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pouvoir - Page 3

  • Régis Debray : "Il faut toujours une verticalité..."

    Nous reproduisons ci-dessous certains propos de Régis Debray, tenus dans le cadre d'un échange organisé par le quotidien Le Monde, avec Olivier Py et Denis Podalydès, à propos de la représentation et de la figuration du pouvoir aujourd'hui. Le texte de ce débat a été publié dans le numéro daté du 5 mars 2011.

     

     

     

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    Sur Sarkozy et la représentation de la fonction présidentielle :

    "Les mots-clés sont lâchés : vitesse, corps-à-corps, court-circuit. Avec l'enfant de la télé, l'ancien blouson doré de Neuilly, la société du spectacle a cédé la place à la société du contact. Plus de formes ni de protocole. Nous avons un pouvoir qui tutoie, et qu'on tutoie. "Casse-toi, pauvre con !" On est passé de la queue-de-pie au tee-shirt. Il faut que le chef soit tout le monde. Marketing oblige. Il faut qu'il soit en prise directe avec l'émotion du jour. On surfe, on virevolte, on bouge avec tout ce qui bouge. C'est l'Etat-Kodak, clic-clac. Une suite d'instantanés.

    D'où l'inconstance des positions, et l'inconsistance des personnages. Le plan de vol, c'est le bulletin météo. Ça change tous les jours. C'est la fin de ce que l'historien Ernst Kantorowicz appelait "les deux corps du roi". Le corps physique, éphémère. Et ce que ce corps incarne, un principe immuable. En voyant de Gaulle, on voyait la France au travers, en voyant Gambetta, j'imagine qu'on voyait la République. En voyant Sarkozy, on ne voit plus que lui, et c'est le drame. La télévision empêche de voir double, me direz-vous. Soit. Mais la mystique manque. Il y a trop de corps.

    C'est la rançon du direct, du live. Le tout à l'image, c'est le tout à l'ego. Avec la séquence des présidents depuis cinquante ans, vous voyez le lent déclin du symbole et l'avènement de la trace. Prenons 1958, de Gaulle, grand écrivain et mémorialiste ; Pompidou, prof de lettres ; Giscard rêvant à Maupassant ; Mitterrand grand liseur, encre bleue, et belle plume ; Chirac se tourne vers les arts premiers, mais donne encore du maître à l'écrivain ; Sarkozy embrasse Johnny Hallyday."

     

    Sur la désacralisation de la fonction présidentielle :

    "Nos présidents vivent dans une "extimité" permanente : leur intimité ne cesse d'être mise en scène. Le dédoublement entre la personne et la fonction était l'essence même du sacré politique. La personne est plus petite que la fonction, le "moi je" s'efface devant le "il" ou le "nous". Charles disparaît sous de Gaulle. On n'en parle pas.

    Nous n'avons plus une scène de théâtre où l'on joue en différé, mais un studio de télévision où l'on passe en direct. L'Elysée est un plateau de télé-réalité et l'on a vu cette chose extraordinaire dans Paris Match, montrant Nicolas Sarkozy, dans le fauteuil du général de Gaulle, la main sur la cuisse de sa femme assise sur ses genoux. Plus de hiatus entre la chambre à coucher et le bureau présidentiel, entre l'intime et l'officiel. Loft Story ou love Story ?"

     

    " La technologie commande, oui, nous sommes d'accord. Peinture, photographie, cinéma, télévision et Internet changent la focale et le tempo du pouvoir. Mais tout de même, être à la tête d'un pays, maîtriser des situations, c'est savoir se mettre hors-jeu, au-dessus. La maîtrise n'allait jamais sans distance. Sans un certain laconisme, voire une certaine capacité d'absence. Le chef est calme, voire indifférent, comme Mitterrand. Les compagnons de captivité du capitaine de Gaulle disaient qu'ils ne l'avaient jamais vu sous la douche !

    Il y avait chez de Gaulle un art de la dissimulation et de la disparition, et donc de l'apparition au bon moment. Aujourd'hui, le frère a remplacé le père et l'on gouverne par la proximité. Par sauts et gambades. En sautillant, en s'agitant. Résultat : du pouvoir, oui, mais sans autorité. Le dernier seul vrai pouvoir d'un président, où il ne fait pas semblant, est celui de nommer. La Cour est donc fascinée, terrorisée et obséquieuse - la danse devant le buffet a un arbitre suprême, qui peut vous nommer ou non à la tête d'un ministère, d'une entreprise publique, d'une ambassade. L'intimidation est là. Mais elle concerne 2 000 personnes. Les autres, nous tous, on s'en fout et on a bien raison."

     

    " On est passé de l'Etat éducateur à l'Etat séducteur. Aujourd'hui, un homme d'Etat n'est plus celui qui élève, c'est celui qui cajole. Il n'exalte pas, il accompagne. Denis Podalydès évoque bien le rajeunissement du pouvoir ; il y a un côté adolescent chez Sarkozy, sans doute sympathique parce que pulsionnel. C'est l'indice d'un nouveau monde. Inutile de raisonner à partir du Napoléon en César ou du de Gaulle en général. Ils parlaient derrière une table, assis. Sarko est debout derrière un pupitre.

    C'est le modèle Maison blanche. Sarkozy est obsédé par les Etats-Unis. Il veut faire américain, ou moderne, comme il dit. On aura donc à Versailles le discours de l'Union où le président s'adresse au Congrès réuni. C'est encore du vu à la télé. La France colonisée n'arrive plus à produire ses propres normes de représentation, étant entendu que les jeunes leaders socialistes ne sont pas moins aliénés que les autres."

     

    Pouvoir, autorité et verticalité :

    "Le chef révolutionnaire tient son pouvoir des armes. Il a côtoyé la mort. Ce qui l'autorise ensuite, pense-t-il, à la donner. La guerre ne pousse pas à la démocratie. Fidel Castro et le Che, ce sont d'abord des ducs, des condottiere, des conspirateurs en uniforme. Avec eux, on est ramené aux sources archaïques du pouvoir, qui ont leur vérité. Mitterrand aussi a fait l'expérience de la guerre, ce qui l'a changé."

    "Pour qu'une parole soit performative dans le tohu-bohu, elle doit se faire rare, et peser. Le comble de l'autorité, c'est le laconisme. Le Che, puisqu'on en parlait, était remarquablement silencieux. Un distant qui en imposait par sa distance. Il en était conscient et disait qu'il faisait de vice vertu. "Je suis timide et asthmatique. Je n'ai aucun don de communication, aucun don "de gente"", disait-il. De cette faiblesse, il a bien fallu faire une force. Et cette introversion lui donnait un ascendant sur la troupe. C'était assez insolite en contexte latino. Argentin, très européen, le Che gardait une culture littéraire, avec Neruda dans son sac à dos, quand Fidel Castro était l'oralité en geste."

    "Heureusement qu'il y a des invariants, mais aujourd'hui, l'ascendant symbolique s'est évanoui, le respect devient impossible. On ne peut que saluer des performances d'acteur ou de bateleur. On remplace le relief par le réseau et on met tout à plat. Mais il faut toujours une verticalité, sinon l'horizontal se fragmente, s'atomise. Et vous n'avez plus un collectif, une société, une nation, mais un puzzle d'intérêts et de clientèles où chacun est étranger à son voisin. L'écroulement symbolique, c'est le chacun pour soi et personne pour tous. C'est seulement ce qui nous dépasse qui nous rassemble. Là où rien ne dépasse, rien ne rassemble. Et la vraie tragédie, c'est que le pouvoir est devenu une comédie."

    Régis Debray (propos recueillis par Nicolas Truong, Le Monde, 5 mars 2011)

     

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  • Le règne des oligarchies...

    Les éditions Plon viennent de publier Le règne des oligarchies, un essai de l'économiste non-conformiste Alain Cotta, par ailleurs partisan résolu de l'abandon de l'euro.

     

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    "Les oligarchies concentrent partout l’essentiel des pouvoirs : économiques, politiques et sociaux. Elles sont constituées partout des mêmes individus : dirigeants des grandes entreprises, titulaires des grandes et très grandes fortunes, militaires de haut grade et personnages politiques désormais indissociables des propriétaires des médias en tous genres.
    Toutes les nations actuelles, à commencer par la plus puissante d’entre elles, les Etats-Unis, donnent l’exemple aux Nations émergentes, la Chine en tête, et sont gouvernées par guère moins de 1 % de leur population. Elles sont souvent abritées de la contestation populaire par leurs réseaux officieux et leurs moyens financiers, la complicité des médias et, peut être plus encore, la passivité croissante des individus ayant acquis ou recherchant un niveau de vie qui détruit l’ambition, ce qui laisse le champ libre aux névrosés de l’argent, du pouvoir et de la gloire. L’arraisonnement de l’homme par l’homme est intime à notre condition biologique actuelle."

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  • La Révolte des croquants

    Quand le peuple se révolte, uni autour de chefs qu'il s'est librement choisi, le pouvoir peut trembler...

    Le livre de Jacques Dubourg, La révolte des croquants, publié aux éditions Sud-ouest, revient sur une de ces révoltes qui a vu la population du Périgord se dresser en 1637 contre le pouvoir royal qui l'accablait d'impôts.

    Les croquants... un beau nom !

     

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    "Le Périgord a été au XVIIe siècle le théâtre d’un mouvement populaire hors du commun : la révolte des croquants.


    Cet ouvrage rassemble des données souvent peu connues sur la trentaine de chefs croquants dont les traces ont pu être retrouvées.

    La révolte des croquants, soulèvement paysan né en 1637 à la suite de nouvelles impositions, a mobilisé des milliers d’hommes et pris une énorme ampleur. Il a entraîné la mise sur pied d’une véritable armée et inquiété le pouvoir royal qui craignait une extension dans toute la Guyenne.


    La force de ce mouvement n’a été rendue possible que grâce à la qualité de ses chefs. Appartenant à diverses couches de la société, ces hommes, tels que La Mothe La Forest, Madaillan, d’Esparbès, Buffarot, Pineau, Grellety et bien d’autres, ont réussi à remporter  des succès face aux forces royales. Ils ont occupé une ville comme Bergerac, mais ont dû finalement abandonner la partie devant la supériorité numérique et matérielle de leurs adversaires."

     

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  • Mais où se trouve le pouvoir ?...

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    Dimanche 28 novembre 2010, à 23 heures, les animateurs de l'émission Méridien zéro, sur RBN (Radio Bandera Nera) reçoivent Emmanuel Ratier, le responsable de la lettre d'informations Faits et documents, spécialiste des réseaux et des lobbies.

    L'émission peut être écoutée en direct, puis en différé, sur le site de Méridien zéro.

    Il est possible de s'abonner à lettre d'Emmanuel Ratier sur le site de Faits et documents.

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  • Le nouvel impérialisme...

    Les éditions Les Prairies ordinaires viennent de publier Le nouvel impérialisme, un ouvrage de David Harvey, professeur de géographie à la faculté de New York et figure de la gauche radicale américaine. Dans ce livre, qui regroupe trois conférence prononcées à Oxford en 2003, il étudie sous le triple angle de la théorie, de l'histoire et de l'actualité, le lien dynamique qui existe dans l'impérialisme entre le pouvoir économique et le pouvoir politique. Une analyse intéressante, notamment pour ce qui concerne l'accumulation par dépossession des ressources naturelles...   

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    "Les guerres d'Afghanistan et d'Irak ont obligé la gauche mondiale à élaborer de nouvelles manières d'analyser et de combattre l'impérialisme. Mais David Harvey montre dans ce livre que, outre cette dimension spectaculaire et violente, qui laisse à penser que la main invisible du marché a plus que jamais besoin d'un gant de fer, l'impérialisme procède de logiques qui déterminent aussi notre quotidien de manière diffuse. Ce que l'auteur appelle l' "accumulation par dépossession" consiste en une répétition nécessaire du processus d'accumulation primitive jadis observé par Marx : le capitalisme financier entraîne en effet la privatisation accélérée des biens communs (terre, forêts, eau, savoirs traditionnels...) et des services publics ( énergie, logements, transports, santé...). David Harvey montre qu'en réalité l'impérialisme capitaliste procède de deux logiques, l'une économique, l'autre politique, qui s'articulent et s'affrontent pour développer des stratégies de domination dans le temps et dans l'espace. Quelles sont les relations entre les dépenses astronomiques du Pentagone et le déclin économique relatif des Etats-Unis ? Washington fait-il reposer de plus en plus son hégémonie mondiale sur le facteur militaire ? Comment l'Amérique compte-t-elle résister à la montée en puissance de l'Asie de l'Est et du Sud-Est ? L'occupation de l'Irak marque-t-elle une première étape de ce conflit planétaire ?... Pour répondre à ces questions, l'auteur combine de façon originale une triple approche théorique, historique et conjoncturelle. Il explique ainsi comment l'impérialisme reconfigure en permanence les liens entre expansion économique et domination territoriale ; il le situe dans la longue durée et le montre à l'oeuvre, sous nos yeux, en ce début du XXIe siècle. David Harvey est le chef de file mondial de la "Radical Geography". Professeur à l'université de New York, il est notamment l'auteur de Paris, Capital of Modernity."

     

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  • La nature du pouvoir...

    L'historien italien Luciano Canfora, spécialiste de l'antiquité et auteur d'une biographie de César intitulée Le dictateur démocrate, publie chez Les Belles Lettres un ouvrage de réflexion polémique sur la démocratie, intitulé La nature du pouvoir. Il dénonce, en particulier, l'existence, derrière le paravent démocratique, de groupes oligarchiques qui détiennent la réalité du pouvoir...

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    "Le livre fait se croiser des mythes classiques avec des événements et des personnalités de l'histoire contemporaine, en une démarche cohérente et raffinée. Se saisissant de Périclès, Staline, Démosthène, Napoléon et beaucoup d'autres, Canfora propose une vision de l'antiquité grecque et romaine qui forge des archétypes valables en tout temps, et aide à la compréhension de la dynamique politique contemporaine.
    Son analyse commence par une question - où est le pouvoir ? Est-il véritablement incarné par des personnalités publiques connues de tous ou par d’autres cachées, invisibles ? Et, par conséquent, où nous mène l’affirmation de l'existence d'une dichotomie entre un pouvoir visible et un pouvoir occulte. C'est-à-dire, d’un côté, il y aurait la liturgie "de la démocratie», avec tous les styles, de propagande, de dialectique et de célébration des élections législatives, et de l’autre, le pouvoir des lobbyistes et d’une élite privée. Le principe qui imprègne la voie tracée par Canfora est que chaque État, qu’il soit tyrannique ou démocratique, est fondé sur la force et est, comme Gramsci l’a écrit dans son essai sur la mort de Lénine, «dictature». En outre, ajoute notre auteur, sous quelque forme de gouvernement et même en démocratie, le pouvoir réel est caché de la plupart des gens et est arbitré dans les coulisses, loin des projecteurs de la scène de la politique officielle, par certaines minorités mues par des intérêts particuliers .
    Par conséquent, en citant la critique de la démocratie de Ugo Spirito, Canfora déclare qu '«il n’existe pas de régime démocratique, mais qu’il existe autant de types de démocraties qu'il y a de minorités capables de guider les majorités » : démocraties ploutocratique, démocraties cléricales, démocraties militaires, démocraties syndicalistes, jusqu’à un produit contemporain typiquement italien, la démocratie fondée sur la parole télévisuelle et la transformation du citoyen en "objet-consommateur-frustré» (pp. 62-63). La tyrannie, note Canfora, ne diffère pas beaucoup de ces démocraties élitistes : en effet, que ce soit un régime tyrannique ou démocratique, le pouvoir est de plus en plus la domination de quelques-uns sur tous. Les tyrans, dit l'auteur, ne sont pas des personnages isolés que la cupidité, l'ambition personnelle ou un désir effréné du pouvoir a conduit à dominer les autres. Ils sont plutôt le résultat et l'expression d'une élite - sociale, financière ou militaire qui le détient, et qui, en grande partie, l’utilise pour poursuivre ses intérêts particuliers. C'est pourquoi le tyrannicide continue Canfora, est totalement inutile et se révèle souvent contre-productif. « Le vrai problème est que le tyran est une invention, une création politico-littéraire. »
    Quand sa puissance se révèle durable, on doit raisonnablement admettre que le «tyran» (terme imprécis et hyperbolique) a un poids plus ou moins grand sur la société. Donc le problème est de le vaincre politiquement et non de détruire l'individu. Le Tyrannicide est, à bien y regarder, un sous-produit du «culte de la personnalité», de l’évaluation disproportionnée d’une seule personne (p. 52).
    A l’appui de sa thèse, Canfora cite deux exemples classiques du tyrannicide: le meurtre d'Hipparque, qui est devenu un mythe fondateur de la rhétorique démocratique athénienne, et le complot contre Jules César. Dans les deux cas, l'élimination physique du tyran présumé n'a pas comblé les attentes des conspirateurs, ni n’a permis à l'état de revenir aux conditions sociales et politiques qui ont précédé le début de la tyrannie. Lire l'essai de Canfora semble suggérer que la figure du tyran ne doit pas être considérée toujours et nécessairement comme «négative», de même que la démocratie parlementaire, en tant que forme possible d'une élite, ne doit pas être considérée toujours et nécessairement comme «positive» . C'est un argument fort, à bien des égards problématique, qui a donné et continuera de donner lieu à des réactions et des débats, et qui, par conséquent, a le mérite de stimuler, une fois de plus, la réflexion et l'échange d'idées."
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