Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

démographie

  • Aux origines du Grand remplacement...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné en mai dernier par Patrick Buisson à Livre Noir dans lequel il évoque l'impact qu'ont eu sur les révolutions sexuelles et féministes des années 70 sur notre société.

    Politologue et historien, Patrick Buisson est notamment l'auteur d'une étude historique originale et éclairante, 1940-1945, années érotiques (Albin Michel, 2008), d'un essai politique important, La cause du peuple (Perrin, 2016) et dernièrement de La fin d'un monde (Albin Michel, 2021) et Décadanse (Albin Michel, 2023), les deux volets d'une œuvre dans laquelle il revient sur les cinquante années qui ont vu  la France subir un changement socio-anthropologique majeur.

     

                                                   

    Lien permanent Catégories : Entretiens, Multimédia 0 commentaire Pin it!
  • Démographie et immigration...

    Nous reproduisons ci-dessous l'éditorial que Bernard Lugan a consacré aux liens entre la démographie africaine et l'immigration dans L' Afrique réelle du mois d'avril 2023.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

    Il est également l'auteur de deux romans avec Arnaud de Lagrange, Le safari du Kaiser (La Table ronde, 1987) et Les volontaires du Roi (réédition : Balland, 2020) ainsi que d'un récit satirique, Le Banquet des Soudards (La Nouvelle Librairie, 2020).

    Démographie africaine.jpg

    Démographie et immigration

    L’actuelle migration de masse qui déferle sur l’Europe est la conséquence d'une démographie africaine devenue folle. 

    C’est elle qui tue l'Afrique à petit feu, lui interdisant tout développement, exacerbant ses conflits et poussant ses habitants au départ. 

    Cette explosion démographique s'explique parce que, hier, au nom de leur « amour de l’autre », les missionnaires, les religieuses soignantes, les médecins et les infirmiers coloniaux ont heureusement délivré les Africains de la lèpre, de la rougeole, de la trypanosomiase, du choléra, de la variole, de la fièvre typhoïde, de la fièvre jaune etc., cependant que les militaires les libéraient des esclavagistes. 

    Laissons parler les chiffres. Avec la colonisation, en un siècle, la population du continent a été multipliée par 10. De 100 millions d'habitants en 1900, elle était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990, à un milliard en 2014 et à 1,4 milliard en 2022. 

    Selon l’ONU, dans les années 2050 les Africains seront plus de 2 milliards (dont 90% au sud du Sahara), puis plus de 4 milliards en 2100 et ils représenteront alors 1/3 de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront africaines (Unicef. Afrique/Génération).

    Dans ces conditions, l’aide au développement revient à labourer l’océan, tout progrès étant immédiatement avalé par la démographie qui créé automatiquement de nouveaux besoins. Rien n'y fera car, ni le miroir aux alouettes de l'aide à l'Afrique, ni les accords avec des Etats artificiels gangrenés par la corruption ne permettront de simplement endiguer le phénomène. 

    De plus, comment espérer que les migrants économiques cesseront de se ruer vers le « paradis » européen non défendu et peuplé de vieillards ? Un « paradis » où les vidéos X leur font croire que les femmes s'offrent au premier venu et où, par hédonisme, elles ne font plus d’enfants ? 

    Un « paradis » dans lequel les hommes s'interrogent sur leur identité sexuelle, où l’idéal qui leur est présenté est celui de la déconstruction de leur masculinité et où toute attitude virile est considérée comme « machiste », donc « fasciste » ? 

    Désarmés par l'hystérie émotionnelle de la classe politico-médiatique ainsi que par la compassionnelle sollicitude des clercs, en premier lieu celle du Vatican devenu un des principaux fourriers idéologiques du « grand remplacement », les Européens sont sommés d'accepter et de subir. En France, les forceurs de frontière sont maintenant envoyés repeupler les petits bourgs et les campagnes contre la volonté des indigènes.

    Bernard Lugan (L'Afrique réelle, avril 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Démographie, immigration, totalitarisme... : un tour d’horizon avec Alain de Benoist

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Paul-Marie Coûteaux, pour la revue Le nouveau Conservateur, cueilli sur le site de la revue Éléments.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021) et, dernièrement, L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022).

    Alain de Benoist_Paul-Marie Coûteaux.jpg

     

    « Tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire »

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Alain de Benoist, n’êtes-vous pas alarmé par ce chiffre que donne le démographe Illyès Zouari : le nombre des décès, au sein de l’UE, a dépassé celui des naissances de 1,231 million en 2021 ? Reprendriez l’expression qu’il emploie d’« autogénocide » de l’Europe ?

    ALAIN DE BENOIST. Non, je ne reprendrais pas ce terme, parce que je le trouve à la fois excessif et inutilement polémique. Le mot « suicide » aurait sans été plus raisonnable, même si je crois qu’il ne correspond pas non plus exactement à la réalité. D’une façon plus générale, je ne pense pas qu’il faille raisonner sous l’horizon de l’apocalyptisme, que ce soit en matière écologique ou démographique. La démographie est une discipline dans laquelle il est notoirement impossible de faire des prédictions à long terme : dire qu’au rythme actuel nous allons bientôt disparaître n’a guère de sens puisque nous ignorons si ce rythme va se maintenir (et jusqu’à quand).

    Je suis par ailleurs, comme Renaud Camus, de ceux qui estiment qu’un espace fini comme notre planète ne peut pas accueillir une masse infinie de population. Olivier Rey a bien montré dans ses ouvrages, d’inspiration profondément conservatrice, que toute augmentation de quantité entraîne, une fois passé un certain seuil, un sauf qualitatif qui transforme la nature des phénomènes. C’est la raison pour laquelle la surpopulation a pour effet d’aggraver tous les problèmes que nous connaissons. Il nous a fallu 200 000 ans pour arriver à 1 milliard de bipèdes sur la planète, puis 200 ans seulement pour arriver à 7 milliards. Nous venons maintenant de passer le cap des huit milliards, et nous pourrions être à 11 milliards à la fin de ce siècle, ce qui veut dire que la population mondiale augmente en moyenne d’un milliard de personnes tous les 12 ans Je n’ai personnellement pas envie de vivre dans des villes de 50 ou 60 millions d’habitants…

    Quand une population moins nombreuse succède à une population plus nombreuse, il est inévitable que le nombre des décès l’emporte à un moment ou à un autre sur le nombre des naissances. Cette détérioration de la pyramide des âges est par définition transitoire. La France de 1780, avec ses 27 millions d’habitants (dont la majorité ne parlaient pas le français) se portait beaucoup mieux que la France actuelle avec ses 65 millions d’habitants. J’ajoute que, contrairement à une idée reçue, la baisse de la fécondité ne s’explique pas fondamentalement par la contraception ni même par l’avortement, mais par deux phénomènes essentiels dont on parle trop peu, à savoir la fin du monde paysan (dans lequel une forte descendance était indispensable au maintien des lignées sur leurs terres) et l’entrée massive des femmes sur le marché du travail (qui a considérablement retardé l’âge de la femme à la naissance du premier enfant). S’y ajoutent d’autres facteurs : les effets d’une mentalité hédoniste portée à juger que les enfants coûtent trop cher, les problèmes de logement en milieu urbain (plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les grandes métropoles, et d’ici 2050 ce sera le cas des deux tiers).

    Il reste, cela dit, deux sujets réels de préoccupation : d’abord le fait que la part des naissances extra-européennes en Europe augmente régulièrement au détriment des naissances « de souche », ce qui induit une transformation du stock génétique de la population, ensuite le différentiel de croissance démographique entre les différences parties du monde : la population de l’Afrique subsaharienne devrait bondir à elle seule de 100 millions d’habitants à 1900 à 3 ou 4 milliards à la fin du siècle, ce qui ne manquera évidemment pas d’avoir des conséquences auxquelles nous sommes très mal armés pour faire face.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Voici un siècle paraissait le livre d’Oswald Spengler « Le déclin de l’Occident ». Dans « Mémoire vive », série d’entretiens avec François Bousquet où vous retracez votre itinéraire intellectuel, on comprend que Spengler a exercé sur vous une grande influence. Qu’en diriez-vous aujourd’hui ? Et pour commencer, avalisez-vous le terme d’« Occident » ? Ne pensez-vous pas que parler du déclin de l’Europe serait plus approprié ?

    ALAIN DE BENOIST. Dans son livre, qui lui a valu une renommée mondiale, Spengler proposait une conception de l’histoire allant exactement à rebours d’une idéologie du progrès pour laquelle l’avenir ne peut être que meilleur que le présent et le passé (ce dont il se déduit que le passé n’a rien à nous dire). Pour Spengler, les cultures sont des organismes collectifs qui, comme tous les organismes, naissent, se développent, atteignent leur apogée, vieillissent et disparaissent. Après quoi Spengler établissait un parallèle morphologique entre les dix ou douze grandes cultures de l’humanité, pour démontrer qu’elles ont toutes illustré ce schéma. Ce travail a évidemment été très mal accueilli dans les milieux progressistes, mais aussi dans les milieux libéraux qui, ignorant la mise en garde de Paul Valéry, s’imaginent que certaines civilisations peuvent être éternelles.

    Le terme d’« Occident » était en effet équivoque. Vous le savez, le mot a une longue histoire. Aujourd’hui, il tend à désigner un bloc qui, pour l’essentiel, associerait les États-Unis d’Amérique et les Européens. Cette façon de voir me paraît un non-sens géopolitique. L’Amérique, comme l’Angleterre avant elle, est une puissance de la Mer, tandis que l’Europe, avec ses prolongements eurasiatiques, représente la puissance de la Terre. Carl Schmitt résumait l’histoire à une lutte séculaire entre les puissances maritimes et les puissances telluriques et continentales. Que les intérêts américains et les intérêts européens (et, au-delà, leurs idéologies fondatrices respectives) soient fondamentalement les mêmes est une absurdité dont le spectacle des dernières décennies devrait nous convaincre. On en a encore eu un bon exemple avec la façon dont, dans l’affaire ukrainienne, l’Union européenne a adopté sur pression des États-Unis des sanctions contre la Russie dont les Européens seront les premières victimes.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : En Allemagne, la vie intellectuelle, voici un siècle, a été marquée par ce qu’on a appelé la « Révolution Conservatrice ». Pensez-vous qu’elle pourrait inspirer aujourd’hui une nouvelle conception du réflexe conservateur qui est avant tout une protestation du monde ancien, de nature humaniste, comme vous l’avez dit sur Radio Courtoisie, face au totalitarisme ?

    ALAIN DE BENOIST. Pourquoi pas, mais à condition d’en faire un examen attentif. Ce qu’on a appelé « Révolution Conservatrice » (l’expression est d’Armin Mohler et date du tout début des années 1950) désigne une vaste mouvance comprenant plusieurs centaines d’auteurs, de groupements politiques et de revues théoriques, qui ont joué en Allemagne un rôle très important entre 1918 et 1932. Cette tendance comprenait des tendances différentes, les quatre principales étant les jeunes-conservateurs, les nationaux-révolutionnaires, les Völkische et les Bündische. Tous ne présentent évidemment pas le même intérêt. En outre, dans le syntagme « Révolution Conservatrice », il ne faut pas oublier que le mot « Révolution » et tout aussi important que l’adjectif « Conservatrice ». Les révolutionnaires conservateurs sont des penseurs ou des acteurs politiques (Spengler, Carl Schmitt, Arthur Moeller van den Bruck, Othmar Spann, Albrecht Erich Günther, Ernst Jünger, Arthur Mahraun, etc.) qui considèrent, à l’encontre du conservatisme du XIXe siècle, que dans les conditions présentes, seule une révolution peut permettre de conserver ce qui mérite de l’être. Leur idée fondamentale est que le conservatisme ne doit pas chercher à préserver le passé, mais à maintenir ce qui est éternel. On pourrait dire aussi : entretenir la flamme et non conserver les cendres.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Dans « Communisme et nazisme », ouvrage que vous avez publié en 1998 et qui était sous-titré « 25 réflexions sur le totalitarisme au XXe siècle, de 1917 à 1989 », vous dressiez une liste impressionnante de similitudes entre les deux totalitarismes qui ont pour ainsi dire cohabité au XXe siècle, en comparant notamment ce qu’était la classe pour le communisme à ce que fut la race pour le nazisme : deux catégories à éliminer physiquement (Staline : « Les koulaks ne sont pas des êtres humains, la haine de classe doit être cultivée par les répulsions organiques à l’égard des êtres inférieurs. ») Dans les deux cas, ces totalitarismes du siècle dernier n’ont-ils pas cédé à l’illusion progressiste selon laquelle il était possible, en éliminant les êtres inférieurs, de créer un homme nouveau ? N’est-ce pas aujourd’hui encore le même délire visant à créer par la technique une nouvelle race d’hommes ?

    ALAIN DE BENOIST. La thématique rupturaliste de l’« homme nouveau » remonte à saint Paul, mais celui-ci ne lui donnait évidemment pas le même sens que les grands totalitarismes modernes, ni non plus celui des tenants du « transhumanisme » contemporain. Ce qui est vrai, en revanche, c’est que dans tous les cas cette thématique tend à justifier des mesures d’élimination de ceux que l’on regarde, soit comme inférieurs, soit tout simplement comme « des hommes en trop » (Claude Lefort), à l’exception de ceux qui acceptent de se convertir à la nouvelle doxa dominante. Aujourd’hui, l’homme nouveau dont on nous annonce l’avènement est avant tout un homme « augmenté » par le moyen des technologies nouvelles – mais dont on a toute raison de penser (je renvoie à nouveau aux écrits d’Olivier Rey) qu’il s’agira en réalité d’un homme diminué. La cancel culture, le « wokisme », la théorie du genre contribuent à cette poussée qui semble annoncer une véritable mutation anthropologique, face à laquelle l’action politique sera, je le crains, parfaitement impuissante.

    LE NOUVEAU CONSERVATEUR : Vous introduisiez le même ouvrage (« Communisme et nazisme ») par une citation d’Alain Finkielkraut : « Naguère aveugle au totalitarisme, la pensée est maintenant aveuglée par lui. » Ne sommes-nous pas entrés, sans toujours nous en apercevoir, dans une nouvelle ère totalitaire ?

    ALAIN DE BENOIST. Sans doute, mais encore faut-il ne pas céder à une certaine tendance actuelle, que l’on rencontre surtout à droite, qui consiste à voir de façon polémique du « totalitarisme » partout. Il faut de la rigueur pour manier les mots qui ont trop servi. Je m’en tiendrai pour ma part à une observation simple. On a trop fait l’erreur de définir le totalitarisme par les moyens auxquels ont eu recours les grands totalitarismes historiques (censure, parti unique, arrestations arbitraires, déportations, Goulag, camps de concentration, etc.), sans s’interroger outre-mesure sur les fins. Or les moyens totalitaires n’usaient de ces moyens qu’en vue d’une fin bien précise : l’alignement (la Gleichschaltung), la suppression des façons de penser dissidentes, l’éradication de toute pensée qui s’écartait de l’idéologie dominante. Le totalitarisme, en d’autres termes, était dans la fin beaucoup plus encore que dans les moyens Une fois qu’on a compris cela, on ne peut que constater que les sociétés libérales contemporaines visent exactement le même but, mais avec des moyens différents – des moyens moins brutaux, voire de nature à plaire et à séduire, qui vont de pair avec la mise en place d’une surveillance de contrôle et de surveillance d’une ampleur (et d’une efficacité) jamais vue. Cela s’appelle la pensée unique, et tout projet qui vise à imposer une pensée unique est totalitaire. D’où ma méfiance vis-à-vis de l’Unique, auquel j’ai coutume d’opposer ce que Max Weber appelait le « polythéisme des valeurs ».

    Alain de Benoist, propos recueillis par Paul-Marie Coûteaux (Site de la revue Éléments, 17 janvier 2023)

    Lien permanent Catégories : Entretiens 0 commentaire Pin it!
  • Démographie, immigration, grand Remplacement, … Rendez-vous en 2100 !

    Nous reproduisons ci-dessous un texte  cueilli sur le site de Dextra consacré à la question démographique...

     

    Enfants européens.jpg

    Démographie, immigration, grand Remplacement,… Rendez-vous en 2100 !

    Le 15 novembre dernier naissait le 8 milliardième être humain. Pour rappel, nous étions 1 milliard en 1800, 2 milliards en 1927, 3 milliards en 1960, 4 milliards en 1974, 5 milliards en 1987, 6 milliards en 1999 et 7 milliards en 2011. Tout semble indiquer que nous courons vers la surpopulation ! Et pourtant, dans la dernière édition de World Prospect de juillet 2022, les Nations Unies ont estimé, avec une probabilité de 95%, qu’en 2100 la population mondiale ne se situerait qu’entre 8,9 et 12,4 milliards.

    Le taux de croissance démographique mondiale a atteint son sommet en 1965 (2%), il a diminué de moitié depuis et pourrait même devenir négatif dès 2100. A partir de cette date la population mondiale commencerait à baisser.

    Que se passe-t-il ? Il se passe que toutes les peuplades de la Terre sont en train d’opérer leur transition démographique : la limitation volontaire des naissances. Toutes ? Oui toutes ! Déjà plus des deux tiers de l’humanité vivent aujourd’hui dans un pays où le taux de fécondité est inférieur au seuil de renouvellement (2,1 enfants par femme).

    La première surprise est venue de l’Amérique Latine, de l’Asie, du Moyen-Orient et du Maghreb où le taux de fécondité a baissé bien plus vite que prévu (à l’exception d’un épisodique rebond dans les pays ayant participé au « Printemps arabe »).

    L’autre surprise est venue de l’Afrique intertropicale où la baisse de fécondité est réelle mais plus lente que prévue. Ce retard s’explique par un taux d’urbanisation de la population plus faible qu’ailleurs dans le monde et un moindre accès aux moyens techniques de contraception. Mais même au fin fond de la brousse les mentalités sont en train de changer.

    Cette chute brutale de la fécondité des pays du Sud est accélérée par les moyens techniques de notre époque, et le mode de vie qui va avec, et est donc beaucoup plus rapide, même en Afrique intertropicale, que celle observée en Europe et en Amérique du Nord au XIXème et XXème siècle.

    Les projections démographiques sont toujours incertaines car elles ne peuvent anticiper les imprévus de l’Histoire : la Peste Noire, l’extermination des indiens d’Amérique, les deux Guerres Mondiales, le baby-boom, la politique de l’enfant unique en Chine, l’effondrement de l’URSS, la politique nataliste de la Hongrie, les catastrophes naturelles, la production massive d’enfants par utérus artificiel, … La seule affirmation qu’il soit possible de faire est que, si aucun imprévu ne vient perturber significativement la dynamique en cours, les dés sont jetés et nous savons à quoi ressemblera la population mondiale en 2100 :

    Ainsi, jusqu’en 2100, la population mondiale va continuer d’augmenter à cause de l’inertie démographique : beaucoup d’adultes en âge d’avoir des enfants sont nés lorsque la fécondité était encore forte, ce qui entraîne un nombre élevé de naissances. Parallèlement, les personnes âgées ou très âgées sont peu nombreuses à l’échelle mondiale et le nombre de décès est faible. La démographie mondiale est comme une bicyclette ayant bénéficié d’un formidable élan et qui, bien que pédalant de moins en moins vite, accélère encore pour quelques temps grâce à son impulsion initiale avant de finalement ralentir.

    A cette époque, l’Océanie comptera 0,7% de la population mondiale, l’Amérique du Nord 4%, l’Europe un peu plus de 5%, l’Amérique du Sud 6%, l’Afrique 38% et l’Asie 46%.

    L’ensemble des peuples du monde devrait avoir un taux de fécondité convergent à 1,85 enfant par femme en moyenne. De sorte que, personne n’ayant plus de surplus démographique, nous pouvons imaginer que les phénomènes migratoires (hors catastrophes naturelles, climatiques, guerres, …) devraient être fortement réduit, voir inexistant.

    De même, les phénomènes de remplacement et d’hybridation de certaines populations (notamment les européens vivant dans des pays multi-ethniques) pourraient se figer à un certain stade et ne plus progresser, ou à la marge.

    Les communautés maintenant un fort taux de natalité, pour des raisons culturelles et/ou religieuses, pourraient, et ce très rapidement, devenir surreprésentées dans les pays où elles se trouvent. Des exemples actuels existent déjà avec les juifs orthodoxes en Israël ou les amish dans certaines régions des Etats-Unis et d’Amérique Latine.

    L’inquiétude principale réside dans le vieillissement extrêmement rapide des pays du Sud où la transition démographique est beaucoup plus resserrée dans le temps. En France, la fécondité a mis 150 ans pour passer de 5 à 2,5 enfants par femme. Le même phénomène a pris 18 ans en Chine et a eu lieu dans les années 1972 à 1990, avec des moyens de contraceptions plus rudimentaires que ceux actuels.

    Beaucoup des pays du Sud ont vu leur solidarité traditionnelle se dissoudre dans le mode de vie moderne sans qu’un système de solidarité intergénérationnel ne viennent prendre le relais.

    La perspective de la fin de notre siècle peut nous paraître lointaine. Nous en sommes pourtant déjà au quart et les enfants naissants actuellement ont toutes les chances de la voir. 2100, c’est demain.

    Il y aurait énormément de conclusions politiques à tirer de ces perspectives. Nous n’en retiendrons qu’une seule : les pays qui souhaitent conserver leur identité ont raison de se « préserver » même si ce choix politique présente un désavantage concurrentiel momentané (Japon, Europe de l’Est, …) car à long terme les pays aux politiques immigrationnistes (Europe de l’Ouest, Etats-Unis, …) n’auront plus les avantages d’une main d’œuvre bon marché mais n’auront plus que les désavantages d’une société multi-ethniques.

    Et pour les communautés souhaitant conserver leur identité et qui sont piégées dans ces pays multi-ethniques, la conclusion est la même : faire preuve de patience et maintenir une fécondité plus forte que les autres. Les dynamiques qui nous défavorisent actuellement ne dureront pas toujours.

    Dextra (Dextra, 3 janvier 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • L'hiver démographique européen...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Gérard-François Dumont à l'Observatoire de l'immigration et de la démographie et consacré à l'hiver démographique européen.

    Géographe, économiste et démographe, Gérard-François Dumont est professeur émérite à Sorbonne Université et président de l’association Population & Avenir et de sa revue éponyme. Il a, notamment, publié Démographie politique - Les lois de la géopolitique des populations (Ellipses, 2007) et, avec Pierre Verluise, Géopolitique de l'Europe, de l'Atlantique à l'Oural (PUF, 2015).

     

    Hiver démographique.jpg

     

    Gérard-François Dumont et l’hiver démographique européen

    Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) : Vous avez consacré deux récentes Analyses de Population & Avenir à la démographie européenne. Vous expliquez notamment que l’Union européenne est entrée, durablement, dans un « hiver démographique ». Qu’est-ce que cela signifie ?

    Gérard-François Dumont : Il est malheureusement fréquent de présenter une analyse erronée des évolutions démographiques qui se déroulent après la transition démographique. Vous vous rappelez que cette grande mutation, due à de nombreux progrès dans la médecine, la pharmacie, l’hygiène ou le progrès technique…, consiste dans le passage de taux de moralité et natalité élevés (de l’ordre de 40 naissances et décès pour 1 000 personnes) à des taux de mortalité et de natalité divisés par trois ou quatre, mutation qui en Europe et selon les pays, s’est déroulée grosso modo de la fin du XVIIIe siècle au milieu du XXe siècle.

    Or, dans les figures présentant le principe de cette transition démographique, notamment dans de nombreux livres scolaires, il est affiché des taux de natalité et de mortalité stables au terme de cette transition[1]. Mais il n’en est rien. La stabilité relève du mythe, hier comme aujourd’hui[2].

    En revanche, dans de nombreux pays, après la fin de la transition démographique et le renouveau démographique consécutif à la Seconde Guerre mondiale, il faut constater des niveaux de fécondité durablement inférieurs au seuil de simple remplacement des générations qui est, dans les pays à haut état sanitaire, de 2,1 enfants par femme. Il fallait nommer le concept permettant de recouvrir ce phénomène et j’ai donc proposé comme formulation « l’hiver démographique », par analogie avec le fait qu’à cette saison, dans les régions septentrionales de la planète, les températures sont négatives.

    Toutefois, il importe de préciser que l’intensité de l’hiver démographique peut fortement varier selon les pays et les périodes. Ainsi, au tournant des années 2020[3],, parmi les pays en hiver démographique, la fécondité s’étage entre 0,9 et 1,8 enfant par femme, soit des écarts qui témoignent d’une grande fragmentation et s’expliquent par différents facteurs variés, dont les différences dans les politiques familiales et dans leurs évolutions, ainsi que des aspects culturels.

    OID : Est-ce une singularité européenne ? Qu’en est-il pour les ensembles géopolitiques proches tels que le Maghreb, l’Afrique subsaharienne ou encore la Turquie ?

    Gérard-François Dumont : Même si l’hiver démographique est général en Europe, ce n’est pas une singularité européenne. Il se constate aussi dans d’autres régions du monde, en Asie orientale avec la Corée du Sud ou le Japon, en Océanie avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, en Transcaucasie avec l’Arménie ou la Géorgie.

    En revanche, les niveaux de fécondité sont plus élevés dans d’autres régions du monde. Par exemple, au Maghreb, l’évolution majeure se résume à des trajectoires différentes de l’avancée dans la transition démographique selon les pays. Il en résulte un contraste entre le Maroc et la Tunisie, qui se trouvent au seuil de remplacement des générations, et l’Algérie, qui a enregistré une remontée de la fécondité dans un contexte d’islamisation du pays signifiant un arrêt, voir une régression, dans la hausse de l’âge au mariage.

    L’Afrique subsaharienne, à l’exception de quelques pays, n’a pas terminé sa transition démographique. Sa fécondité moyenne a effectivement baissé d’environ 7 enfants par femme dans les années 1950 à un chiffre légèrement supérieur à 4 au début des années 2020, chiffre qui doit être relativisé compte tenu d’une mortalité infantile encore très élevée, quinze fois supérieure à celle de l’Europe.

    La Turquie compte une fécondité encore légèrement supérieure au seuil de remplacement, soit 2,3 enfants par femme, mais cette fécondité se traduit par un nombre élevé de naissances et, donc, un solde naturel (naissance moins décès) très élevé dans la mesure où la Turquie hérite de générations nombreuses de femmes en âge de procréer. Le contraste est donc fort entre une Union européenne (à 27 après le Brexit) qui enregistre un déficit des naissances par rapport au décès depuis 2012 et une Turquie dont le solde naturel annuel est aux environs de 700 000.

    FOCUS : rappel des principales définitions
    par Gérard-François Dumont

    Taux de natalité : rapport du nombre de naissances vivantes au cours d’une période (en général l’année) à la population moyenne de la période (considérée comme la population en milieu de période) ; il est généralement exprimé pour mille habitants.

    Taux de mortalité : rapport entre le nombre de décès d’une période (en général l’année) et la population moyenne de la période ; il est généralement exprimé pour mille habitants.

    Taux de mortalité infantile : nombre d’enfants morts pendant une période déterminée, généralement l’année, avant d’atteindre l’âge d’un an rapporté à mille naissances vivantes de la même période.

    Indice de fécondité : somme des taux de fécondité par âge pour une année donnée ; cet indice indique le nombre moyen d’enfants que mettrait au monde au cours de sa vie féconde une génération qui aurait des taux par âge identiques à ceux observés l’année considérée.

    Seuil de simple remplacement des générations : fécondité nécessaire pour que les femmes d’une génération soient remplacées nombre pour nombre à la génération suivante, donc une trentaine d’années plus tard ; en conséquence, un effectif de cent femmes est remplacé par un effectif semblable de cent femmes. Ce seuil est de 2,1 enfants par femme dans les pays à haut niveau sanitaire et hygiénique.

    Dépopulation : situation d’un territoire dont le solde naturel est négatif, c’est-à-dire lorsque le nombre de décès est supérieur à celui des naissances.

    Dépeuplement : situation d’un territoire dont le solde démographique total, qui combine les naissances et les décès ainsi que les immigrations et émigrations, est négatif. Un pays peut donc être caractérisé par une dépopulation sans pour autant être en dépeuplement (dans ce cas, l’excédent migratoire compense le déficit naturel) et un pays en dépeuplement peut ne pas être en dépopulation (dans ce cas, l’excédent naturel reste insuffisant pour compenser le déficit migratoire).

    OID : Vous montrez que les pays européens se comportent différemment les uns des autres et qu’il existe quatre grands types de régimes démographiques, c’est-à-dire quatre grandes combinaisons, en fonction du mouvement naturel (natalité et mortalité) et du mouvement migratoire (émigration et immigration) : accroissement naturel positif et accroissement migratoire positif, accroissement naturel négatif et accroissement migratoire positif, accroissement naturel positif et accroissement migratoire négatif, accroissement naturel négatif et accroissement migratoire négatif. Dans quelle situation se trouve la France ?

    Gérard-François Dumont : Au début des années 2020, la France n’est ni en dépopulation, ni en dépeuplement. D’une part, son hiver démographique entamé au milieu des années 1970 a été moins intense que la moyenne des pays européens, notamment en raison de sa politique familiale et d’une immigration à composition par âge jeune. En conséquence, depuis, les naissances sont restées supérieures aux décès, donc le solde naturel est positif, contrairement à une quinzaine de pays européens en dépopulation. Toutefois, depuis 2015, les rabotages de la politique familiale ont engendré, comme je l’avais annoncé, une baisse de la fécondité qui, complétée par les effets de la pandémie Covid-19, accentue son hiver démographique. Et comme son solde migratoire est également positif, la France n’est pas non plus en dépeuplement contrairement à plusieurs pays européens.

    OID : Les deux « ingrédients », natalité et immigration, ne sont d’ailleurs pas dissociables dans la mesure où, notamment, l’immigration contribue aussi de façon significative aux naissances. Peut-on estimer l’impact de l’immigration sur la natalité en France ? Comment se caractérise la fécondité des femmes immigrées ainsi que celle des femmes d’origine immigrée ? Assiste-t-on à une convergence vers la fécondité « nationale » ?

    Gérard-François Dumont : Effectivement, selon la formule que j’ai proposée, l’immigration ne rend évidemment pas stérile. Les immigrés, c’est-à-dire, selon une définition propre à la France, les personnes résidant en France et nées à l’étranger de nationalité étrangère, peuvent donc avoir une fécondité différente des personnes nées sur le territoire national. Certains ont des fécondités plus faibles que la moyenne, lorsqu’il s’agit d’immigrés originaires de pays européens ; d’autres ont des fécondités supérieures à la moyenne, notamment lorsqu’il s’agit de personnes originaires de pays du Sud. J’explique souvent que, pour comprendre ce phénomène, la France compte deux territoires « témoins », Mayotte et la Guyane. Ces deux départements français d’outre-mer ont des fécondités avoisinant respectivement 5 et 4 enfants par femme, essentiellement en raison de la fécondité fort élevée des immigrées comoriennes pour Mayotte et des immigrées surinamiennes pour la Guyane. Il en résulte que, dans ces deux départements, le nombre d’étrangers est supérieur à celui des immigrés. En France métropolitaine, le département à la fécondité la plus élevée est la Seine-Saint-Denis, ce qui est évidemment lié à son accueil d’immigrées originaires de pays du Sud.

    L’impact de l’immigration sur la natalité en France n’est pas contestable, mais il serait trompeur de penser que ce phénomène n’est pas semblable dans d’autres pays européens dont la fécondité est plus faible que la France, comme l’Allemagne ou l’Autriche, avec de nombreux immigrés originaires de la Turquie. Il est vrai que, dans le passé, des convergences ont pu se constater, par exemple chez les immigrés italiens. De même, les harkis, dont la fécondité était, à leur arrivée en France en 1962, d’environ sept enfants par femme, ont vu les générations suivantes abaisser leur fécondité. Mais il faut raisonner en flux migratoires et non en nombre d’immigrés constaté à une date donnée. Les descendants de générations arrivées du Sud depuis longtemps ont abaissé en moyenne leur fécondité, mais, comme le montrent Mayotte, la Guyane ou la Seine-Saint-Denis, de nouvelles arrivées s’effectuent avec un comportement de fécondité plus proche des pays d’origine, dans un contexte où les nouveau-nés sont aussi une quasi-garantie de non-expulsion si les personnes sont en situation irrégulière.

    OID : Vous évoquez l’Italie dont le solde naturel (naissances « moins » décès) est négatif depuis 1995. Chaque année, l’Italie compte 250 000 décès de plus que de naissances. Si elle est pour l’instant épargnée, à quel moment la France connaîtra-t-elle une situation semblable ?

    Gérard-François Dumont : La dépopulation en Italie s’explique notamment par deux causes qui ne se sont pas exercées en France. D’une part, une quasi-absence de politique familiale. D’autre part, une société qui a longtemps continué de considérer que l’enfant devait naître dans le mariage, puisque les naissances hors mariage n’étaient socialement pas très acceptées ; cette attitude a été abandonnée en France depuis les années 1990, expliquant que plus de la moitié des naissances surviennent hors mariage. Sauf retour à un printemps démographique ou immigration massive de populations plus fécondes, la France est inévitablement appelée à connaître à terme une dépopulation d’autant que, logiquement, le taux de moralité augmente avec le vieillissement de la population (et la pandémie). Si l’État ne revient pas sur les rabotages de la politique familiale, un scénario possible est que ce phénomène apparaisse au cours des années 2020.

    OID : Vous employez une image forte en disant que se dessine actuellement, « avec les dynamiques engagées, une image très nette, celle d’une Europe qui a déjà d’abord plus besoin de cercueils que de berceaux ». Les décideurs publics, en Europe et en particulier en France, ont-ils conscience de la problématique ?

    Gérard-François Dumont : Les décideurs publics, ce sont les responsables politiques et leurs administrations. Les premiers demeurent logiquement soucieux de leur prochaine échéance électorale, ce qui ne les conduit guère à prendre en compte les processus démographiques qui ont des logiques de longue durée. En outre, en France notamment, des prismes idéologiques nuisent à une compréhension des réalités. Ainsi la France avait incontestablement une politique familiale qui, en dépit de certaines insuffisances, était satisfaisante et d’ailleurs vue comme un modèle dans de nombreux pays étrangers. Les mises en cause de cette politique, dans les programmes de la droite et de la gauche, puis sa mise en œuvre par le gouvernement Jospin arrivé au pouvoir dans la seconde moitié des années 1990, avaient fini par être remisées, notamment grâce aux pressions du parti communiste, alors membre du gouvernement de gauche plurielle. Pourtant, Un quart de siècle plus tard, on a assisté à un processus de démantèlement de tous ses aspects depuis 2015.

    En Europe, des pays ont partiellement conscience de la problématique et des initiatives pour limiter l’intensité de l’hiver démographique ont été prises en Russie, en Allemagne, en Hongrie, en Pologne, ou encore en Italie en avril 2021. Des résultats ont été obtenus. Mais toutes les initiatives ne relèvent pas des choix les plus pertinents. Et, au sein de l’Union européenne, le raisonnement dominant, précisé dans nombre de communications de la Commission, demeure le même et peut être résumé ainsi : qu’importe la natalité, l’Europe trouvera toujours des immigrés pour compenser son insuffisance de natalité et, donc, de population active.

    Autre exemple, la Commission européenne a publié un « Livre Vert » sur le vieillissement de la population[4]. Ce Livre Vert suggère des mesures qui favoriseraient un meilleur vieillissement actif, un meilleur emploi des personnes âgées et des systèmes de retraite mieux adaptés. Il s’intéresse donc essentiellement à la gérontocroissance, c’est-à-dire à l’augmentation du nombre de personnes âgées, donc au « vieillissement par le haut ». Mais, en dépit de son titre et de son sous-titre qui donne l’impression d’embrasser tous les âges en recourant aux mots « vieillissement » et « générations », il ne traite nullement de l’autre aspect du vieillissement, celui « par le bas », lié à la fécondité et à la natalité fortement abaissée en Europe. Dans ce contexte, il est heureux que l’Assemblée nationale ait organisé en mars 2021 une table ronde sur cette question.

    OID : Pour conclure, quel regard portez-vous sur la création de l’OID, dont l’objectif principal est de permettre l’émergence d’un débat dépassionné, factuel et construit sur l’immigration et la démographie ?

    Gérard-François Dumont : La statistique démographique devrait livrer, dans des délais raisonnables, des résultats incontestables soumis à la réflexion des citoyens. Mais la France connaît trois difficultés pour qu’il en soit ainsi. D’abord, notre système statistique pèche par absence de registres municipaux de population ou par des délais élevés d’obtention des résultats. En deuxième lieu, il s’est détérioré et la fiabilité des données ne s’est pas améliorée[5]. En outre, il faut bien constater l’existence de certains « experts » qui livrent aux médias d’apparentes certitudes qui ne sont que le résultat de leur prisme idéologique. Fidèlement à l’enseignement de mon maître Alfred Sauvy[6], il convient de s’en tenir, sans a priori, aux faits.

    Gérard-François Dumont (Observatoire de l'immigration et de la démographie, 10 mai 2021)

     

    Notes

    1. Rappelons que la première formulation de cette mutation a été formulée par Adolphe Landry dans son livre intitulé La révolution démographique (1934). Cet auteur ne voyait pas de retour à l'équilibre à l'issue de la transition, sauf mise en place par les pouvoirs publics d'une politique favorable à la natalité. Puis, en 1945, c’est la formulation d’un américain, Frank Notestein qui a prévalu : Notestein, Frank W., « Population. The Long View », in : Schultz, Theodore W., Food for the World, University of Chicago Press, 1945, pp. 36-57.
    2. Cf. par exemple : Sardon, Jean-Paul, Calot, Gérard, « Les incroyables variations historiques de la fécondité dans les pays européens. Des leçons essentielles pour la prospective », Les analyses de Population & Avenir, n° 4, décembre 2018. DOI : https://doi.org/10.3917/lap.004.0001
    3. Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des pays : données et analyse », Population & Avenir, n° 750, novembre-décembre 2020.
    4. Sous-titré « Promouvoir la solidarité et la responsabilité entre générations », 27 janvier 2021.
    5. Le Penven, Éric, « Les enfants disparus du recensement français. Combien, où et pourquoi ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 20, janvier 2020. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2020-2-page-1.htm Dumont, Gérard-François, « Une exception française : son recensement de la population. Quelle méthode ? Quelles insuffisances ? Comment l’améliorer ? », Les analyses de Population & Avenir, n° 3, décembre 2018. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2018-13-page-1.htm
    6. Dumont, Gérard-François, « Qu’est-ce qu’une méthode scientifique ? L’exemple d’Alfred Sauvy », Les analyses de Population & Avenir, n° 23, avril 2020. https://www.cairn.info/revue-analyses-de-population-et-avenir-2020-3-page-1.htm
    Lien permanent Catégories : Entretiens, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Démographie et multiculturalisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le Visegrád Post et consacré aux questions de démographie et d'homogénéité ethno-culturelle.

    Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenue une figure de la pensée conservatrice en Europe, est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

     

    Pologne 2.jpg

    « Size matters » ? La démographie déclinante de la Pologne dans le contexte européen

    Il y a quelques jours, les médias ont rapporté que, malgré les efforts considérables de son gouvernement, la Pologne continue d’afficher une tendance démographique à la baisse : par rapport à 2020, la population a diminué de 115 000 personnes, et le nombre de naissances est aussi faible qu’il l’était pour la dernière fois il y a 17 ans. Que signifie cette évolution, qui est considérée par de nombreux opposants au gouvernement comme la preuve de l’« échec » des politiques natalistes et anti-avortement du gouvernement conservateur ?

    Tout d’abord, il convient de souligner que la Pologne s’inscrit tout à fait dans la tendance des autres pays de l’UE pour l’année 2020 : l’Allemagne, la France et de nombreux autres pays ont également connu une baisse analogue des naissances. L’explication est simple : une pandémie accompagnée d’un confinement de la population, d’une surpopulation dans les hôpitaux, d’une fermeture des écoles et de la crainte des conséquences désastreuses du lockdown pour l’économie est certainement tout sauf un moment idéal pour mettre des enfants au monde – que ce soit en Pologne, en Allemagne ou en France. Mais le problème est plus profond, car l’ensemble du monde occidental souffre d’un déclin démographique rampant depuis des décennies.

    Les explications sont multiples : déclin de la foi religieuse, attitude hédoniste face à la vie, désir de développement personnel radical, banalisation de l’avortement, féminisme extrême, conséquences de la propagande sur le changement climatique, crise de la masculinité, disparition du mariage, nécessité pour les deux partenaires de travailler pour gagner leur vie, effets du culte de l’« éternelle jeunesse », etc. Mais toutes ces raisons ne sont que des symptômes superficiels d’un fait beaucoup plus profond : toutes les civilisations, lorsqu’elles atteignent leur stade final, connaissent un déclin démographique progressif, et nous pouvons observer des tendances similaires en Égypte au début de la période ramesside au XIIIe siècle avant Jésus-Christ, en Chine à la fin de la période des « États combattants » au IIIe siècle avant J.-C., dans le monde gréco-romain de la République tardive au Ier siècle avant J.-C., dans l’Iran sassanide tardif du VIe siècle de notre ère, ou dans le monde islamique post-classique du Xe siècle de notre ère.

    Si l’on considère les civilisations par analogie avec les êtres vivants, tôt ou tard, elles sont toutes condamnées à décliner, à mourir, à se fossiliser, et à mesure que la vigueur de la civilisation diminue, le désir de transmettre les traditions ancestrales à ses enfants s’estompe. Pourquoi une personne qui ignore, méprise ou même déteste son propre passé (et ces personnes sont de plus en plus nombreuses, grâce aux écoles, universités et médias politiquement corrects) voudrait-elle transmettre ses traditions culturelles à ses descendants – ou même avoir des enfants?

    Lorsque j’ai discuté avec une dame allemande lors d’une conférence il y a quelques années, elle m’a pratiquement reproché d’avoir des enfants, affirmant que les « Européens » avaient commis de telles atrocités dans leur histoire que c’était un signe de colonialisme et d’égoïsme que d’avoir sa propre progéniture, plutôt que d’adopter des enfants d’Afrique ou d’Asie, ou – afin de lutter pour la « neutralité climatique » – de s’en passer complètement. Lorsqu’une société entière pense de cette façon – et c’est maintenant le cas de beaucoup de citoyens, pas seulement en Allemagne – les civilisations se fossilisent et s’éteignent : non seulement par manque d’enfants, mais aussi par manque d’amour pour leur propre histoire et leur tradition. Il ne reste qu’une masse anonyme de personnes qui ne pensent qu’à leur propre intérêt matériel et ne peuvent ressentir aucune solidarité culturelle entre elles.

    Mais comment se fait-il que la Pologne et les autres États de la zone du trimarium soient particulièrement touchés par ce déclin démographique et donc aussi culturel ? Cela signifie-t-il même que l’Est de l’Europe est moins disposé à vivre que l’Ouest ? Ce serait probablement une erreur. D’une part, il faut garder à l’esprit que le déclin démographique de l’Europe de l’Est n’est pas seulement dû à la natalité, mais aussi au simple fait que de nombreuses personnes de l’Est se rendent à l’Ouest pour y travailler durement (et donc sans enfant) pendant plusieurs années et profiter des salaires plus élevés, et ne rentrent chez elles que plus tard – voire pas du tout. Mais d’autre part – et cela me semble central – les pays d’Europe de l’Est se caractérisent par une grande homogénéité de leur population, tandis que l’Ouest est de plus en plus peuplé de personnes issues des mondes subsaharien et musulman.

    Il est bien connu que ces personnes ont nettement plus d’enfants que les habitants « autochtones », non seulement au début, mais souvent aussi après plusieurs générations, et cela explique aussi la différence entre les deux moitiés de l’Europe : plus la nation est homogène et « européenne », moins il y a d’enfants désormais ; plus elle est « multiculturelle », plus il y en a : il n’est pas étonnant que la France et l’Angleterre aient une natalité élevée, mais plus on regarde vers l’Est et le Sud-Est, plus la démographie diminue.

    Maintenant, bien sûr, la question se pose de savoir quels seront les effets de cette dépopulation progressive. Une faible population signifie-t-elle nécessairement que son propre peuple sera dominé par ceux qui sont plus nombreux ? Pas nécessairement, ou du moins pas immédiatement : lorsque les Espagnols ont conquis les Amériques au XVIe siècle, ou lorsque les Anglais et les Français ont colonisé de grandes parties de l’Afrique et de l’Asie au XIXe siècle, ils étaient bien moins nombreux que les indigènes. Ils avaient cependant un avantage fondamental que l’Europe d’aujourd’hui a perdu : leur énorme supériorité technique. C’est également la voie empruntée par une autre société en déclin, celle des Japonais ; au lieu de compter sur l’immigration massive, ils investissent massivement dans les technologies du futur afin de maintenir un niveau de vie et une influence politique constants. Mais nous devons également considérer d’autres aspects.

    Auparavant, les Européens étaient convaincus de leur mission dans ce monde et avaient des sociétés fortes et cohérentes qui soutenaient la croissance et l’expansion. Aujourd’hui, la majeure partie de l’Europe est encore traumatisée par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale et renonce non seulement à toute forme d’expansionnisme ou même de violence physique, mais même à la défense de sa propre survie, préférant acheter la paix et la tranquillité à court terme avec de l’argent plutôt qu’avec du respect – et sacrifier pour cela les générations suivantes.

    Et, bien sûr, il y a le problème de la pression démographique que subit l’Europe, non seulement de l’extérieur, mais aussi de l’intérieur, en raison de sa « culture de l’accueil » qui remonte déjà à des décennies, mais qui a été renforcée de manière drastique par le gouvernement Merkel : la population des Européens de souche diminue de façon spectaculaire, tandis que le nombre d’immigrants augmente rapidement, de telle sorte que dans de nombreuses villes d’Europe occidentale, les immigrants et leurs descendants constituent déjà la nette majorité de la population, surtout dans les groupes d’âge les plus importants, c’est-à-dire les jeunes. Compte tenu de l’absence apparente d’intégration culturelle dans la culture occidentale, cela signifie qu’au long terme, il sera de plus en plus difficile d’attendre une quelconque forme de solidarité entre les habitants de ce continent, car la solidarité se fonde généralement sur un certain nombre d’éléments culturels communs tels que l’histoire, la langue, la religion, le patriotisme, le folklore, les caractéristiques nationales et régionales ou une vision très spécifique de l’individu ou de la famille.

    Ces facteurs d’identité commune ont aujourd’hui largement disparu, et de nombreux pays, comme la France, la Belgique, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, se sont transformés en sociétés tribalisées. Tant que l’économie reste stable et que les pressions démographiques extérieures sont maîtrisées, même une société aussi fragmentée peut raisonnablement survivre. Mais dès que des conflits internes éclatent à propos de la répartition de richesses décroissantes et que les frontières extérieures ne sont plus défendues, cela conduit inévitablement à la catastrophe. Et c’est exactement ce qui se passe en ce moment.

    En conclusion, il est donc peut-être plus sûr pour une nation européenne d’avoir une population décroissante, mais homogène et solidaire, qu’une population croissante, mais multiculturelle et déchirée à l’intérieur d’elle-même.

    David Engels (Visegrád Post, 15 avril 2021)

    Lien permanent Catégories : En Europe, Points de vue 0 commentaire Pin it!