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libéralisme - Page 8

  • Faire sécession avec Julien Rochedy... (4)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'émission Sécession avec Christopher Lannes et Julien Rochedy sur TV Libertés. Nos deux analystes reviennent sur l'actualité politique avec les premiers jours du président Macron et les législatives, et réfléchissent sur les libéralismes de droite et de gauche...

     

                                

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  • Pour en finir avec un certain libéralisme...

    Les éditions Avatar viennent de publier un essai de Michel Soriano intitulé Pour en finir avec ce libéralisme qui fabrique les crises et désespère les peuples. Chef d'entreprise, Michel Soriano a exercé dans la métallurgie, l’automobile et les énergies nouvelles, notamment, mais il a aussi dirigé un syndicat professionnel. Il connaît donc les égarements de l’économie libérale et de la finance ainsi que les processus qui conduisent à la spéculation, aux délocalisations et à la globalisation des flux de marchandises et de capitaux.

     

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    " Non, l’élection de Trump, le Brexit, la montée des « populismes » et des « extrémismes » en Europe, ne sont pas des accidents de l’histoire… le malaise est profond ! 

    Les populations occidentales n’acceptent plus un libéralisme sans règles ni lois qui engendre les délocalisations, l’endettement colossal des états, l’accroissement des inégalités et de la précarité, les outrances de la finance, l’insécurité au quotidien…

    Après avoir chiffré et analysé les dérives économiques, sociales et financières du système, l’auteur nous propose les règles pour redonner des valeurs et du sens à l’économie libérale. Un système financier assaini et une économie de proximité libérale et ouverte permettraient de refabriquer chez nous les produits que nous consommons !… Il ne serait plus possible de s’enrichir impunément par la spéculation pendant que nos agriculteurs se suicident, que nos usines ferment et que nos technologies s’en vont. Une Europe fédérale verrait ainsi le jour, indispensable et puissant contrepoids face aux Etats-Unis et à la Chine. Une Europe qui trace le chemin, qui décide, forte mais apaisée, où le travail serait à nouveau source de richesse pour construire enfin le « rêve européen » que nous attendons tous ! "

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  • La boucle est bouclée...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Slobodan Despot publié dans le n°80 d'Antipresse, lettre d'information gratuite, disponible par abonnement et financée par les dons de ses lecteurs. Editeur et écrivain, Slobodan Despot vient de publier, après Le miel (Gallimard, 2014), un deuxième roman intitulé Le rayon bleu (Gallimard, 2017).

     

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    La boucle est bouclée

    Ce que j’ai cru comprendre du temps où nous sommes

    Bref retour aux origines

    Je suis né dans un pays sans liberté. L’économie y était contrôlée par l’État, à l’exception des toutes petites entreprises. L’éducation y était affaire d’État, sans exception. L’information y était affaire d’État. Tout, en somme, y était affaire d’État, et l’État était socialiste. Il œuvrait en théorie au bonheur futur de tous et en pratique à la satisfaction immédiate de quelques-uns. Les autres devaient se taire et faire semblant de ne pas voir ce qui crevait les yeux: qu’ils subissaient au nom de l’égalité et du progrès un système de castes dramatiquement sclérosé.

    Cela dit, ne tombons pas dans le pathos. Ce n’était pas si grave que ça. On était dans la Yougoslavie de Tito. Comme me l’a résumé une amie roumaine: «Pour nous, sous Ceausescu, la Yougoslavie, c’était l’Amérique!» Le dictateur socialiste était habile et jouisseur. Pourquoi se priver? On construisait l’avenir radieux avec le sale pognon du capitalisme. On se faisait photographier en costume blanc, cigare au bec, une Sophia Loren pendue au bras. Les vedettes de la jet-set croisaient à bord du Galeb, le yacht du nabab rouge, à quelques encablures de Goli Otok, l’«Ile nue» de l’Adriatique où ce bon vivant avait organisé l’enfer sur terre pour ses opposants qui s’y surveillaient et s’y torturaient entre eux, presque sans l’aide de personne. Admirable économie de moyens!

    Mais même cela n’était pas grave. La part de répression brute était négligeable. Tout le monde profitait un peu de la poussière d’étoiles semée dans le sillage du beau bateau blanc. Il suffisait de connaître la ligne rouge — ne jamais parler politique —, et l’absence de liberté se trouvait compensée par un agréable éventail de libertés.

    Or, c’est cela qui compte. Si la liberté est un sujet pour les philosophes, les libertés sont l’affaire de M. Tout-le-monde. En même temps qu’il s’endettait pour des siècles auprès des Américains, le dictateur avait ouvert les frontières, s’assurant ainsi un flux de cash venu du travail des gastarbeiter, cette première vague d’immigrés yougos qui convertissaient leur sueur dépensée sur les chantiers d’Allemagne en maisons prétentieuses et bagnoles kitschdu côté de Belgrade et de Sarajevo.

    Cette alliance déjantée entre l’utopie et le carpe diem a façonné une époque folle, indescriptible et passionnante à vivre. Le cinéma yougoslave se permettait des audaces qui le rendent aujourd’hui improjetable sur une chaîne de grand public. Le rock s’était développé en une contreculture de masse à l’époque où les Polonais et les Russes écoutaient Brassens sous leur couette. Le succès mondial d’un Goran Bregović ne repose que sur le resuçage, à la sauce world-music, de son propre patrimoine rock and roll des années 1970. Et ne parlons pas du paysage halluciné des films d’Emir Kusturica, dont les plans les plus surréalistes, les plus sardoniques, ne sont que des tranches de vie puisées dans ce happening permanent qu’était la Yougoslavie des dernières années. Comme l’a observé quelque part un connaisseur, Patrick Besson, les jeunes Yougoslaves étaient trop occupés à faire l’amour pour penser à l’avenir du pays.

    De toute façon, on y pensait pour eux. Au-dessus des stades bondés, des concerts en plein air, des plages interminables de l’Adriatique où l’on copulait à toute heure, veillaient des hommes mornes en manteaux noirs dont le seul souci était que personne ne lève la tête ni n’ouvre les yeux. L’économie stagnait ou s’effondrait par pans entiers. D’Argentine ou d’Allemagne, les oustachis croates injectaient dans le pays des terroristes fanatisés tandis que leur branche «sortable» restée au pays préparait l’insurrection nationaliste en commençant par ergoter sur l’appellation de la langue serbo-croate. Au Kosovo, le programme de conquête des Albanais s’étalait au grand jour dans des manifestations violentes. Mais dans une société gouvernée par le plaisir et le rêve, rien n’apparaît plus irréel que la blessante rugosité des faits.

    L’illusion dura jusqu’à la mort de Tito dont on différa l’aveu de plusieurs mois, tout le système étant fondé sur son immortalité. Il y eut quelques années de flottement. Puis, du jour au lendemain, les grandes claques dans le dos qu’on s’administrait d’une communauté à l’autre devinrent des coups de poignard ou de kalachnikov. Les mass media qui jusqu’alors n’avaient servi qu’à bercer les foules se transformèrent en dresseurs de chiens de combat. Les doux anesthésistes d’hier — les mêmes journalistes et bateleurs! — se mirent à haranguer les meutes enragées et à leur pointer les prochaines cibles.

    Les paradis brouillés

    On l’aura deviné, je ne déterre ce passé que pour parler du présent. Je ne fais que combattre l’amnésie. L’oubli instantané, le ravalement de la mémoire aux capacités de stockage du reptilien, est un outil clef de la manipulation des masses. Ironie de l’histoire: le souvenir de cette culture de l’oubli est le meilleur vaccin contre les illusions du temps présent.

    Quand on a vécu l’expérience du totalitarisme, ce ne sont pas les théories et les concepts qui remontent à la conscience, mais bien plutôt des ambiances et des comportements. La bienveillance obligatoire, l’irénisme — le «personne-ne-nous-en-veut-et-tout-ira-bien» —, et la réticence à appeler le mal par son vrai nom font partie des éléments inamovibles de ce décor. D’instinct, l’on sait quels sont les «sujets qui fâchent» — voire qui tuent — et comment les éviter. La censure n’a pas grand-chose à voir là-dedans. L’autocensure est infiniment plus efficace, parce que spontanée. Rien de tel que le principe de confort égoïste contre les lancées de fièvre idéaliste.

    L’obligation de concilier le réel avec le souhaitable ressemble à la conduite d’une bicyclette. Tant qu’il y a de l’allure, on roule sans effort. Les régimes idéologiques forts n’ont pas trop de mal avec cela. La chape de plomb marxiste de l’URSS n’a pas empêché les savants de penser ni les artistes de créer. Pas autant, du moins, qu’on aurait pu le croire. On adopte un certain (double) langage, on sacrifie quelques chèvres sur l’autel de la doctrine officielle et l’on poursuit son travail dans son coin. Leurs fatwas officielles stipulant que la Terre est plate n’empêchent pas les principautés obscurantistes arabes d’avoir des compagnies aériennes tout à fait concurrentielles. La vie réelle est faite d’accommodements.

    La situation est plus complexe dans les régimes en perte de vitesse. Quand l’allure faiblit, on finit par investir toute son énergie dans le maintien de l’équilibre. Plus il devient évident que le roi est nu, et plus il devient vital d’empêcher ses sujets de voir ce qu’ils voient. A la longue, l’illusionnisme et la manipulation deviennent les occupations prédominantes du pouvoir.

    A force de s’accommoder, les peuples vivant sous le communisme avaient développé une résilience particulière, faite d’humour noir, de lucidité et de débrouillardise. On avait un masque public et un discours assorti, et puis, rentré chez soi, l’on se démaquillait et l’on se racontait des horreurs sur le régime. Personne n’était dupe. Personne n’aurait parié un sou sur la «réforme» d’un tel système. Le mieux qui pouvait lui arriver, c’était l’effondrement. C’est du reste ce qui est arrivé, et plus tôt que prévu.

    Le régime sous lequel nous vivons en Europe de l’Ouest aujourd’hui ressemble beaucoup à celui de la Yougoslavie déclinante. Il a su ménager, autour des centres inaccessibles du pouvoir, de vastes parcs de détente et de bien-être où les sujets peuvent évacuer leurs frustrations. Il les fait même voter. Mais il est en perte de vitesse et donc il se raidit. Là-bas, l’absence de liberté théorique était compensée par la multiplication des libertés. Ici, la Liberté est constitutionnellement garantie, mais ce sont les libertés qui fondent au jour le jour. A force de restreindre ses champs d’application, elles rendent la Liberté (avec L majuscule) vide de tout sens.

    Pour le reste, l’analogie — à mes yeux — est frappante, du moins jusqu’à un certain point. Au-delà, nous sommes en terre inconnue. Mais commençons par ce qui nous est familier.

    Le grand voyageur et magnifique écrivain Sylvain Tesson a lancé l’autre jour sur France Inter un aphorisme qui a fait mouche: «La France est un paradis peuplé de gens qui se croient en enfer». Il le disait en considération de sa riche expérience du reste du monde, et il avait raison. Du moins pour l’instant présent: un pays magnifique, béni de Dieu, où la nourriture, l’eau et l’énergie abondent, où les terrasses restent pleines et les destinations de vacances surbookées. Des problèmes d’insécurité? Certes. Mais ne devait-on pas se munir de pistolets sur la route de Paris à Versailles, du temps de Chateaubriand? Des problèmes de cohabitation avec l’immigration islamique? Certes. Mais qu’on les compare, par exemple, avec la situation des joviaux Indiens avec leurs 150 millions de musulmans et leur extermination mutuelle il y a deux générations. Un déclin économique inexorable? Un chômage endémique? Certes. Mais on a trouvé le moyen de les évacuer des esprits. De leur enlever toute pesanteur!

    Comme des rats entraînés par un joueur de flûte

    Comment? Comme certains médecins préconisent de traiter les douleurs chroniques: par la diversion. En les masquant d’une douleur aiguë. Quelqu’un se rappelle-t-il de nos grands soucis d’il y a huit ans? De l’angoisse profonde que nous inspirait la récession économique de 2008? Vaguement. Irréellement. Car entretemps, nous avons eu droit à l’élixir d’oubli: l’irruption concomitante et proliférante du terrorisme, de la vague migratoire et du modèle de société islamique. Entre ces trois questions, nous avons pratiquement épuisé les sujets de préoccupation actuels des Français et des Européens de l’Ouest. Le reste du menu est meublé par des enjeux d’une haute importance morale mais d’un impact existentiel quasi nul: le sort des minorités sexuelles ou le réchauffement climatique contre lequel nous ne voulons (ni ne pouvons) rien entreprendre de concret.

    Ajoutez à cela une cascade inépuisable de décrets et de règlements de contrôle et de surveillance motivés par l’alignement idéologique, justifiés par le principe de précaution et rendus possibles par les avancées technologiques, et vous aboutissez à une société où l’Homme tel que défini par la charte des droits du même métal n’est plus qu’un souvenir baroque et encombrant remplacé dans la vie réelle par des unités calibrées et interchangeables, sans aspérités et sans volonté propre légitime.

    Comme dans le communisme, mais sans répression explicite et sans la lourde rhétorique d’un système de pensée, on a créé une humanité docile et hypocrite chez qui les sourires doucereux et la bienveillance obligatoire dissimulent l’annihilation des personnalités. L’humour qui protégeait l’homo sovieticus comme un sous-vêtement pare-balles n’existe pas en Occident. Il n’a pas eu le temps de s’installer. A sa place, règne un désespoir plus amer encore que derrière le Rideau de Fer, car on n’ose même pas souhaiter l’effondrement du système présent et encore moins lui envisager une alternative. L’ingéniérie sociale et la reprogrammation psychologique en milieu libéral-capitaliste ont atteint une profondeur de pénétration dans l’intimité des individus dont les «ingénieurs des âmes» marxistes pouvaient seulement rêver. La différence abyssale des réactions face à l’islam, au flux des migrants ou au terrorisme entre les «bons élèves» de la façade atlantique et les peuples de l’ex-bloc soviétique (ceux du «groupe de Višegrad», par exemple) est symptomatique de cette «réussite». On ne voit pas quel est ce stade de négation de soi, individuel ou collectif, que l’Européen occidental n’acceptera pas de franchir. Le voici déjà à se demander pour de bon — juste parce qu’on lui a ordonné de le faire — s’il est vraiment homme ou femme…

    Ainsi donc, si vous voulez encore cultiver vos traditions familiales, vanter les richesses de votre peuple et de votre littérature, fumer et pisser à l’aise dans votre jardin, voire balancer tous les gros mots qui vous viennent à l’esprit sans aussitôt vous retourner pour voir qui écoute, il ne vous reste plus qu’à émigrer vers l’Amérique du Sud ou, plus sûrement encore, vers l’Europe de l’Est, chez les vaccinés.

    Le Rideau de Fer a renversé ses barbelés et la boucle du communisme est ainsi bouclée. Un grand éclat de rire diabolique résonne de l’Atlantique à l’est de Vienne…

    Slobodan Despot (Antipresse, 11 juin 2017)

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  • «La droite a perdu parce qu'elle a préféré l'économisme à l'âme française»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par François Bousquet à Eugénie Bastié pour Figaro Vox dans lequel il évoque l'échec de la droite à l'élection présidentielle. Journaliste et essayiste, François Bousquet a récemment publié «Putain» de saint Foucault - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015) et La droite buissonnière ( Rocher, 2017).

     

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    François Bousquet :«La droite a perdu parce qu'elle a préféré l'économisme à l'âme française»

    FIGAROVOX. - Dans votre livre La droite buissonnière (éditions du Rocher), vous faites une archéologie de la «droite hors-les-murs», qui ne se reconnaît, ni dans la démagogie frontiste, ni dans la pusillanimité libérale. Comment décrire cet ethos de droite? Où est-il passé pendant la campagne?

    François BOUSQUET*. - C'est une famille de pensée informelle née des circonstances politiques. Elle emprunte à trop de traditions pour se laisser enfermer dans une seule et existe surtout à travers ses trois personnalités les plus emblématiques: Villiers, Zemmour et Buisson. Le premier procède de la chouannerie, le deuxième du bonapartisme, le troisième du catholicisme social. En l'état, c'est une droite orpheline qui ne se reconnaît dans aucune dénomination partisane, ni les LR ni le FN, mais à leur jonction, reprenant à son compte les éléments électoralement structurants qui ont fait le succès de Sarkozy en 2007, la fameuse «ligne Buisson», qui reposait sur une stratégie de désenclavement sociologique du bloc traditionnel de droite en lui adjoignant le vote des catégories populaires aujourd'hui captées par le FN. C'était la stratégie des gaullistes en 1947 et 1958. En gros, la synthèse du conservatisme (Fillon) et du populisme (Le Pen).

    Cette droite buissonnière a pris la clé des champs après la défaite de 2012 - au demeurant plus qu'honorable - à la suite de la débuissonnisation méthodique à laquelle l'ex-UMP s'est livrée, avec les conséquences que l'on sait: ramener la droite de gouvernement à son étiage chiraquien, plus ou moins 20 %, là où Sarkozy avait porté l'UMP à plus de 31 %. Les ténors LR ont parachevé ce processus de débuissonnisation le 23 avril au soir en appelant à voter quasiment comme un seul homme pour Macron, obéissant au mouvement centripète du système, enterrant par-là même la règle du «ni FN ni PS au deuxième tour», adoptée lors des cantonales de 2011. Le tout au grand désarroi d'électeurs républicains qui n'ont pas compris qu'on puisse ainsi passer sans coup férir du «ni-ni» au «oui-oui».

    L'enseignement à venir, c'est que la fracture populiste - le peuple contre les élites - traverse pareillement les partis, entre des bases qui ont tendance à se radicaliser et des états-majors qui ont fait le choix de se recentrer. Le PS en est mort, les LR en sursis.

    Jacques Julliard définit ainsi le «Yalta culturel» de la politique française depuis mai 1968: «à gauche le libéralisme moral et la réglementation économique, à droite, la réglementation morale et le libéralisme économique». Emmanuel Macron ne fait-il pas voler en éclats cette distinction? Son succès est-il seulement une question de marketing ou bien a-t-il réussi à produire un «gramscisme progressiste»?

    À travers Macron, s'opère le retour à l'équivoque inaugurale du libéralisme dans ses versions culturelle et économique. Non sans ironie, c'est du côté des partis centraux - et sur leur ruine - qu'on observe une recomposition idéologique autour du libéralisme, de droite et de gauche. Ce reclassement n'a d'ailleurs jamais fonctionné qu'à travers de grandes coalitions à l'allemande, rêve des élites post-nationales depuis Jacques Delors et dont Macron incarne la version 2.0, renvoyant les populismes de droite et de gauche dos à dos dans un isolement sans issue.

    Dans ce contexte, Macron est assurément nouveau, mais pas ce qu'il représente ni ceux qui le soutiennent. Son tour de force aura été d'imposer une candidature éclair dont la soudaineté a interdit d'interroger son programme ou son absence de programme. C'est cette nouveauté, orchestrée comme une superproduction hollywoodienne, qui a été plébiscitée. Chacun l'a remplie de ses propres fantasmes en raison même des promesses du candidat caméléon et de la posture du président rassembleur. Pareil à un magicien, il entre seul au Louvre dans une solennelle scénographie mitterrandienne et le quitte dans une photo de famille suivant les codes glamours du bonheur domestique américain. La question se pose du vrai Emmanuel Macron. Est-ce l'élève du philosophe Paul Ricœur, l'enfant caché de François Hollande, un autre Trudeau, l'avocat du multiculturalisme? De fait, c'est le premier président postmoderne, au sens où on a pu dire de Giscard qu'il était le premier président moderne, mais parallèlement il aspire à réintroduire de la verticalité, l'autre nom de la sacralité, au cœur du pouvoir, dont il déplore la disparition depuis 1793. Chacun peut y trouver son compte, mais lui-même devra trancher.

    «Surtout n'ayez pas peur du peuple, il est plus conservateur que vous» disait Napoléon III. Est-ce vraiment une réalité? Pourquoi le peuple serait-il forcément plus conservateur que les élites?

    La sagesse populaire est inépuisable sur le sujet. Depuis La Fontaine au moins, elle n'a jamais voulu lâcher la proie pour l'ombre. De fait, les hommes ne recherchent pas les environnements instables et anxiogènes. Et le nôtre l'est singulièrement, parce qu'il s'organise autour de l'obsolescence programmée non seulement des produits, mais des modes de vie léguées en indivision au corps social. La dynamique de la modernité repose sur cette mutabilité continuelle et son accélération croissante, ce qui ne crée pas les conditions d'équilibre nécessaires à la vie sociale. C'est le thème cher à l'économiste Joseph Schumpeter, pourtant de sensibilité conservatrice, de la «destruction créatrice». Cette destruction accompagne l'humanité depuis la nuit des temps, suscitant partout des résistances. Cet anti-progressisme populaire constitue un chapitre aussi fourni qu'oublié de l'histoire sociale. Prises dans la très longue durée, la plupart des révoltes populaires auront été des tentatives - vaines - destinées à arrêter l'horloge du temps et la marche incertaine de l'histoire. À certains égards, le populisme actuel en est le prolongement dans un monde en plein bouleversement.

    On n'arrête pas le progrès, selon la formule consacrée, mais quel progrès? Celui de la dissolution des modes de vie et des communautés naturelles? Quitte à dramatiser, l'humanité est aujourd'hui à la croisée des chemins. Ou bien elle s'engage dans un processus irréversible d'exhominisation: c'est la tentation de la Silicon Valley, le transhumanisme, l'ingénierie du vivant, le démiurgisme technologique. Ou bien elle se fixe d'elle-même des limites: c'est le thème des frontières, physiques et symboliques, défendu par les conservateurs et qui fut l'axe central de la campagne de Sarkozy en 2012.

    «Dans cette campagne, la droite et l'extrême droite n'ont pas réussi à produire d'idées nouvelles, se contenant de se reposer sur des acquis idéologiques engrangés dans le passé», écrit Gaël Brustier dans Le Figaro. N'a-t-il pas raison?

    C'est un terrain qu'on ne peut pas occuper par intermittence, sans quoi les positions conquises sont aussitôt perdues. Or, pendant un demi-siècle, la droite a renoncé à produire sa propre vision du monde, laissant à la gauche la maîtrise du champ culturel. C'est pourtant dans ce théâtre de l'hégémonie culturelle que tout se joue. Le vrai pouvoir, en amont du pouvoir politique et qui le conditionne, c'est la production de la parole autorisée. Autrement dit, la maîtrise du licite et de l'illicite. C'est cela qui fonde la sacralité d'un régime, quel qu'il soit: le périmètre de l'interdit. Et c'est cela qui a changé au milieu des années 2000 quand Buisson a convaincu Sarkozy d'inscrire son action dans le cadre d'un «gramscisme de droite», du nom de ce marxiste italien qui a théorisé la notion d'hégémonie culturelle. Cette hégémonie est en train de changer de camp. Le foisonnement de jeunes intellectuels à droite, depuis une dizaine d'années, en témoigne. Il démontre que les progressistes n'ont plus le monopole de la pensée critique. Mais les candidats de droite l'ont oublié, autant François Fillon que Marine Le Pen, qui ont commis une erreur symétrique: se placer en priorité sur le terrain de l'économisme. Fillon pour accélérer le processus d'intégration à la zone euro. Le Pen, pour en sortir. C'est un terrain sur lequel ils ne sont pas susceptibles d'optimiser leurs ressources électorales et n'ont pas plus de légitimité que Macron, pour l'un, et Mélenchon, pour l'autre. C'est particulièrement frappant chez Fillon qui a récité les sourates de l'économisme, nonobstant l'instrumentalisation de Sens commun: une campagne triple A, le modèle allemand, un thatchérisme continental. Rien à destination des catégories populaires et de la France périphérique sacrifiée sur l'autel de la mondialisation. Quant à Marine Le Pen, elle a axé sa campagne sur la question de la souveraineté sans concevoir que cette dernière n'est pas un but en soi, mais un outil au service du bien commun. La posture tapageusement ouvriériste dans laquelle elle s'est enfermée lui a aliéné une partie de son électorat et a précipité le départ de sa nièce, sûrement l'élément le plus prometteur pour le FN. Sans compter le surréaliste débat d'entre-deux-tours qui a fait ressortir de manière criante une inaptitude à se «présidentialiser». Pire: des limites insoupçonnées, comme si la candidate avait atteint son seuil d'incompétence, selon les lois du principe de Peter. Ce débat laissera des traces et ce n'est pas le toilettage cosmétique envisagé, le changement de nom, qui les effacera.

    Comment la droite française peut-elle se refonder?

    La droite gagnerait à se souvenir que le sujet historique demeure le peuple français et son identité. Cela même qui a fait la force de Sarkozy en 2007, quand il a levé le tabou de l'identité nationale, faisant la course en tête et obligeant ses adversaires à se positionner par rapport à lui: la critique de Mai 68, la restauration de l'autorité, les racines chrétiennes. Sa campagne portait avec elle une vision du monde solidement charpentée, mise en paroles, jamais en actes. C'est la faute originelle de son mandat: Sarkozy n'a pas transformé la victoire idéologique de 2007, ce qui préparait les défaites politiques de 2012 et 2017. Celui qui saura politiquement transformer cette victoire idéologique aura un bel avenir devant lui.

    François Bousquet, propos recueillis par Eugénie Bastié (Figaro Vox, 12 mai 2017)

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  • Zemmour : "Macron, un fils de Madelin et de Cohn-Bendit"...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une chronique d'Éric Zemmour sur RTL, datée du 21 février 2017 et consacrée à Emmanuel Macron, après ses fracassantes déclarations sur la colonisation de l'Algérie et sur la culture française (ou du moins sur son inexistence !)...

     

                                      

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  • Du dextrisme et de la révolution conservatrice...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur le site de Dextra et consacré à la vague populiste conservatrice qui monte en France...

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    Du dextrisme et de la révolution conservatrice

    Philosophie magazine titrait sa dernière revue « De quoi la gauche est-elle malade ? ». On pourrait en dresser une longue liste, mais il faut voir plus clairement une névrose multiple. Elle est amnésique, schizophrène et paranoïaque : menteuse, elle voit des choses qui n’existent pas, se crée des peurs paniques, devient colérique et de mauvaise foi. Certains diront qu’elle n’est pas malade mais simplement bête. Nous aimons à penser que les symptômes et la bêtise peuvent largement se cumuler, comme on a pu malheureusement l’observer depuis trop longtemps. Mais qu’en est-il à droite ?

    Gaël Brustier (ancien collaborateur d’Arnaud Montebourg) a été le premier à parler de « dextrisme » à propos d’une lame de fond de droite, qui a supplanté dorénavant la gauche culturelle, voire la gauche tout court. Non sans quelques erreurs, il a bien vu que la synergie des mouvements contre le Mariage pour tous a donné pour résultat un « Mai 68 conservateur ». Puis, Guillaume Bernard a pris le pas en parlant de mouvement « dextrogyre » pour évoquer la même direction que prenaient les tournures politiques. Enfin, Patrick Buisson, dans son ouvrage revendicatif et revenchard, a repris la notion de Gaël Brustier en parlant de « dextrisme ».

    Ces observateurs de la vie politique ne se sont pas trompés. Depuis quelques années déjà, il y a bel et bien une rupture des digues liée à la désillusion d’une société prospère, mondialisée et ouverte sur l’Europe. Nous n’y voyons que précarité, chômage de masse, insécurité et immigration de masse. Vision peut-être pessimiste mais néanmoins réaliste des circonstances présentes.

    Est-ce à dire que le Français est un populiste en puissance ? Pour des journalistes vivant au cœur de Paris, se déplaçant en vélib’ ou en métro, et ne connaissant rien du Français moyen hors une vision phantasmée du beauf de province, oui. Pourtant, par principe, le peuple est doué d’une logique implacable. Certes on peut l’influencer, et les hommes politiques et industriels dépensent des fortunes en publicité et marketing pour cela, mais il est loin d’être bête. On peut dire même qu’il est conservateur. Prenez pour exemple des Corses, dont les élections régionales ont tourné en faveur d’une gauche corse, elle reste nationaliste, réfractaire à l’immigration et à la diversité.

    Le problème dans tout cela, c’est d’y voir le terme conservateur seulement en ce qu’il veut conserver des acquis. Le conservatisme se doit d’allier des principes fondateurs, des valeurs, telles que l’autonomie et l’enracinement, qui appellent en effet à des sacrifices ou des consentements pour la France. Acheter français, acheter des produits frais cultivés en France, éviter autant que faire ce peut le « made in China » ou le « Hollywood-Disneyland-Apple ». Plus encore, le conservatisme, même présent comme logique et comme sentiment de bon sens, de « common decency » telle que le formulait George Orwell (un anarchiste-conservateur), doit être aujourd’hui transcrit politiquement. Il est bienheureux que la logique populaire française se mette en marche pour des situations ubuesques où l’idéologie de l’homme politique prend le pas sur l’expérience et sur la cohérence !

    Il faut désormais transformer le tir, et tout faire pour que ce conservatisme soit dorénavant un facteur de victoire politique. Et non, Fillon est tout sauf conservateur, hormis si on prend pour lui la définition péjorative de celui qui conserve ses acquis (ou ses émoluments, comme sa femme qui a 500 000 euros de biens mal acquis dans une sorte d’emploi fictif d’assistante parlementaire).

    Qu’on puisse avoir des doutes ou des réclamations sur un parti comme le Front National est logique, mais la victoire politique doit s’abstenir d’une réaction similaire à celle qui pourrait avoir lieu à la buvette du coin. D’autant plus dans une situation de fait majoritaire où ce parti doit obtenir 50,1% des voix pour réussir. Et cela, aussi bien pour les présidentielles que pour les législatives.

    Les dernières élections, départementales, municipales et régionales ont montré que le vent tournait en sa faveur. Il est temps que pour les deux prochaines élections, ce vent favorable continue de souffler. D’ailleurs, un élément en ce sens s’observe avec les primaires. C’est juridiquement un non-sens que d’avoir des primaires. Cette américanisation des élections est bien la preuve d’une altération de la vie politique française. Il y a des primaires aux Etats-Unis que parce que les Américains ne peuvent pas élire directement leur président et doivent passer par des grands électeurs. En France, depuis 1962, les électeurs choisissent directement leur président en deux tours. Les deux tours de la présidentielle, voilà nos primaires. Effectuer des primaires à la droite libérale et chez les socialistes-libéraux montrent un élément fondateur de l’avancée du conservatisme. C’est la désacralisation totale des hommes politiques dans ces partis qui se ressemblent et l’absence de chef naturel, sans compter la victoire de l’ego. Tout le monde veut devenir le calife à la place du calife. Sans pour autant réussir une quelconque unité, car ils ne sont pas légitimes ni compétents pour devenir des chefs. On peut être capitaine, mais il faut le mériter et le prouver, c’est encore plus difficile dans la reconnaissance de devenir un chef de bataillon.

    Autre exemple de désacralisation, c’est l’atteinte physique des hommes politiques (mais justifiée). Il semblait improbable pour un de Gaulle, un Chirac ou un Mitterrand d’être pris à parti. A partir du moment où l’absence d’incarnation en tant que chef, où l’esprit vil et mercantile, méprisant à l’égard du peuple a pris le pas, alors toute forme de respect disparaît logiquement. Mais la justice des puissants prend le pas pour condamner les actes de revendication des faibles, à savoir nous.

    A nous donc de ne plus être faibles. En premier lieu en évitant de garder un tropisme d’esprit conservateur en famille, mais bien de le revendiquer, comme par exemple aux élections présidentielles et législatives.

    Cela s’accompagne d’un point plus important, accoler le terme révolution à celui de conservateur. Nous ne voulons pas garder des acquis, faire comme si de rien n’était. Bouger dans l’immobilisme, cela a été le quinquennat Hollande, ou les législatures avec Angela Merkel. Il est important de refonder le système. Pas de le réformer : quand les fondations d’une maison sont mauvaises, on ne change pas les portes et fenêtres, on détruit pour rebâtir. Cette opportunité de 2017 est un moyen supplémentaire d’avancer pour faire changer les choses. 2017 ne va pas tout changer, mais au moins, elle permettra de meilleures dispositions pour que notre Nation soit épargnée des dégâts idéologiques du libéralisme mondialisé et de ses conséquences (chômage, précarité, immigration).

    Le choix vous appartient donc, mais sachez juste que les préceptes liés au Baby-boom et à Mai 68 sont obsolètes. Pour paraphraser les politiciens repus, il faut changer de paradigme. Macron, Fillon, Valls et consorts représentent les deux faces opposées d’une même pièce. Engagez-vous en politique, formez-vous, lisez, réinformez-vous, adhérez, créez des associations. Tous ces éléments si anodins sont aujourd’hui subversifs, parce qu’ils ne sont pas compris dans la liste de l’acceptable exigée par un système soft-totalitaire qui demande la résignation consolée par la consommation.

    (Dextra, 3 février 2017)

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