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union européenne - Page 3

  • Union européenne : en route vers la censure ?...

    Le 4 septembre 2023, Nicolas Vidal recevait Claude Chollet, fondateur de l’OJIM, sur Putsch, pour évoquer avec lui le "Digital Services Act" (ou DSA), entré en vigueur ce 25 août au sein de l'Union européenne, qui est une nouvelle offensive pour limiter la liberté d'expression et contenir les pensées qui iraient à l'encontre de la doxa officielle.

     

                                             

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  • Les défis de l'Europe...

    L'Institut Iliade en association avec la Nouvelle Librairie vient de publier un essai de Piettro Ciapponi intitulé Les défis de l'Europe - Les racines d'une civilisation et les limites d'une bureaucratie. Lombard, Piettro Ciapponi est diplômé en sciences politiques de l'université de Milan.

     

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    " Envahie, divisée et culpabilisée, l’Europe semble se résigner à s’effacer discrètement et à sortir de l’histoire. Aux yeux de nombreux Européens, leur continent, mutilé et défiguré par les technocrates de Bruxelles, n’apparaît plus que comme une entité géographique sans frontières ni souveraineté, sorte de prélude à la construction d’un grand espace cosmopolite. Une civilisation aussi ancienne que la nôtre ne peut pourtant pas être réduite à quelques dizaines d’années de piètre gouvernance bureaucratique. L’Europe est avant tout une unité ethnique, anthropologique, culturelle, spirituelle et politique, une unité qui peut devenir un centre dans les eaux agitées et tumultueuses de l’actuel désordre mondial. Et si c’était justement dans une prise de conscience de leurs racines et des défis auxquels leur civilisation est confrontée au XXIe siècle que les Européens pouvaient retrouver le chemin d’une existence propre et originale ? C’est à une juste estimation de ces défis qu’est consacré l’essai de Pietro Ciapponi. Cet essai, écrit en Italie, nous offre une vision lucide des enjeux et des épreuves militaires, écologiques, technologiques et démographiques qui attendent nos peuples et dévoile l’immense potentiel qui sommeille encore en eux. De ce fait, il mérite une large diffusion à l’échelle européenne. Il est temps de reprendre conscience de nos origines et de tracer notre route vers des destinées plus glorieuses. "

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  • À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré aux enjeux politiques au niveau de l'Union européenne ...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    À droite comme à gauche… encore un effort pour parler aux Français !

    Les élections européennes de 2024 se rapprochent et les appétits s’aiguisent. Passons sur l’envie banale d’accéder au statut de député européen — qu’en restera-t-il en 2029 ? Partis et mouvements divers comptent sur l’élection européenne pour confirmer leur dynamique, ancrer leur présence, ou simplement continuer d’exister. Tous travaillent à leur discours sur l’Europe, l’Union européenne, son ambition ou ses dérives.

    Le risque est que les citoyens des Nations d’Europe n’entendent rien à cette musique convenue — pour ou contre l’Union, la Commission, les traités, l’euro, l’élargissement à l’Est, les dérives fédéralistes ou impériales, etc. Tout cela est bien loin de ce qui compte pour eux — avoir chaud cet hiver, bien se nourrir à bon prix, vivre en paix chez soi… Le piège européen est grand ouvert, qui consiste à focaliser le débat sur des questions, comme la forme politique de l’Union, ses institutions, son état de droit, qui occupent les folles journées du Parlement européen, mais n’ont rien à voir avec les préoccupations des citoyens européens. Ces thèmes rebattus détournent l’attention de l’essentiel. Et le risque est que le vide politique dans lequel s’abîment les institutions européennes contamine les partis en Europe, et aussi en France.

    Qu’est-ce qui compte ? C’est la question, la seule, à laquelle tout candidat, tout militant, devrait s’efforcer de répondre.

    Vivre en paix chez soi. Comment rétablir les contrôles aux frontières, la maîtrise du droit d’accès et de résidence sur leur territoire dont dépend leur sécurité ? Comment restaurer les conditions d’une paix durable avec la Russie ?

    Rester libres. Comment défendre nos libertés individuelles contre la dictature digitale qui s’avance, rétablir en Europe la liberté d’expression, de pensée et de débat ? Comment affirmer l’autonomie stratégique des Nations d’Europe et faire passer leurs intérêts communs avant toute autre priorité ?

    Préserver notre mode de vie. Comment lutter contre la folie verte du Green Deal qui multiplie les zones d’exclusion sociale, et pénalise les indépendants au bénéfice des grands groupes, pour faire de la priorité écologique le moyen de bien vivre chez soi ?

    Sur ces trois sujets, il y a urgence.

    1 ) La réalité de l’insécurité identitaire autant que physique se diffuse avec l’immigration imposée aux communautés locales, elle grandit avec la dissolution voulue des appartenances familiales et locales. En France comme en Suède, en Italie comme en Allemagne, il n’est plus possible de nier l’échec de la société multiculturelle. La misère sociale que provoque l’invasion migratoire s’étend et ne peut plus être niée. Les socialistes ne veulent pas voir que le problème social d’aujourd’hui est moins dans les conditions de travail que dans l’insécurité dans les transports et l’incivilité des clients. Il est moins dans la faiblesse des rémunérations que dans cet impôt invisible que fait payer l’insécurité généralisée. Combien de vendeuses, d’employées, à le dire ? Leur problème « social » n’est pas le travail dans Paris, à Auber ou au Palais Royal — c’est le retour à Sarcelles ou Saint-Denis. L’incapacité des gouvernements comme de l’Union à reconnaître les faits, et à accorder la priorité à la sécurité des Européens, est la première faillite de l’Union, celle qui la confronte aux promesses non tenues de l’ouverture et plus encore, à son irréalité.

    2) La folie verte qui sévit dans l’Union européenne détruit le mode de vie des Européens. La « RSE », qui impose aux entreprises au nom de l’environnement une idéologie importée des États-Unis, la taxonomie par laquelle l’Union européenne détruit les exploitations agricoles familiales comme les indépendants, le « Green Deal » qui condamne l’industrie européenne, sont des agressions majeures contre la vie de nos territoires. Plus rien n’échappe au verdissement forcé, des cuisines aux marchés de Noël et des parkings aux salles de bain ! Il est désolant de constater qu’à ce jour, sur des sujets qui font la vie, des communistes quand il en reste aux socialistes éteints, et des républicains aux Nationaux, nous n’entendons rien.

    Rien sur la dictature verte qui menace les libertés fondamentales, y compris le droit de propriété (mise sous condition de « coefficient énergétique » vertueux de la location et bientôt de la vente des maisons et appartements, qui équivaut à une expropriation forcée). Rien non plus pour la défense des modes de vie populaires. Aucun parti ne fait le lien d’évidence entre écologie et ordre naturel, écologie et proximité, écologie et organisation spontanée des sociétés humaines — s’il faut sauver les ours polaires, pourquoi ne pas sauver les derniers peuples de la jungle, de la toundra ou de la mer ? Et les bergers de la Maurienne, les éleveurs de l’Aubrac, et les artisans boulangers de partout ? Aucun parti ne dénonce l’escroquerie qui enferme les PME, les artisans, les indépendants dans un enfer de normes, de déclarations et de critères favorable à ces groupes multinationaux financeurs des ONG et Fondations qui rédigent les textes européens !

    Rien non plus sur l’exclusion des propriétaires de véhicules anciens des centres-ville, évidente discrimination sociale si confortable aux bourgeois en trottinette ! Que disent les partis contre un système d’aides agricoles européen qui, en Roumanie, est concentré à 90 % sur 1 % des exploitations au détriment de la petite propriété familiale ? Lequel propose de remettre l’écologie sur ses pieds, une écologie humaine, au service des communautés établies sur leur lieu de vie, adaptée à leur niche écologique, riches des biens communs fournis par la nature, la vie, le sacré ?

    3) Le pouvoir numérique enfin monte dans un silence assourdissant. Quelles influences, ou quels intérêts, anesthésient des chefs de parti si prompts à dénoncer les violences policières, ou la petite délinquance ? Le pillage des données par les Amazon, Google, etc., est tel qu’il faudra bientôt parler de l’enfer numérique. À l’inverse de tout ce que promettait l’agora d’Internet, ouverte à tout et à tous, le numérique est devenu le tombeau de la liberté d’expression, et signe l’arrêt de mort des libertés d’opinion, d’expression et de débat ; la révélation des « Twitter files » et de la désinformation massive orchestrée par Twitter contre Donald Trump et les républicains est accablante.

    Qu’une prétendue « gauche » condamne la levée de la censure qu’exerçait Twitter sur les opinions non conformes depuis son rachat par Elon Musk illustre jusqu’à la caricature l’étonnante conversion de ceux qui criaient ; « il est interdit d’interdire ! » et qui sont devenus les flics de la pensée et les fossoyeurs des libertés populaires — derrière tout socialiste, derrière tout militant de l’ultra-gauche, un policier et un juge se cachent. Dernier recours de ceux qui ont perdu le peuple, mais sont invités à Davos ! Le totalitarisme numérique que préparent pass vaccinal, monnaie numérique et identité numérique ouvre des abîmes devant nos démocraties. Il condamne les partis qui n’auront rien compris, rien anticipé, rien refusé.

    L’élection européenne se jouera sur la capacité des partis à répondre à de tels enjeux, et d’abord à les identifier, les exprimer et s’en saisir. La paix, la sécurité, les libertés… Qui peut représenter les citoyens des Nations d’Europe sans se prononcer sur les conditions de la paix, sur la défense des modes de vie d’Europe, sur la souveraineté des Nations et leur autonomie ? Dans les mois à venir, il faudra aux partis, aux groupes et aux candidats, beaucoup de lucidité pour éviter le piège de la confusion européenne, ne pas s’enferrer dans les débats abscons sur la place de la Commission, la révision des traités, le rôle du Conseil ou l’impérialisme européen. Les Localistes européens ! s’emploieront à le dire. C’est qu’il y a urgence. Et l’échec annoncé par certains de l’Union pourrait bien emporter, au-delà des européistes, ceux qui se seront laissés prendre au jeu de diversion, de confusion et d’enfumage devenu le fonds de commerce des institutions de Bruxelles. 

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 15 décembre 2022)

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  • Quelle souveraineté pour l’Europe ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Georges Castro cueilli sur Polémia et consacré à la question de la souveraineté européenne. Georges Castro est responsable commercial au sein d’une entreprise industrielle française à caractère stratégique.

     

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    Quelle souveraineté pour l’Europe ?

    Le conflit ukrainien est synonyme de séisme pour notre continent. S’il a rappelé à bon nombre d’Européens que la fin de l’Histoire n’était que chimère, son onde de choc dans les domaines politiques et industriels sera sans doute colossale. Nous avions précédemment évoqué les conséquences désastreuses [1] des sanctions et du virage énergétique entrepris par l’Union Européenne en réaction à l’invasion russe. Leurs effets commencent à se matérialiser outre-Rhin, avec une récession anticipée pour 2023 [2]. Cette guerre nous en dit aussi beaucoup en termes de grande politique et fait apparaître une Europe plus que jamais divisée sur des sujets pourtant majeurs tels que la Défense, l’approvisionnement énergétique ou encore l’idée même de souveraineté et sa mise en œuvre.

    Le retour d’ambitions politiques assumées pour l’Allemagne, mais sous parapluie étasunien

    C’est une nouvelle donnée majeure dans la géopolitique européenne contemporaine : l’Allemagne réarme… et cette initiative est saluée dans bon nombre de pays de l’Est, à commencer par les États baltes, qui ont pourtant subi maintes fois dans l’Histoire les conséquences des ambitions expansionnistes prussiennes puis allemandes. La création, fort commentée, d’un fonds spécial de cent milliards d’euros pour combler les lacunes capacitaires de la Bundeswehr doit permettre à Olaf Scholz de faire de l’Allemagne « la force armée la mieux équipée d’Europe ». « En tant que nation la plus peuplée, dotée de la plus grand puissance économique et située au centre du continent, notre armée doit devenir le pilier de la défense conventionnelle en Europe » ajoute le chancelier. Des propos sans précédent depuis 1945, qui pourraient donner des frissons à qui garde en tête que l’Allemagne fut à l’origine des deux conflits mondiaux qui ont ravagé l’Europe. Mais laissons de côté ces considérations de Cassandre. Ce fonds pourrait représenter une aubaine pour enfin faire éclore une défense européenne et nourrir l’industrie qui serait à même de l’alimenter.

    Il n’en sera rien. L’Allemagne poursuit dans la ligne qui est la sienne depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale : elle privilégie la relation étasunienne. Et le chancelier d’annoncer l’achat d’équipements militaires sur étagère, faisant fi des programmes de coopération en cours avec la France. Ainsi le projet d’avion de chasse du futur franco-allemand prend du plomb dans l’aile avec les annonces berlinoises de se tourner vers l’acquisition du F-35 américain. Dans un domaine aussi fondamental que celui de la défense sol-air, l’Allemagne entend là-aussi s’appuyer sur les États-Unis, mais aussi sur Israël. Lors d’un discours à Prague, Olaf Scholz n’a pas daigné mentionner la coopération avec la France dans le domaine de la défense. Il s’est éloigné de la ligne de l’Élysée (qui préconisait de relancer l’Europe en se fondant sur un « noyau dur » de pays pour avancer plus vite sur certains sujets) en envisageant un élargissement oriental de l’UE à 30 voire 36 membres [3].

    L’Allemagne renoue ainsi avec ses ambitions sur une Mitteleuropa qu’elle influence déjà par sa masse commerciale et industrielle et qu’elle entend fédérer maintenant autour d’aspects sécuritaires. Citons ici l’initiative de l’European Sky Shield, portée par Berlin au sein de l’OTAN, rassemblant 14 pays européens [4] autour d’un bouclier anti-aérien dont les systèmes de missiles mis en œuvre seraient allemands, américains et israéliens. La France et l’Italie, qui partagent des expertises inégalées dans ce domaine, demeurent étrangères à ce projet.

    L’autonomie européenne en matière de défense, ce n’est donc pas pour demain. L’Allemagne joue sa partition : lorgne vers l’Est, mais mise gros sur sa relation avec Washington, ce qui ne va pas forcément dans le sens d’une Europe souveraine.

    La Pologne se construit en puissance régionale avec l’appui d’acteurs tiers au continent européen

    Les ambitions politiques retrouvées de l’Allemagne ne remportent cependant pas l’unanimité à l’Est. La Pologne s’oppose fermement à Berlin sur deux points : l’intégration européenne (Varsovie défendant une conception proche d’une Europe des Nations face à un fédéralisme prôné par Berlin) et la politique affichée vis-à-vis de la Russie (dont l’Allemagne avait fait son principal pourvoyeur d’énergie). Les relations entre Berlin et Varsovie demeurent alors complexes et ambivalentes à l’heure où la Pologne apparaît comme un nouveau pôle de puissance sur le continent.

    Tout d’abord, elle est à l’origine de l’Initiative des Trois Mers, que le Président Duda décrivait en 2016 comme « un nouveau concept pour promouvoir l’unité de l’Europe et sa cohésion ». Rassemblant douze pays situés entre les mers Adriatique, Baltique et Noire, ce nouveau centre de gravité voulait marquer son indépendance vis-à-vis de Bruxelles, Paris ou Berlin.

    Varsovie, par ce biais, ne fait que renouer avec sa politique d’entre-deux guerres, à savoir celle de la Miedzymorze, l’Intermarium : la création d’une confédération menée par la Pologne afin de contrebalancer l’influence de l’Allemagne et de la Russie en Europe orientale en favorisant le patronage d’un acteur tiers. Dans les années 1920-30, cet acteur fut la France. Au grand dam de l’Europe, cet acteur est aujourd’hui l’inévitable Washington.

    Car la Pologne, historiquement déçue par l’Europe de l’Ouest, a franchement fait le choix du parapluie américain. Les achats de matériels militaires et de plateformes de premier rang auprès des États-Unis se chiffrent en dizaine de milliards d’euros depuis dix ans. La Pologne se fournit aussi en capacités de défense auprès d’Israël, de la Corée, du Royaume-Uni, ignorant systématiquement les offres européennes et françaises. Elle sera dotée d’une armée conventionnelle qui à terme sera parmi les toutes premières du continent, mais dont les capacités matérielles seront fournies par des États complètement étranger à celui-ci [5].

    Dans le domaine de l’énergie, fermement orientée vers le gaz naturel liquéfié, la Pologne a récemment fait le choix de l’américain Westinghouse pour bâtir sa première centrale nucléaire, sans considérer EDF.

    S’affranchissant ainsi du fonctionnaire bruxellois pour mieux embrasser l’aigle étasunien, Varsovie ne fait finalement que tomber de Charybde en Scylla, remettant la souveraineté reprise au premier dans les serres du second.

    La Hongrie, ne pas rompre avec Moscou, au risque de s’isoler dans l’Union Européenne

    En termes d’autonomie, la Hongrie a fait fort. Viktor Orbán et son Fidesz n’ont jamais cédé aux sirènes européennes de l’immigration bien heureuse. Défenseurs de valeurs traditionnelles et d’une vision classique de la famille, ils ont sans cesse lutté contre les influences des lobbys LGBT et globalistes, parmi lesquels la fondation Soros. Surtout, concernant l’Ukraine, Budapest n’a ni livré d’armes à Kiev, ni suivi la politique de sanctions prônée par l’UE envers Moscou. La raison est simple : la Hongrie importe 65% de son pétrole et 80% de son gaz depuis la Russie. Couper ces approvisionnements radicalement, sans parade de court terme, ce serait saigner à blanc une industrie qui représente 24% du PIB hongrois et mettre encore plus à mal une population déjà touchée par des taux d’inflation en hausse exponentielle.

    La raison d’État l’emportant, Viktor Orbán a fait un choix des plus souverains en ne s’alignant pas sur Bruxelles, en maintenant des relations stables avec Moscou, afin de protéger les intérêts de son pays. Pragmatique Hongrie qui s’emploie à demeurer attractive pour l’industrie lourde bavaroise (qui va puiser en terre magyare une main d’œuvre qualifiée et bon marché), ne rechigne pas à contracter avec le Turc en matière de défense, partage la ligne d’un Emmanuel Macron quand il s’agit de promouvoir une souveraineté européenne et miser sur le nucléaire [6].

    Autonome, ce pays agit selon ses intérêts. Il apparaît pourtant bien isolé sur notre continent, sa relation avec Moscou demeurant difficilement acceptable pour ses voisins polonais notamment.

    L’Europe éclatée

    Par ces quelques exemples, nous souhaitions souligner l’éclatement de l’Europe en matière de souveraineté, d’autonomie.

    S’il est naturel, pour les nations, de suivre avant tout leurs intérêts, le conflit ukrainien consacre un peu plus l’absence de « communauté » européenne. L’Allemagne, la Pologne, la Hongrie… mais aussi l’Espagne ou encore le Portugal avancent avec leur agenda particulier. Hélas celui-ci rime souvent avec le maintien, sinon le renforcement d’une vassalisation au bénéfice des États-Unis ou au moins à un alignement avec leurs intérêts.

    L’autonomie, ce vieux concept légué des Grecs anciens, qui désigne le fait de se gouverner sans tutelle tierce, est un concept qui semble avoir périclité sur notre continent, alors même qu’il fut le moteur anthropologique de l’Européen, la sève qui permit son rayonnement mondial.

    Or aujourd’hui, des domaines fondamentaux comme la défense, l’énergie, l’industrie échappent volontairement à un contrôle continental. L’Européen s’en remet à l’Américain, oubliant que ce dernier n’a pas les mêmes intérêts que lui, n’est pas de la même civilisation, ne partage pas la même géographie.

    Une situation insupportable pour qui voit dans l’Europe autre chose qu’un marché commun et qu’un espace Schengen laissant libre circulation aux marchandises, aux capitaux et aux personnes.

    Georges Castro (Polémia, 16 novembre 2022)

     

    Notes :

    [1]« Ukraine, énergie et industrie… Où sont les intérêts de la France ? », Polémia, Georges Castro, disponible sur https://www.polemia.com/ukraine-energie-et-industrie-ou-sont-les-interets-de-la-france/
    [2] 0.4% de récession attendue pour 2023, « Le grand malaise de l’industrie allemande », Le Figaro, Pierre Avril, 13 octobre 2022.
    [3] « Dans un virage stratégique, Berlin s’éloigne de Paris », Le Figaro, Pierre Avril, 24 octobre 2022
    [4] Allemagne, Royaume-Uni, Slovaquie, Norvège, Lettonie, Estonie, Hongrie, Bulgarie, Belgique, République tchèque, Lituanie, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie, Finlande
    [5] « Le réarmement massif de la Pologne : causes, conséquences et controverses », The conversation, Frédéric Zalewski, 6 octobre 2022, disponible sur : https://theconversation.com/le-rearmement-massif-de-la-pologne-causes-consequences-et-controverses-191705
    [6] « Macron et Orbán  affichent des intérêts communs sur l’Europe », Les Échos, Catherine Chatignoux, 13 décembre 2021, disponible sur : https://www.lesechos.fr/monde/europe/macron-et-orban-trouvent-des-sujets-dinteret-commun-1372211

     
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  • Green Deal et escroquerie écologique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au "green deal" de l'Union européenne...

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Il a également publié un manifeste localiste intitulé Chez nous ! - Pour en finir avec une économie totalitaire (La Nouvelle Librairie, 2022).

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    Green Deal et escroquerie écologique

    Dans la pensée magique qui habite le Parlement européen, les bonnes intentions dispensent chacun de s’interroger sur les conséquences de ses votes. Nul n’est jamais jugé sur autre chose que ses intentions ! — et au nom du verdissement, tout est permis. Chacun appréciera les effets contrastés de cette dispense du réel, qui ne dure jamais bien longtemps. Dans la fureur verte qui habite la Commission, s’étend à la Banque centrale, et emporte le Parlement à rebours de la science qu’est l’écologie, rien n’est plus difficile que de garder le sens du réel, qui devrait pourtant être le propre des défenseurs du vivant — quoi de plus réel que la vie ?

    Le Green Deal tel que l’Union s’y engage soulève quatre questions, chacune d’elle suffisant à ruiner la prétention à l’exemplarité du projet et à condamner sa poursuite.

    La singularité des écosystèmes

    D’abord, la méconnaissance des singularités des écosystèmes qui est la condition de la concentration industrielle et de la globalisation — le rêve du produit unique au prix le plus bas commande l’artificialisation de tous les modes de vie, la négation de la géographie, du relief et du climat, au terme de cette sortie de la nature dont l’air conditionné est le symbole. La réalité du dérèglement climatique, la réalité des agressions chimiques et physiques, la réalité de perte de biodiversité, nulle part n’a des conséquences identiques, nulle part n’a les mêmes enjeux. Il n’y a pas dans le monde deux écosystèmes identiques.

    Ce qui signifie que nulle part, la lutte contre le dérèglement climatique ne peut se dérouler de la même manière — y compris parce que ici ou là, ce dérèglement se traduit par un refroidissement ou par une pluviométrie accrue. Ce qui signifie que les moyens de réduction du CO2 et d’autres gaz à effet de serre dans l’atmosphère ne sont pas partout identiques, ne serait-ce que parce que les conditions locales de captation-séquestration du carbone ne sont pas les mêmes entre le marais, la mangrove, et la plaine de grandes cultures.

     Dans nombre de pays, la réduction des émissions de CO2 n’a pas de sens, d’abord parce que ces pays sont très peu émetteurs (Afrique ou Amérique latine,), ensuite parce que certains pays nouvellement industrialisés ne sont pas responsables du stock de carbone accumulé par les pays « riches » dans l’atmosphère (la Chine pour sa part se classant désormais dans le camp des accumulateurs étant donné le niveau de ses émissions cumulées). La prétention des COP à répétition à imposer au reste du monde les mesures correctrices des excès des pays accumulateurs est un facteur majeur de la rupture qui se creuse entre « The West » et « The Rest » — et qui interroge le Green Deal sur le plan moral aussi bien que technique.

    Ajoutons que le dérèglement climatique est une preuve majeure des insuffisances du marché, et qu’ajouter un marché du carbone pour y pallier relève de la politique de Gribouille — le marché a des défauts, plus de marché les corrigera… Chacun appréciera la logique !

    Un délire bureaucratique

    Ensuite, le délire bureaucratique qui veut que la norme, la règle et les bureaux doivent tout gérer, tout conduire, tout diriger (1). Le dérèglement climatique tel qu’il est engagé se distingue certes par sa rapidité et son extension. Il met sous tension la capacité d’adaptation des sociétés humaines aux conditions climatiques et géographiques qui sont les leurs. Il ne l’annule pas. Dans l’histoire, ce n’est pas la fragilité des sociétés humaines aux changements du climat et du milieu qui s’impose, c’est au contraire leur capacité spontanée d’adaptation créatrice aux changements de leur milieu. Inutile de citer ces extrêmes que sont les Esquimaux dans leurs igloos et les Touaregs sous la grande tente, les exemples sont tout aussi bien près de nous de la Corse à l’Alsace et de la Bretagne aux Flandres.

    Matériaux locaux, modes de construction traditionnels, recettes locales, habillement et artisanat étaient autant de réponses adaptatives au milieu autorisées par des structures locales décentralisées et soutenues par les préférences collectives légitimées par la relative autonomie des territoires, réponses résilientes tant que le nombre d’habitants et leurs demandes n’excèdent pas la capacité de l’écosystème local à fournir les ressources et absorber les rejets — ce qu’un marché globalisé est incapable de réguler. Utilisant les capacités totalitaires du numérique, fondé sur la croyance infondée que ce qui est bon à Bruxelles est bon pour l’Europe, le Green Deal non seulement ignore l’intelligence adaptative des populations européennes autonomes, comme il ignore la pertinence des solutions traditionnelles d’adaptation au milieu et à ses évolutions, mais il les écrase au nom d’une unification forcée, si bénéfique aux multinationales et à des modèles managériaux et financiers ennemis de toute singularité. Et la fuite en avant dans la privatisation des biens communs et la prise de pouvoir des entreprises privées sur les Nations et les peuples est le contraire de ce que dictent l’expérience, la raison, et l’intelligence, et qui s’appelle localisme.    

    Le royaume des Fondations

    Encore, l’invraisemblable arrogance des solutions proposées, dictées par celles des ONG et des Fondations qui ont acquis le monopole des relations avec la commission européenne. Les évènements qui se succèdent depuis l’invasion russe de l’Ukraine ont totalement modifié la carte des approvisionnements en énergie de l’Europe. Selon sa situation géographique, ses choix énergétiques, les préférences de sa population, chaque pays européen tente d’associer choix de vie de ses citoyens, sécurité d’approvisionnement, et indépendance stratégique. Le pire ennemi de la sécurité et de l’indépendance énergétique européenne est aujourd’hui le choix du tout électrique. La naïveté avec laquelle l’Union endosse une campagne ourdie aux Etats-Unis pour détruire l’industrie automobile européenne est consternante mais révèle la panne stratégique dans laquelle l’Union enfonce l’Europe.

    De même que l’Union détourne le droit pour étouffer la voix des Nations, de même la fausse écologie est l’une des armes de destruction massive choisie par les ennemis de l’Europe ; la complicité permanente des « Verts » avec l’Etat profond américain, les pires errements du « woke » et des néo-cons en est l’expression permanente au Parlement européen. Ce choix place l’Union européenne sous la double dépendance de la Chine pour les matières premières (métaux rares, etc.) notamment dans le solaire et l’éolien, et des Etats-Unis pour le soft, tout véhicule devant devenir un smartphone à roues. Comment l’industrie automobile allemande et française, parmi les deux ou trois premières au monde, a-t-elle pu tomber dans le piège qui lui était tendu par de prétendus lanceurs d’alerte révélant des fraudes aux émissions qui étaient un secret de polichinelle dans l’industrie ?

    Comment l’Union a-t-elle pu entériner ce « sabotage industriel, ce grand saut dans le vide » que déplorait Luc Chatel, Président de la Plateforme automobile, en votant la fin de toute vente de voiture à moteur thermique en 2035 ? Ce choix malthusien a déjà tué la recherche de moteurs à très basses consommation, et condamne l’innovation en ce domaine. Pire encore, il ignore le fait que l’électricité est un vecteur énergétique et non une énergie ; elle procède toujours de sources premières qui vont de l’eau au nucléaire, du gaz au charbon et du solaire à l’éolien ou encore à la biomasse par la méthanisation.

    L’électricité n’a aucune vertu écologique propre, sinon celle de produire de la bonne conscience ; son emploi dissocie le lieu d’émission de CO2 de celui de la production d’énergie source ; au lieu de polluer au long de la route, une voiture électrique pollue quand la centrale à gaz ou charbon produit l’électricité qui charge ses batteries ! La fuite en avant vers le tout électrique traduit la confiance hors de propos dans la continuité d’approvisionnement et la solidité du réseau européen, mais aussi la mentalité des « anywhere » qui entendent ne rien subir des conséquences de leurs modes de vie — pourvu que la centrale soit loin de leur résidence…

    Vers un great Reset ?

    Enfin, le Green Deal est rien moins qu’innocent dans le « Great Reset » qui vide nos campagnes, détruit la vie, étrangle les PME, et livre le monde aux multinationales et aux monopoles numériques. Un « Green Deal » qui ne combat pas le pouvoir exorbitant des géants de l’agrochimie et ne démantèle pas la pieuvre de l’agro-industrie et la fausse science qu’elle diffuse n’a aucune légitimité. Un « Green Deal » qui n’affronte pas l’extension malthusienne des « Intellectual Property Rights » et ne traite pas la destruction des espèces endémiques par les usuriers du vivant et la liberté d’utiliser les semences de ferme hors catalogue fait le jeu des pires ennemis de la vie (que ceux qui veulent en savoir plus voient comment l’industrie américaine a détruit les semences du lupin, une céréale qui pouvait concurrence pour l’alimentation animale le soja, au point que le lupin ne subsiste presque plus qu’en Oural alors qu’il était cultivé partout en Europe !)

    Un Green Deal qui n’aborde pas les conditions de la concurrence, la demande de proximité territoriale et l’exigence de diversité adaptative des modes de production, des systèmes économiques et des régimes alimentaires, n’est que manipulation. L’origine des textes fait peu de doutes ; quelques ONG et Fondations ont écrit les propositions de la Commission européenne, sans transparence et sans contrôle, pour le compte de multinationales et de monopoles qui voient dans la réglementation environnementale orientée selon leurs souhaits un excellent moyen de modifier les conditions de la concurrence, d’imposer leurs intérêts au marché comme au consommateur et d’éliminer des concurrents.

    La taxonomie est le moyen d’imposer des contraintes administratives multipliées à des entreprises qui devront disposer des services spécialisés, coûteuses et hors de portée d’un grand nombre de petites entreprises pour y satisfaire. L’enfer des détails ne sert que la concentration des entreprises, et la mise sous tutelle des Nations et des Etats. Quant à la supercherie de la RSE, des indicateurs de qualité environnementale, il devient de plus en plus évident qu’ils servent non à protéger l’environnement et les citoyens des excès de la technique et des entreprises, mais à protéger les entreprises des dégâts qu’elles provoquent sur l’environnement et la vie des citoyens (une entreprise bien notée ne risque rien !) — et d’abord parce qu’elles ignorent superbement les biens communs, la qualité de la vie et les singularités locales (lire  » The perils and opportunities of ESG investing », Ron Ivey, American Affairs, Spring 2022).

    Le Green Deal est le résultat de l’expulsion des Européens des débats et des décisions de l’Union européenne, mise en place par des organisations complices, comme cette filiale de Bain Company, (cabinet de conseil américain) connue pour avoir sélectionné les « citoyens » consultés pour la Convention sur l’avenir de l’Europe sur la base de leur consentement au fédéralisme… Et comment accepter les prétentions écologiques de Blackrock, choisi pour « conseil » dans le « verdissement » des financements de l’Union, l’un des trois géants mondiaux de la gestion de capitaux, à ce titre coresponsable de la concentration des entreprises, de la constitution de monopoles et de la financiarisation des stratégies d’entreprise ?

    Cette escroquerie démocratique ouvre une voie royale au localisme, foyer de la vraie renaissance européenne, celle des particularités locales, régionales et nationales qui rendra à l’Europe les vrais moyens de son rayonnement ; la diversité de ses peuples, de ses cultures, et des systèmes qu’ils se donnent pour demeurer eux-mêmes, chez eux, dans le foyer que la nature leur offre.

    Hervé Juvin (Site officiel d'Hervé Juvin, 29 juillet 2022)

     

    Note :

    1 — Les travaux universitaires qui dénoncent l’inconsistance de la « RSE », des indicateurs « ESG » et autres créations de consultants et de financiers en quête de nouveaux territoires se multiplient aux Etats-Unis ; lire : « The perils and Opportunity of ESG investing », Ron Ivey, in American Affairs, Spring 2022.

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  • Instrumentalisation de l’immigration : la capitulation de l’Union européenne...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul Tormenen, cueilli sur Polémia et consacré à l'instrumentalisation des flux migratoires contre l'Union européenne.

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    Instrumentalisation de l’immigration : la capitulation de l’Union européenne

    Les flux migratoires ont pris une ampleur considérable en ce début de 21ème siècle. Les pays européens sont particulièrement vulnérables : le manque de contrôles aux frontières et un arsenal juridique favorable permettent en effet à de nombreux migrants clandestins d’entrer en Europe et de s’y maintenir. Les dirigeants de certains pays tiers l’ont bien compris et utilisent l’ouverture intermittente de leurs frontières pour faire pression sur les États européens et sur l’Union européenne.
    Pourtant, en dépit de l’usage répété de ce nouveau moyen de pression, l’Union européenne multiplie les obstacles aux mesures permettant aux pays européens agressés de se défendre. L’évolution possible du contexte politique dans les pays du sud de l’Europe pourrait bientôt changer la donne.

    Les différents aspects de l’instrumentalisation des flux migratoires par des pays tiers à l’U.E. abordés dans le présent article sont les suivants :

    1- L’instrumentalisation des flux migratoires, une nouvelle forme de conflit ;
    2- L’instrumentalisation des migrants, une pratique devenue courante ;
    3- L’instrumentalisation des migrants, une stratégie payante ;
    4- Le droit au service de l’immigration clandestine ;
    5- De nombreux pays européens ont renoncé à faire respecter leurs frontières ;
    6-Les évolutions envisagées dans le cadre du pacte européen sur l’asile et les migrations : un cautère sur une jambe de bois ;
    7- Un motif d’espoir : l’évolution possible du contexte politique dans les pays du sud de l’Europe.

    1- L’instrumentalisation de l’immigration, une nouvelle forme de conflit

    L’instrumentalisation des flux migratoires s’inscrit dans le contexte de l’émergence de nouvelles formes de conflits (cyberattaques, sanctions économiques, etc.), communément désignées sous le terme de « guerre hybride ». Le centre d’excellence pour la lutte contre les menaces hybrides rattaché à l’OTAN décrit une menace hybride comme une action « coordonnée et synchronisée et ciblant délibérément les vulnérabilités des États et des institutions démocratiques. (Les guerres hybrides) sont conduites à l’aide d’un large éventail de moyens et conçues pour rester en deçà du seuil de détection et d’attribution. (…) L’objectif est de saper ou de nuire à une cible en influençant sa prise de décision au niveau local, régional, étatique ou institutionnel » (1).

    Le conseil de l’Union européenne donne la définition suivante de l’instrumentalisation des migrants : « des situations dans lesquelles un pays tiers ou un acteur non étatique a (…) encouragé ou facilité le déplacement irrégulier de ressortissants de pays tiers vers (…) un territoire, afin que ceux-ci se rendent à la frontière extérieure des États membres ». (2)

    Le mode opératoire consiste précisément à provoquer un afflux massif et soudain de migrants clandestins dans un pays donné, dans l’objectif – non revendiqué officiellement – de faire pression sur les autorités de ce pays en désorganisant sa capacité de riposte et en saturant ses capacités d’accueil, afin d’en obtenir un bénéfice.

    2- L’instrumentalisation des migrants, une pratique devenue courante

    La question migratoire est particulièrement sensible en Europe. Depuis le début des années 2010, l’immigration extra-européenne y a pris une ampleur considérable, amenant une partie non négligeable de l’électorat à voter pour des partis politiques prônant un coup de frein à l’immigration tant légale que clandestine (3). Dans ce contexte, l’afflux plus massif et brutal qu’à l’accoutumée de migrants dans l’un des pays de l’Union européenne est surveillé avec attention par nos dirigeants. Certains chefs d’État de pays tiers ont bien compris le bénéfice qu’ils pouvaient en tirer.

    Les tentatives de déstabilisation des États européens par l’ouverture aussi brutale que temporaire des frontières aux migrants ont été nombreuses ces dernières années. On peut même dire qu’elles se multiplient, en dépit d’accords prévoyant un contrôle des départs des clandestins des pays qui utilisent un tel procédé. Nous n’en présenterons que six parmi les plus importantes.

    Le 2 mars 2020, le président de la République turque, R.T. Erdogan, brandissait la menace de l’arrivée de millions de migrants en Europe en ouvrant ses frontières avec la Grèce (4). Quelques jours plus tard, le 7 mars, il mettait sa menace à exécution. Des milliers de clandestins se massaient à la frontière entre la Turquie et la Grèce et pour certains d’entre eux, affrontaient les forces de l’ordre grecques (5). Plusieurs experts en géopolitique s’accordent sur le fait que R.T. Erdogan a amené les migrants à la frontière grecque pour faire pression sur l’Union européenne afin que celle-ci soutienne – ou à tout le moins ne condamne pas – ses opérations militaires menées dans la période en Syrie.

    Le 17 mai 2021, plusieurs milliers de migrants d’origine subsaharienne forçaient la frontière entre le Maroc et l’Espagne afin d’accéder au territoire de Ceuta, parfois en agressant des douaniers espagnols (6). Ces franchissements n’ont très certainement été possibles qu’avec le consentement tacite des autorités marocaines. Bien que non revendiquées officiellement, il s’agissait sans nul doute de représailles du gouvernement marocain, après que le gouvernement espagnol ait autorisé un leader du Front Polisario, militant pour l’autonomie du Sahara occidental, à se faire soigner en Espagne.

    Suite au détournement le 23 mai 2021 par le gouvernement biélorusse d’un avion de la compagnie Ryan Air à Minsk afin d’arrêter un dissident politique, l’Union européenne a durci à partir du mois de juin de cette même année les sanctions à l’encontre de la Biélorussie impactant plusieurs secteurs de son économie.

    La riposte des autorités biélorusses ne s’est pas faite attendre : elles ont rapidement organisé une offensive migratoire contre les pays voisins membres de l’Union européenne, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne. Des navettes aériennes ont ainsi acheminé depuis leur pays d’origine ou d’accueil (Turquie, Syrie, Irak, Liban, etc.) des milliers de migrants en Biélorussie, qui ont ensuite été poussés vers la frontière occidentale du pays. La réponse ferme des pays limitrophes et des démarches diplomatiques ont permis en fin d’année de « calmer le jeu » entre les parties concernées.

    En novembre 2021, le gouvernement chypriote constatait une hausse considérable du nombre de migrants arrivant sur l’île par rapport à l’année précédente (+38%) (7). Il accusait la Turquie de vouloir déstabiliser son pays et d’instrumentaliser les migrants en leur permettant de traverser la ligne de démarcation séparant l’ile. Le contentieux sur la reconnaissance de la partie turcophone de l’ile n’est très probablement pas étranger à cet afflux soudain de migrants essentiellement musulmans venant pour beaucoup de Turquie avec un visa étudiant.

    Depuis quelques mois, en dépit de l’accord entre l’Union européenne et la Turquie conclu en 2016, prévoyant notamment un contrôle et une contention des départs des migrants, le rythme des arrivées des clandestins en Grèce venus de Turquie a considérablement augmenté. Selon plusieurs observateurs, cette accélération fait suite aux déclarations du Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, devant le Congrès américain le 17 mai, sur les menaces et les violations de l’espace aérien et maritime grec venant d’un « pays tiers », une façon à peine voilée de pointer la Turquie (8).

    Début juillet 2022, le nombre des arrivées des embarcations clandestines parties d’Algérie sur les côtes espagnoles, à Almeria, a fortement augmenté. Selon le quotidien espagnol El Mundo, les autorités espagnoles s’attendaient à ce que le gouvernement algérien ne reste pas inerte suite à leur revirement sur la question du Sahara occidental, dans un sens favorable au Maroc (9). Un signe ne trompe pas : en juin, les autorités algériennes suspendaient la construction de murs destinés à empêcher les départs clandestins des côtes du pays vers l’Espagne (10).

    3- L’instrumentalisation des migrants, une stratégie payante

    L’instrumentalisation des migrants est très souvent une stratégie payante. Les concessions que doivent faire les États européens et l’Union européenne suite à des offensives migratoires lancées par des États tiers ne font bien évidemment pas l’objet d’une publicité tapageuse. Pour le pays hostile, il s’agit de garder cet atout en main afin de pouvoir le réutiliser. Pour l’État européen et/ou l’Union européenne ayant fait l’objet d’une manœuvre hostile, il s’agit de ne pas perdre la face en montrant sa faiblesse.

    C’est dans la modification aussi discrète que réelle des relations entre États à la suite de ces épisodes d’instrumentalisation de migrants que l’on peut percevoir leur efficacité , comme par exemple l’étrange complaisance de l’U.E. face aux multiples provocations du président turc, R.T. Erdogan, la position des autorités espagnoles soudainement plus favorable au gouvernement marocain au sujet de la question du Sahara occidental, etc.

    Si l’instrumentalisation des migrants a parfois des conséquences dramatiques pour certains d’entre eux, elle permet à d’autres de profiter de l’ouverture temporaire des frontières. Pour ne donner qu’un exemple parmi d’autres, l’offensive migratoire lancée par la Maroc en mai 2021 a permis à de nombreux de migrants d’entrer sur le territoire espagnol de Ceuta, d’y rester ou de gagner le continent européen.

    Outre les manœuvres de pays tiers, les pressions exercées contre des pays membres de l’Union européenne tirent leur efficacité d’un certain nombre de facteurs Parmi ceux-ci, on peut citer l’attractivité sociale et économique des pays européens, un droit excessivement favorable aux clandestins et le renoncement des pays européens à faire respecter leurs frontières.

    4- Le droit au service de l’immigration clandestine

    Les migrants clandestins ne seraient pas aussi déterminés à entrer dans les pays de l’Union européenne s’ils n’avaient pas bon espoir d’y rester. Pour ce faire, nombre d’entre eux font valoir leur droit à la protection au titre de l’asile ou de leur âge. Ils peuvent s’appuyer pour cela tant sur le droit communautaire que sur les conventions internationales (sur l’asile, la protection de l’enfance, etc.) ratifiées par les pays membres de l’Union européenne. La règle du non refoulement est fréquemment invoquée par les défenseurs des migrants clandestins pour qu’ils puissent pénétrer dans les pays de l’Union européenne et faire valoir ces droits. Et quand bien même les migrants sont déboutés de leur demande, la piteuse politique des pays européens de reconduite des clandestins dans leur pays leur assure fréquemment un maintien en Europe sans trop de soucis.

    5- De nombreux pays européens ont renoncé à faire respecter leurs frontières

    Étroitement corsetés par un droit excessivement favorable aux clandestins, incapables tant juridiquement que moralement de défendre l’intégrité de leur territoire, les pays européens et l’Union européenne ont cherché à sous-traiter la protection de leurs frontières. Mais ils ont par cela créé les conditions de leur propre dépendance et de leur asservissement. L’accord le plus connu à ce sujet est celui conclu à grand frais entre la Turquie et l’Union européenne en 2016.

    L’Union européenne a également noué des partenariats avec plusieurs pays africains d’où partent les clandestins (11). Des accords visant à éradiquer les réseaux de trafic de migrants et de traite d’êtres humains ont ainsi été conclus avec la Libye, le Maroc et la Tunisie. Il s’agit aussi plus officieusement d’empêcher les départs de bateaux clandestins des côtes de ces pays vers l’Europe. Ces pays bénéficient à ce titre d’importants subsides de l’Union européenne.

    L’Italie et l’Espagne ont également conclus des accords bilatéraux avec des pays d’Afrique du nord afin d’éviter les départs et d’intercepter les migrants se dirigeant vers leur pays. Cette externalisation du contrôle des frontières de l’Union européenne, qui permet de limiter le nombre des départs d’Afrique, fait l’objet de critiques véhémentes de la part de nombreuses O.N.G. et du lobby immigrationniste (12).

    6- Les évolutions envisagées dans le cadre du pacte européen sur l’asile et les migrations : un cautère sur une jambe de bois

    Compte tenu des compétences partagées avec les États en matière migratoire, l’Union européenne apporte t-elle des solutions aux pays victimes d’offensives migratoires organisées par des pays tiers ?

    L’exemple de l’offensive migratoire menée par la Biélorussie en 2021 est très révélatrice à ce sujet.

    Alors que la Pologne déployait l’armée pour stopper les milliers de migrants poussés par les autorités biélorusses, la Commission européenne proposait le renfort du corps de garde-frontières Frontex. Les autorités polonaises ont purement et simplement décliné cette proposition. La raison ? Elles ne voulaient que des « observateurs des droits fondamentaux » de l’agence européenne vienne accumuler des preuves de la violation du principe de non refoulement. Les efforts de la commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, visant à ce que la pratique des douaniers polonais aux frontières soit « conforme avec l’acquis communautaire » ont été vains. « La commissaire Johansson a échoué à convaincre la Pologne sur les refoulements », titrait le site d’information Euractiv le 1er octobre 2021 (13). Il faut pourtant être aveugle pour ne pas voir que l’application de la règle du non refoulement aboutit à céder aux manœuvres des États hostiles.

    Les évolutions envisagées dans le cadre du pacte européen sur l’asile et les migrations donnent-elles des raisons d’espérer ? Les dispositions adoptées lors de la réunion du Conseil de l’Union européenne à Luxembourg le 10 juin 2022 permettent d’en douter (14).

    Dans le nouveau cadre juridique qui doit poursuivre son processus d’adoption, un État peut-il se prévaloir seul d’être victime d’une offensive migratoire pour appliquer des règles plus restrictives d’accès à son territoire ? « l’État membre concerné […] devrait examiner si le Conseil européen a reconnu que l’Union ou l’un ou plusieurs de ses États membres sont confrontés à une situation d’instrumentalisation de migrants ».

    Les frontières du pays agressé pourront-elles être étanches ? «  Les États membres, en particulier dans un cas d’instrumentalisation des migrants, lorsque des ressortissants de pays tiers tentent, en masse, de forcer l’entrée par des moyens violents, peuvent prendre les mesures nécessaires pour préserver la sécurité et l’ordre public. […] Ces limitations et mesures devraient […] être appliquées de manière à garantir le respect des obligations liées à l’accès à la protection internationale, en particulier le principe de non-refoulement ».

    Les demandes d’asile seront-elles suspendues dans un tel contexte ? Aucunement. Leur dépôt pourra se faire à des points d’enregistrement précis situés à proximité de la frontière, notamment à des points de passage frontaliers officiels, et dans des délais plus longs.

    Chacun appréciera le peu de résistance que l’Union européenne permet aux pays européens aux offensives migratoires organisées à leur encontre. On peut à ce sujet parler d’une reddition en pleine campagne, à laquelle le gouvernement polonais a courageusement résisté.

    7- Un motif d’espoir : l’évolution possible du contexte politique dans les pays du sud de l’Europe

    Dans un tel contexte, c’est dans la résistance des pays au dogme immigrationniste que l’on peut trouver des motifs d’espoir. Depuis que le gouvernement conservateur est en place, les autorités grecques pratiquent sans le revendiquer de nombreux refoulements de clandestins se dirigeant vers son territoire par la mer Egée (15). Les changements politiques qui pourraient intervenir prochainement en Espagne et en Italie sont également susceptibles de changer la donne dans ces pays.

    En Espagne, le gouvernement multiplie les mesures favorables aux clandestins (régularisations, etc.) Mais, à un an et demi des élections législatives, les socialistes au pouvoir ont connu en juin de cette année une sévère défaite lors de l’élection au parlement andalou. Cela laisse augurer une alternance politique dans le pays moins favorable à l’immigration clandestine, fin 2023.

    Les perspectives d’un changement politique majeur sont plus proches en Italie. Suite à la démission de Mario Draghi du poste de premier ministre, des élections vont être organisées à l’automne et des partis farouchement opposés à l’immigration clandestine, La Lega et surtout Fratelli d’Italia, pourraient bien les remporter.

    L’accession au pouvoir de partis politiques résolument opposés à l’immigration clandestine serait une très mauvaise nouvelle pour les gouvernements des pays qui souhaitent lancer de nouvelles offensives migratoires en Europe. Plus que jamais, la situation politique dans ces pays en première ligne conditionnera la résistance à ces guerres qui ne disent pas leur nom. Mais au-delà de ces perspectives, les dirigeants des pays européens ne pourront pas faire l’économie d’une profonde refonte de tout l’arsenal juridique qui permet à l’immigration clandestine d’atteindre l’ampleur insensée qu’elle a actuellement.

    Paul Tormenen (Polémia, 27 juillet 2022)

     

    (1) « Le concept de guerre hybride : origines, application, contre-action ». Geoplitika.ru. 21 novembre 2021
    (2) « Code frontières Schengen: le Conseil adopte son orientation générale ». Communiqué de presse du Conseil de l’U.E. 10 juin 2022
    (3) « L’Invasion de l’Europe – Les chiffres du Grand Remplacement » : la preuve par les faits ». Polémia. 4 décembre 2020
    (4) « Erdogan menace l’Europe de « millions » de migrants ». Le Point. 2 mars 2020
    (5) « Turquie : des milliers de migrants se massent à la frontière avec la Grèce ». Le Parisien. 1er mars 2020
    (6) « Espagne. Près de 6 000 migrants arrivés en moins de 24 heures à Ceuta depuis le Maroc ». Breizh Info. 18 mars 2021
    (7) « Chypre veut suspendre les demandes d’asile ». Infomigrants. 12 novembre 2021
    (8) « Les tensions entre la Turquie et la Grèce aboutissent à une rupture du dialogue ». Econostrum. 24 mai 2022
    (9) « Argelia cumple su amenaza y empieza a inundar de pateras las costas españolas ». El Mundo. 1er juillet 2022
    (10) « Argelia paraliza la construcción de los muros de contención de salida de ilegales a España ». La Gaceta de la Iberosfera. 15 juin 2022
    (11) « Joint communication to the European Parliament, the European Council and the council. Migration on the Central Mediterranean route Managing flows, saving lives ». Commission européenne. 25 juillet 2017
    (12) « Externalisation des frontières de l’Union européenne ». Pour la solidarité. Juillet 2020
    (13) « Commissioner Johansson failed to convince Poland on pushbacks ». Euractiv. 1er juillet 2021
    (14) « Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2016/399 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes ». Conseil de l’Union européenne. 9 juin 2022
    (15) « En 2021, une ONG comptabilise 629 cas de refoulements illégaux dans les îles grecques ». Infomigrants. 7 janvier 2022

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