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délinquance - Page 9

  • L'arbre et la forêt...

    Nous reproduisons ci-dessous la chronique d'Eric Zemmour, publiée dans le numéro d'avril de la revue Le Spectacle du Monde  et consacrée à l'affaire Merah et à ce qu'elle révèle...

     

     

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    L'arbre et la forêt

    Un monstre. Un fou. Un malade mental. Un dégénéré. Un loup solitaire. Il y a, dans les mots choisis par les principaux candidats à la présidentielle, de Sarkozy à Hollande, de Mélenchon à Bayrou (et par les médias ainsi que la horde de psys en tout genre convoqués par eux), une volonté commune de sortir Mohamed Merah du commun, de la norme, même des criminels les plus terrifiants. De le psychiatriser. Le déshumaniser, même. Le dépolitiser. Le désislamiser, surtout.

    On remarquera que le processus inverse fut à l’oeuvre pour le Norvégien fou qui devint, son massacre accompli, le porte-parole malgré lui du retour du nazisme.

    On comprend bien les multiples objectifs poursuivis par cette (touchante ?) unanimité (dont même Marine Le Pen a du mal à s’extraire). D’abord, rassurer les populations. Si le meurtrier est un monstre, mis au ban de l’humanité, son périple criminel n’est pas près d’être imité. La parenthèse monstrueuse se refermera aussitôt après sa mort.

    Mais c’est la psychiatrisation du « forcené », sa sortie de l’humanité raisonnable – sa déshumanisation – qui permettra – permet déjà – sa victimisation. C’est le grand legs de la psychiatrie depuis les années 1970. Le fou n’est pas un monstre, mais un homme. Un homme fait de tous les hommes qui les vaut tous, pour paraphraser Sartre. Nous sommes tous des fous, ou aurions pu le devenir, c’est le message que nous a inculqué le politiquement correct psychiatrique. Il suffit d’une étincelle, d’une frustration, d’une persécution. Le fou même meurtrier n’est qu’une victime de la société. Tariq Ramadan n’a pas tardé à allumer cette flamme victimaire. Mohamed Merah ne serait, selon lui, qu’un produit excusable d’une intégration ratée. Du racisme profond de la société française, qui l’a rejeté en tant qu’immigré, en tant que musulman. Ses échecs professionnels sont le fruit d’une hostilité d’une société française malade de ses discriminations. Sa tentative vaine d’entrer dans la Légion étrangère prouve son désir d’intégration. Mohamed Merah, le Lacombe Lucien du terrorisme. Ses innombrables « bêtises » de multirécidiviste sont autant d’appels au secours. Le coupable devient une victime : on connaît le discours bien rôdé, le retournement sémantique de tous les psys, de tous les avocats. Déjà, sur Facebook, des sites – aussitôt supprimés, aussitôt rétablis – chantent la geste tragique du nouveau héros. Dans certaines classes, des profs n’ont pas osé imposer la minute de silence instituée par le président de la République en mémoire des enfants de Toulouse assassinés, car certains jeunes Maghrébins refusaient de « se lever pour des juifs ! » Ces réflexes d’identification spontanée n’ont que faire de la rhétorique savante des élites françaises – politiques, médiatiques et religieuses – pour désislamiser et dépolitiser la sarabande meurtrière du jeune homme.

    « Pas d’amalgame », tel est le cri poussé unanimement. Pourtant, alors que l’identité du tueur n’était pas connue, les grands prêtres de l’antiracisme s’étaient empressés d’amalgamer l’assassin aux « idées racistes », c’est-à-dire, en vrac, au Front national, mais aussi à Nicolas Sarkozy et à tous ceux qui refusent de se coucher devant les injonctions de nos maîtres-censeurs. « Pas d’amalgame entre l’islam et l’islamisme. » L’antienne nous fut inlassablement répétée. Avec les meilleures intentions du monde. Il ne s’agit pas, bien sûr, de prêter une quelconque responsabilité collective à des musulmans français, nos compatriotes, qui n’en peuvent mais. Il s’agit seulement de ne pas accepter des distinctions fallacieuses et des rhétoriques d’évitement. Dans le journal le Monde daté du 24 mars, un professeur de philosophie à Sophia Antipolis, Abdennour Bidar, écrit : « On dit d’un fanatisme de quelques-uns que c’est l’arbre qui cache la forêt d’un islam pacifique. Mais quel est l’état réel de la forêt dans laquelle un tel arbre peut prendre racine ? Une culture saine et une véritable éducation spirituelle auraient-elles pu accoucher d’un tel monstre ? » Mohamed Merah était un musulman de type salafiste. Il a établi sa conversion en lisant lui-même le Coran et lors de ses séjours fréquents en prison. La police soupçonne son grand frère Abdelkader de l’avoir formé et manipulé. Il était devenu un militant religieux et politique. Pas un monstre ni un fou.

    Le salafisme est la version de l’islam pratiquée en Arabie saoudite, grand allié des Etats-Unis et de l’Occident. Le mouvement salafiste a obtenu près de 20 % des voix aux élections en Egypte. Il est l’aiguillon islamiste en Tunisie, militant pour que la charia soit inscrite dans la Constitution, combattant dans la rue les laïcs.

    Le salafisme se répand dans nos banlieues comme une traînée de poudre, supplantant l’islam malékite prédominant dans le Maghreb, qui privilégiait les vertus viriles de l’honneur et de la piété filiale. On sacralise le Coran, texte sacré, décontextualisé qui s’appliquerait parfaitement à notre temps. Coran, prophète, charia, halal, tout est sacralisé. Tout est absolutisé. Les salafistes s’habillent comme le prophète, veulent vivre comme au VIIe siècle.

    Nos bons esprits aiment à distinguer entre islam et islamisme. Entre la pratique individuelle des musulmans et la récupération politique par des groupuscules dangereux. Avec la victoire des islamistes aux élections, dans tous les pays libérés par le « printemps arabe », les mêmes ont dû faire assaut d’inventivité sémantique : il y a désormais les musulmans modérés et les islamistes radicaux. Mohamed Merah est donc un islamiste radical.

    Cette subtile casuistique fait fi de la réalité historique de l’islam. Comme toutes les religions, l’islam est éminemment politique. Il légitime le pouvoir comme le catholicisme consacrait le roi de France. Mais, contrairement à l’Eglise, l’islam ne connaît pas de conflit entre le pape et l’empereur, de distinction entre le sacré et le profane. Selon Marcel Gauchet, dans son livre le Désenchantement du monde, le christianisme était prédisposé à cette séparation laïque, car il était la religion de la sortie de la religion. Au contraire, l’islam est le retour à la rigueur dogmatique du judaïsme après la grande subversion du christianisme, de l’incarnation et de l’amour. L’islam est un retour au pur monothéisme et à l’orthopraxie juive.

    L’islam n’a pas non plus connu la révolution des Lumières, qui a contraint, après plus d’un siècle de combats, à limiter la religion à l’espace privé. Le retour à l’islam travaille les populations arabes. Une rivalité féroce s’exerce entre les deux pôles sunnite et chiite, Arabie saoudite et Iran, pour la domination du monde musulman. C’est une surenchère permanente à qui sera le meilleur musulman, le plus pur, le plus dur aux infidèles.

    L’islam, comme le christianisme, a toujours été un universalisme. Une religion prosélyte qui se considère comme l’ultime révélation monothéiste. Et donc le dernier mot de Dieu. L’oumma est la communauté des croyants. Elle donne une identité musulmane à ceux qui ne se reconnaissent pas une identité nationale. Pas étonnant que Mohamed Merah, citoyen français, enfant d’une famille algérienne, ni français ni algérien, ait trouvé un moule identitaire dans l’islam.

    L’islam est un communisme avec Dieu. A la fois idéal de justice et d’égalité, mais aussi contrôle sourcilleux de la vie de chacun. Un des plus grands spécialistes de l’islam, Maxime Rodinson, interrogé un jour sur la signification de l’oumma, répondit par cette boutade : « l’oumma ? C’est l’Huma ! »

    Bien sûr, Mohamed Merah ne résume pas à lui seul le destin d’une immigration arabo-africaine depuis quarante ans. Il en constitue l’exception, ou plutôt la pente caricaturale. Son destin tragique met cependant en évidence les liens entre immigration et délinquance ; entre délinquance, terrorisme et islam. Des liens que le politiquement correct nous a longtemps interdit même de dénoncer. La faiblesse inconsciente d’une politique d’immigration sans contrôle. Les limites d’un droit du sol qui fait de citoyens français des ennemis fanatisés de leur pays. Les faiblesses d’une politique de la ville qui arrose des associations sans aucun contrôle.

    Selon les spécialistes comme Gilles Kepel, on assiste à la « halalisation » de territoires entiers de la République, quand une population massivement homogène instaure un mode de vie qui va au-delà de l’abattage des bêtes, mais concerne aussi le mariage, la famille, les relations entre hommes et femmes, etc.

    La délinquance aura permis de faire fuir les Français d’origine ou les descendants lointains de l’immigration européenne. Ce qu’un écrivain comme Renaud Camus appelle le « grand remplacement ». Les Mohamed Merah sont rares, mais réussissent – comme l’enseignent les salafistes – à semer la terreur parmi les mécréants. La démographie fera le reste. Et le retour à l’islam rigoriste donnera une couleur idéologique à la pression démographique. Des départements entiers comme la Seine-Saint-Denis deviendraient alors des sortes de La Rochelle au temps des protestants, où des hommes armés faisaient régner un ordre luthérien et pourchassaient les catholiques. Jusqu’à ce que le cardinal Richelieu entreprenne le siège de la place forte protestante. C’est à cette époque que Blaise Pascal disait : « Qui fait l’ange fait la bête. »

    Eric Zemmour (Le Spectacle du Monde, avril 2012)

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  • Silence, on coule !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur le site de Polémia et consacré à la focalisation des médias sur la seule crise financière et à leur silence sur les nombreuses autres menaces qui pèsent sur notre pays en particulier et sur l'Europe en général...

     

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    Silence, on coule ! Les crises dont on ne nous parle pas

    Les médias valorisent dans leur communication la crise financière sous ses différentes formes : crise des dettes souveraines, notation des Etats, solvabilité des banques, déficits budgétaires, etc. Bien sûr, cette crise est préoccupante et on ne doit pas oublier que la grande dépression des années 1930 provenait justement à l’origine d’une crise liée au surendettement qui avait pris naissance aux Etats-Unis avant de se répandre en Europe via l’Allemagne.

    Mais ce biais financier traduit aussi le fait que les journalistes sont des employés de banque comme les autres : car ce sont les grandes institutions financières et les grands groupes qui sont les vrais propriétaires des médias. Les médias traduisent donc prioritairement les préoccupations de ceux qui les emploient.

    Cet accent mis sur le volet financier a pour effet collatéral cependant d’occulter ce qui se passe ailleurs et qui est tout aussi inquiétant. En effet, d’autres crises se déroulent tout aussi graves mais qui ne sont pas médiatisées et en tout cas jamais mises en perspective ni en relation. Mais l’histoire est comme l’herbe, on ne la voit pas pousser…

    L’explosion de la délinquance ou l’implosion de l’Etat légitime

    La crise de la délinquance, d’abord, n’est présentée dans les médias que sous forme de faits divers épisodiques ou pittoresques. La réalité est hélas tout autre : les crimes, les délits, la délinquance explosent dans notre pays. L’Observatoire de la délinquance et de la réponse pénale dénombre en France plus de 5 millions de victimes de crimes, délits et violences en 2010, un chiffre qui ne faiblit pas. En d’autres termes l’Etat, malgré un arsenal répressif sans précédent en temps de paix et sans cesse croissant, n’est plus capable d’assurer en France la sécurité des citoyens : il ne maîtrise plus rien en la matière, sauf la communication ministérielle.

    La médiatisation de certains faits divers a d’ailleurs pour effet – et peut-être pour vocation… – de nous accoutumer à des situations qui auraient pourtant été jugées insupportables et scandaleuses par nos parents et grands-parents : violences systématiques à l’encontre des représentants de l’Etat dans certaines zones du territoire, dégradation de biens publics ou privés notamment par graffitis (voyez nos gares !), présence de militaires armés dans les lieux publics, prolifération des « zones de non-droit », crimes et délits commis par des récidivistes notoires (*), émeutes ethniques, libération immédiate de prévenus dangereux, incapacité à traiter la délinquance de plus en plus violente des mineurs, etc.

    Or sur quoi repose la légitimité de l’Etat et celle des juges ? Sur leur capacité à remplir leurs fonctions souveraines et notamment de garantir la loi et l’ordre sur le territoire. L’insécurité fait donc imploser, silencieusement, la légitimité de l’Etat en France.

    Le sous-emploi durable pour tous

    Ensuite, il y a la crise du sous-emploi croissant des Européens, conséquence notamment du libre-échangisme mis en œuvre par l’Union européenne et de la désindustrialisation qui l’accompagne.

    La moyenne de l’Union européenne se situe aux alentours de 9% de la population active (9,6% en 2010, 9,9% au sein de la zone euro en 2010), mais en réalité, si l’on neutralise ceux qui sont titulaires d’un emploi public durable, le taux de chômage concerne une part beaucoup plus élevée de la population. Celle-ci vit de subsides publics, comme dans le bas Empire romain.

    Le taux officiel atteint en outre des chiffres records dans certains pays, comme l’Espagne (20%) par exemple, et frappe en outre plus la population jeune que les autres.

    Certes, la notion de « chômage des jeunes » recouvre deux réalités bien différentes : celui des autochtones et celui des allogènes dont l’appétence pour le travail ne semble pas identique. Il est aussi en France la traduction de l’inadaptation croissante du système d’enseignement qui déverse sur le marché des jeunes gens aux compétences faibles mais aux prétentions élevées.

    Une situation pire que durant la Grande Dépression

    Néanmoins, l’accoutumance aux données statistiques médiatisées sur le chômage nous fait perdre de vue qu’une part croissante de la population ne travaille plus au sens où on l’entendait habituellement et cela dans des proportions jamais atteintes : elle vit d’aides publiques ou familiales, de petits boulots sporadiques, de contrats aidés, elle suit des stages plus ou moins rémunérés ou est purement et simplement en recherche d’emploi.

    Il y avait en France en 1936 – c’est-à-dire au sommet de la crise – 860.000 chômeurs recensés. Il y en a aujourd’hui 2,8 millions (recensés officiellement en novembre 2011), alors que le secteur public est beaucoup plus développé aujourd’hui. En tenant compte de la progression de la population entre ces deux dates (22 millions d’habitants de plus), cela signifie que la proportion de chômeurs a plus que doublé. Le chiffre du chômage en France s’élève aujourd’hui à 4,4 millions en prenant les chômeurs partiels et les personnes dispensées de recherche d’emploi. En clair : 10% des actifs français sont au chômage total ; 15% des actifs français sont au chômage total ou partiel ; 20% des actifs français hors secteurs protégés sont au chômage partiel ou total. Presque toutes les familles sont donc concernées par cette situation.

    En outre, le chômage ne cesse de progresser depuis 30 ans en France alors que les chômeurs des années 1930 avaient retrouvé du travail dès la fin de la guerre et cela malgré le retour des prisonniers.

    L’insécurité économique durable devient donc la règle pour une part croissante de la population, même quand elle travaille, et la récession qui vient va en accentuer les effets.

    La situation est sur ce plan pire que durant la Grande Dépression dans notre pays. Car dans les années 1930, la France était un pays à dominante rurale, encore doté de fortes solidarités familiales et de cadres religieux, moraux et politiques solides.

    Mais aujourd’hui, dans la société des individus dans laquelle nous vivons, où la vie se résume à la consommation, le chômage est beaucoup plus difficile à supporter psychologiquement même s’il est subventionné : il signifie l’isolement, la mort lente, économique et civile.

    La nouvelle crise des minorités

    La crise de l’immigration connaît le même traitement médiatique en mode mineur, avec la circonstance aggravante qu’il est devenu politiquement incorrect et donc pénalement risqué d’aborder le sujet dans notre pays, autrement qu’en termes laudateurs.

    Mais à l’évidence les flux migratoires à destination de l’Europe occidentale et de la France en particulier ne cessent pas et sont en train d’initier un mouvement de changement de population.

    L’Europe n’a plus de frontières et toute tentative, même modeste, de réguler plus fortement les entrées se heurte aux décisions des « juges » européens et aux pressions continues du patronat et des associations. L’immigration n’est donc nullement « choisie », mais en réalité imposée aux peuples européens, qui doivent au surplus se plier de plus en plus aux mœurs exotiques des nouveaux arrivants.

    Il suffit de se promener dans les rues de nos villes pour se rendre compte que l’immigration, notamment africaine, s’installe partout. Or plus le nombre de personnes d’origine immigrée augmente, plus elles ont tendance à se regrouper en communautés : c’est une loi de la nature. L’assimilation fonctionne donc en proportion inverse du nombre de personnes à assimiler.

    La constitution de communautés d’origine étrangère est lourde de conséquences pour la paix civile comme le démontrent d’ores et déjà les émeutes ethniques que les pays européens connaissent épisodiquement et qui se ressemblent toutes dans leur déroulement puisque leur cause est identique. Elle contredit aussi la tradition unitaire de la nation française et de la plupart des nations européennes.

    Avec sa politique migratoire démente, l’oligarchie et ses compagnons de route a donc recréé en Europe un « problème des minorités » qui avait déjà empoisonné la première moitié du XXe siècle et qui a par deux fois conduit à la guerre. Comme si cela ne suffisait pas, l’oligarchie y a ajouté au surplus un problème religieux – celui de l’islam – et un problème noir.

    L’Europe désarmée

    La dernière crise est de nature diplomatique et militaire. Ces questions traditionnellement ne passionnent pas nos compatriotes en temps de paix et elles ne sont pas traitées par les médias sinon sur le registre larmoyant (les méchants « dictateurs ») ou spectaculaire (nos envoyés spéciaux en Libye).

    L’Europe qui se croit jouer les « soft power » sort en réalité de l’histoire car elle a raté la chance historique de sortir de sa dormition après la chute du communisme soviétique. Il faut dire que le grand frère américain ne l’y a pas aidée : il a tout fait, au contraire, pour empêcher l’émergence d’une Europe puissance de l’Atlantique à l’Oural.

    Aujourd’hui le roi est nu mais on le cache aux Européens.

    L’Europe n’a ni frontières ni défense : elle n’est qu’un espace économique ouvert à tous les prédateurs.

    Quand des soldats de l’armée française meurent en Afghanistan, il se trouve un juge pour instruire une plainte contre le commandement militaire. Dans l’Europe décadente et vieillissante, mourir au combat est une incongruité, une sorte d’accident du travail pour lequel il faut sanctionner l’employeur. Les budgets militaires ont partout été rognés en Europe et n’importe quel roitelet arabe ou coréen dispose de plus d’armements modernes que nos forces.

    L’Europe n’a pas non plus vu venir la montée en puissance de l’Asie, de l’Inde et des puissances émergentes. Ses gesticulations politico-militaires au nom des droits de l’homme et de la démocratie n’ont servi qu’à une chose : renforcer l’islamisme partout, en particulier sur le pourtour de la Méditerranée. L’Europe perd chaque jour de nouvelles « marches » et son influence ne cesse de diminuer. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle de l’Empire byzantin.

    L’Europe s’est jetée dans le piège de l’Otan où elle quémande des commandements. La belle affaire : nous ne sommes plus en 1950 ! Les Etats-Unis regardent ailleurs aujourd’hui – vers l’Asie et le Pacifique. Il n’est pas du tout sûr que les « boys », qui sont de moins en moins européens en outre, acceptent une nouvelle fois de venir au secours des Européens, préoccupés de leur petit confort, de leur retraite et de leur « environnement ».

    Autrefois les Européens inspiraient aux autres peuples, par leur génie et leur dynamisme, la peur ou l’admiration. Aujourd’hui ils font rire tout le monde avec leurs cheveux gris, leurs femmes en uniforme et leurs croyances bizarres. Ils n’intéressent qu’en qualité de touristes, à la condition qu’ils soient fortunés. Mais ils ne font plus peur. Ni aux délinquants. Ni aux immigrés qui se sentent chez nous chez eux. Ni au reste du monde.

    L’Europe est devenue une proie, un butin, un pays de cocagne pour qui saura la prendre.

    Mais chut ! il ne faut pas non plus en parler ! Ne réveillons pas la belle endormie. Ce serait gâter la soirée de nos chers téléspectateurs.

    Michel Geoffroy (Polémia, 1er février 2012)

    (*) Comme, par exemple, ce délinquant récidiviste, trafiquant de stupéfiants interpellé pour la 50e fois (Le Monde du 31 janvier 2012).

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  • Des causes occultées de l'insécurité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Yvan Blot, cueilli sur Polémia et consacré à l'insécurité.

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    Les causes occultées de l'insécurité : immigration, déresponsabilisation, enflure de l'ego

    Les statistiques montrent que le nombre de crimes et délits vers 1946 était de 1,5 millions. Ce chiffre est resté stable pendant des années et s’est mis à augmenter à partir de 1968. Il n’a alors cessé de croître pour atteindre 4,5 millions de crimes et délits aujourd’hui. La montée du crime est un indicateur important du phénomène de « décivilisation » qui atteint aujourd’hui l’Occident.
    Officiellement, on parle d’insécurité plutôt que de criminalité car la pensée technocratique des oligarques est toujours tournée vers les causes matérielles et formelles des phénomènes. On préfère ne pas évoquer la responsabilité des hommes (cause motrice) et ne pas s’interroger sur les finalités de la société (cause finale).

    Le rôle néfaste de l’immigration

    Les causes matérielles sont le chômage, les revenus insuffisants, l’urbanisme inhumain des banlieues : ces causes de la délinquance jouent un rôle mais à notre avis, c’est mineur. J’ai été député de Calais, ville où le chômage était considérable et l’urbanisme catastrophique : pourtant, le taux de violence urbaine était très faible. L’une des raisons était l’absence d’immigration. L’immigration est un facteur important de la criminalité et de la délinquance : il n’est que de visiter une prison pour s’en rendre compte. Les prisons sont d’ailleurs un des lieux où l’administration organise volontairement la ségrégation entre les races et les ethnies. Mettre un noir dans un quartier arabe ou un chinois parmi les noirs est en effet extrêmement dangereux pour l’intrus « ethnique ». Plus généralement, le déracinement est un facteur de délinquance. L’enracinement dans la famille, le métier, la patrie est responsabilisant. Car la criminalité est liée à la déresponsabilisation des individus.

    La déresponsabilisation des individus

    Le pourcentage d’individus immoraux a tendance à croître aux deux extrémités de l’échelle sociale. Comme dans un verre de vin nouveau, la lie tombe au fonds et l’écume monte à la surface. Aristote avait déjà noté que la moralité était plus répandue dans les classes moyennes. Les très pauvres, pas uniquement en argent mais aussi en capital éducatif, ont plus de chances de devenir délinquant. Les très riches peuvent perdre le sens des responsabilités et certains prendre des habitudes criminelles : on a cité souvent les oligarques russes du temps de Boris Eltsine mais les Russes n’ont pas du tout le monopole de ce phénomène. Madoff ou les dirigeants d’Enron sont des américains. DSK est un français. C’est pourquoi la loi doit mettre les hommes en situation de responsabilité. L’endettement délirant de certains Etats en Europe et aux USA est le produit de décisions humaines, à n’en pas douter. Les responsables furent souvent des banquiers managers qui jouent avec l’argent des autres (ils ne sont pas propriétaires des banques) et surtout des hommes politiques soucieux de faire des cadeaux catégoriels pour se faire réélire. Tant que les hommes politiques ne seront pas obligés de rendre des comptes au peuple par des référendums d’initiative populaire, le danger sera présent.

    L’enflure de l’ego

    La civilisation post-chrétienne dans laquelle nous vivons se caractérise par l’enflure de l’ego individuel. Les régulateurs sociaux de la religion (l’amour d’autrui) et du dévouement patriotique (le sacrifice de soi) ont perdu beaucoup de leur importance. Or, l’homme n’est pas naturellement bon. Les phrénologues, spécialistes du cerveau humain, montre que nous avons trois cerveaux en un seul : le paléo cortex ou cerveau primitif ou reptilien guide nos instincts de base : agressivité, sexualité, nutrition, notamment. Le cortex intermédiaire, propre aux mammifères, guide notre vie affective et sentimentale. Il est le siège aussi de notre personnalité. Le néo-cortex, dont le grand développement est lié à l’hominisation, correspond à la raison abstraite. La civilisation contemporaine cherche en permanence des raisons pour justifier ses instincts barbares au détriment du cerveau affectif. On peut distinguer entre la sauvagerie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau affectif) et la barbarie (alliance du cerveau reptilien et du cerveau rationnel). Heidegger évoque cette dernière combinaison dans son livre « Essais et conférences ». Pour combattre ces dérives, il faut sans doute tenter de réintroduire de la spiritualité dans la société, comme le font, de façon différente, la Suisse ou la Russie.

    Le laxisme législatif et judiciaire

    Il est évident que la criminalité est liée au sentiment de l’impunité. L’efficacité d’un bon système répressif (comme à Singapour) ne peut pas être sérieusement contestée. Mais l’oligarchie, notamment médiatique, qui ne vit pas quotidiennement les ravages de la délinquance généralisée parce qu’elle vit dans les beaux quartiers, n’a pas la « vérité existentielle » sur le sujet. C’est pourquoi, là où la démocratie directe existe, les référendums modifient les lois dans le sens d’une répression plus efficace du crime. En l’absence de démocratie directe, ce sont souvent les militaires qui rétablissent l’ordre compromis par les politiques : voir les exemples, certes différents, de Poutine ou du général De Gaulle (voire de Franco).
    L’Occident, et notamment la France, souffrent d’une montée de l’insécurité. Les oligarques qui ne vivent pas celle-ci en raison de leurs privilèges, penchent pour le laxisme. Le rétablissement de l’ordre suppose donc la réduction de leur pouvoir. Socialement, cela passe par un rôle plus important des catégories sociales « héroïque » c’est-à-dire dévouées au bien commun, comme l’armée ou le clergé, politiquement, cela passe par l’instauration de la démocratie directe.

    Yvan Blot (Polémia, 7 novembre 2011)

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  • Demain Beyrouth-sur-Loire...

    "La Justice, c'est de la merde en barre. La plupart des gens n'en ont rien à foutre de la Justice. Tout ce qu'ils veulent, c'est du pognon, et tant qu'il y a le pognon, ils s'en tapent du reste. Alors comme il existe malheureusement des types qui tueraient père et mère pour un peu de pognon, on prend d'autres types comme moi pour faire en sorte que monsieur-tout-le-monde puisse faire pisser son chien le soir sans se faire égorger trop vite. Ou que son marmot aille à l'école sans se faire enlever contre une demande de rançon, ou pour lui extraire un oeil ou un rein, ou pour se retrouver dans un porno pédophile bien crade. C'est un équilibre permanent et précaire entre la merde totale, la jungle cannibale et le petit confort moderne. Je suis juste un éboueur, ma pauvre Rachel, j'évacue la merde vite fait sous le tapis avant que les invités ne s'en rendent compte, mais grâce à Dieu, ça fait un bout de temps que je ne crois plus en une connerie comme la Justice."

     

    Nous reprenons à notre compte l'excellent conseil de la revue Eléments en vous engageant à vous procurer rapidement Beyrouth-sur-Loire, le polar percutant et désenchanté de Pierric Guittaut, publié aux éditions Papier Libre. Beyrouth-sur-Loire est le premier volet d'une trilogie, dont le deuxième tome doit paraître en décembre 2011. Pierric Guittaut, un auteur à suivre !...

     

    pierric guittaut

     

    "Dans Beyrouth-sur-Loire, l'intrigue policière y est secondaire et s'efface devant les rapports de force entre personnages, sur fond de réalité sociale aux allures de poudrière de la France de ce début de vingt et unième siècle. Beyrouth-sur-Loire peut être envisagé comme un polar politique, au sens grec du terme. La véritable intrigue, c'est cette politikè, et le cadavre, celui de cette ville qui meurt lentement. D'ailleurs, si le lieutenant Jeddoun est un dur-à-cuire à l'ancienne, empruntée à l'école il est trop ambigu pour être considéré comme un héros et ses échecs sont révélateurs : son temps est révolu. Il n'est plus qu'un pion, perdu au milieu du no man's land urbain où les ego se sont placés en embuscade, comme autant de snipers du cynisme ambiant. C'est désormais l'heure du chacun pour soi, et même pas Dieu pour tous, car la transcendance y brille surtout par son absence. Difficile de trouver une figure qu'on pourrait ranger d'emblée du côté du Bien."

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  • Vote ouvrier et crise criminelle...

    Nous reproduisons ci-dessous ce point de vue de Xavier Raufer paru dans l'hebdomadaire Valeurs actuelles. Un point de vue intéressant car l'auteur, criminologue de son état, s'adresse à ses "bons amis" les dirigeants de la droite et leur livre une analyse qui souligne cruellement leur échec patent dans la lutte contre la criminalité...

     

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    Vote ouvrier et crise criminelle

    Dans la culture chinoise, la notion de “bon ami” est cruciale car elle permet la vie sociale : entre “bons amis”, on se dit tout, la franchise est de rigueur. Adoptons donc cette culture millénaire et parlons franc, entre bons amis, aux dirigeants de la droite. Qu’à la future élection présidentielle, 36 % des ouvriers disent vouloir voter pour Marine Le Pen – la presse parle même de “plébiscite ouvrier” – n’est pas étonnant.

    Que ces ouvriers voulant voter Le Pen aient plus que doublé depuis la présidentielle de 2007, ne surprend pas davantage.

    Le diagnostic est même enfantin à poser : les ouvriers vivent, et sont condamnés à vivre, dans des quartiers toujours plus ravagés par une criminalité sans cesse plus grave – et ils ne le supportent plus. Pour l’essentiel, leur vote est ainsi un pur appel de détresse. Que des socialistes de salon et autres bobos gauche caviar osent ici parler de “repli” est carrément infâme – car il ne s’agit pas d’états d’âme ou de tourments fictifs – mais de peur, pour sa vie et celle des siens.

    Que se passe-t-il en effet dans les fameux “quartiers populaires” ? Ceci : début avril, « quatre hommes cagoulés, habillés de noir et portant des gilets pare-balles investissent un pavillon de Villepinte (Seine-Saint-Denis). Ils forcent Bilal, 20 ans, à s’agenouiller dans le salon familial, et – devant ses parents – lui tirent deux balles de 9 mm dans la tête ». Dans le même département, les braquages s’enchaînent au quotidien – trois bijouteries en trois jours à la fin avril.

    Le 9-3 n’a pas le monopole des homicides. À la fin avril encore, Nordine (23 ans) est abattu à Chelles (Seine-et-Marne) par un “proche”, pour un motif “toujours inconnu”. Paris n’est pas épargné. Encore à la fin avril, des “gens du voyage”, certes “sédentarisés” mais pas apaisés pour autant, s’entretuent à la Kalachnikov, en plein jour, en pleine rue, dans le populaire XIVe arrondissement : 2 morts, un blessé grave. Dans le même temps, un incendie criminel et prémédité fait 5 morts et 6 blessés graves dans le non moins populaire XIXe arrondissement.

    Cela tous les jours, à longueur d’année, et sans répit, dans ces mêmes “quartiers populaires”. Pourquoi ce déchaînement criminel, qui terrorise les populations ouvrières de toutes origines ? Parce que – quelles qu’en soient les causes et les responsabilités réelles – la justice ne fait plus son travail : de l’aveu même du ministère de la Justice, « 100 000 peines de prison ne sont pas exécutées », les peines prononcées étant « en attente d’exécution ». Traduisons : par dizaines de milliers, des bandits sont dans les rues, libres de voler, voire de tuer. Où cette situation est-elle le pire ? Dans les ressorts de justice de Bobigny, Évry, Pontoise, Marseille, Lille, etc.

    Parce qu’aussi, une partie de la police peine à s’adapter. D’abord, ces propos médiatiques un peu troublants, car montrant un net déficit d’expertise entre enquêteurs « ne négligeant aucune hypothèse » et porte-parole ne tenant pas pour « spécialement privilégiée » la piste d’un règlement de comptes. Certes, la police réagit du mieux qu’elle peut – mais cela suffit-il ? Elle attrape les malfaiteurs qu’elle voit – , mais alors c’est trop tard, le crime est commis. Pour preuve, observons la Seine-Saint-Denis, l’oeil du cyclone criminel. Le préfet court d’une scène de crime à l’autre – il remporte même “le tableau d’honneur en termes de réactivité”. Réagir – réactivité : c’est bien sûr là où le bât blesse. Qui a jamais gagné une bataille en laissant l’initiative à l’ennemi ? En se bornant à réagir ?

    Faute de renseignement criminel pointu et précoce, la situation ne peut qu’empirer. Il faut ici un effort massif – l’État doit en savoir le plus possible et le plus tôt possible sur l’action, les effectifs et les préparatifs des gangs commettant l’essentiel des crimes inquiétant la population. Et ce, pour les surprendre en flagrant délit, les démanteler, les mettre pour de bon hors d’état de nuire. Telle devrait être la mission reine de la Direction centrale du renseignement intérieur. Or on sent cette belle machine policière plutôt absente du combat, pourtant décisif, du renseignement criminel.

    Tel est l’engrenage crucial : pas de renseignement intérieur efficace en matière criminelle, pas de progrès possible dans la lutte contre les gangs – donc reflux toujours plus massif des votes populaires vers ce qui est, à l’instant, la seule posture politique anticriminelle déterminée. Ce problème est d’évidence politique. C’est au sommet de l’État que doit se décider et se conduire la grande bataille préventive anticrime, vouée à pacifier les quartiers populaires. Avec des généraux qui veulent se battre. 

    Xavier Raufer (Valeurs actuelles, 12 mai 2011)

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  • Le droit de porter une arme !...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte fort intéressant, cueilli sur le blog de Laurent Schang, écrit par Bernard Wicht, géopoliticien et historien suisse, auteur notamment de L'OTAN attaque (Georg, 2000) ou de Guerre et hégémonie (Georg, 2002). Cet auteur , à l'occasion d'un référendum organisée le 13 février 2011 en Suisse, autour d'un projet visant à réduire le droit des citoyens à posséder une arme, prend position sur cette question...

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    Le « port d’arme citoyen » et le nouvel équilibre de la terreur

    Dans moins d'un mois nous sommes appelés à voter sur une initiative tendant à limiter fortement l'accès et la possession d'armes par les particuliers. La motivation principale des initiants est d'augmenter la sécurité des habitants de notre pays et de limiter les suicides et la violence domestique.
    On peut adhérer ou non à ces arguments, mais force et de constater que la violence fait peur et que nos sociétés contemporaines veulent l'éradiquer du champ des relations humaines. Historiquement les groupes sociaux se sont toujours méfiés de la violence, en particulier intestine, et ont cherché par tous les moyens à la canaliser pour en éviter les débordements[1]. Or c'est là que l'on peut déjà relever une différence importante entre notre comportement actuel vis-à-vis de la violence et celui répertorié aux autres périodes de l'histoire : auparavant on cherchait à la « canaliser » (c.à.d. à en contrôler les effets), aujourd'hui on veut l' « éradiquer » (c.à.d. la supprimer purement et simplement). Nos sociétés post-modernes, post-industrielles et post-nationales ne considèrent plus la violence comme un phénomène social qu'il faut gérer avec la plus grande précaution, mais comme un mal absolu à bannir au même titre que les hérésies au Moyen Âge.
    D'où vient ce changement d'attitude, cette idée collective que nous pourrions désormais vivre dans un monde sans violence régie par la tolérance ? Car c'est bel et bien de cela dont il s'agit en l'espèce : alors que l'initiative parle de limiter les suicides, paradoxalement l'idée de suicide assisté (association EXIT) et d'euthanasie active (voir le récent acquittement de la médecin cantonale de Neuchâtel ayant pratiqué un tel acte) se propage et recueille de plus en plus de soutien. Il en va de même de la légalisation croissante de l'avortement depuis quelques décennies. Ces contradictions soulignent ce changement d'attitude de nos sociétés au point qu'il est possible de parler de rupture par rapport au passé : en cherchant à éradiquer la violence, on ne veut pas nécessairement protéger la vie ! Le paradoxe est frappant et semble indiquer qu'à ce sujet, nous nous situons aujourd'hui plutôt dans le domaine de l'émotionnel que du rationnel : un peu selon le refrain « peu importe la mort, pourvu qu'elle soit douce » (on pense ici à la chanson de Georges Brassens, « mourir pour ses idées, oui mais de mort lente »).
    À partir de ce premier constat, on débouche sur deux questions : d'une part, comment expliquer cette dérive émotionnelle des sociétés contemporaines et, d'autre part, se dirige-t-on vers un monde sans violence ?
    La première question trouve sans doute une grande partie de sa réponse dans le long drame du court XXe siècle (Verdun - Auschwitz - Hiroshima - le Goulag). Pour comprendre les comportements actuels, leurs tendances autodestructrices ou excessivement émotionnelles, on ne prendra jamais suffisamment en compte les destructions morales engendrées par les interminables conflits du XXe siècle, de la Première Guerre mondiale à la décolonisation et à l'explosion de l'ex-Yougoslavie. En d'autres termes, une Longue Guerre s'étendant de 1914 à 1991, de Sarajevo à Sarajevo[2]. Cette Longue Guerre a détruit la structure interne des sociétés européennes. Ainsi, l'univers concentrationnaire nazi et communiste, le nettoyage ethnique et les autres génocides ont supprimé la distinction fondamentale entre « genre humain » et « espèces animales ». Comme le disait à cet égard Primo Levi, « les nazis vaincus ont néanmoins gagné parce qu'ils ont fait de nous des animaux ! » (citation de mémoire). Dans le même sens, les boucheries de Verdun et de la Somme, les hécatombes de Stalingrad, d'Iwo Jima et du Vietnam notamment ont remis en cause les fondements de l'idéal masculin (force, honneur, courage)[3]. Répétons-le, nous n'avons pas encore vraiment pris toute la mesure de cette destruction morale, de cette atomisation du corps social, de cette réduction darwinienne de l'homme à ses seules fonctions animales... et surtout des conséquences d'une telle destruction.
    Autrement dit et pour faire court, le long drame du siècle passé − la Longue Guerre − a détruit deux des principaux remparts sociaux face à la violence : « ne pas se comporter comme des bêtes », « agir avec honneur et courage ». Avec pour résultat, d'un côté une violence débridée et anarchique de type testostérone pouvant surgir n'importe où et, de l'autre, une population atomisée et effrayée cherchant à fuir cette réalité avec les réactions émotionnelles que l'on vient de voir.
    Dans ces conditions, faut-il poursuivre l'objectif d'une société sans violence avec notamment comme moyen d'y parvenir, une limitation très stricte de l'accès et de la possession d'armes par les particuliers ? C'est la seconde question. Or, si la réaction émotionnelle y répond par l'affirmative, une analyse historique de la situation débouche sur un tableau assez différent.
    En effet, malgré l'injonction de Francis Fukuyama, l'histoire ne s'est pas arrêtée avec la chute du Mur de Berlin. Indépendamment des réactions émotionnelles des populations européennes, le monde a continué d'évoluer. En particulier, la guerre n'a pas disparu ; comme le caméléon elle s'est transformée et, avec son corollaire l'équilibre de la terreur, s'est insinuée à l'intérieur des sociétés, en lieu et place des affrontements entre États des siècles précédents. Cette transformation, ce passage de la guerre interétatique à la guerre intra-étatique est un des caractères majeurs de la période actuelle[4]. Cela signifie que la confrontation armée ne se déroule plus essentiellement sur le champ de bataille entre unités régulières, mais à l'intérieur même du corps social... au milieu des populations. On vient de le dire, les acteurs de ces combats ne sont plus les armées nationales régulières ; ce sont de nouvelles entités telles que les différents groupes armés (ETA, Al Quaïda, PKK, FARC, etc.), les mafias et les autres formes de crime organisé, les gangs composés du sous-prolétariat des grandes banlieues urbaines, les anciens services spéciaux de l'ex-bloc soviétique. Contrairement aux armées régulières que l'on peut voir dans leurs casernes ou lors des grands défilés, ces nouveaux acteurs de la guerre restent généralement invisibles, leur financement est indépendant des États et repose sur l'économie grise et informelle garantissant de la sorte leur "stabilité" et la poursuite de leur action dans la durée. Étant donné l'invisibilité relative de ces nouveaux acteurs, il importe de donner quelques estimations chiffrées afin de pouvoir prendre un peu la mesure de la mutation intervenue :
    - le chiffre d'affaires annuel des différents groupes armés équivaut à deux fois le PIB du Royaume-Uni[5] ;
    - le chiffre d'affaires annuel des activités mafieuses est de plus de 1'000 milliards $[6] ;
    - dans les grands États européens, l'économie grise et informelle représente 15% à 18% du PNB[7] ;
    - environ 500 armes lourdes (mitrailleuse, lance-roquette, explosif, etc.) entrent chaque semaine dans les banlieues des grandes villes françaises[8].

    Bien qu'il ne s'agisse que d'estimations (les nouveaux acteurs de la guerre ne publient pas de bilan), ces chiffres sont néanmoins éloquents et traduisent la réalité de cette nouvelle forme de conflictualité qui avait progressivement disparu en Europe avec l'avènement de l'État moderne et des armées nationales. Bien qu'ils n'apparaissent pas sur la place publique, on peut dire que les nouveaux acteurs de la guerre se sont structurés de manière proto-étatique avec, d'une part, les moyens de coercition et, d'autre part, les moyens de financement, c'est-à-dire deux des attributs principaux de tout phénomène étatique. Cette forme de guerre ne poursuit plus des buts politiques mais économiques (prédation, pillage, rançonnement des populations, etc.). Par conséquent, nous ne sommes ni face à un phénomène passager, ni face à des adversaires occasionnels et désorganisés, ni face à une simple recrudescence du banditisme ou de la délinquance : il y a mutation de l'art de la guerre, mutation dont nous commençons à peine à prendre conscience.
    Signalons au passage que l'argument invoqué habituellement à la présentation de cet état de fait consiste à dire que c'est le travail de la police de lutter contre ce type de menaces internes. Cependant, l'argument tourne court étant donné l'affaiblissement général de l’État en Europe depuis la fin de la Guerre froide. Ajoutons que la crise financière de 2008 a mis les États européens dans une situation encore plus précaire, avec des programmes d'austérité budgétaire affectant fortement les fonctions régaliennes de l'État, dont la sécurité. À ce propos, l'exemple français est très parlant : le pays dispose du plus haut taux de forces de police en Europe, pourtant il ne contrôle plus ses banlieues et les gangs qui y sévissent. En ce qui concerne la Suisse, le rapport USIS (Réexamen du système de sécurité intérieure de la Suisse : Forces et faiblesses du système actuel, 2001) avait relevé il y a quelques années qu'il manquait entre 2'000 et 3'000 policiers pour garantir la sécurité du pays. Ce rapport est resté sans suite.
    À ce stade, il convient de faire intervenir la notion d'équilibre de la terreur. Car, si la guerre s'insinue dorénavant dans le corps social, son corollaire − l'équilibre de la terreur − change également d'échelle. Alors qu'au XXe siècle il se situait entre les États, notamment avec l'équilibre nucléaire entre les grandes puissances, il redescend aujourd'hui directement au niveau des individus. Ce changement d'échelle, aussi difficile soit-il pour nous de le concevoir et de l'accepter, est pourtant une des principales conséquences de la transformation de la guerre. Au même titre que l'État devait protéger sa souveraineté par la dissuasion armée, l'individu doit aujourd'hui veiller à sa propre sécurité, à celle de ses biens inaliénables que sont la vie, l'intégrité corporelle, la liberté et la propriété[9]. Comme l'État se dotait des outils propres à garantir sa souveraineté, l'individu doit pouvoir − s'il le souhaite − disposer des armes nécessaires. C'est là la conséquence pratique de ce changement d'échelle de l'équilibre de la terreur.
    À l'appui de cet argument, il est intéressant de se remémorer les limites que Hobbes fixe lui-même à son Léviathan : l'individu abandonne sa liberté au profit de l'État en contrepartie de la sécurité, mais cet abandon ne dure que tant que l'État peut garantir cette sécurité, lorsque ce n'est plus le cas l'individu récupère immédiatement son droit à l'autodéfense parce que c'est un droit naturel qui n'est soumis à aucune convention.
    Dans un tel contexte, il apparaît donc peu rationnel de vouloir « désarmer » les citoyennes et les citoyens pour tenter de vivre dans une société sans violence. Pour paraphraser une formule connue, « si vous ne vous intéressez pas à la guerre, la guerre en revanche s'intéresse à vous ». En témoigne la tuerie programmée (heureusement déjouée) de Copenhague, les attaques de supermarchés à l'explosif et à la kalachnikov, les rezzous nocturnes sur les dépôts et les magasins.
    À la lumière de ces quelques éléments, on constate qu'en dépit des réactions émotionnelles des individus, l'histoire continue : une fois de plus l'Europe se recompose à l'échelle macro-historique, une fois de plus cette recomposition se déroule de manière hautement conflictuelle, une fois de plus les individus seront amenés à défendre leur vie et leurs biens.

    Bernard Wicht
    Privat-docent, Institut d'études politiques et internationales, UNIL

     

    [1] Cf. notamment René GIRARD, La violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972. Dans son explication de ce qu'il appelle l'économie de la violence, l'auteur insiste sur le nécessaire exutoire dont celle-ci a besoin : « Quand elle n'est pas satisfaite, la violence continue de s'emmagasiner jusqu'au moment où elle déborde et se répand aux alentours avec les effets les plus désastreux » (p. 21).

    [2] Les historiens de la longue durée considèrent la suite presque ininterrompue de conflits entre 1914 et 1991 comme le véritable moteur de l'histoire au XXe siècle : d'où l'expression de Longue Guerre. Cf. notamment Philipp BOBBITT, The shield of Achilles : war, peace and the course of history, Londres, Allen Lane, 2002.

    [3] C'est le constat de George L. MOSSE, L'image de l'homme : l'invention de la virilité moderne, trad., Paris, Abbeville, 1997. L'auteur relève, après 1945, ce passage de l'idéal viril vers des contretypes (androgynie, mouvement gay). De son côté, la psychologie détecte dans le même sens l'émergence de ce qu'elle appelle le « mâle doux » en lien avec cette transformation de l'idéal masculin, cf. notamment Robert BLY, L'homme sauvage et l'enfant : l'avenir du genre masculin, trad., Paris, Seuil, 1992.

    [4] Cf. en particulier Martin VAN CREVELD, La transformation de la guerre, trad., Monaco, éditions du Rocher, 1998.

    [5] Loretta NAPOLEONI, Terror Inc : tracing the money behind global terrorism, Londres, Penguin Books, 2004.

    [6] Thierry CRETIN, Mafias du monde : organisations criminelles transnationales, actualité et perspectives, Paris PUF, 3e éd., 2002.

    [7] Jean-Paul GOUREVITCH, L'économie informelle : de la faillite de l'Etat à l'explosion des trafics, Paris, Le Pré aux Clercs, 2002.

    [8] Estimation de la police française

    [9] Ces biens inaliénables de l'individu sont ceux définis par la philosophie politique moderne à partir des travaux de John Locke et des Lumières, qui constituent la base des droits fondamentaux de l'individu.

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