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  • La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Héléna Perroud cueilli sur Geopragma et consacré à l'élargissement de l'OTAN face à la Russie. Russophone, agrégée d'allemand, ancienne directrice de l'Institut Français de Saint-Petersbourg et ancienne collaboratrice de Jacques Chirac à l'Elysée, Héléna Perroud a publié un essai intitulé Un Russe nommé Poutine (Le Rocher, 2018).

     

     

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    La mémoire longue : retour sur la question des frontières de l’OTAN      

          Ces dernières semaines, à la faveur des tensions grandissantes de part et d’autre de la frontière entre l’Ukraine et la Russie, il est beaucoup question de malentendus, de promesses non tenues, de trahisons. Du moins c’est ainsi que les autorités russes, Poutine en tête, expliquent leur manque de confiance envers les Européens et les Américains. C’est ainsi qu’ils expliquent la nécessité impérieuse pour eux d’avoir aujourd’hui une garantie écrite sur, entre autres, le non-élargissement des frontières de l’OTAN.

          Quel que soit le regard que l’on porte sur le maintien du président russe à son poste depuis deux décennies, que l’on considère qu’il usurpe le pouvoir en refusant de passer la main ou qu’il l’assume dans une phase de transition, une chose est certaine : il a une connaissance profonde des dossiers et surtout la mémoire des hommes et des situations qu’aucun de ses homologues occidentaux ne peut avoir. Que l’on y songe ; depuis 2000 Poutine a eu comme interlocuteurs cinq présidents américains, quatre présidents français, trois chanceliers allemands… Et, malgré les assurances et les engagements des uns et des autres, depuis qu’il est aux affaires, il a été le témoin de quatre vagues d’élargissement de l’OTAN sur le continent européen. En 2004 les trois pays baltes, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie ; en 2009 l’Albanie et la Croatie ; en 2017 le Monténégro et en 2020 la Macédoine du Nord. Avant cela, alors qu’il était à la tête du FSB, il avait vu en mars 1999 les premières adhésions à l’OTAN de pays autrefois membres du Pacte de Varsovie : la République tchèque, la Hongrie et la Pologne.

          Il est intéressant de revenir sur les engagements pris par les Américains et les Européens à l’époque charnière de la réunification des deux Allemagne et de la chute de l’URSS. Les images d’archives du début des années 1990 sont très fréquemment montrées ces dernières semaines à la télévision russe. L’opinion russe est nourrie de ces événements. Les dirigeants du pays s’y réfèrent sans cesse ; derniers en date, les propos de Poutine sur ce sujet, en réponse à une journaliste de Sky News lors de sa conférence de presse annuelle du 23 décembre dernier, circulent beaucoup sur les réseaux sociaux. « Vous, Occidentaux, vous nous avez abreuvés de belles paroles », dit-il en substance, « et n’avez tenu aucun de vos engagements. C’est pourquoi nous exigeons maintenant et sans délai un engagement écrit ».

          Les propos « historiques » les plus connus sur le non-élargissement de l’OTAN à l’Est sont ceux de James Baker, secrétaire d’État américain auprès de George Bush père. Lors d’une entrevue avec Gorbatchev à Moscou le 9 février 1990 il avait dit ceci (source : procès-verbal de la rencontre) : « Nous comprenons que non seulement pour l’URSS mais aussi pour les autres pays européens il est important d’avoir des garanties que, si les États-Unis conservent leur présence en Allemagne dans le cadre de l’OTAN, la présence militaire de l’OTAN ne se déplacera pas d’un pouce en direction de l’Est. Nous considérons que des consultations et des discussions dans le cadre du format « deux plus quatre » doivent garantir qu’une Allemagne réunifiée n’entraînera pas un élargissement vers l’Est de l’organisation militaire de l’OTAN. »

          Le lendemain le chancelier Kohl rendait visite à Gorbatchev pour essayer de persuader les Soviétiques de ne pas faire obstacle à une réunification rapide de l’Allemagne. En tête à tête il avait affirmé à son homologue russe (source : archives russes sur « Gorbatchev et la question allemande ») : « Nous estimons que l’OTAN ne doit pas étendre sa sphère d’influence. Il faut trouver là une régulation raisonnable. Je comprends les enjeux en termes de sécurité de l’Union Soviétique et j’ai bien conscience que vous, Monsieur le Secrétaire général, et les autorités soviétiques vous allez devoir expliquer tout ce qui est en train de se passer de manière précise à la population de l’URSS. »

          Quelques mois plus tard, le 25 mai 1990 le président Mitterrand rencontrait en tête à tête son homologue russe et faisait part de la même compréhension à l’égard des impératifs de sécurité de ce qu’était encore à l’époque l’URSS (même source que précédemment) : « Bien sûr se pose la question des alliances. J’aimerai savoir ce que vous pensez de l’avenir de l’OTAN et du Pacte de Varsovie. Personnellement je ne vois aucune possibilité d’interdire à l’Allemagne de faire son choix une fois qu’elle sera réunifiée et aura pleinement retrouvé sa souveraineté. Toutefois il est indispensable d’exiger d’elle des garanties avant que cela ne se produise. Je pense qu’une fois le processus de réunification achevé personne ne pourra interdire à l’Allemagne d’aller au bout de ses intentions… J’ai parfaitement conscience que la réunification de l’Allemagne, son adhésion à l’OTAN vous créent de très grands problèmes. J’ai moi aussi des difficultés à cet égard mais d’une autre nature. C’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de créer les conditions de votre sécurité et les conditions de la sécurité de l’Europe dans son ensemble. C’est cet objectif que je poursuis en proposant mon idée de confédération européenne. Elle rejoint votre concept d’édification de la maison commune européenne…. Il ne faut rien entreprendre qui puisse non seulement isoler l’URSS, mais qui puisse lui donner le sentiment que l’on cherche à l’isoler. Je souligne qu’à la fin des fins la question de l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN n’est pas archi urgente. D’autant que la RFA est déjà membre de l’OTAN. »

          On connaît la suite des événements. A l’automne 1994, les États-Unis choisissaient une tout autre voie. Le 29 septembre 1994, lors d’un déjeuner informel entre Bill Clinton et Boris Eltsine, en visite aux États-Unis, le président américain dit sans ambages à son invité russe : « L’OTAN va s’étendre mais les délais ne sont pas fixés pour le moment. Nous voulons continuer à avancer. Mais pour rien au monde je n’utiliserai ce processus contre vous. L’élargissement de l’OTAN n’est pas dirigé contre la Russie… Je ne veux pas que vous pensiez que chaque matin je me réveille avec une seule idée en tête : comment faire adhérer les pays du Pacte de Varsovie à l’OTAN – j’ai une tout autre vision des choses. Je réfléchis à la manière d’utiliser l’élargissement de l’OTAN pour arriver à un niveau de sécurité plus élevé, plus élaboré dans une Europe unifiée et intégrée – cet objectif, je sais que vous le partagez aussi. » (source : James Goldeier : « Promises made, promises broken ? what Yeltsin was told about Nato in 1993 and why it matters » – warontherocks.com 12 juillet 2016)

          Dans un pays qui définit la notion de sécurité comme « absence de danger » (« bezopasnost » en russe), pour qui le danger est donc premier, qui a une mémoire vive des invasions mongoles, napoléoniennes et nazies, dont le budget militaire est aujourd’hui 13 fois inférieur à celui des États-Unis et dont la population est trop peu nombreuse par rapport à sa surface – à peine 146 000 000 habitants pour 25 fois la superficie de la France, en déclin fort ces deux dernières années, et pas seulement sous l’effet de la pandémie, mais pour des raisons structurelles liée à la crise profonde des années 90 – il est certain que l’exigence de garanties est primordiale. Il serait peut-être grand temps de considérer « la menace russe » aussi sous cet angle.

    Héléna Perroud (Geopragma, 24 janvier 2022)

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  • «L'Union européenne se révèle incapable de défendre ses frontières»...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Max-Erwann Gastineau au Figaro Vox et consacré à la protection des frontières de l'Union européenne.  Diplômé en histoire et en science politique, Max-Erwann Gastineau est essayiste et a publié Le Nouveau procès de l'Est (Éditions du Cerf, 2019).

     

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    Construction du mur en Pologne: «L'Union européenne se révèle incapable de défendre ses frontières»

    FIGAROVOX. - Le Parlement polonais a donné vendredi son feu vert définitif au projet gouvernemental de construction d'un mur à la frontière avec la Biélorussie pour empêcher les migrants et les réfugiés de passer en Pologne. Est-ce la seule solution pour ce pays membre de l'Union européenne ?

    Max-Erwann GASTINEAU. - Le 7 octobre dernier, les ministres de l'Intérieur de douze pays membres, dont la Pologne, l'Autriche, le Danemark ou la Grèce, appelaient l'Union européenne à changer radicalement de philosophie en matière migratoire. Appel adressé, sous un double prisme sécuritaire (sécurité culturelle et frontalière), aux commissaires Margaritis Schinas, chargé de la Promotion de notre mode de vie européen, et Ylva Johansson, chargée des Affaires intérieures. En juin 2020, la Commissaire suédoise décrivait comme «crucial d'ouvrir autant de voies de migration légales que possible», et ce pour des raisons d'ordre non seulement humanitaire, afin de contrer le développement des réseaux de passeurs, mais également économique, en vue de répondre au vieillissement de la population européenne : «chaque année, affirmait-elle dans un entretien accordé au journal La Croix, plus de deux millions de migrants rejoignent l'UE légalement. Cela fonctionne très bien, et je voudrais voir cette part augmenter.»

    Prisme culturel et sécuritaire d'un côté ; prisme humanitaire et économique de l'autre… On ne saurait mieux résumer la nature idéologique du mur d'incompréhensions qui, depuis des années, divise l'Europe et soumet ses instances dirigeantes aux pesanteurs d'un «humanitarisme total», selon l'expression ici formulée par Donald Tusk, ancien président du Conseil européen de 2014 à 2019.

    La décision de Varsovie de construire un mur à sa frontière orientale, quelques mois après les débuts de la crise biélorusse, est une réponse à ce mur idéologique, témoin de notre impuissance collective. Elle révèle un terrible échec ; celui de l'Union européenne à réaliser la promesse induite par la création de l'espace Schengen en 1997 : substituer aux frontières intérieures de l'Europe l'institution et la défense de frontières extérieures «communes» aux États membres.

    Si l'Union européenne s'est montrée incapable de défendre ses frontières, et d'apporter une aide matérielle à la Pologne, qui depuis août nous alerte sur la situation migratoire à sa frontière orientale, ce n'est pas en raison d'un défaut de compétences ni même de moyens (le budget de Frontex est passé de 114 millions d'euros en 2015 à 460 millions en 2020 et 544 millions en 2021), bien que l'on puisse juger ces derniers encore insuffisants. Mais en raison d'un défaut de fins, d'accord et de clarté sur les finalités du projet européen.

    Quelles fins l'Union européenne poursuit-elle ? Se pense-t-elle comme une entité politique en devenir, capable d'agir en complément, voire en supplément des États, jusqu'à assumer le corollaire de cette prétention : l'emploi de la contrainte pour défendre ses frontières ? Ou est-elle condamnée à n'être que le dernier visage d'une utopie née après la chute du mur de Berlin, indifférente à l'histoire et à la géographie, purement procédurale, antipolitique, autorégulée par des dispositifs juridiques et techniques, tels que ceux appelés à accélérer l'uniformisation des règles nationales d'asile ou la mise en œuvre de mécanismes de répartition automatique des réfugiés ? Derrière la construction du mur polonais, c'est l'avenir et le sens de la construction européenne qui se jouent.

    Ce mur participera-t-il à régler la crise migratoire ? Est-ce viable ?

    Ce mur ne saurait, à lui seul, répondre au défi migratoire, qui concerne d'ailleurs bien plus le sud - des côtes méditerranéennes espagnoles aux portes maritimes des Balkans - que la frontière orientale polonaise. Il envoie cependant un message clair aux instances européennes et aux États de l'Ouest, en leur rappelant qu'ils ne sauraient plus longtemps réprouver les conséquences de leur apathie.

    En mettant l'UE au pied du mur, le mur polonais pourrait, en outre, ouvrir un espace propice à l'avancement de l'agenda «migratoire» européen. On le voit avec Emmanuel Macron qui, après avoir rencontré le chef de gouvernement hongrois et meilleur allié de la Pologne, Viktor Orban, a annoncé vouloir profiter de la présidence française de l'UE pour organiser «une politique cohérente de maîtrise de nos frontières extérieures».

    La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que l'Union ne financerait pas la construction de barrières aux frontières de l'UE. Comprenez-vous le statu quo de l'Union européenne sur ce sujet ?

    Dans l'Europe des droits de l'homme, la frontière n'est pas une norme mais une anomalie, une sorte de concession faite à la réalité honnie des nations. La fin de non-recevoir opposée par Ursula von der Leyen à la Pologne nous le rappelle avec force : l'UE a moins le souci de protéger ses frontières que de dépassionner la question, via la mise en place d'une meilleure répartition de la «charge» migratoire. Comme si la question était d'abord de parvenir à contenir la colère des peuples et non d'en ralentir la cause : l'intensité des flux migratoires et l'angoisse existentielle qu'elle nourrit, inspirée d'un constat qu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy avaient su poser en 2010, à défaut d'en conjurer les effets : «l'échec du multiculturalisme».

    Le grand philosophe libéral américain, Michael Waltzer, nous prévenait : «abattre les murs de l'État (…) ce n'est pas créer un monde sans mur mais plutôt créer un millier de petites forteresses». La Pologne ne veut pas faire de l'Europe une forteresse ; elle veut éviter de les multiplier. Elle veut échapper au destin multiculturel de l'Ouest, rester une nation libre d'apprécier ce qui distingue l'ici de l'ailleurs. Comment lui reprocher, aujourd'hui, le fait de tirer toutes les conséquences de nos atermoiements passés ?

    Au lieu de promouvoir de nouveaux mécanismes de relocalisation, l'UE doit créer la possibilité de renvoyer les migrants illégaux vers leurs points de départ et d'y traiter leurs demandes d'asile. La différenciation entre les migrants qui ont réellement besoin de protection internationale et les migrants économiques sera cruciale, si l'on veut sauver le droit d'asile de son dévoiement et s'assurer que seuls ceux qui ont réellement besoin de protection entrent sur le territoire européen.

    Les Nations unies ont demandé une action urgente pour sauver des vies et éviter des souffrances à la frontière entre l'UE et la Biélorussie, après la mort de plusieurs demandeurs d'asile. Une intervention de l'UE aurait-elle permis d'éviter ces drames ?

    Difficile de le dire, tant l'impuissance de l'UE est patente. Une chose est sûre : pour éviter de nouveaux drames, nous devrons changer de logiciel. En juin 2018, un accord sur l'immigration conclu par les chefs d'État et de gouvernement avait soutenu l'idée formulée par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCNUR) de créer des «plates-formes de débarquement» hors de l'UE. Une mesure qui rappelle le programme «Operation Sovereign Border» (Opération Frontières souveraines) lancé par l'Australie en 2013. Programme dont l'objectif visait à intercepter les bateaux de migrants voguant à leur péril, pour les conduire dans des centres de transit installés sur les îles voisines de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le tout en échange de contreparties financières, telles que celles aujourd'hui fournies par l'UE à la Turquie, et demain à d'autres pays de transit, tels que l'Iran ou le Pakistan ? La question mérite d'être posée.

    En joignant le geste à la parole, l'Australie a su préserver ses frontières et sauver des vies. L'UE le peut-elle ? Dans des arrêts de mai et de décembre 2020, la Cour de Justice de l'UE (CJUE) condamnait la Hongrie pour remise en cause de la directive «retour», interdisant le refoulement des migrants entrés en situation irrégulière (afin qu'ils puissent faire valoir leur droit à déposer une demande d'asile), et l'institution de zones de transit en Serbie, rendant de fait impossible la protection effective des frontières de l'UE.

    Le primat des droits de l'individu sur les impératifs de souveraineté et de sauvegarde du «droit à l'identité nationale», que le juge hongrois a dernièrement tenté d'opposer au juge européen, est le produit d'un processus historique étranger à la démocratie australienne… Mais pourrons-nous encore longtemps préférer les droits aux murs sans questionner les effets sclérosants de l'extension continue du carcan jurisprudentiel européen ?

    Faut-il renforcer la présence de l'OTAN dans cette partie de l'Europe ?

    Si l'Union européenne veut, demain, exister sur la scène internationale, elle devra se doter d'une pensée géopolitique propre. Pas d'indépendance politique sans autonomie de pensée. Mais y aspire-t-elle seulement ? N'oublions jamais que les États ont la politique de leur géographie et que la nature fondamentalement anarchique du système internationale les invite, en permanence, à maximiser les conditions de leur propre sécurité. Si la Pologne, à l'image d'autres nations de l'Est, comme les nations baltes, n'a aucune raison objective de se priver de la protection américaine que lui fournit l'OTAN, la question se pose différemment pour la France.

    La présence toujours plus forte de l'OTAN à l'est de l'Europe est-elle de nature à renforcer notre sécurité collective ou, au contraire, à force d'insécuriser notre incontournable voisin russe, prépare-t-elle l'avènement de futures crises - énergétiques, migratoires, voire militaires ?

    L'UE doit d'urgence repenser son rapport à l'OTAN et tirer toutes les conséquences que son absence d'autonomie fait peser sur sa sécurité et ses relations extérieures. Mais comme ce sursaut «réaliste» a, dans les faits, peu de chances de se produire, je dirais que seul le retour d'une France forte, capable de développer une diplomatie propre, débarrassée des œillères que lui impose l'atlantisme ordinaire des élites européennes, pourra poser les termes d'une autre voie pour l'Europe dans le rapport plus serein qu'elle doit désormais construire avec ses voisins orientaux.

    «Le continent européen ne sera jamais stable, ne sera jamais en sécurité, si nous ne pacifions pas et ne clarifions pas nos relations avec la Russie», déclarait à la conférence des Ambassadeurs d'août 2019 le président Emmanuel Macron. Reste à passer des mots aux actes, comme sur l'immigration.

    Max-Erwann Gastineau, propos recueillis

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  • A propos de l’écologie nationale...

    Sur son site de campagne, Hervé Juvin, tête de liste aux élections régionales dans les Pays-de-la-Loire, répond à ses détracteurs et rappelle ce que doit être une écologie humaine et enracinée.

    Économiste de formation et député européen, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    A propos de l’écologie nationale

    Plusieurs articles et quelques déclarations me concernent en tant qu’élu engagé sur les sujets environnementaux. Il me semble utile d’y apporter quelques compléments d’information, et quelques réponses.

    L’extrême gauche continue de décerner des brevets d’écologie !

    Et d’abord, qui sont ces rentiers de l’écologie qui prétendent décerner des brevets d’écologie, délivrent des autorisations à traiter des sujets écologiques, et prononcent des interdits ? L’écologie est l’affaire de tous. L’écologie n’appartient à personne, surtout pas à une ultragauche qui s’en est emparée au prix d’un évident paradoxe — rien n’est plus anti-écologique que l’ouverture des frontières et le multiculturalisme ! — surtout pas aux divers affairistes qui sous couvert d’écologie ont surfé sur une vague profitable ; voir le scandale des renouvelables, etc.

    Et elle n’appartient pas même à celles et ceux qui ont contribué à en faire le sujet de tous. Avec tout le respect que j’ai pour Corinne Lepage, pour Brice Lalonde ou pour Antoine Waechter, rien ne leur permet de décerner des brevets d’écologisme. Je n’aurai pas l’indécence de rappeler que les grands fondateurs et concepteurs de l’écologie, d’Alexander von Humboldt à l’inventeur du mot, Ernst Haeckel, de John Muir à Konrad Lorenz ou de Jacques Ellul à Ernst Schumacher, ou que les grands porteurs de l’écologie, de Théodore Roosevelt aux États-Unis, créateur du Yellowstone, à Georges Pompidou, créateur du premier « Ministère de l’Environnement » en France, n’avaient rien de gauchiste ! Que la droite nationale retrouve la priorité écologique, celle du cadre de vie, de la transmission et de la tenue du territoire n’a rien que de naturel. J’espère y contribuer pour ma part.

    L’idéologie mondialiste de l’écologie

    Je ne suis pas aveugle et je vois bien ce qui gêne. Dictée par les organisations internationales au service des entreprises géantes qui les paient, d’IKEA à Tesla, et de l’idéologie mondialiste qui assure leurs profits, la religion de la transition énergétique se veut globale et entend imposer des solutions globales au changement climatique. Le changement climatique est une réalité. Prétendre le combattre de manière autoritaire et uniforme est une supercherie ; le plus bel exemple étant ces réglementations européennes sur le climat qui s’appliquent également à la Finlande et à la Sicile ! Ni l’isolation thermique des logements ni l’économie de l’eau n’y ont rien à voir ; mais le vrai propos de l’Union européenne est d’en finir avec ces spécialités locales que sont les constructions en pierre de lave de Pantelleria, comme avec les maisons en bois de l’Estonie, les unes et les autres fruit d’une adaptation remarquable aux ressources locales et au climat ; quand tout sera préfabriqué et industrialisé, l’Union prospérera sur les ruines des adaptations millénaires des hommes à leur milieu !

    En finir avec ces PME, ces artisans, ces indépendants qui font vivre les territoires, voilà le but de la captation réglementaire à laquelle ont procédé avec succès les multinationales du bâtiment. En finir avec la diversité des communautés, des sociétés, des Nations ; voilà le vrai objectif d’une écologie destructrice de la diversité, apôtre de cette écologie hors sol qui en finit avec toute culture, singularité et qui, vraiment, peut devenir la pire menace contre toute existence humaine décente.

    Écologie et progressisme

    Voilà le moment d’en arriver à l’essentiel. Écologie et écriture inclusive, écologie et GPA, écologie et théorie du genre, écologie et multiculturalisme, écologie et nomadisme obligé, voilà autant d’incompatibilités qui crient vers le ciel l’inconsistance tragique des écologistes proclamés ! L’homme est un être de culture. C’est entendu, les déterminants de l’existence humaine ne se réduisent ni à « la race », ni au sexe, à l’âge, au climat, etc. Qu’ils ne s’y réduisent pas ne signifient pas qu’ils n’ont aucune importance. La culture est l’expression que la liberté donne à des siècles ou des millénaires d’adaptation réciproque de l’homme à son milieu, et de ce milieu à l’homme. L’igloo, ou le refroidissement par courant d’eau des palais hindous sont des exemples remarquables d’adaptation de l’homme à son milieu ; les cultures en terrasses, ou l’assolement triennal sont les mêmes exemples de l’adaptation de son milieu à l’homme.

    Toutes les cultures sont issues de ces interactions. Elles forgent ces identités qui unissent ceux qui ont en commun le même habiter et vivre dans un milieu donné. L’occupation sédentaire des territoires et la transmission familiale en sont les conditions. De génération en génération se construit l’appareil de mythes, de légendes, de gestes, de pratiques, qui exprime cette adaptation réciproque, qui la perpétue, et qui dépend de la constance de l’occupation humaine d’un ou de territoires — les nomades Peuhls ou Touaregs étant de magnifiques exemples de ces adaptations de l’homme au milieu sahélien.

    Voilà ce que le double mensonge de « tous les hommes sont les mêmes » et «  chaque individu a un droit illimité à migrer » vient ruiner. Inutile d’en appeler à Joseph de Maistre ou à Pascal. Chacun de ceux qui ont vu le monde sait bien que le plus cher désir de la majorité des résidents de cette planète est de vivre sur leur terre, dans leur Nation et parmi les leurs. Et chacun sait pour que la majorité des migrants comme des populations dites « d’accueil », les migrations sont un drame imposé, quand elles ne sont pas la forme moderne de l’esclavage.

    L’écologie hors-sol est une négation de la culture, qui n’est que si elle est plurielle, et la pire menace qui pèse sur la diversité humaine, donc notre survie. Car nous survivrons parce que les hommes ne sont pas les mêmes et que leurs modèles de vie, leur idéal de la bonne vie, ne sont pas les mêmes. Et nous survivrons parce que nous aurons abandonné l’idée suicidaire selon laquelle la technique va nous permettre d’en finir avec la nature — ce qui signifie ni plus ni moins, en finir avec ce qui en l’homme fait l’homme.

    Le point est décisif. Ce que dit l’obligation de se développer, à quoi se réduit le « droit au développement », est la destruction de cette diversité des modes de vie et des choix de vie qui est notre trésor inconnu. Nous ne développerons pas ce point ici, mais l’erreur est celle qui passe de l’obligation morale «  ne fais pas autrui ce que tu ne veux pas qu’on te fasse » à son contraire ; «  fais à autrui ce que tu voudrais qu’on te fasse », qui est simplement la négation de la liberté, comme de la dignité humaine ; je ne demande à personne de faire mon bien, je m’en charge ! Que les écologistes prétendent faire le bien des hommes sans eux, voire contre eux, comme l’écologie punitive en donne chaque jour l’exemple, est une perversion morale qui tôt ou tard se paiera — et se paie déjà de la désaffection croissante pour une écologie à la triste figure, l’inverse de l’écologie de la joie de vivre qui seule peut fonder un projet politique.   

    La critique se fait plus acérée, et les confusions plus gênantes, quand j’affirme que le nomadisme généralisé, l’individu de droit, la destruction des frontières et le dépassement des limites sont les pires ennemis de l’écologie. «  Le monde est à nous ! » est une insulte à l’écologie. « Nous sommes tous des nomades comme les autres ! » est la négation des conditions écologiques de notre survie. Je touche là au peu qui reste de sacré aux yeux d’une gauche qui a tout trahi, sauf l’idée d’un internationalisme qui lui vaut les faveurs des les multinationales — et la perte de tout ce qui reste des peuples conscients d’eux-mêmes. La réalité est qu’un écosystème ne survit que parce qu’il est séparé des autres — par l’éloignement, par ses défenses naturelles, par sa capacité à éliminer les espèces invasives (ceux qui restent tentés par la « reductio ad hitlerum » feraient bien de réviser leur histoire ; l’utopie écologique de l’harmonie entre un peuple et sa terre natale est présente à la création d’Israël, et le mouvement sioniste du début du XXe siècle est aussi un engagement écologique à la réconciliation d’un peuple avec son milieu d’origine, avec la « terre où coulent le lait et le miel » de la Bible). La réalité est aussi que les frontières sont moins ce qui sépare que ce qui permet à une société humaine de se recueillir dans son être et de s’affirmer dans sa plénitude — rien à voir avec l’affadissement du « multiculturalisme », ou de la consommation en masse des « signes culturels ».

    La réalité est que seul le sacré tient le marché — parce qu’il y a des raisons de tuer ou de mourir qui ne sont pas d’argent ; parce qu’il y a des choses pour lesquelles tuer ou mourir qui ne s’achètent ni ne se vendent — l’Occident devrait entendre ce qui lui dit l’Islam à ce sujet, et qui n’est pas rien. Mais qu’entendent les écologistes patentés des cris du monde et de la vie ? Dans nos sociétés de marché, sorties de la religion et de l’espoir révolutionnaire, tout ce qui demeure de sacré, ce à partir de quoi tout peut repartir, ce sont les identités particulières, ce sont les communautés et c’est la citoyenneté, surtout quand elles procurent ce sentiment de la nature propre à chaque civilisation, à chaque culture, voire à chaque territoire.

    Et tout écologiste soucieux de la diversité des espèces animales ou végétales, de la préservation des biotopes spécifiques et de la stabilité des écosystèmes, devrait mesurer à quel point il se trahit s’il n’applique pas aux sociétés humaines les mêmes principes de séparation vitale, de discrimination nécessaire et de préférence pour soi. Chacun chez soi n’est ni fermeture, ni mépris ; c’est au contraire la condition pour que l’Autre demeure, que la diversité demeure, et que la liberté survive, cette liberté politique des sociétés unies devant leur destin.

    En quelques mots ; oui, pas d’écologie sans respect des identités et défense de la diversité des sociétés humaines. Pas d’écologie sans frontières, sans limites et sans ce sentiment du sacré qui est incompatible avec le libre mouvement des biens, des services, des capitaux et des hommes. Et surtout, pas d’écologie sans bienveillance pour les mille et une manières de vivre et de trouver le bonheur que les hommes ont trouvé, et sans indulgence pour leurs pauvres efforts de se concilier le ciel.

    Hervé Juvin (Juvin 2021, 24 mai 2021)

     

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  • Retrouver la maîtrise des frontières, une nécessité...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Matthieu Bock-Côté à Arthur de Laborde sur Sud Radio dans lequel il évoque la mondialisation comme vecteur du Covid-19, la souveraineté et la maîtrise des frontières. Québécois, Mathieu Bock-Côté est sociologue et chroniqueur et est déjà l'auteur de plusieurs essais comme Le multiculturalisme comme religion politique (Cerf, 2016), Le nouveau régime (Boréal, 2017) ou L'empire du politiquement correct (Cerf, 2019).

     

                                              

     

     

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  • Europe, l’heure des frontières...

                                    

     

     

    La révolte des Gilets Jaunes, qui dépasse les frontières hexagonales, atteste de la permanence d’un peuple réel, enraciné, attaché à ses libertés concrètes et à sa légitime dignité. Loin du « grand débat national » imposé par l’Élysée et ses communicants, ce sont les élections européennes du 26 mai 2019 qui auront valeur de référendum, pour affirmer le droit des peuples européens à l’identité, la liberté et la sécurité. Cette échéance doit être l’occasion de revenir à l’essentiel, ce besoin de frontières qui ne se réduit pas à un désir de protection, de régulation : comme l’avait bien vu Dominique Venner dans sa dernière lettre du 21 mai 2013, seule une « rupture avec la métaphysique de l’illimité » est à même d’assurer notre future renaissance.

    C’est à cet impératif que s’attachera le colloque annuel de l’Institut Iliade pour la longue mémoire européenne, organisé samedi 6 avril 2019 à partir de 10h à la Maison de la Chimie, 28 Rue Saint Dominique, 75007 Paris.

    Les billets peuvent être réservés ici : colloque 2019 de l'Institut Iliade

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  • Ces frontières qu’on n’attendait plus…

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Hervé Juvin, cueilli sur son site personnel et consacré au retour des frontières.

    Économiste de formation, vice-président de Géopragma, Hervé Juvin est notamment l'auteur de deux essais essentiels, Le renversement du monde (Gallimard, 2010) et La grande séparation - Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013). Candidat aux élections européennes sur la liste du Rassemblement national, il a publié récemment un manifeste intitulé France, le moment politique (Rocher, 2018).

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    Ces frontières qu’on n’attendait plus

    Des peuples en quête de liberté, des Nations en quête de sécurité, redécouvrent la vertu de la frontière. Elle sépare de l’extérieur, elle unit à l’intérieur. Elle assure la liberté de mouvement dans le territoire qu’elle contrôle. Sans elle, pas de liberté politique, pas de souveraineté nationale, et pas de démocratie. Nous n’en sommes plus à « L’éloge des Frontières » (1) nous en sommes à l’urgence de définir, renforcer et défendre nos frontières nationales et européennes.

    Le temps de la séparation

    Barrières, murs, fossés, partout s’élèvent, se construisent ou se creusent, partout l’idéologie de l’ouverture, de la mobilité infinie et de l’unité planétaire bat en retraite, et partout vient le temps de la séparation. La frontière est la figure du monde de demain, un monde qui ne ressemble pas à ce qui nous était annoncé. Et tant pis pour qui répète les clichés hérités des années 1990, du temps où la « fin de l’histoire », le modèle de «  l’open society » et la berceuse du multiculturalisme s’enseignaient partout, de l’ENA au festival de Cannes.

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