Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

otan - Page 5

  • Russie, Ukraine, OTAN : l’Europe en danger ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous Le samedi politique de TV Libertés, diffusé le 29 janvier 2022 et présenté par Élise Blaise, qui recevait Caroline Galactéros, pour évoquer la crise ukrainienne.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

                                                

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Géopolitique, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Héléna Perroud cueilli sur Geopragma et consacré à l'élargissement de l'OTAN face à la Russie. Russophone, agrégée d'allemand, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg et ancienne collaboratrice de Jacques Chirac à l'Elysée, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

     

    OTAN_Ukraine_Russie.jpg

     

    La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN      

          Ces dernières semaines, à la faveur des tensions grandissantes de part et d’autre de la frontière entre l’Ukraine et la Russie, il est beaucoup question de malentendus, de promesses non tenues, de trahisons. Du moins c’est ainsi que les autorités russes, Poutine en tête, expliquent leur manque de confiance envers les Européens et les Américains. C’est ainsi qu’ils expliquent la nécessité impérieuse pour eux d’avoir aujourd’hui une garantie écrite sur, entre autres, le non-élargissement des frontières de l’OTAN.

          Quel que soit le regard que l’on porte sur le maintien du président russe à son poste depuis deux décennies, que l’on considère qu’il usurpe le pouvoir en refusant de passer la main ou qu’il l’assume dans une phase de transition, une chose est certaine : il a une connaissance profonde des dossiers et surtout la mémoire des hommes et des situations qu’aucun de ses homologues occidentaux ne peut avoir. Que l’on y songe ; depuis 2000 Poutine a eu comme interlocuteurs cinq présidents américains, quatre présidents français, trois chanceliers allemands… Et, malgré les assurances et les engagements des uns et des autres, depuis qu’il est aux affaires, il a été le témoin de quatre vagues d’élargissement de l’OTAN sur le continent européen. En 2004 les trois pays baltes, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie ; en 2009 l’Albanie et la Croatie ; en 2017 le Monténégro et en 2020 la Macédoine du Nord. Avant cela, alors qu’il était à la tête du FSB, il avait vu en mars 1999 les premières adhésions à l’OTAN de pays autrefois membres du Pacte de Varsovie : la République tchèque, la Hongrie et la Pologne.

          Il est intéressant de revenir sur les engagements pris par les Américains et les Européens à l’époque charnière de la réunification des deux Allemagne et de la chute de l’URSS. Les images d’archives du début des années 1990 sont très fréquemment montrées ces dernières semaines à la télévision russe. L’opinion russe est nourrie de ces événements. Les dirigeants du pays s’y réfèrent sans cesse ; derniers en date, les propos de Poutine sur ce sujet, en réponse à une journaliste de Sky News lors de sa conférence de presse annuelle du 23 décembre dernier, circulent beaucoup sur les réseaux sociaux. « Vous, Occidentaux, vous nous avez abreuvés de belles paroles », dit-il en substance, « et n’avez tenu aucun de vos engagements. C’est pourquoi nous exigeons maintenant et sans délai un engagement écrit ».

          Les propos « historiques » les plus connus sur le non-élargissement de l’OTAN à l’Est sont ceux de James Baker, secrétaire d’État américain auprès de George Bush père. Lors d’une entrevue avec Gorbatchev à Moscou le 9 février 1990 il avait dit ceci (source : procès-verbal de la rencontre) : « Nous comprenons que non seulement pour l’URSS mais aussi pour les autres pays européens il est important d’avoir des garanties que, si les États-Unis conservent leur présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, la présence militaire de l’OTAN ne se déplacera pas d’un pouce en direction de l’Est. Nous considérons que des consultations et des discussions dans le cadre du format « deux plus quatre » doivent garantir qu’une Allemagne réunifiée n’entraînera pas un élargissement vers l’Est de l’organisation militaire de l’OTAN. »

          Le lendemain le chancelier Kohl rendait visite à Gorbatchev pour essayer de persuader les Soviétiques de ne pas faire obstacle à une réunification rapide de l’Allemagne. En tête à tête il avait affirmé à son homologue russe (source : archives russes sur « Gorbatchev et la question allemande ») : « Nous estimons que l’OTAN ne doit pas étendre sa sphère d’influence. Il faut trouver là une régulation raisonnable. Je comprends les enjeux en termes de sécurité de l’Union Soviétique et j’ai bien conscience que vous, Monsieur le Secrétaire général, et les autorités soviétiques vous allez devoir expliquer tout ce qui est en train de se passer de manière précise à la population de l’URSS. »

          Quelques mois plus tard, le 25 mai 1990 le président Mitterrand rencontrait en tête à tête son homologue russe et faisait part de la même compréhension à l’égard des impératifs de sécurité de ce qu’était encore à l’époque l’URSS (même source que précédemment) : « Bien sûr se pose la question des alliances. J’aimerai savoir ce que vous pensez de l’avenir de l’OTAN et du Pacte de Varsovie. Personnellement je ne vois aucune possibilité d’interdire à l’Allemagne de faire son choix une fois qu’elle sera réunifiée et aura pleinement retrouvé sa souveraineté. Toutefois il est indispensable d’exiger d’elle des garanties avant que cela ne se produise. Je pense qu’une fois le processus de réunification achevé personne ne pourra interdire à l’Allemagne d’aller au bout de ses intentions… J’ai parfaitement conscience que la réunification de l’Allemagne, son adhésion à l’OTAN vous créent de très grands problèmes. J’ai moi aussi des difficultés à cet égard mais d’une autre nature. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de créer les conditions de votre sécurité et les conditions de la sécurité de l’Europe dans son ensemble. C’est cet objectif que je poursuis en proposant mon idée de confédération européenne. Elle rejoint votre concept d’édification de la maison commune européenne…. Il ne faut rien entreprendre qui puisse non seulement isoler l’URSS, mais qui puisse lui donner le sentiment que l’on cherche à l’isoler. Je souligne qu’à la fin des fins la question de l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN n’est pas archi urgente. D’autant que la RFA est déjà membre de l’OTAN. »

          On connaît la suite des événements. A l’automne 1994, les États-Unis choisissaient une tout autre voie. Le 29 septembre 1994, lors d’un déjeuner informel entre Bill Clinton et Boris Eltsine, en visite aux États-Unis, le président américain dit sans ambages à son invité russe : « L’OTAN va s’étendre mais les délais ne sont pas fixés pour le moment. Nous voulons continuer à avancer. Mais pour rien au monde je n’utiliserai ce processus contre vous. L’élargissement de l’OTAN n’est pas dirigé contre la Russie… Je ne veux pas que vous pensiez que chaque matin je me réveille avec une seule idée en tête : comment faire adhérer les pays du Pacte de Varsovie à l’OTAN – j’ai une tout autre vision des choses. Je réfléchis à la manière d’utiliser l’élargissement de l’OTAN pour arriver à un niveau de sécurité plus élevé, plus élaboré dans une Europe unifiée et intégrée – cet objectif, je sais que vous le partagez aussi. » (source : James Goldeier : « Promises made, promises broken ? what Yeltsin was told about Nato in 1993 and why it matters » – warontherocks.com 12 juillet 2016)

          Dans un pays qui définit la notion de sécurité comme « absence de danger » (« bezopasnost » en russe), pour qui le danger est donc premier, qui a une mémoire vive des invasions mongoles, napoléoniennes et nazies, dont le budget militaire est aujourd’hui 13 fois inférieur à celui des États-Unis et dont la population est trop peu nombreuse par rapport à sa surface – à peine 146 000 000 habitants pour 25 fois la superficie de la France, en déclin fort ces deux dernières années, et pas seulement sous l’effet de la pandémie, mais pour des raisons structurelles liée à la crise profonde des années 90 – il est certain que l’exigence de garanties est primordiale. Il serait peut-être grand temps de considérer « la menace russe » aussi sous cet angle.

    Héléna Perroud (Geopragma, 24 janvier 2022)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Requiem pour le monde occidental...

    Les éditions Eyrolles viennent de rééditer au format poche, dans une version actualisée, un essai de Pascal Boniface intitulé Requiem pour le monde occidental - Etats-Unis/Europe : partenaires ou vassaux ?, publié initialement en 2019. Directeur-fondateur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), Pascal Boniface est l'auteur de nombreux ouvrages consacrés aux relations internationales et à la géopolitique.

     

    Boniface_Requiem pour le monde occidental.jpg

    " Durant la guerre froide, le bloc occidental, opposé au bloc communiste dont il craignait l'expansionnisme asservissant, était une entité géopolitique cohérente qui menait un combat justifié pour préserver sa liberté.

    Mais aujourd'hui, le concept de monde occidental est-il encore pertinent ? Continuons-nous à être guidés par les mêmes valeurs que les États-Unis ? L'OTAN a-t-elle pour objectif de nous préserver contre la menace ou de l'entretenir artificiellement, afin de maintenir l'Europe dans un état de dépendance à l'égard de Washington ? Par leur comportement hégémonique, les États-Unis ne sont-ils pas autant source d'insécurité que de sécurité ?

    Cet ouvrage salutaire appelle à revisiter les liens transatlantiques, historiquement dépassés, mais savamment entretenus par suivisme et par aveuglement. Après les outrances de Trump, Biden, en se retirant d'Afghanistan sans prévenir ou en cassant le contrat des sous-marins australiens obtenu par la France, a montré qu'il ne considérait pas les alliés comme de vrais partenaires. Les

    Européens vont-ils se réveiller ou vont-ils demeurer dans un état de somnambulisme stratégique ? "

    Lien permanent Catégories : Livres 0 commentaire Pin it!
  • Europe, Ukraine, Biélorussie, Caucase, Moyen-Orient : la France hors-jeu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à la médiocrité de la politique étrangère française.

    Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

    Macron_Pfue.jpg

    Europe, Ukraine, Biélorussie, Caucase, Moyen-Orient : la France hors-jeu

    A quelques semaines de l’inauguration de la présidence française de l’Union européenne, force est de constater que notre politique étrangère est plus mal en point que jamais. C’est le résultat d’une posture entêtée de déni du réel, d’une persistance suicidaire dans une vision vassalisée et dogmatique des nouveaux équilibres du monde, et d’une réduction de l’activité diplomatique à de la gestion d’image. Nous pratiquons une diplomatie purement virtuelle, d’une insigne faiblesse, qui s’imagine que la parole vaut action, et se réduit en conséquence à des déclarations, discours et conversations téléphoniques dont le seul résultat est de nous rassurer -bien à tort- sans jamais modifier utilement les rapports de force. Aucune vision, aucune ambition, aucun projet, aucun plan d’action. Pas d’anticipation. Aucune intelligence du monde, encore moins des hommes qui le dirigent. On se contente de réagir, de manière purement verbale, aux évènements qui nous surprennent, nous contournent et nous dépassent invariablement. Pour masquer cette impuissance consentie, on exploite à fond le leurre européen, autour d’une sémantique ronflante sur la « souveraineté stratégique européenne », comme si celle-ci avait une quelconque chance d’advenir. La dernière trouvaille est celle d’une « boussole stratégique européenne » dont on se gargarise, faisant mine de croire que la mise en place d’une force de… 5000 hommes en 2025 manifesterait l’autonomie militaire des Européens ! L’éléphant accouche d’une souris : 5000 hommes pouvant être projetés contre… les « ennemis » russe, chinois et même turc ; les deux premiers étant – comme par hasard – les ennemis identifiés par Washington pour justifier les futurs déploiements de l’OTAN. Quant à la Turquie, on sait bien que l’Amérique lui laissera toujours les coudées franches, surtout contre les faibles Européens puisque l’armée turque – 2ème de l’OTAN – demeure indispensable sur « le flanc sud » pour contrer la Russie… Bref, on nage en pleine utopie. La « boussole », ce nouveau hochet, nous est autorisé pour complaire à la France qui prétend sérieusement retrouver son leadership sur l’Europe… un leadership dont personne ne veut. Mais Washington ne voit aucun risque à laisser les Français jouer un peu avec leur rêve de souveraineté même pas nationale, dans une cour d’école hostile remplie de leurs chevaux de Troie, du moment qu’ils n’ouvrent pas les yeux sur une carte du monde ni ne sont prêts à se souvenir de ce que signifie véritablement l’expression « intérêts nationaux ».

    La triste vérité est que nous avons renoncé à toute volonté de recouvrer notre indépendance, ne serait-ce que de jugement, et tout autant à être utiles au monde. Nous cherchons juste à faire semblant de compter, sans risquer un pas hors du parc d’enfants sages où nous barbotons pathétiquement. Il est certain que réfléchir par et pour soi-même et se faire respecter est beaucoup plus difficile que de gesticuler sans jamais sortir de l’alignement. Mais se mentir ne peut marcher éternellement. Ce sont les autres qui nous le rappellent cruellement. Qui n’avance pas recule. Nous sommes immobiles et nos rodomontades narcissiques et enfantines ne trompent plus personne. On ne nous craint pas le moins du monde et on ne nous respecte pas davantage. Pendant ce temps, les puissances assumées, que nous croyons gêner en les stigmatisant comme i-libérales ou populistes, avancent leurs pions.

    La Russie fait désormais reconnaitre sans équivoque ses lignes rouges en Ukraine en déployant des troupes à sa frontière. Elle regarde avec amusement la crise entre l’UE et la Biélorussie par Pologne interposée. Le chantage aux migrants du président Loukachenko n’est qu’une réponse du berger à la bergère après les ingérences politiques européennes et les tentatives de déstabilisation américaines lors du récent scrutin présidentiel. Dans le Caucase, Moscou a aussi clairement démontré son influence et son utilité. Seule la présence militaire russe en interposition a empêché l’Azerbaïdjan de poursuivre sa dernière incursion en territoire arménien et l’a contraint à geler ses positions dans le Haut Karabakh. La France, pourtant co-présidente du Groupe de Minsk, n’a une fois encore rien vu venir et ne sert pour l’heure à rien sur ce front-là non plus. Pourtant, le sud Caucase est une zone de déstabilisation importante, où se mesurent les ambitions américaine et russe mais aussi, turque, azérie, iranienne et israélienne. Chacun y a son agenda et les enjeux économiques, mais aussi énergétiques et sécuritaires, y sont considérables.  Les dossiers syrien et libyen sont aussi en train de bouger sensiblement, et là aussi ce sont la Turquie et la Russie qui mènent désormais la danse. La Syrie a survécu au dépècement programmé et la Libye, stupidement écartelée par nos soins, doit, elle aussi, résister à la fois aux ambitions d’Ankara – qui se conjuguent avec la promotion d’un islamisme violent – et à celles de Moscou, qui cherche à imposer une alternative. Dans ces deux États, nos postures prétendument démocratiques, qui visaient surtout à déboulonner des autocrates dérangeants pour les intérêts occidentaux, n’ont abouti qu’à nous compromettre gravement en soutien à des islamistes radicaux, et certainement jamais à favoriser la moindre évolution démocratique. Par charité, je ne parlerai pas de notre égarement au Yémen. Ni de l’Iran que nous sommes incapables d’aider à sortir de sa diabolisation de plus en plus contreproductive.

    Les faits sont têtus. Les peuples résilients, les cultures historiques aussi bien que les équilibres communautaires et confessionnels, ne cessent de nous rappeler leur irréductibilité à la seule logique démocratique telle que nous l’envisageons tantôt ingénument, tantôt cyniquement. Il est clair que l’ethnocentrisme occidental a, depuis plus de 25 ans, fait des ravages humains et qu’il ne suffit pas de pérorer sur le « devoir d’ingérence » et les dictateurs infréquentables pour se donner bonne conscience ni surtout pour contribuer à l’apaisement de la violence du monde.

    Plus personne ne supporte les leçons de morale ni l’interventionnisme éruptif (mais très sélectif) de l’Occident. Au lieu de confondre mouvement désordonné et progrès humain, il faudrait sans doute se souvenir que le multilatéralisme de la Guerre froide comme la Charte des Nations Unies, sur laquelle nous nous sommes assis depuis 30 ans, avaient quelques vertus. Et la non-ingérence politique ou militaire dans les affaires intérieures des États aussi. Il faut y revenir. Il faut que la France ouvre les yeux sur la décrépitude avancée de son influence mondiale, sur sa crédibilité enfuie, avant de reconstruire une doctrine internationale adaptée à ses intérêts comme à sa nature de puissance d’équilibre. Il faut qu’elle réapprenne à respecter les États par principe, au lieu de lancer des anathèmes stériles contre des régimes au nom des droits des individus. Ces derniers n’en sortent jamais gagnants. La ficelle est bien trop grosse. Le retour admis et négocié par les États-Unis du peuple afghan dans les ténèbres de l’ordre taliban démontre, si besoin était, combien les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Nous pouvons être bien plus utiles à nous-mêmes et meilleurs aux peuples par une approche pragmatique des rapports de force et des ressorts profonds de la conflictualité dynamique du monde qui n’est jamais que son état permanent.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 22 novembre 2021)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • (In)dépendance(s)...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Philippe Duranthon, cueilli sur Geopragma et consacré à la question de l'indépendance nationale. Jean-Philippe Duranthon est haut-fonctionnaire et membre fondateur de Geopragma.

     

    Macron_Biden.jpg

    (In)dépendance(s)

    Au moment où certains, grâce à Joe Biden, découvrent l’évidence, à savoir que les États font prévaloir leurs intérêts sur les liens qu’ils ont noués avec leurs alliés, il peut être utile de réfléchir au concept d’indépendance nationale.

          La notion a bien sûr une connotation militaire : est indépendant le pays qui peut se défendre seul contre des attaques ennemies. A cet égard la France peut se prévaloir d’une armée aguerrie, de matériels modernes et d’un « parapluie » nucléaire : peu d’États peuvent en dire autant. Mais pour certaines opérations, la surveillance par drone par exemple, elle dépend de ses alliés américains ; par ailleurs, selon certaines études récentes elle ne serait pas en mesure de soutenir longtemps un conflit de haute intensité sans faire appel à eux [1] ; enfin, l’appartenance à l’OTAN, où les États-Unis ont clairement plus de poids que les autres membres, réduit singulièrement son autonomie. Notre indépendance militaire ne va donc pas sans une certaine dépendance.

          Mais le pays pourra-t-il continuer à maîtriser les technologies de pointe, à mener à bien les programmes de R&D et à se doter des matériels de dernière génération ? Cette question dépasse bien sûr le seul domaine militaire et concerne l’ensemble de l’économie, sous ses diverses composantes. La prospérité économique repose en effet sur  des grands programmes industriels nécessitant des investissements rarement à la portée d’un seul État et dont le temps de retour excède les attentes d’un marché de plus en plus court-termiste : la solution réside dans des conglomérats industriels multinationaux dont on ne sait plus bien s’ils sont dominés par une logique industrielle ou nationale-bureaucratique mais où l’on constate que chacun est sous la dépendance des autres ; l’impossibilité d’exporter des matériels français comportant des composants venant d’entreprises de pays faisant des choix différents en matière de contrôle des exportations (États-Unis, Allemagne) l’a clairement montré. Mais la prospérité économique suppose aussi des innovations qui sont souvent le fait de start up constituées autour d’entrepreneurs dynamiques, sachant maîtriser le fonctionnement dit « agile » et capables de séduire des investisseurs aimant le risque : il n’est pas certains que les efforts récents consentis pour transformer la France en une start-up nation suffisent à empêcher les jeunes pousses de se tourner vers des fonds américains, chinois ou moyen-orientaux qui les placent sous leur dépendance.

          Les choix industriels ont à l’évidence une importance capitale. A cet égard la décision de diminuer la part du nucléaire dans le mix énergétique au profit de celle du solaire et de l’éolien consiste à préférer des technologies aux mains d’industriels généralement asiatiques et dépendant de terres rares inconnues dans nos contrées à une filière dont nous maîtrisons toutes les étapes : cela ne va pas dans le sens d’une indépendance énergétique accrue. L’étrange abandon, en catimini de surcroît, du programme Astrid de réacteur à neutrons rapides, qui aurait permis de quasiment se débarrasser de la problématique des déchets nucléaires, concourt à la même évolution mettant l’approvisionnement énergétique du pays sous la dépendance de tiers.

          Mais le débat ne concerne pas que les pouvoirs publics : il est à cet égard frappant de constater que les grands capitalistes français investissent dans le luxe et l’art contemporain « globalisé » alors que leurs homologues américains investissent dans les technologies d’avenir, énergétiques, numériques ou spatiales. Or, s’il ne suffit pas d’acquérir un sac pour perdre son indépendance, être l’usager des GAFA, forcé de surcroît, faute de vraie concurrence, oblige à communiquer une foultitude de données qui placent les consommateurs européens sous la dépendance d’entreprises d’un pays étranger et peut-être, à travers elles, de leurs services de renseignement, le RGPD n’y changeant pas grand-chose.

          Un autre risque de dépendance technologique résulte des opérations de M&A réalisées à l’échelle mondiale qui découpent et redécoupent à l’envi les périmètres des entreprises pour générer de nouvelles synergies et des gains de structure ou d’échelle : il peut en résulter un transfert d’une entité stratégique. Les turbines Arabelle, qui équipent les centrales nucléaires terrestres ou embarquées et qui sont passées entre des mains américaines en 2014 lorsque GE a acheté la division énergie d’Alstom, sont emblématiques d’une telle perte d’indépendance, alors étrangement acceptée par les pouvoirs publics.

          C’est en fait la mondialisation qui est, de manière plus générale, en cause, même s’il ne s’agit pas ici de nier ses bienfaits, pour le pouvoir d’achat des consommateurs des pays clients comme pour l’emploi et le développement économique des pays producteurs. Les tergiversations et palinodies auxquelles la crise sanitaire a donné lieu pour de simples masques et tests, puis l’actuelle pénurie de semi-conducteurs, montrent les conséquences d’une division internationale du travail non construite ni maîtrisée et révèlent que l’interdépendance théorique entre pays n’est qu’un synonyme de la désindustrialisation et peut cacher une dépendance à sens unique. Aucune réflexion sérieuse n’a été menée pour déterminer les technologies et les produits qu’un pays doit conserver pour demeurer indépendant : le fait que la tâche soit malaisée ne la rend pas moins nécessaire.

          La diplomatie bilatérale ou multilatérale, bien sûr, n’a pas les mêmes conséquences puisqu’elle repose sur des bases volontaires. Mais la « démocratie planétaire », consistant à traiter de manière équivalente tous les États, indépendamment de leur population, leur richesse, leur poids géopolitique, place chaque pays sous la dépendance d’une « pensée mondiale » dont on ne sait pas trop qui la forme ou la manipule. A cet égard le poids pris par certaines ONG peu soucieuses d’avoir pour elles-mêmes la transparence qu’elles exigent des autres et dont on sait les liens avec certains intérêts publics ou privés, peut faire douter que les débats soient tous fondés sur une indépendance réelle de tous les intervenants.

          Dans ce jeu international, l’Europe tient une place particulière. Elle est une condition d’indépendance pour que ses pays membres puissent avoir un peu de poids face aux États-Unis et à la Chine. Mais elle est aussi un facteur de dépendance dont l’actualité récente fournit maints exemples. La difficulté à obtenir la prise en compte du nucléaire dans la « taxonomie » des activités « vertes » dans le même temps où le gaz, qui émet 40 fois plus de CO2, y serait inclus ressemble furieusement à une volonté de remettre en cause le modèle énergétique français et à faire de l’allemand, malgré les échecs de l’energiewende, désormais reconnus par tous, le parangon. Le Green Deal bruxellois revient à priver les États de la possibilité de définir eux-mêmes la politique énergétique qu’ils comptent mener pour atteindre les objectifs climatiques qu’ils se sont fixés conjointement. Dans un autre domaine, l’arrêt rendu le 15 juillet dernier par la Cour de Justice de l’Union Européenne interdit aux États de décider la durée de travail de leurs militaires, remettant en cause un élément basique de leur souveraineté, voire de leur légitimité.

          Le problème est que, si les États ont accepté de se placer ainsi sous la dépendance des institutions européennes, il n’en est pas résulté le gain attendu : l’Europe n’a toujours aucun poids dans les débats internationaux, et le récent pied de nez offert par la nouvelle internationale anglo-saxonne dévoilant l’AUKUS au moment où l’Europe annonçait sa stratégie pour la région indo-pacifique en est une illustration lumineuse.

          L’indépendance, les ados le savent, est aussi une question financière. Or l’endettement de la France est élevé, proche de 120 % du PIB, et croissant ; le besoin de financement de l’Etat sur les marchés sera l’an prochain de peu inférieur à 300 Md€, ce qui place le pays à la merci d’une remontée des taux et de modifications des marchés financiers rendant plus malaisés les refinancements. D’autre part, les créances sur l’État français sont, selon l’Agence France Trésor, détenues pour 51 % par des non-résidents : le pays est donc sous la dépendance, au moins partielle, d’étrangers. Enfin, l’accroissement de notre déficit extérieur fait qu’en vingt ans notre position extérieure nette, c’est-à dire la différence entre la valeur de ce que les Français détiennent à l’étranger et celle de ce que les étrangers détiennent en France, est passée de – 40 à – 695 Md€ ; cela signifie que, « ne vendant pas assez de produits à l’export pour payer ses importations, (la France) se vend pour maintenir son train de vie » [2] ; se vend, donc se place sous la dépendance des détenteurs de capitaux étrangers, publics ou privés.

          De même, avec le quantitative easing aux États-Unis puis en Europe, les politiques économiques nationales dépendent désormais entièrement du bon vouloir des banques centrales qui, en achetant des titres publics et privés, permettent le financement des divers « quoi qu’il en coûte » nationaux. Dès lors, si la BCE bénéficie d’une indépendance que son statut lui reconnaît expressément, les gouvernements européens sont dans la dépendance de la même BCE dont l’action, voire seulement les déclarations, conditionne leur politique.

          Par ailleurs, la part du dollar dans les transactions internationales est telle que les États-Unis ont pu en faire le support, ou le prétexte, d’une extra-territorialisation de leur règles juridiques aboutissant à ce que leurs choix politiques, les embargos notamment, s’imposent aux entreprises étrangères et à ce que celles-ci sont justiciables des tribunaux américains, dont elles dépendent désormais au moins autant que de ceux de leur pays.

          Enfin, l’indépendance suppose une certaine autonomie de la vie intellectuelle, une capacité à ne pas suivre aveuglément les modes étrangères, la volonté de défendre les principes qui fondent la communauté nationale et de montrer ses acquis. Or le Global art fait la part belle aux artistes anglo-saxons et désormais chinois et l’idéologie woke ainsi que la cancel culture, bien qu’elles n’aient pas grand-chose à voir avec la tradition intellectuelle française et qu’elles ne concernent guère les principaux problèmes auxquels le pays est confronté, irriguent désormais les débats dans les universités françaises et s’invitent dans celui de l’élection présidentielle.

          Ces quelques réflexions montrent que :

    • l’indépendance est loin de n’être qu’une question militaire ; s’en soucier suppose une réflexion de plus grande ampleur et devrait mobiliser non seulement les pouvoirs publics mais aussi les détenteurs de capitaux, voire les intellectuels et « influenceurs » de toutes natures ;
    • il est illusoire de rechercher une indépendance absolue et générale ; l’important est de choisir ses dépendances, de déterminer dans quels domaines les dépendances sont acceptables, et de qui l’on accepte de dépendre.

          Si l’on rapproche cette analyse de nos récents malheurs à Kaboul et à Cambera, la morale de l’histoire est que l’Histoire n’a pas de morale. Les relations internationales ne sont pas guidées par les grands sentiments, mais par les intérêts et par la capacité des différents protagonistes à défendre leurs intérêts respectifs. La France, depuis bien des décennies, et à part quelques moments de lucidité, veut l’ignorer. Puissent les évènements récents lui ouvrir les yeux et la faire agir avec moins de naïveté.

    Jean-Philippe Duranthon (Geopragma, 27 septembre 2021)

    Notes :

    [1] Voir “A strong allied stretched thin, an overview of French defense capabilities from a burdensharing perspective”, Rand Corporation, juin 2021.

    [2] Jean-Marc Daniel, Les Echos du 15 septembre 2021.

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Russie-Europe : le grand écart...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Héléna Perroud, cueilli sur Geopragma et consacré à la fracture qui s'élargit entre Russie et Europe, fruit d'une politique de long terme menée par les stratèges occidentistes. Russophone, agrégée d'allemand, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg et ancienne collaboratrice de Jacques Chirac à l'Elysée, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

     

    Russie_Europe.jpg

     

    Russie-Europe : le grand écart

    Un Européen perspicace, Winston Churchill, avait dit en 1939 de la Russie qu’elle est « un rébus enveloppé de mystère au sein d’une énigme ». On oublie souvent la deuxième partie de sa phrase car il ajoutait : « Mais il y a peut-être une clé. Cette clé c’est l’intérêt national russe. » Les malentendus et l’incompréhension entre l’Occident et la Russie ne datent hélas pas d’hier mais ont atteint ces dernières semaines un point dangereux, se muant en franche hostilité : les bruits de bottes en Ukraine, la valse des renvois de diplomates, les soubresauts de l’affaire Navalny, les accusations de cyberattaques et les nouveaux trains de sanctions contre la Russie… 

    L’épisode qui a commencé en 2014 autour de la Crimée et de l’Ukraine a ouvert une période dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. La Russie dans le rôle de l’agresseur, annexant la Crimée et voulant la partition de l’Ukraine est une des lectures possibles des événements qui se déroulent depuis 2014. Il est étonnant toutefois que dans les analyses faites dans les médias occidentaux, américains et européens, très peu d’observateurs se réfèrent à un ouvrage qui fait pourtant référence et que l’on doit à l’un des plus grands experts américains en matière de géopolitique : Le Grand Echiquier de Brzezinski, dédié à ses « étudiants, afin de les aider à donner forme au monde de demain ». Les dates ont leur importance. Cet ouvrage est sorti en 1997, à un moment où la Russie était à terre. Mal réélu en 1996, Eltsine était un intermittent du pouvoir et ne contrôlait plus grand chose, accaparé par ses ennuis de santé. Les salaires n’étaient pas payés, l’espérance de vie était au plus bas et des séparatistes tchétchènes faisaient la loi. Le fil directeur de l’ouvrage est qu’il faut contenir la Russie dans un rôle de puissance régionale pour asseoir la « pax americana » dans le monde et pour ce faire détacher d’elle un certain nombre de pays satellites : les républiques d’Asie centrale et les pays d’Europe de l’Est, le rôle principal revenant à l’Ukraine. Brzezinski l’écrit sans ambages : « L’Ukraine constitue cependant l’enjeu essentiel. Le processus d’expansion de l’Union européenne et de l’OTAN est en cours. L’Ukraine devra déterminer si elle souhaite rejoindre l’une ou l’autre de ces organisations. Pour renforcer son indépendance, il est vraisemblable qu’elle choisira d’adhérer aux deux institutions dès qu’elles s’étendront jusqu’à ses frontières et à la condition que son évolution intérieure lui permette de répondre aux critères de candidature. Bien que l’échéance soit encore lointaine, l’Ouest pourrait dès à présent annoncer que la décennie 2005-2015 devrait permettre d’impulser ce processus. » 

    Si on connaît cet ouvrage, si on en comprend la philosophie, il est une autre lecture possible des événements de 2014 : l’application à la lettre de l’agenda défini par les stratèges américains, depuis la révolution orange de 2004 jusqu’aux événements de Maidan à l’hiver 2013-2014 avec la suite que l’on connaît et les 13000 morts du Donbass que l’on oublie trop souvent.

    Le ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov le citait encore le 1er avril dans un entretien d’une rare franchise accordé à la Première Chaîne de la télévision russe, en réponse aux accusations de Joe Biden traitant Poutine de « tueur ».

    Dans la crise qui a éclaté ces jours-ci entre Prague et Moscou, on voit que les projecteurs sont braqués sur l’entreprise Rosatom et le vaccin Spoutnik V. Le motif officiel de la brouille réside dans les soupçons pesant sur l’implication de la Russie dans une affaire d’explosion dans un stock d’armement en République tchèque qui remonte à 2014 et qui éclate curieusement aujourd’hui. S’agissant du vaccin, si l’Union européenne rechigne à lui accorder droit de cité (même si trois pays de l’UE l’ont adopté à ce jour), il est autorisé dans une soixantaine de pays qui représentent un quart de la population mondiale.  Son efficacité, d’abord évaluée à 91,6 % par une étude publiée dans le Lancet se monterait aujourd’hui à 97,6 % sur la base des données provenant de 3,8 millions de personnes ayant reçu les deux doses, d’après une étude de l’Institut Gamaleïa qui l’a mis au point. A côté des déboires des vaccins occidentaux, on peut comprendre l’intérêt de certains à barrer la route au vaccin russe. Pour ce qui concerne Rosatom, qui était en lice avec d’autres concurrents pour une centrale nucléaire dans ce pays, il vient d’être exclu de l’appel d’offres. Peut-être faut-il regarder là du côté de l’Arabie Saoudite et de la tournée qu’a entreprise Sergueï Lavrov dans les monarchies du Golfe courant mars. Ce traditionnel allié des États-Unis resserre ses liens avec la Russie depuis quelques années, notamment depuis la visite historique – la première du genre – du roi Salman à Moscou à l’automne 2017. Et là aussi Rosatom est dans la course pour construire une centrale nucléaire et a passé avec succès les premières étapes, même si le terrain est bien occupé par la Chine, dont l’entreprise publique CNNC est engagée avec le ministère saoudien de l’énergie dans un programme d’extraction d’uranium. La Russie va ouvrir une représentation commerciale à Riyad à l’automne, une offre d’achat du système antimissiles russe S-400 est sur la table et l’inauguration du troisième réacteur de la centrale nucléaire d’Akkuyu en Turquie, dont le chantier a été confié à Rosatom, a eu lieu en grandes pompes en présence des présidents turc et russe le 10 mars, le jour même où Lavrov rencontrait son homologue saoudien… peut-être plus qu’une simple coïncidence.

    Le résultat de cette stratégie occidentale au long cours – américaine d’abord mais suivie à la lettre par les Européens – est maintenant là. Les Russes se sentent de moins en moins Européens. Un diplomate russe m’avait fait part en 2019 de sa préoccupation devant le gouffre qui s’élargissait entre l’Europe et la Russie depuis 5 ans, le temps moyen, disait-il, qu’un étudiant passe dans l’enseignement supérieur et se forge sa vision du monde. Un sondage du centre Levada (institut indépendant du gouvernement) rendu public le 18 mars dernier, sept ans après « l’annexion » ou « le rattachement » de la Crimée – à chacun de choisir sa vision – confirme cette tendance. Aujourd’hui 29% seulement des Russes disent que leur pays est européen. Ils étaient 52% en 2008. Fait notable : chez les plus jeunes ce sentiment d’éloignement de l’Europe est plus fort que chez leurs aînés : les plus de 55 ans sont 33% à estimer que la Russie est un pays européen, un taux qui tombe à 23% chez les 18-24 ans. Alors qu’en 2000, Poutine écrivait sans sourciller, en répondant à des questions de journalistes dans le premier ouvrage biographique qui lui était consacré en Russie « Première  personne »  : « Nous sommes Européens » – c’était le titre d’un chapitre entier . En août 2019 encore, il recevait au Kremlin l’homme fort de la Tchétchénie en le félicitant pour l’inauguration dans la ville de Chali de « la plus grande mosquée d’Europe » même si sur ces terres du Caucase on est un peu éloigné de l’univers mental européen.

    Vu de France, où un ennemi bien identifié nous a déclaré la guerre, emportant encore une vie innocente vendredi 23 avril à Rambouillet, en privant deux enfants mineurs de leur mère qui s’était engagée au service de ses compatriotes en choisissant d’entrer dans la police, il serait temps de changer de regard et de ne plus se tromper d’ennemi. Et même de comprendre que dans ce combat-là la Russie, dont 15% de la population est de confession musulmane, et dont le caractère multi-ethnique et multi-confessionnel échappe très largement au regard occidental, a peut-être quelque chose à dire aux vieux pays d’Europe de l’Ouest. 

    Héléna Perroud (Geopragma, 26 avril 2021)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!