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multiculturalisme - Page 7

  • De Nice à Berlin, scènes du terrorisme ordinaire...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Mathieu Bock-Côté, cueilli sur Figaro Vox dans lequel il dénonce l'irénisme multiculturel de nos sociétés qui les empêche de répondre efficacement à la menace du terrorisme islamique. Québécois, l'auteur est sociologue et chroniqueur à Radio-Canada et vient de publier en France Le multiculturalisme comme religion politique aux éditions du Cerf.

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    Mathieu Bock-Côté : de Nice à Berlin, scènes du terrorisme ordinaire

    La scène avait quelque chose d'atroce et, en même temps, de terriblement banale. À quelques jours du 25 décembre, un camion se lance sur un marché de Noël de Berlin, tue une douzaine de personnes et en blesse une cinquantaine. On croit revivre les événements de Nice quand Mohamed Lahouaiej Bouhlel avait frappé le soir du 14 juillet. Là aussi, il s'agissait de semer la terreur dans un moment de réjouissance et de traumatiser la population. On peut imaginer la suite médiatique: certains diront que l'événement demeure un incident isolé. On chantera en chœur «pas d'amalgame». D'autres se demanderont encore une fois si l'Occident ne l'a pas cherché, bien qu'on se demandera de quelle manière l'Allemagne a bien pu se rendre coupable d'une forme plus ou moins intransigeante de laïcité néocoloniale, pour emprunter le jargon à la mode. Le système médiatique, devant l'islamisme, cultive l'art du déni. Il déréalise les événements, les égrène en mille faits divers et empêche de nommer la guerre faite à l'Occident.

    Il faudra quand même réinscrire l'événement dans la séquence terroriste associée aux événements du Bataclan. Le terrorisme islamiste veut montrer qu'il peut frapper partout. Il ne vise plus seulement des «institutions», comme c'était le cas avec Charlie Hebdo, mais entend imposer sa loi n'importe où, en transformant un simple camion en bélier . N'importe qui peut être ciblé dans ces frappes aveugles. Dans la guerre totale menée contre la civilisation occidentale, il suffit d'appartenir à cette dernière pour être jugé coupable et condamné à mort. À Berlin, nous venons en fait d'assister à une scène de terrorisme ordinaire. Encore une fois, l'État islamique a revendiqué l'attentat. Qu'il ait été programmé de loin ou qu'il soit le fruit d'une initiative plus ou moins spontanée, on peut être certain d'une chose: la propagande islamiste hante la civilisation européenne et est capable d'exciter les passions mortifères des uns et des autres.

    Et pourtant, cette attaque n'est pas absolument aveugle. La frappe d'un marché de Noël ramène l'Europe à une part d'elle-même dont elle ne sait que faire: sa part chrétienne. C'est dans son identité la plus intime qu'on veut la frapper, ce sont ses racines les plus profondes qu'on veut toucher. Les symboles chrétiens sont de plus en plus souvent visés. On se rappellera que le communiqué de l'État islamique qui avait suivi les attentats du 13 novembre mentionnait que les Français étaient visés en tant que «croisés». De même, l'assassinat rituel du père Hamel, en juillet 2016, ne laissait pas d'ambiguïté sur sa signification. Pour reprendre une formule convenue, c'est moins pour ce qu'ils font que ce qu'ils sont que les Européens sont mitraillés, égorgés ou écrasés. Sauf qu'ils ne sont plus trop conscients de cette part d'eux-mêmes. Ou du moins, lorsqu'ils en sont conscients, on le leur reproche et on les accuse de s'enfermer dans une identité étriquée, inadaptée à la diversité. Nos élites médiatiques ne tolèrent le procès de l'islamisme qu'à condition de le mener en parallèle avec celui de l'islamophobie.

    Car le monde occidental veut croire qu'on l'attaque parce qu'il est démocratique, moderne et libéral. Il s'empêche de comprendre ainsi qu'il existe une telle chose qu'une tension entre les cultures, entre les civilisations et même entre les religions: elles ne sont pas toutes faites pour cohabiter dans une même communauté politique. Le rôle du politique, dans ce monde, n'est pas de verser dans un irénisme multiculturel où tous devraient se réconcilier sous le signe d'une diversité heureuse mais bien de bâtir, de conserver et de protéger les frontières protectrices permettant aux peuples de persévérer dans leur être historique sans pour autant s'empêcher de multiplier les interactions fécondes entre eux. Avec raison, on refusera de réduire les affrontements du monde actuel à un choc de civilisation. À tort, on refusera de voir qu'ils relèvent au moins partiellement de cette logique. Ceux qui cherchent à penser à nouveaux frais la pertinence des frontières ne sont pas des vautours ou des démagogues instrumentalisant le malheur des peuples pour les replier sur eux-mêmes.

    L'Allemagne voit se retourner contre elle-même les conséquences prévisibles d'un humanitarisme débridé. On s'est moqué, au moment de la crise des réfugiés, de ceux qui redoutaient que parmi les convois de malheureux, ne se glissent des djihadistes attendant ensuite le bon moment pour frapper. Ce moment est peut-être arrivé. Mais les dérives de la politique des portes ouvertes ne sauraient se laisser définir uniquement par le terrorisme islamiste. Il suffit de garder en mémoire les événements de Cologne, en début d'année, pour qu'on comprenne les nombreuses dimensions d'une crise qui n'est pas à la veille de se résorber. L'époque des grandes invasions militaires a beau être terminée, il n'en demeure pas moins que les islamistes sont habités par un sentiment de conquête et croient pouvoir miser sur l'immigration massive pour s'imposer en Europe. Comment la civilisation européenne peut-elle réagir à cette mutation imposée si elle en relativise la portée?

    Il ne sert à rien d'imaginer en un paragraphe ce que pourrait être une riposte à ce terrorisme ordinaire appelé à durer. Mais le monde occidental aurait tort de croire qu'il saura résister à sa dissolution culturelle ou politique en se contentant de répéter de manière rituelle ses prières pour chanter la gloire de la diversité. Manifestement, elle n'est pas qu'une richesse. Toutes les différences ne sont pas également appréciables. En fait, c'est peut-être en assumant ce qu'on pourrait appeler leur identité de civilisation que les nations européennes seront à même de trouver la force de mener cette guerre pendant les longues années qu'elle durera. Il n'est pas insensé de penser que c'est en se tournant justement vers la part d'elle-même qui est attaquée que la civilisation européenne trouvera peut-être la force de mener la bataille.

    Mathieu Bock-Côté (Figaro Vox, 21 décembre 2016)

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  • Deux candidats à contretemps...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 24 novembre 2016 et consacrée aux deux candidats du deuxième tour de la primaire de la droite... Une analyse lucide qui ne cède pas à l'emballement médiatique !...

     

                                       

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  • L’Amérique de la diversité : du mythe à la réalité…

    Les éditions L'Æncre viennent de publier un essai de Jared Taylor intitulé L'Amérique de la diversité : du mythe à la réalité. Ayant vécu au Japon jusqu’à l’âge de 16 ans, Jared Taylor a fait ses études à Yale et à Sciences Po. Après avoir travaillé à New York pour une banque internationale, il a fondé en 1990 le périodique American Renaissance et est également président de la New Century Foundation, spécialisée dans l’étude des questions d’immigration et des conflits ethniques.

     

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    " Les Américains – du président, en passant par les chefs militaires et les PDG jusqu’aux maîtresses de crèche – affirment que la « diversité » est une force pour leur pays. Ils disent souvent qu’elle est la plus grande force du pays. Pourtant, les divisions et les conflits nés de la diversité ethnique ne cessent de croitre. Les États-Unis sont loin d’être le paradis post-ethnique qui a été envisagé aux temps du mouvement des droits civiques des Noirs il y a 50 ans, et encore au moment de l’investiture d’un président noir.
    Comme l’ont montré les émeutes à Ferguson et Baltimore, le rêve du dépassement de la question ethnique et loin d’être réalisé. La férocité avec laquelle les Hispaniques ont réagi contre la proposition du candidat républicain Donald Trump à l’élection présidentielle de 2016 de renvoyer tous les immigrants clandestins indique à quel point le pays est scindé. Les voisinages et les écoles américaines sont presque aussi ségrégées que pendant les années 60 du siècle dernier. Selon les sondages, une majorité d’Américains croient que les rapports ethniques s’aggravent.
    Pourquoi ? La réponse orthodoxe est que les Blancs n’ont toujours pas fait suffisamment d’effort pour supprimer leur « racisme ». Pourtant, ce sont les Noirs et les Hispaniques — et de plus en plus les Asiatiques aussi — qui rejettent la conception d’un pays post-ethnique. La solidarité ethnique des minorités est un élément incontournable du paysage politique, et le moyen de pression qu’elle constitue s’est avéré très efficace. Les dirigeants « issus de la diversité » sont tellement habitués à promouvoir des intérêts ouvertement ethniques qu’ils seraient sidérés à l’idée de devoir élargir leur horizon et travailler dans l’intérêt de tous les Américains. Et pourtant, Les États -Unis ne parviendront à dépasser la question ethnique que si tous les Américains—et pas seulement les Blancs—prennent cet objectif à cœur.
    Le présent ouvrage propose de reconsidérer les idées qui ont guidées les États-Unis. Si, génération après génération, les Américains tendent à l’autoségrégation, se pourrait-il que les attentes placées dans la déségrégation aient été déraisonnables ? Si la diversité est une source de tensions, n’est-il pas risqué de fonder des politiques sur la croyance qu’elle est une force ? Si des groupes minoritaires continuent de faire valoir des intérêts communautaires, est-il judicieux que les Européens s’obstinent à agir comme s’ils n’avaient pas eux-mêmes de tels intérêts ?
    Telles sont les questions soulevées par cet ouvrage percutant sur un pays qui a suivi le chemin du multiculturalisme plus longtemps que la France et qui pourrait nous indiquer des mauvais choix à éviter. "

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  • Calais et la France des ghettos : vers la guerre civile ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Lhomme, cueilli sur Metamag et consacré à la menace que font peser sur la stabilité et la paix de notre pays l'invasion migratoire et l'idéologie multiculturaliste... Professeur de philosophie et journaliste, Michel Lhomme est un collaborateur régulier de la revue Krisis.

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    Calais et la France des ghettos : vers la guerre civile ?

    Tous les derniers faits divers survenus ces derniers mois à Brunoy, Agde, La Courneuve , Nantes, Nanterre, les Yvelines, attestent de l’irrémédiable. On semble bien approcher du jour où tout s’embrasera, le grand soir de Guérilla, le jour où tout s’embrasa décrite par Laurent Obertone  dans son dernier ouvrage.

    On apprend  que le fichier des 15 000 radicalisés comprend 18 % de mineurs, la justice française ne prononçant la plupart du temps que des « rappels à la loi », faute de places dans les prisons. On récite en chœur, éploré, les droits de l’homme et ceux de l’enfant. On lit aussi dans Le Parisien que pas une semaine ne se passe en Seine St-Denis  sans qu’on y découvre une arme de guerre.

    Alors est-ce trop tard ?

    C’est un peu ce que veulent nous dire les policiers en colère. Il faudra se défendre seul puisqu’il n’y a plus de voitures de police ou qu’elles servent à protéger en priorité des édifices religieux.

    En un week-end, les garde-côtes italiens ont secourus pas moins de 5.700 personnes durant ces dernières 48 heures. La conjonction de vagues migratoires hors de contrôle, d’attentats terroristes de grande ampleur et d’une délinquance au quotidien devenue insupportable pourrait bien dessiner les traits de la France vers laquelle nous allons : une France ghettoïsée, conflictuelle.

    Les tenants de la société multiculturelle pensent toujours que la diversité des communautés allogènes implantées sur tout le territoire constituera un enrichissement pour le pays  par la multiplication des échanges et le croisement des cultures qu’elle suscitera. Cela est vrai quand les dites communautés ne sont qu’une minorité, trop réduite pour rester dans l’entre-soi et pour apparaître comme une menace, Ce ne peut plus, sociologiquement, être le cas lorsque le seuil de tolérance est atteint.

    En effet, lorsqu’on est encore dans une perspective minoritaire, chacun de ses membres a encore de fortes chances de s’assimiler au mode de vie des autochtones,. Quand les autochtones ne sentent pas leur primauté remise en cause, ils se montrent souvent accueillants et ouverts aux échanges mais il n’en est plus de même quand les dites communautés se font nombreuses. Le problème de la religion et de l’Islam n’est pour nous qu’une manière de piéger le débat migratoire en le dépolitisant.

    Il y a donc en France la construction d’une République des camps, de mini camps comme celui en formation à Dieppe ou de véritables ghettos comme le sont devenus la plupart de nos quartiers populaires. En France, la reprise de la fécondité immigrée depuis quinze ans est un marqueur fort de la communautarisation en cours. A terme, c’est bien une société d’apartheid, une société à l’israélienne qui se construit telle que l’Allemagne en a montré l’exemple depuis longtemps. A Berlin, il n’y a pas d’Allemands dans les quartiers turcs et très peu de Turcs dans les quartiers allemands. Ainsi, plus les populations immigrées seront importantes, plus la séparation sera grande.

    Le démantèlement de la Jungle de Calais est suivi du saupoudrage sur tout le territoire des illégaux. La France multiculturaliste, généreuse de Touche pas à mon pote s’achève dans des camps et des quartiers fermés. Nous sommes le pays des frontières intérieures et du séparatisme communautaire, une France de cavernes dans les falaises et de tentes sous les bois qui sera demain couvertes de barbelés et bourrées d’agents de sécurité.

    Des pays comme le Liban, la Bosnie, Ceylan et toute l’Afrique ont pourtant montré que des communautés ethniques et religieuses d’importance comparable ne peuvent coexister longtemps de manière pacifique, Sans aller jusqu’à évoquer une guerre civile ouverte, ce qui est certain c’est que la démocratie française ne pourra pas prospérer dans une communauté totalement hétérogène. L’hétérogénéité multiculturelle est en effet forcément fatale à la démocratie. C’est une loi historique  que, plus une société est hétérogène, plus il lui faut un pouvoir fort pour y maintenir la paix civile. La société israélienne qu’on nous vante tant et qui est même devenu en coulisses le modèle programmé du Ministère de l’Intérieur et des responsables de Les républicains est en réalité la société du rapport de force permanent. Israël ne tient que parce que l’un écrase l’autre . C’est la force et l’autoritarisme qui sont les seuls modèles politiques d’un multiculturalisme qui fonctionne.

    Quand le pouvoir socialiste proclame son attachement aux valeurs républicaines, il conforte chaque jour sa légitimité par une gesticulation sécuritaire qui entretient la psychose de l’attentat, habituant ainsi insensiblement les esprits citoyens à un régime d’exception. En même temps, l’idéologie officielle de la tolérance et de la bienveillance, transmise à l’école, à la télévision et dans la presse imagine une politique d’accueil large et généreuse qui rendra les gens meilleurs et la société plus prospère et démocratique. Certains sont même prêts à faire émerger cette société vertueuse par la force d’une loi impitoyable (la judiciarisation du politiquement incorrect et la censure d’internet). Ce n’est pas la première fois dans l’histoire contemporaine que les bons sentiments amènent des catastrophes; c’est même plutôt là la règle que l’exception.

    C’est le tweet menaçant et rageur de Manuel Valls : « Ceux qui se mettront en travers de l’accueil des réfugiés trouveront l’Etat devant eux ». N’en doutons pas !

    Michel Lhomme (Metamag, 10 novembre 2016)

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  • La"société ouverte", c'est l’autre nom de la "loi du marché"...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par le géographe Christophe Guilluy à Atlantico à l'occasion de la sortie de son nouvel essai Le crépuscule de la France d'en haut (Flammarion, 2016). L'auteur nous livre une description lucide d'une France déjà largement communautarisée et dont la classe moyenne a explosé sous les coups de la mondialisation...

     

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    Christophe Guilluy : "Le paradoxe, c'est qu'aujourd'hui ce sont les pauvres qui vont demander la fin de l'État-Providence"

    Atlantico : Dans votre dernier livre Le crépuscule de la France d'en haut, vous dressez un premier constat insistant sur la fracture entre un discours politique évoquant les classes moyennes alors que celles-ci seraient en voie de transformation vers une classe populaire. Quelle différence faites-vous entre une représentation politique et la réalité du terrain ?

    Christophe Guilluy : Oui, c’est paradoxal alors même que nous sommes au temps de "la sortie de la classe" moyenne des petites catégories salariées. La classe politique dans son ensemble, droite et gauche confondues, est l'héritière des Trente Glorieuses. Leur représentation du pays, c'est la France de Giscard. Avec deux Français sur trois qui sont des classes moyennes qui ne s'en sortent pas trop mal, et qui sont encore dans une phase où l'on peut imaginer que leurs enfants vont s'en sortir. C'est l'idée d'une classe moyenne majoritaire.

    Et d'ailleurs, ces partis ont été conçus pour cela, ils s'adressent toujours aux classes moyennes.

    Mais le paradoxe est que les sociologues nous expliquent depuis 20 ans que la classe moyenne a implosé, qu'elle s'est émiettée, divisée. Il y a une classe moyenne inférieure, supérieure, il y a même une classe moyenne "inférieure-inférieure". Ce que les politiques ne comprennent pas, c'est qu'un concept peut être pertinent à un instant T et être totalement inopérant quelques années plus tard, ce qui est le cas avec le concept de classe moyenne. Il ne dit plus rien. Je me suis donc posé la question de savoir pourquoi la classe politique continuait d'utiliser un concept qui n'existe plus.

    Il y a d'abord un intérêt politique, qui est de laisser entendre qu'il existe encore une classe moyenne majoritaire. Cela signifie que le système économique qui a été choisi profite à la majorité. C'est une façon de réaffirmer une France qui serait intégrée socialement, économiquement, même si, par ailleurs, il peut y avoir des problèmes. Et ce "par ailleurs" correspond aux banlieues, où vivent des populations qui ont des "problèmes", où il y a des émeutes, des exclus, etc. Mais ce "eux" n'est pas "nous". Parce qu'il y a ici une impossibilité de penser la classe moyenne autrement que comme une classe moyenne blanche.

    Le second intérêt ici, pour les classes supérieures, c'est de s'identifier aux classes moyennes. Ce qui est génial, c'est de se laisser croire que finalement on fait partie de "la moyenne",  comme l'ouvrier ou l'employé, c’est-à-dire comme ceux qui ont véritablement subi une baisse de niveau de vie, une vraie précarisation, un vrai descenseur social. Ce brouillage social est accentué par le fait que ces classes supérieures tiennent en même temps un discours critiquent sur "les riches". Elles portent pourtant et cautionnent le modèle mondialisé de ces élites en tenant le discours de la société ouverte. Le problème est que "la société ouverte" est l’autre nom de la "loi du marché". Une loi du marché qui bénéficie effectivement prioritairement aux riches et aux détenteurs du capital mais aussi à ces classes supérieures qui, actuellement, se constituent notamment des patrimoines dignes des hôtels particuliers du XIXe. Mais aujourd'hui, cette bourgeoisie n'est plus identifiée comme telle. D’où mon utilisation du mot "bobo", qui m'a été reprochée. Si cette catégorie ne constitue qu’une fraction des couches supérieures (dont le point commun est de soutenir le modèle mondialisé, elles peuvent donc être de gauche ou de droite), elle permet de sortir du brouillage de classe en utilisant le mot "bourgeois". Ces gens sont arrivés dans des quartiers populaires, là où vivaient des catégories modestes (anciens ouvriers, actifs immigrés…), dont les revenus, le capital culturel, n’ont rien à voir avec ces classes supérieures. Cette nouvelle bourgeosie n’est pas "riche", elle ne détient souvent pas le "capital", mais il faut les désigner pour ce qu'ils sont : des bourgeois. Ces gens sont très sympas, cools etc., mais ils représentent une catégorie sociale qui n'a strictement rien à voir avec ce qu'étaient hier les classes populaires qui occupaient ces territoires. Il ne faut pas non plus oublier la violence sociale de cet accaparement de biens qui étaient anciennement ceux de ces catégories populaires.

    L'idée a été de connecter cela avec une vision globale des effets de mondialisation sur le territoire. Et attention, il n'y a pas de complot : il s'agit simplement du résultat du "laissez-faire" du marché. Le marché de l'emploi dans les grandes métropoles est totalement polarisé. Les emplois des anciennes classes moyennes ont alors progressivement disparu. Le marché des métropoles n'a pas besoin de ces gens. Le résultat est qu'aujourd'hui, 66% des classes populaires ne vivent plus dans les 15 premières métropoles.

    Un sondage IFOP pour Atlantico publié le 4 septembre indiquait que 75% des Français considéraient que le terme "républicain" ne les touchait plus, ce terme ayant perdu son sens. Votre constat insiste également sur la notion de "séparatisme républicain", indiquant que la société française serait en voie d’américanisation, par l'acceptation "banale" du multiculturalisme. Ici encore, considérez-vous que le discours "républicain" actuel soit en retard ? 

    Je parle de fanfare républicaine. La grosse caisse. L'absurdité de ce débat est de penser que nous, en France, parce que nous sommes plus malins que les autres, nous allions entrer dans le système mondialisé, mais en gardant la République. Sauf que nous ne pouvons pas avoir le système mondialisé sans en avoir les conséquences sociétales. Il faut choisir. Soit nous gardions un système autarcique, protectionniste, fermé, etc., soit on choisit la société ouverte et ses conséquences, c’est-à-dire le multiculturalisme.

    Il suffit d'aller cinq minutes dans un collège pour voir comment les enfants se définissent : blanc, noir, musulman, juif, tout sauf "je ne reconnais aucune origine". Même si nous avons pu connaître cela au début de l'immigration maghrébine. Mais cela a basculé à la fin des années 1980, et maintenant, on y est. Et le discours consistant à vouloir revenir à l'assimilationniste républicain n'a pas de sens. C'était un très beau système mais que fait-on ? On demande aux filles d'enlever leurs voiles, aux juifs d'enlever leurs kippas, etc. ? Oui, mais ça s'appelle une dictature. Attention, je ne dis pas qu'il y a eu acceptation, parce que personne n'a voulu une société multiculturelle, et certainement pas les milieux populaires (quelles que soient leurs origines). Ce modèle n'a pas été voulu en tant que tel, ce n'est que la conséquence de l'ouverture. La société française est devenue une société américaine comme les autres. Il suffit de regarder les méthodes de gestion des minorités : quelle différence entre le Royaume-Uni et la France ? Un jeune Pakistanais à Londres a à peu près le même ressenti qu'un jeune maghrébin en France, un jeune Noir de Bristol par rapport à un jeune Noir de Villiers-le-Bel.

    Le problème ici, c'est la différence entre le multiculturalisme à 10 000 euros et le multiculturalisme à 1 000 euros. À 1 000 euros, les choix résidentiels et scolaires sont de 0. Ce qui veut dire cohabitation totale. Si vous habitez dans un pavillon bas de gamme au fin fond de l'Oise et que la cohabitation est difficile avec les familles tchétchènes installées à côté de chez vous, vous ne pouvez pas déménager. En revanche, le bobo de l’Est parisien qui s'achète un loft s’assure grâce au marché de son voisinage et, au pire, peut toujours déménager ou déscolariser ses enfants si cela se passe mal. C'est la seule différence. Parce que pour toutes ces questions, et contrairement à ce que laisse entendre la doxa médiatique, nous sommes tous pareils. En haut, en bas, toutes les catégories sociales, quelles que soient les origines... Ce qui change, c'est le discours d'habillage. Le "je suis pour la société ouverte" ne se traduit pas dans la réalité. La norme, c’est l’érection de frontières invisibles dans les espaces multiculturels ou le séparatisme car personne ne veut être minoritaire.

    La société multiculturelle est une société avec des tensions réelles et une paranoïa identitaire pour tout le monde. Les blancs pensent que les musulmans vont prendre le terrain, les maghrébins pensent que les Français sont racistes, les Noirs considèrent que les Arabes leur en veulent, les Juifs sont dans une relation conflictuelle avec les musulmans.

    Aujourd'hui, c'est la tension avec l'islam qui monopolise le débat, en raison de la présence d'une importante communauté en France, (et en extension) mais également en raison du réveil de l'islam dans le monde musulman. Nous sommes sur une logique démographique avec un islam qui prend de plus en plus de place. Dans une telle configuration, si une partie de la communauté se radicalise, elle devient de fait beaucoup plus visible.

    En réalité, sur ces questions il n’y a pas "les bons" et "les méchants" : nous sommes face à des comportements universels. Il est possible de faire comprendre à l'autre que ce qui se passe aujourd'hui avec le FN est d'une banalité extrême. En expliquant que ce qui se passe, c'est que le vote FN est un vote de "blédard", d’attachement à son "village", d’une volonté banale de ne pas devenir minoritaire, surtout pour les catégories populaires, quelles que soient leurs origines, qui n’ont pas les moyens d’ériger des frontières invisibles. C’est vrai en France, mais aussi en Algérie, au Sénégal ou en Chine : ces ressorts sont universels. Tout le monde peut le comprendre. Nous sommes dans cette complexité du monde multiculturel, que nous n'avons pas choisi. Quand je dis "nous", les falsificateurs laissent entendre qu’il s’agit d’un comportement de "petit blanc". C’est faux, cette perception est commune à tous les individus quelles que soient leurs origines. Les musulmans ne sont pas plus partisans de la société multiculturelle que les Juifs, les Chinois, les Français blancs ou les Noirs. Ils la pratiquent mais sans l’avoir choisie. Cette société idéalisée par la classe dominante, elle est ce qu'elle est, avec sa dose de séparatisme. Ce qui pose la question du séparatisme, qui n'est pas une hypothèse mais une réalité. Et cette société-là, c'est la société américaine. La France est aujourd'hui le pays d'Europe qui la plus grande communauté maghrébine, la plus grande communauté juive, et la plus grande communauté noire. Le multiculturalisme, nous y sommes, malgré la fanfare républicaine qui joue encore. Aujourd'hui, c'est la question de l'islam qui est posée, mais demain, compte tenu des flux migratoires qui ont lieu aujourd'hui et de la croissance démographique en Afrique, c'est la question de l'identité noire qui se posera.

    Vous évoquez l'idée d'une "société populaire" en rupture avec un discours dominant, formant ce que l'on pourrait appeler une société parallèle. Quels en sont les contours ? Qui sont les membres de cette société populaire ? A l'inverse, comment évoquer cette "France d’en haut" électoralement parlant ?

    Électoralement parlant, cette France d’en haut, structurellement minoritaire, pèse beaucoup sur les grands partis. Mais ce qui est intéressant, c'est la désaffiliation des nouvelles classes populaires de leurs alliances traditionnelles. L'ouvrier qui votait à gauche, le paysan qui votait à droite : tout cela, c'est fini. C'est soit l'abstention, soit le vote FN pour les catégories populaires d’origine française ou européenne. Mais ce qui se forme, c'est une nouvelle société ou des gens qui étaient opposés (l'ouvrier, le petit commerçant, l’employé et le paysan, qui se retrouvent pour beaucoup sur ces territoires de la France périphérique) ont une perception commune de la mondialisation.

    C'est ce qui les rapproche. Ce sont ces catégories qui vont vers le parti de sortie de la classe moyenne, le FN. Il n'y a pas de conscience de classe, mais ces gens pensent à peu près la même chose du sort qu'on leur a fait avec la mondialisation, mais également des effets de la métropolisation. Ces populations sont sédentaires, elles n'ont plus les moyens de partir, elles doivent s'ancrer sur le territoire, dans des zones peu dynamiques en termes de création d’emplois privés dans un contexte de raréfaction de l’argent public. De plus, ces territoires ont beaucoup vécu de redistribution, de l'investissement public, de la création de postes dans le secteur public. Mais tout cela est terminé. La manne publique a disparu. Et ce n'est pas parce que les gens ont Internet qu'ils sont à New York, ce discours est une arnaque. Le Cantal et Manhattan, ce n'est pas la même chose. Le réseau, ce n'est pas Internet, ce qui compte c'est de rencontrer des gens, être physiquement en face de quelqu'un avec qui on décide de faire des choses, comme le font les cadres supérieurs dans les métropoles. La mobilité n'est plus une mobilité pour tous, elle concerne prioritairement les catégories supérieures, ce qui implique une nouvelle forme de sédentarisation des catégories populaires.

    Dans un livre publié en 2006 (Combattre les inégalités et la pauvreté. Les États-Unis face à l'Europe), le directeur de la recherche économique de Harvard, Alberto Alesina, et son collège Edward Glaeser montrent "la relation fondamentale entre fragmentation raciale et dépenses sociales en pourcentage de PIB", indiquant que plus un pays est fragmenté "racialement", moins les dépenses sociales sont élevées. La France périphérique peut-elle participer à de telles décisions ?

    C'est également la thèse de Robert Putnam, qui a analysé les grandes villes, et qui a démontré le même phénomène. Il se posait la question de savoir pourquoi les politiques sociales étaient plus faibles dans les grandes villes. Et effectivement, le résultat était que les gens ne veulent pas payer pour les pauvres d'une autre communauté. C'est toute l'ambiguïté du rapport actuel à l'État-Providence qui se traduit dans la parole politique. Il existe un discours radical actuellement sur cette question, qui consiste à dire que l'on donne trop d'argent aux chômeurs, aux assistés, etc. Et ce, sans poser la question culturelle qui se cache pourtant derrière. C'est exactement ce qui se passe en France.

    Ce qui est amusant, c'est que les libéraux pensent que les Français sont gagnés par le libéralisme et qu'ils sont contre l'État-Providence. C’est faux. Mais la situation paradoxale est qu’aujourd’hui ce sont les pauvres qui vont demander la fin de l'État-Providence.   

    Vous avez été attaqué pour votre travail. Quelle est la difficulté de votre discours au sein de l'Université ?

    Oui, des critiques de quelques individus très idéologisés et éloignés des réalités, qui falsifient mon travail, et aussi tout bêtement par des "concurrents". Une histoire de business. Au-delà de ça, ces gens défendent en réalité un modèle, celui des classes dirigeantes, dont ils bénéficient.

    Christophe Guilluy (Atlantico, 19 septembre 2016)



     

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  • Eric Zemmour : « la logique du burkini libre c’est la ségrégation libre »...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique de rentrée d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 30 août 2016 et consacrée à la polémique autour du port du burkini sur les plages françaises...

     


    "La logique du burkini libre c'est la... par rtl-fr

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