pas dans le sens de la doxa des dirigeants. La victoire du libéralisme à la fin du XXème siècle nous fit croire, de manière illusoire, que le temps de la censure était achevé. « La fin de l’histoire » écrivait Fukuyama, devait être le commencement de la liberté absolue et, plus jamais, un auteur ne se verrait brimer par quelconque influence de pouvoir.

    La société inclusive attaque !

    Mais en 2022, à l’heure de la société inclusive, du woke et de la cancel culture, les censeurs semblent faire leur triomphal retour sur les vestiges d’un Occident « déconstruit ». En 2021, une polémique éclate après qu’une école catholique canadienne annonce avoir épuré ses bibliothèques, en 2019, de près de 5000 ouvrages. Parmi les concernés, les albums de Lucky Luke, Tintin, Astérix mais aussi des biographies de l’explorateur français Jacques Cartier. Raison invoquée ? La « réconciliation » avec les autochtones et la lutte contre les stéréotypes négatifs héritiers de la « pensée coloniale » canadienne.

    Voir aussi : Autodafés au Canada, le wokisme fait détruire 5000 livres

     

    Aux États-Unis, le grand classique de Margaret Mitchell, « Autant en emporte le vent » paru en 1936 et adapté en film 3 ans plus tard a également subi le courroux des nouveaux censeurs. Retiré de la plateforme HBO (un géant parmi les plateformes de diffusion) afin d’être « mieux contextualisé », on reprochera au monument du cinéma américain de projeter la face d’une histoire nationale jugée trop « offensante » pour une partie de la population. La fameuse émission de France Inter consacrée au cinéma, « Le Masque et la Plume », verra l’une de ses chroniqueuse, Patricia Martin, dire du roman qu’il est « écrit avec les poumons, mais dont l’arrière-fond raciste est insupportable ». Retraduit en français en 2020 par l’écrivain Josette Chicheportiche, cette dernière précise, dans un entretien accordé à France 24, avoir pris le soin de changer la façon dont s’exprime un personnage noir en « supprimant les ‘r’ à chaque début de phrase », supposés rendre compte de l’accent des esclaves afro-américains. Mme Chicheportiche récuse toutefois l’accusation  de racisme faite au livre, considérant qu’il est plutôt une critique du racisme des États-Unis du XIXème siècle.

    Réécriture bien-pensante

    Il reste que s’obstiner à vouloir « recontextualiser » une œuvre ou bien en modifier la forme afin de la rendre moins « offensante »  s’apparente bien à de la réécriture et se transforme en censure.

    De ce côté-ci de l’Atlantique, nous ne sommes évidemment pas épargnés. En France, c’est l’inoubliable roman policier d’Agatha Christie, « Les dix petits nègres » qui est passé entre les griffes des censeurs. Non pas pour son histoire, qui n’aborde en rien le sujet ethnique, mais simplement pour son titre, référence à la chansonnette qui constitue le fil central de l’ouvrage. C’est que le « N‑word », comme disent les anglo-saxons, n’a pas sa place dans les rayons de nos libraires. Rebaptisé « Ils étaient dix », le seul titre de l’œuvre n’a pas été changé mais aussi les soixante-dix fois où le mot « nègre » apparaissait.

    Sur RTL, James Pritchatd, le petit fils d’Agatha Christie dira en guise de repentir : «Mon avis, c’est qu’Agatha Christie était avant tout là pour divertir et elle n’aurait pas aimé l’idée que quelqu’un soit blessé par une de ses tournures de phrases. Nous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser : voilà le comportement à adopter en 2020″.

    Ainsi la littérature d’hier à la vie dure aujourd’hui, malmenée par certains qui voient en elle une effrayante menace venue d’une autre époque et rapportant l’existence passée de mœurs différentes, incompatibles avec le monde moderne.

    Ces quelques assauts contre le cinquième art (et le cinéma) ne sont en Europe pour le moment l’apanage que de certains cercles que l’on peut qualifier d’hystériques. Mais l’essor de ce genre de pratique est à craindre dans un Occident où l’on s’offense pour un rien, ou l’on crie au racisme pour tout, et où l’on « cancel » et « fact-check » tout ce qui nous tombe sous la main. La multiplication d’autodafés contemporains est loin de paraitre fantasmagorique, et celle-ci pourrait concerner plus que des déconstructivistes en quête de déconstruction. Il y a quelques années, en Irak, Daech brûlait des centaines de milliers de livres dont certains avaient des siècles derrière eux. Qui nous dit que demain, dans les quartiers perdus de la République, les quelques bibliothèques publiques restantes et autres MJC ne connaîtront pas le même sort ?

    Richard Ovenden et la bibliothèque d’Oxford

    Richard https://www.richard-ovenden.com/ Ovenden, libraire et responsable de la richissime bibliothèque d’Oxford, a publié un ouvrage en 2020 (Burning the books, a history of knowledge under attack) à l’ambition historique mais dont le propos est brûlant d’actualité. Faisant le bilan des innombrables bouquins détruits au cours des millénaires, Ovenden nous rappelle à quel point la sauvegarde de la connaissance, et donc de la pensée, peut s’avérer fragile. Nous ne sommes nullement à l’abri de voir les nouveaux censeurs se multiplier, encore et encore, et faire taire la pensée libre partout dans le monde. La toute-puissance des GAFAM, a mis au silence le président https://www.ojim.fr/apres-le-bannissement-de-trump-twitter-veut-renforcer-la-censure-contre-ses-partisans/ de la 1ère puissance mondiale alors qu’il était encore en fonction ! Et alors qu’Emmanuel https://www.ojim.fr/voeux-presse-emmanuel-macron/ Macron, dans ses vœux, annonçait fièrement l’aboutissement de la Commissionhttps://www.ojim.fr/la-commission-bronner-contre-le-complot-et-la-desinformation-ou-le-contraire/  Bronner, organe de surveillance généralisée de la presse dont le but est de « lutter contre la désinformation et le complotisme », on pouvait lire entre les lignes : la liberté d’expression est aujourd’hui plus que jamais remise en cause.

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  • La bibliothèque littéraire du jeune Européen...

    Les éditions du Rocher viennent de publier un ouvrage dirigé par Alain de Benoist et Guillaume Travers et intitulé La bibliothèque littéraire du jeune Européen.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi (Pierre-Guillaume de Roux, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père (Krisis, 2021).

    Professeur d'économie, Guillaume Travers est chroniqueur à la revue Éléments et a déjà publié Pourquoi tant d'inégalités ? (La Nouvelle Librairie, 2020), Économie médiévale et société féodale (La Nouvelle Librairie, 2020), Capitalisme moderne et société de marché (La Nouvelle Librairie, 2020) et La société de surveillance, stade ultime du libéralisme (La Nouvelle Librairie, 2021).

     

    De Benoist_Travers_La bibliothèque littéraire du jeune Européen.jpg

    " Venue d'outre-Atlantique, la « cancel culture » menace de saper les fondements de notre civilisation : statues déboulonnées, auteurs classiques rayés des programmes scolaires, livres mis à l'index. Face à cela, il est urgent de faire œuvre de transmission, en sortant de l'oubli ou en mettant en lumière des œuvres fondatrices.
    Dans un premier volume, la Bibliothèque du jeune Européen, Alain de Benoist et Guillaume Travers présentaient 200 essais pour « apprendre à penser ». Ce second volume est tout entier consacré aux œuvres de fiction, des récits mythologiques à la poésie, en passant évidemment par le roman ou la bande dessinée. Plus de 400 œuvres sont présentées et analysées, offrant un précieux guide de lecture pour tous les âges. Le panorama ainsi offert, de l'Antiquité à nos jours, des pays latins à la Scandinavie, de l'Irlande à la Russie, donne à voir la richesse de l'univers esthétique européen. Les sensibilités qui s'y incarnent, les styles qui nous élèvent, les émotions dont on s'enivre par les grandes œuvres, dessinent par petites touches la vaste fresque de notre héritage culturel propre. "
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