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homère - Page 5

  • Réflexions sur les "Rebelles"...

    Nos reproduisons ci-dessous un point de vue de l'historien et africaniste Bernard Lugan, cueilli sur son blog et consacré au rebelles...

     

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    Réflexions sur les "Rebelles"

    A propos du Salon du livre d'Histoire de Blois

    Le Salon du livre d'Histoire qui se tiendra à Blois du 10 au 12 octobre aura pour thème les Rebelles. Je n'aurai pas la cruauté de donner ici les noms de certains invités que les organisateurs considèrent comme dignes de figurer parmi cette estimable mais très restreinte phalange...

    Puisque, dans l'affadissement général et la dévirilisation ambiante, l'image des Rebelles fait fantasmer, je vais évoquer ici Dominique Venner qui fut, lui, un vrai rebelle et dont le dernier livre[1] publié après sa mort porte en sous-titre: "Le Bréviaire des insoumis".
     
    Engagé volontaire en Algérie, militant de choc et de raison, Dominique Venner comprit dès la décennie 1960 que l’excès d’intellectualisme est à la fois source d'inaction et de divisions artificielles, que les controverses du présent divisent et que les solutions proposées par la vieille droite ne permettent pas de faire face aux dangers mortels qui menacent nos peuples européens.
    Pour lui, il était donc nécessaire d’ancrer nos réflexions sur la roche mère, à travers un bond traversant les siècles afin de renouer avec notre commune matrice européenne. D’où son constant  recours à Homère.
    Cependant, cette démarche n’était pas chez lui synonyme de repli dans une tour d’ivoire, dans un douillet cabinet coupé des fracas du monde. Tout au contraire et il l’a bien expliqué :
     
    « Je crois aux bienfaits  d’une pensée radicale. En dépit de tous ses travers, elle favorise le dynamisme de la pensée. Je crois également aux bienfaits formateurs de tout militantisme  radical (…) sans  cette expérience excitante et cruelle, jamais je ne serais devenu l’historien méditatif que je suis devenu ».
     
    Dominique Venner devenu un historien méditatif ne cessa jamais d’être un rebelle engagé. Dans le Cœur rebelle il écrit à ce propos :
     
    « Comment peut-on être rebelle aujourd’hui ? Je me demande surtout comment on pourrait ne pas l’être ! Exister, c’est combattre ce qui me nie. Etre rebelle, ce n’est pas collectionner les livres impies, rêver de complots fantasmagoriques ou de maquis dans les Cévennes. C’est être à soi-même sa propre norme. S’en tenir à soi quoiqu’il en coûte. Veiller à ne jamais guérir de sa jeunesse. Préférer se mettre tout le monde à dos que se mettre à plat ventre. Pratiquer aussi en corsaire et sans vergogne le droit de prise. Piller dans l’époque tout ce que l’on peut convertir à sa norme, sans s’arrêter sur les apparences. Dans les revers, ne jamais se poser la question de l’inutilité d’un combat perdu »
     
    Nous voilà loin des prétendus "rebelles" de Blois...
     
    A travers ces lignes, l’on retrouve un autre livre majeur de Dominique Venner, Baltikum, ouvrage qu’il publia en 1974, soit moins de dix ans après  son retrait de la vie militante. La dédicace qu’il me fit alors est particulièrement éclairante :« Pour Bernard Lugan, aux porteurs maudits de forces créatrices ».
     
    Que voulait dire Dominique Venner avec cet envoi? A travers l’épopée des corps-francs de la Baltique, c’était un puissant message qu’il adressait à ses lecteurs, montrant que, quand tout se délite, comme aujourd’hui, rien n’est perdu tant que subsiste l'esprit rebelle, ce « germe d’ordre au sein du chaos ».
    Avant lui, Jacques Benoît-Méchin avait bien exprimé cette idée  dans le tome I de son Histoire de l’armée allemande :
     
    « Lorsque l’armée impériale s’était volatilisée dans cette fournaise chauffée à blanc qu’était l’Allemagne révolutionnaire, les corps francs s’étaient constitués spontanément autour de quelques chefs résolus. Ils avaient pris eux-mêmes l’initiative de l’action, décidés à périr plutôt que de subir ».
     
    Dominique Venner est allé plus loin que Benoist-Méchin car il a montré qu’existaient deux catégories d’hommes parmi ceux qui, rentrant du front, se virent confrontés au bolchevisme et à l’anarchie.
    Tous partageaient les mêmes idées, tous sortaient du même moule, tous avaient survécu aux mêmes épreuves et aux"Orages d'acier", mais seule une minorité s’engagea dans l’aventure des corps francs.
     
    Ce qui les distinguait, ce n’était pas une idéologie, mais une différence de tempérament. Les premiers étaient des conservateurs mus par cet esprit « bourgeois » qui n’est jamais moteur de l’histoire. Au mieux peuvent-ils être occasionnellement des suivistes à la fiabilité volage.
    Les seconds étaient les Réprouvés, les modernes condottieri, les Rebelles en un mot; il ne leur manqua d'ailleurs que l’ « imprévu de l’histoire » pour sortir vainqueurs de la tourmente.
     
    En écrivant leur épopée, Dominique Venner a montré que la vraie rébellion est créatrice, jamais nihiliste, encore moins contemplative ou narcissique et que, grâce aux Rebelles, il existera toujours un recours ultime.
    Quand l’autorité s’est délitée, quand les repères sont perdus, quand le plus grand nombre désespère, quand  certains se laissent aller à des sentiments morbides en voyant dans la défaite une pénitence divine, alors, se lèvent de petits groupes sachant ce qu’ils sont, d’où ils viennent, où ils vont et ce qu’ils veulent. Rassemblés derrière un chef figure de proue alliant éthique et esthétique, ils sont les Rebelles.
     
    Rebelle et insoumis, Dominique Venner nous a transmis les principes fondamentaux de la triade homérique :
     
    La nature comme socle
    L’excellence comme but
    La beauté comme horizon
     
    Voilà ce qu’est l’esprit rebelle! L'on conviendra sans mal qu'il n'a qu'une très lointaine parenté avec l' ersatz de  Blois.
     
    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 9 octobre 2014)
     
     
    Note :
    [1] Un samouraï d'Occident: le bréviaire des insoumis.
     

     


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  • Religiosité indo-européenne...

    Nous vous signalons la parution aux éditions du Lore d'un court essai de l'anthropologue allemand Hans F. K. Günther intitulé Religiosité indo-européenne. Cet essai est précédé d'une présentation de Julius Evola et complété par un texte consacré à Evola et à Günther, signé par Robert Steuckers qui est également le traducteur.

     

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    " Dans cet opuscule, le professeur Hans F. K. Günther nous invite à renouer avec une religiosité virile, aristocratique, "verticale", qui a animé les esprits de l'indo-européanité des origines. En explorant les textes de l'antiquité sanskrite, de la Grèce de Homère, Pindare et Platon, de la Rome de Cicéron, Horace et Virgile, de l'Edda scandinave, et des classiques de la poésie et de la littérature allemandes du XVIIIe siècle, l'auteur fait apparaître un type humain irremplaçable, incarnant une philosophie "pantragique" rappelant ce que nous devons être face à l'aberrante uniformisation contemporaine.

    La présente édition s'enrichit d'un texte inédit de Robert Steuckers intitulé La lecture évolienne des thèses de H. F. K. Günther. "

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  • Un éducateur pour les Européens ?...

    Les éditions Pardès viennent de publier Homère - Guide des citations, un ouvrage réalisé par Olivier Meyer. Ce dernier, journaliste de profession est déjà l'auteur chez le même éditeur d'un guide des citations de Nietzsche. 

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    "Se réapproprier Homère, c'est renouer avec le fil de la tradition européenne grâce auquel l'Europe redeviendra une vraie civilisation et ne sera plus seulement un Marché commun. «Si nous n'avions jamais connu ni les péchés de Sodome, ni les chimères de l Égypte et de Babylone», disait Goethe, Homère «serait resté notre Bible». Et, de fait, à l'époque de la Grèce classique, les écoliers apprennent à lire et à écrire avec lui, récitant: «Homère n'est pas un homme, c'est un Dieu.» Tout au long de sa vie, le Grec ancien se réfère à Homère qu'il connaît par coeur comme à un code de valeurs aristocratiques guidant son action au quotidien. Voilà le secret, le coeur, de ce que les modernes appelleront le «miracle grec». Selon la célèbre formule de Platon, Homère est «l'éducateur de la Grèce». Il ne tient qu'a nous qu'il redevienne l'éducateur de l'Europe. Les citations réunies dans ce guide sont tirées de l'Iliade et de l'Odyssée, dans la fidèle traduction de Leconte de Lisle. Classées par thème (de A comme Action à V comme Virilité), elles constituent un viatique pour l'excellence européenne; à l'image d'Alexandre le Grand qui ne se séparait jamais de son exemplaire de l'Iliade. Dans ce Guide des citations d'Homère, l'auteur n'a qu'une ambition: redonner à l'aède grec sa première place aux yeux des Européens; renouant alors avec leur plus longue mémoire, leurs livres sacrés, l'Iliade et l'Odyssée, ils redeviendront un peuple jeune à la vitalité créatrice d'avenir."

    «Au commencement de la poésie de notre race, il y a Homère.» Robert Brasillach

    «Homère est pour moi le maître en courage et en sérénité.» Marcel Conche 

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  • Du côté des revues...

    Deux parutions en kiosque à signaler en cette fin d'année :

    - le quatrième numéro de Guerre & Histoire, l'excellente revue d'histoire militaire grand public, qui devient d'ailleurs bimestrielle, et qui se révèle toujours aussi riche en articles de fond, en illustrations originales et en informations variées (si vous voulez en savoir plus sur les tests d'innoculation de la syphillis pratiqués par les Américains sur des prisonniers et des malades mentaux à la fin des années 40, allez voir en page 17...) A lire !

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    - un numéro hors-série de l'édition française du National geographic consacré à la Grèce antique de Homère à Alexandre et superbement illustré !...

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  • Dans la tête de Richard Wagner...

    Les éditions Fayard viennent de publier une énorme étude de Christopher Looten consacrée à Richard Wagner et intitulée Dans la tête de Richard Wagner - Archéologie d'un génie. Christopher Looten, compositeur et théoricien de la musique, a puisé dans les milliers de pages d'écrits du maître de Bayreuth pour présenter sa pensée et ses sources d'inspiration. Indispensable pour tous les wagnériens !

     

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    "Richard Wagner avait une opinion sur tout : de la mode à l’atome, en passant par la tragédie grecque, Schiller ou Darwin. Il vénérait Goethe et admirait Balzac, trouvait les vêtements des Allemandes indécents et vantait la nudité grecque. Shakespeare était à ses yeux le plus grand poète allemand et il se voyait lui-même comme le successeur d’Eschyle. 
    Rarement lus, les dix volumes des Œuvres en prose où Wagner expose ses opinions demeuraient jusqu’à aujourd’hui un domaine inexploré. Christophe Looten en a extrait les pensées du compositeur pour nous les offrir dans une nouvelle traduction. Les cent dix sujets de cette autobiographie intellectuelle sont enrichis de commentaires, de nombreuses citations du Journal de Cosima, ainsi que de passages de lettres inédites en français. 
    Il nous restitue une image fidèle d’un aspect encore méconnu du compositeur : l’homme de culture, le lecteur, le bibliophile, exemple même de l’artiste génial de la fin du XIXe siècle. 
    Ce voyage dans l’esprit d’un des plus grands génies de la musique nous fait entrer dans le monde de Richard Wagner. Guidés par l’un de ses meilleurs connaisseurs, nous allons à la rencontre d’un homme dont la musique exerce toujours une fascination incomparable."

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  • Préparer le réveil des fils d'Homère, d'Ulysse et de Pénélope !...

    A l'occasion de la sortie de son nouveau livre, Le Choc de l'histoire, publié aux éditions Via Romana, Dominique Venner a répondu aux questions de Laure Destrée, pour la Nouvelle Revue d'Histoire.

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    Dans un nouveau livre, Dominique Venner affirme que le monde, la France et l’Europe sont entrés dans une époque inédite. Le moment, dit-il, va venir pour les Européens de répondre à de mortels défis. À quelles conditions ?

    Propos recueillis par Laure Destrée.


    Laure Destrée : Le 15 septembre, on trouvera en librairie votre nouveau livre, Le Choc de l’Histoire, publié aux éditions Via Romana (1). Pourquoi avez-vous choisi ce titre et qu’annonce-t-il ?

    Dominique Venner : Le choc de l’histoire, nous le vivons sans le comprendre. Cela se passe souvent ainsi. C’est plus tard que l’on mesure la portée des changements. Bien d’autres époques avant la nôtre ont subi des chocs historiques et affronté d’immenses défis, telles les guerres médiques pour les Hellènes.

    Au cours des siècles « modernes » et contemporains, des chocs de grande ampleur ont été à l’origine de réactions qui ont marqué l’évolution des idées. Machiavel, par exemple, est né, si l’on peut dire, des troubles de Florence et de l’Italie à la fin du XVe siècle, Montaigne des guerres de Religion, Hobbes de la première révolution anglaise, Carl Schmitt du désastre européen et allemand consécutif au traité de Versailles (2), Samuel Huntington du monde nouveau postérieur à la guerre froide.

    LD : Comment se manifeste de nos jours ce nouveau choc de l’histoire ?

    DV : Quand d’anciennes croyances s’effondrent, c’est le signe d’un basculement historique. Je vais donner un exemple, offert par Jean Raspail. Avec sa prescience prophétique, l’écrivain a parfaitement exprimé l’une des ruptures en cours. Répondant aux questions d’un journaliste sur le succès de la réédition du Camp des Saints, il dit que, pour refouler les invasions d’immigrés, il faudrait se montrer ferme. Mais, ajoute-t-il, c’est impossible. Pourquoi ? «Parce que la charité chrétienne le défend. En quelque sorte, la charité chrétienne nous conduit au désastre !(3) » Et celui qui dit cela est un catholique. Il comprend soudain que, pour survivre, il faudrait mettre à l’écart un pan important de la culture chrétienne qui imprègne notre inconscient et nos comportements. C’est à ce genre de novations que l’on mesure un basculement historique.

    LD : Pouvez-vous détailler ce basculement ?

    DV : Depuis l’effrayant recul européen qui a suivi la Seconde Guerre mondiale – je dis bien effrayant -, depuis la disparition des souverainetés nationales, les Européens sont confrontés à un choc de l’histoire qui appelle des réponses neuves. On sait par exemple que l’hégémonie américaine a entrainé la mondialisation de l’économie au profit des requins de la finance et au détriment des peuples. À ce fléau, il faut ajouter les effets incalculables de l’immigration-invasion de l’Europe. On doit compter aussi avec la renaissance d’anciennes civilisations et d’anciennes puissances que l’on croyait mortes, ce qui transforme la physionomie du monde et pas seulement d’un point de vue géostratégique.

    LD : Quand vous parlez de l’Europe et des Européens, à quoi pensez-vous ? À l’Union européenne ?

    DV : Certainement pas. Je ne pense à aucune structure politique mais à notre civilisation multimillénaire, à notre identité, une certaine façon « européenne » de penser, de sentir et de vivre qui traverse le temps.

    LD : Jadis, on parlait de « la » civilisation par opposition à l’état primitif ou barbare. Mais vous utilisez le mot dans un autre sens ?

    DV : Aujourd’hui, « civilisation » est synonyme d’identité, de permanence. L’historien Fernand Braudel a donné de ce concept une définition que l’on peut citer : « Une civilisation est une continuité qui, lorsqu’elle change, même aussi profondément que peut l’impliquer une nouvelle religion, s’incorpore des valeurs anciennes qui survivent à travers elle et restent sa substance (4) ». Chaque mot est important dans cette définition. À la continuité des valeurs très anciennes qu’ils ont en propre, les hommes doivent d’être ce qu’ils sont.

    LD : L’islamologue René Marchand a écrit que les grandes civilisations ne sont pas des régions sur une planète, mais des planètes différentes. Cette image vous convient-elle ?

    DV : Elle me semble très pertinente. Tout comme la civilisation des Européens, celles de la Chine, de l’Inde, de l’Orient sémite et musulman, de l’Amérique indienne, sont d’origine immémoriale. Elles plongent souvent loin dans la Préhistoire. Elles reposent sur des traditions spécifiques qui traversent le temps sous des apparences changeantes. Elles sont faites de valeurs spirituelles qui structurent les comportements et nourrissent les représentations. Si, par exemple, la simple sexualité est universelle comme l’action de se nourrir, l’amour, lui, est différent dans chaque civilisation, comme est différente la représentation de la féminité, la gastronomie, l’architecture ou la musique. Ces traits sont les reflets d’une certaine morphologie de l’âme, transmise par atavisme autant que par acquis. On sait que l’influence de nouvelles religions peut modifier les représentations et les comportements. Mais l’atavisme d’un peuple transforme aussi les religions importées. Au Japon, par exemple, le bouddhisme a reçu un contenu martial qu’il n’a pas en Chine. On pourrait dire que chaque peuple a ses propres dieux qui viennent de lui-même et se survivent même quand ils semblent oubliés. Ce sont eux qui nous font ce que nous sommes, à nuls autres pareils. Ils sont la source de notre tradition pérenne, une façon unique d’être des femmes et des hommes devant la vie, la mort, l’amour, l’histoire, le destin. Sans la conscience de cette tradition, nous serions voués à n’être rien, à disparaître dans le chaos intérieur et dans celui d’un univers dominé par d’autres.

    LD : Vous avez parlé d’une « morphologie de l’âme transmise par atavisme autant que pas acquis ». Comment expliquez-vous que les Américains d’origine européenne aient rompu à ce point avec la tradition européenne pour édifier un nouveau monde qui lui est opposé ?

    DV : Je pense à une observation importante du géopoliticien autrichien Jordis von Lohausen (5). Il notait que des Allemands transplantés quelque part sur le continent européen, par exemple en Russie, restent toujours allemands, plusieurs siècles après avoir émigré. En revanche, une génération suffit pour que les Allemands émigrés aux Etats-Unis cessent de se sentir allemands et deviennent des Américains conformes aux autres. Cela soulève une rude question à laquelle on ne peut répondre en deux phrases. Cette question prouve en tout cas que tout ne dépend pas de la « race », comme on disait jadis. Les Américains venus d’Europe ont pourtant conservé les qualités « animales » de leurs origines : énergie, fougue entreprenante ou combattive, esprit inventif… Mais leurs « représentations » ont été transformées par leur transplantation dans le Nouveau Monde. C’est dû sans aucun doute au conformisme écrasant de la société américaine si bien décrit par Tocqueville. Le formatage des esprits est dû certainement aussi à l’imprégnation du rêve biblique des fondateurs qui ont transmis leur certitude d’être le nouveau « peuple « élu » chargé d’apporter au monde entier « l’esprit du capitalisme », pour reprendre la formulation de Max Weber (6). N’oublions pas que le commentaire quotidien de la Bible est obligatoire dans les écoles américaines, comme le serment au drapeau étoilé. Tout en évoluant, la « représentation » religieuse des fondateurs est devenue celle de la plupart des immigrants. Et cette religion politique implique de rompre avec toute la tradition européenne aristocratique et tragique.

    LD : Qu’en est-il ailleurs dans le monde ?

    DV : Ailleurs, les choses sont perçues de façon qu’imaginent rarement les Américains, pas plus d’ailleurs que les Européens. Pour faire comprendre cette réalité, je cite dans mon livre des témoignages tirés de l’expérience française. Par exemple celui de Dalil Boubakeur, recteur de la mosquée de Paris, ancien président du Conseil français du Culte musulman. L’islam, explique-t-il, est « à la fois une religion, une communauté, une loi et une civilisation. […] Ne sont pas seulement musulmans ceux qui pratiquent les cinq piliers de l’islam, mais tous ceux qui appartiennent à cet ensemble identitaire » (4). Le mot important est identitaire. Ainsi l’islam n’est-il pas seulement une religion. Il est même autre chose qu’une religion : « une communauté, une loi, une civilisation. » Quand on est imprégné de culture chrétienne, universaliste et individualiste, cela surprend. Pourtant, bien d’autres religions, même l’islam, comme je viens de le rappeler, ou le judaïsme, mais aussi l’hindouisme, le shintoïsme ou le confucianisme, ne sont pas seulement des religions au sens chrétien ou laïque du mot, c’est-à-dire une relation personnelle à Dieu, mais des identités, des lois, des communautés.

    LD : Cette perception nouvelle de l’identité pourrait-elle aider les Européens à se reconstruire ?

    DV : Oui, je pense qu’elle peut les aider à retrouver leurs liens identitaires forts, par-delà une religion personnelle ou son absence.

    LD : Quels liens ?

    DV : D’abord ceux d’une mémoire identitaire à réveiller. Des liens capables de les  armer moralement pour affronter la menace assez clairement dessinée de leur disparition dans le néant du grand brassage universel et de la « brasilisation ». De même que d’autres se reconnaissent fils de Shiva, de Mahomet, d’Abraham ou de Bouddha, ce n’est pas rien de se savoir fils et filles d’Homère, d’Ulysse et de Pénélope.

    LD : Dans un éditorial de La Nouvelle Revue d’Histoire, en janvier 2008, parodiant la formule célèbre de Maurras, «Politique d’abord», vous écriviez que, devant les  immenses changements de perspectives imposés par le choc de l’histoire, il faudrait plutôt dire désormais : « Mystique d’abord, politique ensuite ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    DV : Cela signifie que les anciens critères de l’action politique telle qu’elle fut conduite en Europe jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ont été ruinés par la faute des Européens eux-mêmes, par leur démesure, sans compter les entreprises toxiques des nouvelles puissances hégémoniques, à commencer par les Etats-Unis d’Amérique. Quels que soient les mérites de l’action politique, ce n’est pas elle qui peut rendre aux Européens la conscience forte de ce qu’ils sont. Cette conscience de l’identité en tout, y compris en politique, appartient à l’ordre de la mystique ou de la croyance. Autrement dit, aucune action politique de haut niveau n’est concevable sans le préalable d’une mystique identitaire capable de la diriger. Ces réflexions sont au centre de ma pensée depuis très longtemps. J’en trace les lignes directrices dans le livre dont nous parlons.

    LD : Le choc de l’histoire se rapporte à des questions que vous étudiez depuis longtemps. Qu’est-ce qu’apporte votre nouveau livre ?

    DV : Ce livre constitue une synthèse, sous la forme originale et dynamique d’entretiens conduits par Pauline Lecomte (7). La perception des bouleversements historiques est au cœur de mes travaux et réflexions d’historien depuis longtemps. Elle inclut les relations entre religion et identité, continuité et renaissance des civilisations, conçues elles-mêmes comme l’expression spécifique de l’identité des peuples sur la longue durée. C’est ainsi que l’Europe, dans sa très longue histoire, avant même de porter son nom, a trouvé des réponses multiples, irriguées par une tradition qui a sa source dans les poèmes homériques, expression eux-mêmes d’un héritage indo-européen multimillénaire. 

     

    Notes :

    1. Dominique Venner, Le Choc de l’histoire, Editions Via Romana (www.via-romana.fr). Edition de luxe numérotée de 1 à 100 sur papier vergé de luxe, dédicacée par l’auteur : 39 €. Edition normale : 19,50 €.

    2. Carl Schmitt a perçu très tôt la réalité nouvelle de la disparition des souverainetés nationales et de la fin de l’ancien jus publicum europaeum en tant que limitation de la guerre entre les États, remplacé par le droit américain de la guerre illimitée et la criminalisation de l’ennemi. Il a conceptualisé cette nouveauté dès 1932 dans son étude La Notion de politique (Der Begriff des Politischen), traduction française préfacée par Julien Freund, avec en complément Théorie du partisan, Paris, Calmann-Lévy, 1972.

    3. Propos publiés par L’Action française 2000 du 19 mai 2011, p. 16.

    4. Fernand Braudel, Écrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, 1969.

    5. Jordis von Lohausen, Les empires et la puissance. La géopolitique aujourd’hui, Paris, Livre club du Labyrinthe, 1985.

    6. Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, (1920), traduction Paris, Plon, 1964.

    7. Propos rapportés par Le Figaro Magazine du samedi 29 juin 2002.

    8. Pauline Lecomte est l’auteur d’un essai, Le paradoxe vendéen, Paris, Albin Michel, 2004.

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