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mondialisation - Page 13

  • La face obscure de la mondialisation...

    Les Presses universitaires de France publient dans leur collection "Major" un ouvrage de Xavier Raufer intitulé Géopolitique de la mondialisation criminelle - La face obscure de la mondialisation. Journaliste et criminologue, Xavier Raufer est l'auteur de nombreux essais consacrés aux nouvelles menaces.

     

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    " La mondialisation, universel bienfait ? Pas vraiment. Comme tout phénomène humain, la mondialisation est semblable à la « langue d’Ésope » – la meilleure et la pire des choses à la fois.
    La meilleure face de la mondialisation est sans cesse vantée par ses thuriféraires, pour l’essentiel des libéraux proches du monde des affaires, et par les médias qu’ils possèdent souvent : c’est la « mondialisation heureuse » qu’on nous vante depuis les années 1990. Sa face obscure, ces mêmes intérêts tentent de la noyer dans le silence, ou bien, quand la réalité est trop grave pour être tue ou niée, ce « pire » est morcelé et présenté comme un épiphé-nomène (une collection de « fait divers ») étranger à la mondialisation.
    Alors qu’en Europe, le terrorisme islamiste se dissipe (aucun attentat en 2012 selon Europol), alors qu’à l’échelle eu-ropéenne la toxicomanie baisse chez les jeunes, quelle est aujourd’hui cette « face criminelle de la mondialisation » ? Quel est son avenir ? "

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  • Sommes-nous devenus américains ?...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous la chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 5 avril 2013,  dans laquelle il nous livre son point de vue sur l'affaire Cahuzac...

     


    "La Chronique d'Eric Zemmour" : sommes-nous... par rtl-fr

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  • L'avenir de la violence...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au site Ragemag au mois de juillet 2012 dans lequel il évoque, notamment, l'Union européenne, la mondialisation et le recours des peuples à la violence. Un entretien qui a conservé toute son actualité !...

    Alain de Benoist vient de publier aux éditions Pardès Edouard Berth ou le socialisme héroïque.

     

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    L'avenir de la violence

    L’Europe a toujours occupé une position phare dans votre pensée. Comment la définiriez-vous ?

    Comme un continent, une origine, un creuset de culture et de civilisation, une série de paysages qui m’appartiennent et auxquels j’appartiens. Une histoire complexe qui, à partir de racines remontant pour le moins au paléolithique, n’a cessé d’évoluer et de s’enrichir d’éléments nouveaux. Un continent dont les géopoliticiens font le centre du monde. Et aussi le lieu de naissance de la philosophie, ce qui compte beaucoup pour moi.

    Aujourd’hui, n’est-elle pas le joug sous lequel ploient les peuples ?

    Vous confondez l’Europe et l’Union européenne. Telle qu’elle a été mise en œuvre par ses initiateurs et poursuivie par leurs successeurs, la construction européenne s’est faite dès le début en dépit du bon sens. Elle est partie de l’économie et du commerce, au lieu de se faire à partir de la politique et de la culture. Elle s’est opérée par le haut, sous la férule d’une instance technocratique acquise au centralisme jacobin et au principe d’omnicompétence, la Commission de Bruxelles, au lieu de se mettre en place par le bas, en respectant le principe de subsidiarité ou de compétence suffisante à tous les niveaux, du plus local au plus général. Elle s’est faite en dehors des peuples, sans que ceux-ci soient jamais sérieusement consultés sur sa raison d’être ou sur son mode de fonctionnement. Après la chute du système soviétique, au lieu de chercher à approfondir ses structures de décision politique, elle a choisi un élargissement hâtif à des pays qui ne cherchaient qu’à bénéficier de la protection américaine, ce qui a aggravé son impuissance et paralysé ses institutions. Le problème de ses finalités -Europe-puissance ou Europe-marché- et le problème de ses frontières -géopolitiques- n’ont jamais été clairement posés non plus. La mise en place de l’euro dans des conditions totalement irréalistes a de son côté aggravé l’endettement public, dans le contexte de crise financière mondiale que nous connaissons aujourd’hui. Le résultat est que l’« Europe », qui apparaissait naguère comme une solution, n’est plus aujourd’hui qu’un problème parmi d’autres. Loin d’être une puissance autonome, l’Europe actuelle est politiquement dépendante, financièrement victime des marchés financiers, économiquement mise en concurrence dans des conditions de dumping avec la main-d’œuvre sous-payée des pays tiers, socialement en proie à des programmes d’austérité insupportables, bref affaiblie à tous égards. Non seulement l’Union européenne n’est pas l’Europe, mais aujourd’hui elle travaille clairement contre les Européens.

    L’Europe a-t-elle jamais été démocratique ? N’est-elle pas le legs des élites aristocratiques aux élites bourgeoises libérales ?

    Dans l’histoire de l’Europe, la plupart des régimes ont été des régimes mixtes. Des éléments de démocratie y ont toujours été présents, même là où le pouvoir appartenait à des oligarchies. Cela dit, il faut évidemment nuancer selon les époques et les lieux : la démocratie grecque n’est pas la démocratie islandaise du Moyen Age ; la cité-Etat n’a pas fonctionné de la même manière que l’Etat-nation, qui n’a pas fonctionné lui-même à la façon de l’Empire. Quant au remplacement des élites aristocratiques par des élites bourgeoises, il commence très tôt sous l’Ancien Régime, tout particulièrement en France.

    A la faveur de la crise actuelle, ne s’aperçoit-on pas que c’est toujours la même ligne de clivage, le « limes » romain, qui sépare l’Europe en deux mondes (romanisés/barbares, Réforme/Contre-Réforme, etc. ?

    Il y a bien sûr un clivage Nord-Sud, qui a pris dans l’histoire diverses formes politiques ou religieuses. Mais on ne peut pas tout ramener à la confrontation du monde latin et du monde celto-germanique. La Grèce, pour ne citer qu’elle, appartient tout autant à l’Europe « orientale » orthodoxe qu’au monde méditerranéen.

    Qu’est-ce que cela vous évoque, le fait que l’Europe puisse imploser par la Grèce ?

    C’est évidemment un symbole. D’une certaine manière, on pourrait dire que l’Europe est née en Grèce, et que c’est également là qu’elle est en train de mourir. J’ai moi-même écrit souvent qu’on meurt de ce qui vous a fait naître. Mais encore une fois, l’Union européenne n’est pas l’Europe. La première doit disparaître, dans sa forme institutionnelle actuelle, pour permettre à la seconde d’émerger à nouveau. La crise grecque peut aussi être un point de départ, l’occasion d’un nouveau commencement.

    Dans les années 1980, vous avez publié un livre intitulé « Europe, Tiers-monde, même combat ». Il était sous-titré « Décoloniser jusqu’au bout ». Pouvez-vous nous rappeler la thèse qu’il défend ?

    C’est un livre qui a été publié à l’époque de la guerre froide, lorsque le Nomos de la Terre s’identifiait au duopole américano-soviétique. L’idée générale que j’y développais était que la vocation naturelle de l’Europe n’était pas de s’identifier ou de s’aligner sur l’une des deux grandes puissances, mais de rechercher une tierce voie en collaboration avec des pays qu’à cette époque on ne qualifiait pas encore, d’« émergents ». La dette du Tiers-monde, fruit de l’idéologie du « développement », elle-même fondée sur l’ethnocentrisme occidental, l’idéologie du progrès et l’application du principe de Ricardo (la théorie dite des avantages comparatifs, qui pousse un pays à se spécialiser outrageusement et à privilégier ses exportations aux dépens de ses cultures vivrières et de son marché intérieur), y faisait l’objet d’une analyse qui pourrait aussi bien être appliquée aujourd’hui à bien des pays occidentaux.

    Peut-on lutter contre la mondialisation ?

    La mondialisation (ou globalisation) est un fait acquis, mais on ne peut l’analyser et la comprendre qu’en tenant compte de son caractère éminemment dialectique. La mondialisation unifie en même temps qu’elle divise. Elle pousse à l’homogénéisation planétaire mais, par le fait même, provoque en retour des fragmentations nouvelles. D’autre part, la mondialisation ne veut pas dire grand-chose aussi longtemps qu’on n’en a pas déterminé le contenu actuel et les autres contenus possibles. Aujourd’hui, la mondialisation est avant tout technologique et financière. De ce point de vue, le slogan : « Mondialisez-vous ou il vous en coûtera cher ! » n’est qu’un mot d’ordre terroriste. Toute la question est de savoir si la globalisation débouchera sur un monde unipolaire, inévitablement contrôlé par la principale puissance dominante que restent encore aujourd’hui les Etats-Unis d’Amérique, ou sur un monde multipolaire, où les grands ensembles de puissance et de civilisation pourront jouer un rôle de régulation dans le processus de mondialisation en cours. C’est évidemment vers un monde multipolaire (un pluriversum, non un universum) que vont mes vœux. Cette alternative conditionne l’avènement d’un nouveau Nomos de la Terre. Elle détermine aussi un clivage d’opinion beaucoup plus important que l’obsolète clivage droite-gauche.

    Qu’évoque pour vous le mot « universalisme » ? Le paganisme est-il une alternative ?

    Je définis l’universalisme comme une corruption de l’universel. Vous connaissez cette belle formule de l’écrivain portugais Miguel Torga : « L’universel, c’est le local moins les murs ». La singularité est un mode de médiation vers l’universel. L’universalisme consiste à statuer a priori sur la nature de toute réalité particulière, tandis que l’universel part de cette réalité pour s’épanouir et acquérir une portée plus générale. C’est en s’affirmant profondément espagnol, allemand ou anglais, que Cervantès, Goethe ou Shakespeare prennent une dimension universelle. L’universel, pour le dire autrement, ne s’atteint pas par la négation ou le dépérissement des particularités, mais par leur approfondissement. L’universalisme nie l’altérité, il ignore l’Autre en tant qu’Autre. Il considère que les hommes sont en tous temps et en tous lieux les mêmes, et que ce qui vaut pour les uns vaut nécessairement pour les autres. Cette croyance a servi de fondement à l’impérialisme occidental, et on la retrouve aussi au fondement du racisme. Le paganisme est assurément une alternative, d’un point de vue intellectuel et spirituel, puisqu’il se tient par définition à l’écart de l’Unique. Affirmer qu’il y a plusieurs dieux conduit à n’en rejeter aucun. Le « polythéisme des valeurs » (Max Weber) est un principe de tolérance, en même temps qu’une manière de respecter ce qui fait la richesse du monde, à savoir sa diversité.

    Il semble que, de la démocratie représentative, il ne reste plus que la représentation. Les représentants sont parfois ouvertement méfiants envers le suffrage populaire. Comment les peuples peuvent-ils reprendre le pouvoir ?

    Carl Schmitt disait que plus une démocratie est représentative, moins elle est démocratique. C’était aussi l’opinion de Rousseau : lorsque le peuple délègue à des représentants le soin de parler en son nom, il ne peut plus être présent à lui-même. Ce qui fonde la légitimité de la démocratie, à savoir la souveraineté populaire, implique la possibilité donnée à tous les citoyens de participer aux affaires publiques, c’est-à-dire de décider le plus possible par eux-mêmes de ce qui les concerne. La vraie démocratie est donc avant tout une démocratie participative. La crise actuelle de la représentation tient au fait que les citoyens constatent en permanence qu’ils ne sont même plus représentés. La Nouvelle Classe dirigeante redoute de son côté que les classes populaires ne veuillent pas aller dans la direction qu’elle leur assigne. L’idéologie dominante, enfin, place la souveraineté populaire sous conditions : une décision adoptée démocratiquement n’est plus acceptée aujourd’hui que pour autant qu’elle ne contredise pas l’idéologie des droits de l’homme. Un fossé s’est ainsi creusé entre le peuples et les élites. « Reprendre le pouvoir », cela signifie d’abord comprendre que, dans l’espace public, l’individu ne doit pas s’affirmer comme consommateur, mais comme citoyen. Cela signifie ensuite chercher à mettre en place, et d’abord localement, une démocratie de base suffisamment forte pour résister aux injonctions qui viennent d’en-haut.

    On assiste à des scènes quasi insurrectionnelles en Grèce. La violence est-elle une solution pour les peuples ?

    Des scènes quasi-insurrectionnelles ? On n’en est pas encore là, malheureusement peut-être. Pour l’instant, ce que l’on voit le plus en Grèce, c’est la misère, le désespoir et bon nombre de suicides. La violence est la solution lorsqu’il n’y en a plus d’autres. On dit souvent que l’Etat moderne a le monopole de la violence légitime, mais en réalité il n’a que le monopole de la violence légale. Or, légalité et légitimité ne vont pas forcément de pair, sans quoi l’on ne pourrait dire d’une loi qu’elle est injuste.

    La décrédibilisation de la violence comme mode d’expression de soi n’est-elle pas l’une des causes de la perte de pouvoir du peuple ? Les dirigeants ne doivent-ils pas avoir un peu peur du peuple pour garder en tête ses intérêts ?

    Toute société implique un minimum de concorde entre les citoyens. Il s’en déduit que, si violence est parfois légitime, elle ne saurait constituer un « mode d’expression de soi » permanent. Les dirigeants, d’autre part, ne doivent certes pas être préservés de la colère du peuple, mais il y a des institutions qui les obligent plus que d’autres à tenir compte de ses réactions éventuelles. Je pense par exemple au mandat impératif. En cas de conflit, en tout cas, c’est au peuple d’imposer sa loi par tous les moyens qui peuvent le lui permettre.

    La violence est-elle un mal en soi ?

    Je ne sais pas très bien ce qu’est un « mal en soi » rapporté aux affaires humaines. En matière politique et sociale, le bien et le mal sont rarement absolus. Beaucoup de choses dépendent des circonstances. C’est en recourant à la violence que nombre d’anciennes colonies ont recouvré leur indépendance. Durant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance avait elle aussi recours à des moyens violents pour lutter contre l’occupant. Face à la violence d’Etat, qui peut aussi être une violence impersonnelle ou structurelle (la violence n’implique pas nécessairement la mise en œuvre de moyens violents), le recours à la violence est souvent la seule arme dont disposent ceux qui sont injustement dominés. Mais la violence n’est pas toujours légitime. Dans ses Réflexions sur la violence (1908), Georges Sorel fait l’apologie de la « violence prolétarienne », mais prend soin de la distinguer de la Terreur. La violence ne doit pas non plus être confondue avec la force. Lorsque l’on dit que la force précède le droit, on ne plaide pas pour la « raison du plus fort ». On dit seulement que le droit est impuissant sans la force nécessaire pour garantir son application.

    Sommes-nous une société pacifiée, une société de lâches, ou les deux ?

    La société dans laquelle nous vivons n’est pacifiée qu’en apparence. Derrière le « cercle de raison » cimenté par la pensée unique, elle est au contraire traversée de contradictions profondes qui, à la faveur d’une crise généralisée, éclateront avec d’autant plus de force qu’on aura longtemps tenté de les dissimuler. « Société de lâches » est peut-être excessif. Là encore, ce sont souvent les conjonctures, les circonstances, qui révèlent d’un côté les lâches et de l’autre les courageux. Si nous sommes aujourd’hui dans une « société de basses-eaux », comme disait Castoriadis, c’est aussi que nous sommes dans une époque de transition, un Zwischenzeit (en Français, un intermède Ndlr). Nous voyons s’effacer un monde qui nous fut familier, mais nous ne percevons pas encore pleinement les enjeux du futur. Plutôt que de lâcheté, je serais tenté de parler de déperdition d’énergie. Amnésiques et culpabilisées, les sociétés européennes actuelles sont comme vidées de leur énergie. A cette fatigue historique s’ajoutent les effets de la « distraction » au sens pascalien du terme, c’est-à-dire les effets de l’industrie du divertissement.

    Un petit recueil de Kantorowicz s’intitule Mourir pour la patrie. Y a-t-il quelque chose qui justifie de se sacrifier aujourd’hui ?

    Il y a toujours quelque chose qui vaut qu’on se sacrifie pour elle, mais cette chose n’est pas forcément perçue dans la claire conscience. Disons qu’il vaut toujours la peine de se sacrifier pour quelque chose qui nous dépasse. La question est de savoir si nos contemporains estiment qu’il y a quelque chose qui excède leur existence individuelle et leurs désirs immédiats ou s’ils jugent que, par définition, rien n’est pire que la mort. Un peuple qui pense que rien n’est pire que la mort est mûr pour la servitude. Le problème est que la notion même de don de soi va totalement à l’encontre d’un climat général dominé par l’utilitarisme, la raison marchande et l’axiomatique de l’intérêt. Anthropologiquement parlant, l’idéologie dominante fait de l’homme un producteur-consommateur uniquement désireux de maximiser son meilleur intérêt. Dans une telle perspective, tout ce qui n’est pas calculable est considéré comme dénué d’intérêt, toutes les valeurs sont rabattues sur la valeur d’échange, et la gratuité ne correspond plus à rien. Réaliser ce pour quoi il vaut la peine de se sacrifier implique une véritable décolonisation de l’imaginaire symbolique.

    Georges Sorel, dans ses Réflexions sur la violence, décrit une élite bourgeoise peureuse, qui cède au moindre froncement de sourcil populaire. Est-ce encore vrai ? Et si oui, qu’est-ce qui fait que les peuples soient si sages, finalement ?

    Je n’ai pas l’impression que Sorel décrive une bourgeoisie si craintive. Il la décrit plutôt comme prête à tout, y compris à la guerre, pour défendre ses intérêts. Il n’en est pas moins vrai que les élites redoutent le peuple, et qu’on peut s’étonner de voir ce dernier accepter si facilement de vivre dans les conditions qui sont les siennes aujourd’hui. La raison principale en est la relative abondance matérielle que nous connaissons. La vie devient de plus en plus difficile, le travail de plus en plus précaire, mais il y a toujours de l’essence à la pompe et les rayons des centres commerciaux sont pleins. Il n’en ira pas toujours ainsi. L’épuisement des ressources naturelles, la détérioration objective des conditions de la croissance, la suppression de fait des acquis sociaux obtenus en un siècle et demi de luttes sociales, aboutiront peu à peu à une prise de conscience qui mettra fin à la « sagesse » – en fait à l’apathie, à l’aliénation du « spectacle » et à la fausse conscience généralisée – dont vous parlez.

     Vous avez dans votre jeunesse été très à droite, vous dites désormais n’être ni de droite ni de gauche. Comment avez-vous dépassé ce clivage ? Pourquoi luttez-vous aujourd’hui ?

    Je n’emploie pas la formule « ni droite ni gauche », qui ne veut pas dire grand-chose. Je dis seulement que le clivage droite-gauche, qui a depuis deux siècles renvoyé aux oppositions les plus différentes, n’a plus guère de sens aujourd’hui. Il devient obsolète. Les notions de droite et de gauche, nées avec la modernité, s’effacent avec elle. Elles ne survivent, péniblement, que dans la sphère étroite du jeu parlementaire, mais tous les sondages montrent qu’elles perdent chaque jour un peu plus de leur clarté. Les grands événements de ces dernières décennies ont fait apparaître de nouveaux clivages qui, chez moi, ont stimulé un désir de synthèse. Dans mon livre de mémoires, Mémoire vive, j’explique dans le détail comment je suis parvenu à ce constat que les notions de droite et de gauche ont cessé d’être opérationnelles pour analyser sérieusement le moment historique que nous vivons. Je dis aussi que je me considère plutôt comme un « homme de droite de gauche » ou un « homme de gauche de droite ». Au lecteur de décider par lui-même ce qu’il peut ou doit en tirer !

    Alain de Benoist (Ragemag, 13 juillet 2012)

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  • Sécurité nationale : retour aux fondamentaux...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Raufer, cueilli sur le site du Nouvel Economiste et consacré à la nécessité d'une réaction ordonnée et forte de l'Etat face à l'explosion de la délinquance, en particulier étrangère...

     

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    Sécurité nationale : retour aux fondamentaux

    Une mise en ordre du “continuum pénal” s’impose à l’Etat, qui doit reprendre en main son appareil de sécurité

    Lors d’un début de cycle, début 2013 donc, retour aux fondamentaux, vitaux pour pouvoir bâtir sur un socle solide. En matière de sécurité, les Français vivent encore dans un Etat-nation, communauté de destins dont l’objet même est d’assurer qu’un territoire (ici, la France) vit “respecté à l’extérieur, en paix à l’intérieur”, selon la brillante formule de Raymond Aron. Telle est la mission fondamentale, la raison d’être de cette lourde et coûteuse machine. Qui ne fut pas fondée pour fixer la date des soldes ou le salaire de nuit des infirmières, mais pour que ceux qui l’entretiennent – et parfois meurent pour elle – vivent sans crainte de l’étranger, ni du chaos intérieur.

    Mondialisation, libéralisme, Union européenne : de gré ou de force, l’Etat-nation européen évolue – plutôt dans la bousculade et sous la contrainte. Mutant cahin-caha en Etat-marché, l’Etat-nation hérite ainsi d’une contrainte nouvelle et transversale, nationale et internationale à la fois : assurer la fluidité optimale des flux humains, marchands, financiers, traversant son espace.

    A cet effet, l’appareil d’Etat doit maîtriser quelques cruciales capacités : prévoir, comprendre, déceler (c’est-à-dire, en fin de compte : nommer), puis prévenir ou sanctionner (ce qui dans un Etat de droit signifie : juger). Ceci rappelé, venons-en à notre prévision criminologique, concernant la sécurité intérieure.

    Dans la France du début 2013, cette sécurité intérieure est mauvaise – et tout montre hélas qu’elle ne saurait s’améliorer bientôt, sans une profonde révision des doctrines et pratiques du présent gouvernement. Au-delà de toute chicane sur la valeur des chiffres, leur mode de collecte, etc. – même grossiers et flous, ceux-ci montrent une indéniable augmentation des violences physiques, vols et fraudes diverses. Et puisqu’on parle désormais de sécurité des flux, une explosion des vols et actes violents commis sur le réseau ferré et sur ceux des autobus.

    Cambriolages en rafale, rapines et petits braquages en série : depuis 2011, la France périurbaine et rurale est mise au pillage systématique ; même la campagne profonde n’y échappe désormais plus.

    La police, la gendarmerie sont-elles fautives ? Ont-elles démissionné ? Non. Nos forces de l’ordre sont efficaces et affûtées – preuve : l’importance des interpellations et affaires résolues. Mais à elles seules, ces forces ne suffisent pas : la sécurité intérieure d’un Etat moderne forme un continuum débutant par une décision politique et continuant par le renseignement, puis par l’action policière de terrain. Viennent ensuite la justice, et enfin, le travail social ou le pénitentiaire. Ces divers éléments sont les régiments d’une armée : leur entente, leur coordination, sont cruciaux pour gagner la bataille. Or, depuis 2012, cette armée-là est désunie, on y tire à hue et à dia – pire, on y entend parfois que tout va bien et qu’il n’y a pas lieu de se battre.
    Pourquoi ? Reprenons nos deux termes cruciaux.

    Nommer: formidable est le pouvoir la nomination : “Le nom fait faire connaissance… Nommer dévoile… Par la vertu de l’exhibition, les noms attestent leur souveraineté magistrale sur les choses” (Martin Heidegger). Or le “politiquement correct” interdit de nommer le problème ou l’adversaire. En médecine, ne pas nommer une maladie grave condamne le patient ; en stratégie, ne pas nommer la menace condamne celui qui est attaqué. Refouler toute nomination aveugle l’Etat en lui interdisant la prévision ; met en péril ceux qui le servent, les empêche in fine d’accomplir leurs missions. Car le plus vite, le plus précisément possible le fauteur de violence est nommé et désigné – donc le diagnostic fait -, le plus tôt et le plus chirurgicalement possible ce malfaiteur est interpellé, le mieux cela vaut – et c’est justement cette voie que le “politiquement correct” condamne.

    Observons maintenant la criminalité qui ravage la France : vols à la tire, explosion ; vols en bande organisée dans les résidences principales et secondaires, explosion ; vols par effraction dans les commerces, explosion. De partout, villes, syndicats de transports et de commerçants crient à la “suractivité de la délinquance roumaine et bulgare”.

    Mais là, des dirigeants politiques prosternés devant les Tartuffes médiatiques, étouffés par le politiquement correct et l’idéologie gnan-gnan-abbé-Pierre, s’interdisent de nommer, désigner, dire.

    Ils ne peuvent publiquement révéler qu’il ne s’agit en rien de “Roumains” ou de “Bulgares” en général – qui vivent en Roumanie et en Bulgarie – mais de clans nomades criminalisés issus de l’Europe du Sud-Est, dont les infractions précitées constituent la très exacte signature prédatrice. Comment conduire un appareil de l’Etat en lui désignant sa mission, ses “clients”, par des euphémismes de précieuses ridicules, ou des finasseries sémantiques ? C’est bien sûr impossible. Et voilà les forces de l’ordre déjà paralysées, avant même d’avoir pu agir.

    Juger: c’est à l’évidence la mission de la justice. Or en France, sous l’impulsion d’une garde des Sceaux enivrée de “culture de l’excuse”, la justice part en vrille. Là aussi les plaintes affluent, citons celles de la RATP : “De nombreuses affaires transmises à la justice parisienne sont restées en jachère.” Et tandis que des délinquants, voire des criminels, ressortent hilares de tribunaux impotents, la ministre nourrit le rêve pathétique de mettre à des racailles des bracelets électroniques que ceux-ci exhibent ensuite fièrement ; voire de taxer des bandits nomades, ou planqués dans des coupe-gorge où, depuis belle lurette, nul ne paie plus impôts, ni taxes, ni loyers.

    Une mise en ordre du “continuum pénal” s’impose donc à l’Etat, qui doit reprendre en main son appareil de sécurité. Contraindre aussi la DCRI à s’intéresser aux vraies menaces, non aux lubies de son goût. Bref : il doit gouverner. S’il ne le fait pas, et vite, 2013 sera, en termes de sécurité, un annus horribilis par excellence.

    Xavier Raufer (Le Nouvel Economiste, 10 janvier 2013)

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  • La corruption, arme de la mondialisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent article d'Auran Derien, cueilli sur Metamag et consacré à la corruption comme moteur de la mondialisation.

     

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    La corruption, arme de la mondialisation

    Le dernier rapport publié par Transparency international considère que le niveau de corruption est décevant  dans la zone Euro, notamment en Grèce et en Italie. Il  reprend ainsi un discours démagogique sur la corruption du secteur public puis affirme niaisement que la lutte contre la corruption est l’une des clés pour sortir la Grèce de la crise.

    Plus le gang globalitaire crée des centres du type Transparency, plus l’hypocrisie se répand et plus les mensonges éhontés peuvent circuler. A la fin, l’infamie couvre notre monde en toute légalité. Car là est l’escroquerie fondamentale dont ne parle jamais Transparency : la corruption légale est la norme en occident. Selon le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC qui fonctionne en France) celle-ci utilise des professionnels, dénommés conseils voir intermédiaires en accommodement dans les affaires. Des sociétés spécialisées, où tout est légal, se chargent de l’industrie de la corruption. Deux méthodes sont particulièrement répandues : la facturation de prestations fictives par des sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux et les sur-facturations et sous-facturations d’achats et de ventes entre sociétés liées. 

    De plus, la corruption passive et le trafic d’influence ne sont pas couverts par les conventions que promeut la globalisation pestilentielle et ses pitres tarifés. La corruption passive désigne le cas où l’initiative de la demande de pots-de-vin est prise par le décideur ou l’exécutant détenteur d’un pouvoir de  décision ou d’exécution. 

    Le trafic d’influence est qualifié d’ “actif” lorsque la personne qui souhaite une décision en sa faveur propose des avantages à un tiers susceptible d’influencer le décideur. Le trafic d’influence est passif lorsqu’un personnage qui peut jouer un rôle dans la décision propose de sa propre initiative ses services illégaux et rémunérés.

    Une corruption pas seulement financière. 

    Le favoritisme qui conduit à sélectionner une entreprise peu efficace est une forme de pot-de-vin. C’est un sabotage. Du point de vue de l’efficacité économique globale, la corruption réside tout autant dans le fait de recevoir un “dessous-de-table” (somme versée à un quidam pour favoriser un projet) non déclaré que dans celui de bâcler son travail, d’être paresseux, incompétent et sans conscience professionnelle. Chaque fois, des personnes ou des groupes vivent largement sans fournir une contribution positive à l’ensemble. Le parasite, fléau de l’Europe maastrichtienne, est aussi et surtout un corrompu. Pourquoi ne pas en parler?

    Pas de supra classe globalitaire sans corruption.

    La curiosité intellectuelle des grands penseurs de Radin (selon la belle expression forgée autrefois par feu Pierre Dac) à propos de la lutte contre la corruption ne va pas jusqu’à interroger le monde dont ils sont l’émanation. Pourtant, le psychanalyste Horst-Eberhard Richter, alors directeur de l'Institut Sigmund Freud de Francfort, a publié en 1996 un ouvrage au titre explicite : « Le grand art de la corruption », dans lequel il se préoccupe de démontrer de manière systématique comment la corruption est l’instrument de contrôle indispensable pour la classe dominante globalitaire. 

    Il n’est ni le premier ni le seul. On peut dire que la corruption morale est organisée systématiquement et très consciemment. Un changement de valeurs a été imposé peu à peu en Europe à travers un nouveau paradigme introduit depuis la deuxième guerre mondiale: toutes les élites attentives aux voies de leur conscience, préoccupées par la vérité, et voulant œuvrer pour le bien-être général, bref ceux qui cherchaient à mener une vie utile aux autres, ont été transformées en monstres de foire, uniquement préoccupées par leurs plaisirs. On citera l’Institut Tavistock mais tant au M.I.T. que dans d’autres universités soi-disant prestigieuses, de petites coteries réfléchissent  à la façon de corrompre la population le plus efficacement possible.

    Mensonge pieux, double morale, etc.

    Les éthologistes incitent à penser que l’être humain, il y a très longtemps, a appris à faire confiance à son prochain, une fois passée la période probatoire d’observation. Ce “degré de confiance” s’est accru dans les sociétés européennes du fait de la liberté d’expression qui y a régné en comparaison avec d’autres civilisations. Car la liberté d’expression a un avantage fondamental : beaucoup de faussaires, sur des affaires simples, sont démasqués et signalés. Cependant, le centre névralgique du mensonge, comme l’a enseigné Nietzsche, est au cœur des religions monothéistes et de leur caste sacerdotale qui a besoin du mensonge pour vivre. 

    Produire du faux est devenu une activité à plein temps pour des canailles cherchant à vivre en parasites sur la société de confiance. Pour cela, il convient de retourner les signes “crédibles”, ceux qui sont transmis par éducation, une fois que l’on a bien étudié la mentalité de la population que l’on veut tromper. Ainsi, on constate en Europe que le désert s’étend - des pans entiers de l’économie disparaissent, d’autres deviennent les auxiliaires de prédateurs, comme la banque et la grande distribution -  et cela laisse de marbre les chargés d’étude de la corruption...Par exemple, ils parlent peu - ou jamais - des partenariats public-privé pratiqués à l'Organisation Mondiale de la Santé...et qui expliquent que 45 millions d'Européens aient été vaccinés pour le seul profit de quelques multinationales lors de la pandémie de grippe A (H1N1) .

    La corruption n’a bien sûr rien à voir avec le niveau d’intelligence. Au contraire, beaucoup d’observations montrent que la plupart des personnes à haute capacité intellectuelle sont défaillantes dans la réussite matérielle et sociale. Le succès mondain nécessite la présence d’un facteur que les étatsuniens ont appelé “social or machiavellian intelligence”, considéré comme indépendant du QI, mais dont le niveau influe grandement sur la position socio-économique des individus. La compétition sociale suppose une intention de réussir. Y parvenir impose de développer une certaine lucidité par laquelle on détectera des signaux qui dévoilent les intentions des autres. Il s’ensuit que l’émission de fausses informations sera stratégiquement avantageuse pour celui qui les émet, lorsque de tels signaux sont suffisamment rares pour être interprétés par les autres comme véridiques. C’est exactement ce à quoi nous convie Transparency : faire croire que la corruption émane du politique, ce qui est exact en partie, mais n’est pas l’essentiel dans un monde occidental qui répand le néant, crée partout le désert.

    La réalité, sordide, est que le monde des affaires, et les membres fanatiques de la supra classe mondiale incarnent la corruption, et utilisent tous les moyens pour qu’elle prospère, dont les services spéciaux. Dans les grands groupes  américains, les services secrets (CIA notamment) entretiennent des  agents dans le cadre du programme  "NOC" (No official cover). Ce sont des officiers de la CIA qui se présentent comme des  cadres ordinaires. Ils sont envoyés en mission dans des pays “amis" - comme les pays européens - et ont  pour fonction de recruter des agents, choisis parmi les dirigeants : patrons, hauts fonctionnaires, politiciens. La corruption est donc systématique de la part des multinationales. 

    Quel avenir pour l’Europe ? 

    On ne pourra pas reconstruire rapidement un monde où la recherche de la vérité, la liberté de pensée et de parler, ainsi que l’éthique de l’honneur guideront des élites véritablement choisies. La tyrannie des trafiquants est désormais trop installée pour que l’esprit public s’évade de la propagande crasseuse que les médias imposent au quotidien. La corruption est une donnée pratique dont on peut limiter les effets et l’importance par l’éducation, les associations indépendantes de penseurs, la diversité des centres de diffusion et la limitation du pouvoir des congrégations multinationales. La globalisation pousse dans l’autre sens. Aussi incarne-t-elle aujourd’hui l’inhumanité.

    Auran Derien (Metamag, 9 janvier 2013)

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  • Qu'est-ce que la démondialisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte d'entretien avec Jacques Sapir, cueilli sur son blog Russeurop et consacré à la question de la démondialisation. Jacques Sapir, économiste hétérodoxe est l'auteur d'un essai intitulé La démondialisation (Seuil, 2011) qui vient d'être réédité en format de poche dans la collection Point.

     

     

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    Qu'est-ce que la démondialisation ?

    1. Si vous deviez définir la démondialisation simplement, comment la définiriez-vous?

    La mondialisation résulte de la conjugaison de la libéralisation financière, qui s’est fortement développée depuis les années 1980 et de l’extension des pratiques de libre-échange, consolidées désormais par l’Organisation Mondiale du Commerce. Cette conjugaison permet une libre circulation des capitaux, qui est désormais jugée, même au FMI, comme très déstabilisatrice, et une mise en compétition des systèmes sociaux (protection sociale, santé, retraite) des différents pays à travers la concurrence entre les biens produits. La démondialisation peut se définir comme la conjugaison d’un retour à de fortes réglementations financières, pénalisant en particulier les mouvements de capitaux à court et très court terme, et de règles assurant que la concurrence se produise non entre systèmes sociaux différents mais entre systèmes sociaux comparables. La clé étant ici le rapport entre la productivité horaire du travail dans un pays et l’ensemble du salaire et des revenus de prestations auxquels ont droit les travailleurs. Tout pays ayant une très forte productivité mais des salaires et prestations très faibles sera ainsi pénalisé par l’introduction de droits de douane automatiques. Un mécanisme identique devrait exister entre le niveau de productivité du travail dans une activité donnée et le niveau de pollution de cette activité. Ici aussi, des taxes devraient rétablir une juste concurrence. La démondialisation n’est pas la condamnation du système financier international, mais sa réglementation afin de limiter le plus possible les phénomènes de contamination d’un pays à l’autre en cas de crise. Elle ne signifie pas non plus l’arrêt du commerce international mais sa réorganisation afin de promouvoir spontanément des règles sociales et environnementales toujours plus avancées. Il est cependant clair que la part du commerce international dans une économie sera plus faible que ce que l’on observe aujourd’hui.

    2. Est ce que la crise financière mondiale de l’année 2008 et crise dans la zone Euro ont eu pour cause la mondialisation? Si c’est le cas, comment argumentez vous cela ?

    La crise financière internationale est très directement liée à la mondialisation. Aux Etats-Unis, où elle a trouvé naissance, les salaires médians dans différentes activités ont eu tendance à baisser du fait de la concurrence exercée par des pays où les coûts de production étaient très faibles. Le gouvernement américain a cherché à contrer cette évolution par un relâchement des règles concernant le crédit. Il en a résulté une énorme bulle immobilière, qui pendant un temps (de 2000 à 2007)  a masqué la baisse des revenus d’une grande partie de la population. Quand cette bulle a explosé, ce que l’on appelle la « crise des subprimes », la liberté de circulation des capitaux a permis une contamination des principaux marchés financiers mondiaux. C’est pourquoi ce qui n’aurait du être logiquement qu’une crise américaine s’est transformée en une crise mondiale.

    Pour la crise de la zone Euro, le lien avec la mondialisation est plus complexe. D’une part, il y avait dans la zone Euro des facteurs de crises endogènes. Si vous créez une monnaie unique entre des économies fortement hétérogènes sans mécanismes importants de transfert financier – et il est notoire que ces mécanismes n’existent pas dans la zone Euro – la crise est inévitable. Mais, d’autre part la mondialisation a joué son rôle, en particulier en forçant l’Allemagne, économie dominante de la zone Euro, à réaliser la majorité de ses excédents commerciaux au sein de la zone Euro. Le déséquilibre induit par ce que l’on peut considérer comme une politique mercantiliste de la part de l’Allemagne trouve son origine dans les phénomènes de mondialisation, et ce déséquilibre a accéléré l’émergence de la crise au sein de la zone Euro.

    3. Est que la démondialisation est la solution pour ces crises?

    Pour la crise financière mondiale, qui est aujourd’hui loin d’être résorbée, la réponse est « oui ». Il est clair que des mesures protectionnistes, fondées de la manière que j’ai décrite, sont désormais indispensable si l’on veut que l’économie mondiale retrouve une trajectoire stable de croissance. Dans le cas de la crise de la zone Euro, ces mesures protectionnistes aideraient incontestablement un certain nombre de pays qui aujourd’hui connaissent de grandes difficultés économiques. Mais, elles n’apporteraient pas en tout état de cause de réponses aux causes endogènes de la crise de la zone Euro.

    4. Vous avez révélé dans votre livre, que l’Euro est un échec. Trouvez vous que le retour aux monnaies nationales est mieux? Ou au contraire prônez vous un retour au ‘gold exchange standard’?

    Le problème actuel de la zone Euro réside dans la combinaison de deux crises, distinctes mais liées. Il y a, à la base, une crise majeure de compétitivité interne à la zone dans les économies du « sud » de la zone Euro. Cette crise provient du fait que leurs structures économiques sont trop divergentes de celles de l’Allemagne, et qu’elles ont besoin d’un taux d’inflation très supérieur à cette dernière. Comme ces pays ne pouvaient résoudre cette crise de compétitivité faute d’une dévaluation, on a laissé se développer un important endettement, tant public que privé. Ceci introduit la seconde crise, qui est une crise de la dette souveraine. Mais il faut se rendre compte que cette crise de la dette est surdéterminée par la première crise, celle de la compétitivité. Depuis 2010, c’est essentiellement la crise de la dette qui a monopolisé l’attention des gouvernements. Mais on se rend compte à regarder la situation actuelle en Grèce, en Espagne et au Portugal, que chercher à résoudre cette crise de la dette sans prendre en compte la crise de compétitivité est un horrible échec. La seule solution désormais consiste à permettre à ces pays de dévaluer. C’est pourquoi le retour aux monnaies nationales est inéluctable. Le plus vite prendre-t-on cette décision le mieux ce sera pour les populations.

    La question d’un retour au « Gold exchange standard » est en réalité celle de l’avenir du système monétaire international. L’étalon Or n’est pas une solution à la crise actuelle.

    5. Quelle est la solution idéale à la crise de la zone Euro?

    Dans l’idéal, si nos gouvernements faisaient preuve de clairvoyance et de courage, hypothèse peu probable en l’état, ils décideraient une dissolution concertée de la zone Euro. Cette solution d’une dissolution concertée de la monnaie unique permettrait en effet de présenter cette décision comme une décision européenne et non comme un retour à des politiques nationalistes. Elle éviterait une dissolution progressive et désordonnée de la zone qui devient désormais une réelle possibilité si on tarde trop à procéder à cette dissolution. C’est cette solution qui est en effet la plus probable si rien n’est fait. Elle confronterait les pays européens à des sorties individuelles (Grèce, Portugal, Espagne puis Italie et enfin France) qui plongeraient en raison de leur nature non coordonnée rapidement l’Europe dans le chaos. Une décision coordonnée permettrait de définir des niveaux de dévaluation et de réévaluation raisonnables, et de se doter des mécanismes régulateurs (modification du mandat de la BCE, utilisation des fonds prévus pour le MES afin de stabiliser les pays les plus exposés, contrôles concertés des capitaux pour éviter des mouvements spéculatifs) susceptibles de contrôler les mouvements de ces nouvelles parités.

    Le Système Monétaire Européen serait reconstitué à titre provisoire pour garantir des fluctuations communes aux parités. Il serait cependant différent du SME originel en ceci qu’il s’accompagnerait de mesures de contrôle des mouvements de capitaux pour prévenir toute attaque spéculative. Il est possible qu’un ou plusieurs pays refusent ces conditions, et le SME reconstitué pourrait ne commencer à fonctionner que sur un groupe plus restreint de pays que l’Euro aujourd’hui. Cependant, les avantages en matière de stabilité de ce SME reconstitué devraient être suffisant pour attirer vers lui progressivement plus de monnaies. Ce système monétaire européen aurait pour logique d’évoluer vers une monnaie commune, s’ajoutant aux monnaies nationales et utilisées pour l’ensemble des transactions tant commerciales que financières avec les autres pays.

    6. Vous soutenez que la mondialisation a des mauvais effets sur la croissance. Est-ce le cas pour les pays d’Asie?

    Un certain nombre de pays d’Asie ont connu une croissance ces vingt dernières années. Compte tenu de leur état de départ, il en aurait été ainsi sans la mondialisation. La véritable question qui vaut d’être posée est de savoir si leur croissance est équilibrée et si elle peut s’avérer durable. Les problèmes sociaux et environnementaux qui s’accumulent dans un certain nombre de ces pays permettent de douter qu’une croissance essentiellement tirée par les exportations soit durable. Par ailleurs, le cas le plus spectaculaire, celui de la Chine, montre l’importance de maintenir des contrôles importants sur les mouvements de capitaux. Dans le cas de l’Inde, on voit les tensions sociales devenir aujourd’hui de plus en plus fortes, en particulier dans le monde rural. Enfin, certains pays de l’Asie du Sud-est commencent à se faire une concurrence impitoyable. C’est le cas du Vietnam qui joue de ses très bas salaires pour concurrencer la Chine. Au total, l’une des caractéristiques de la mondialisation c’est qu’elle sélectionne, par une processus darwinien de concurrence, des « mauvais » modèles de croissance, marqués par des déséquilibres sociaux et environnementaux extrêmement importants.

    7. La Corée du sud a survécu la crise de l’année 1997 en adoptant le néoliberalisme. Dans le cas de Corée, il semble que la mondialisation n’ait pas été tout à fait mauvaise. Qu’est ce que vous pensez sur cela?

    La Corée connaît une forte croissance depuis le milieu des années 1960. Elle ne date pas de 1997. Les bases de cette croissance reposent, aujourd’hui encore, sur une intervention explicite ou implicite importante de la puissance publique. Il ne faut pas confondre la prégnance d’une idéologie avec les institutions économiques qui restent largement influencées par la période de l’avant-1997. Cette croissance a été, et reste en partie, déséquilibrée. Le modèle actuel semble convenir au développement du pays. Mais, à y regarder de plus près, on constate que l’économie coréenne est aujourd’hui extrêmement vulnérable à la conjoncture tant mondiale que régionale. Une telle situation n’est pas saine, et ceci sans même parler des problèmes sociaux importants qui existent dans le pays. En cas de nouvelle crise mondiale ou même régionale, l’économie de la Corée serait durement touchée.

    8. L’organisation mondiale de commerce organise le libre-échange. Les institutions mondiales comme l’OMC, doivent-elles changer?

    La réponse est très clairement oui. L’OMC devrait inclure des clauses de protection sociale et écologique, en fonction du niveau de productivité du travail dans chaque branche afin de parvenir à un échange juste. De plus, elle devrait intégrer de manière contraignante la totalité des recommandations de l’Organisation Internationale du Travail dans ses travaux. Légalement, ceci pourrait avoir lieu en faisant basculer l’OMC sous le contrôle des Nations Unies.

    Par ailleurs, on peut noter que le FMI admet depuis 2010 la nature profondément déstabilisatrice des flux de capitaux à court et très court terme. Une réglementation internationale serait certes difficile à mettre en œuvre, mais du moins devrait-on cesser de jeter l’opprobre sur les pays qui adoptent des cadres réglementaires contraignants, sous réserves que ces cadres ne soient pas discriminatoires.

    9. Quels seront les effets secondaires de la démondialisation?

    Une démondialisation concertée, au moins à l’échelle de régions et de grands pays aura pour effet immédiat de redonner la stabilité qui manque aujourd’hui à l’économie mondiale. Il serait illusoire de prétendre que l’on réglera d’un coup tous les problèmes. Certains ne sont qu’indirectement liés à la mondialisation. Mais, du moins, éviterait-on cette sélection pseudo-naturelle de modèles de croissance qui ne sont ni durables ni efficients. La démondialisation est, dans les faits, d’ores et déjà en marche. Il convient cependant qu’elle soit réalisée dans un cadre concerté et organisé afin d’en étendre les effets bénéfiques.

    Jacques Sapir, interview donné au quotidien coréen Chosun Daily (Russeurop, 4 décembre 2012)

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