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covid-19 - Page 7

  • Globésité, l’autre pandémie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de François Bousquet, cueilli sur le site de la revue Eléments et consacré à la rencontre de deux pandémies, celle du coronavirus avec celle de l'obésité. Journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue Éléments, François Bousquet a notamment publié Putain de saint Foucauld - Archéologie d'un fétiche (Pierre-Guillaume de Roux, 2015), La droite buissonnière (Rocher, 2017) et Courage ! - Manuel de guérilla culturelle (La Nouvelle Librairie, 2019).

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    Biopolitique du coronavirus (11). Globésité, l’autre pandémie

    Les mauvaises langues disent que Dieu inventa les États-Unis pour se venger des Anglais. Le premier jour, il créa le Coca-Cola, le deuxième les triples hamburgers, le troisième les chicken nuggets, le quatrième les pop-corns, le cinquième les ice creams et le sixième les muffins au chocolat. Le septième jour, il vit que cela n’allait pas du tout et se retira dans un Ehpad pour un long sommeil digestif réparateur. L’Adam puritain d’outre-Atlantique se consola en se goinfrant toujours plus et en parcourant son nouveau domaine, les grands espaces américains assimilés à un nouvel Éden, mais taille XXL. C’est là que, flanqué de sa Daisy – une Ève castratrice à l’accent strident, mélange de mastication de chewing-gum, de gémissement sexuel et d’aboiement martial –, il découvrit la recette du fruit défendu : le mariage du sucré et du salé, qu’il cultiva dans des monocultures transgéniques à perte de vue. Le fruit défendu, le seul, le vrai, l’arbre de la connaissance ! Il mordit dedans à pleines dents. Genèse de l’obèse.

    Ce fruit défendu était lisse, brillant et parfaitement calibré, un peu comme la pomme empoisonnée que croque Blanche-Neige. Un vrai cocktail toxique, génétiquement modifié et bourré d’additifs chimiques. À homme artificiel, nourriture artificielle. La siliconisation de l’alimentation, nouveau chapitre de la diététique, commençait. L’obésité en sortit – la « globésité », stade ultime de la mondialisation : Homo adipus, dérivation monstrueuse de l’ancestrale souche européenne déchue.

    Au pays du « Bigness »

    Génie de l’Amérique, première nation à avoir expérimenté cette banalité de l’abondance. D’où la démocratisation de la grosseur. Georges Bernanos faisait observer que l’on reconnaît une civilisation au type d’homme qu’elle a formé – ou déformé. Il ne pensait pas spécialement au pays de Mickey. Il s’est pourtant produit là-bas quelque chose qui s’apparente à une mutation anthropologique.

    L’Amérique est depuis longtemps le pays des super-héros et des mutants, dimension centrale de sa psyché, passée sous silence par Tocqueville dans sa célèbre analyse De la démocratie en Amérique. Les hormones d’excroissance depuis le début. Ce qui s’y joue, ce n’est pas tant une expérience politique qu’une expérimentation génétique. Ou comment faire à partir des pèlerins du Mayflower (1620) des surhommes capables d’aller sur la Lune. Le problème aujourd’hui, c’est que les super-héros ne s’appellent plus Neil Armstrong ou Batman, mais Fat Man (« homme obèse ») et Maxi-Girl, en adéquation avec la dynamique du libéralisme sauvage, tant ils reflètent dans leur redondance démultipliée le mythe américain du gigantisme. Les gourous du marketing appellent cela le « Bigness ».

    Mort de satiété

    Objectif gavage. Chez les Romains, au temps de la décadence, on s’empiffrait à pleine bouche dans des orgies de chère, mais c’était dans la haute société. Comme disait Sénèque, « les Romains mangent pour vomir et vomissent pour manger ». La démocratie alimentaire nous a changé tout ça. L’orgie de masse est devenue la norme, elle a choisi son lieu d’élection : les fast-foods et la grande distribution. Supers, hypers et autres gigas ont tout homogénéisé. Aujourd’hui, c’est là que Pétrone situerait son Satyricon et Marco Ferreri sa Grande bouffe (1973) dans laquelle Mastroianni, Noiret et Picolli se livrent à un suicide gastronomique. Ferreri voulait mettre en scène la gloutonnerie de la société de consommation naissante. Mais il filmait encore une crise de foie chez un traiteur de luxe. Les hard-discounts l’ont mise à la portée de tous les ventres.

    L’obésité réclame un moraliste. Il faudrait un Gibbon pour lui consacrer une Histoire de la décadence culinaire et de la chute de l’Empire gastronomique d’Occident. Car il y a tout de même une folie sans précédent dans ce phénomène. Ce n’est pas seulement une pandémie, selon la classification de l’Organisation mondiale de la santé, c’est une sorte de couronnement sucré et dérisoire de la longue histoire de l’évolution. Tout ça pour ça ! On a eu faim pendant des dizaines de milliers d’années. La lignée de notre cousin, l’Homme de Néandertal, qui maîtrisait pourtant la chaîne du froid, s’est même éteinte. Changement de régime et de perspective : désormais l’obésité sera plus meurtrière que les famines ; désormais les sept péchés capitaux, gourmandise incluse, seront les vertus du capital.

    Obésité morbide, les « 38-tonnes » de l’adiposité

    L’obésité nous fascine comme les femmes à barbe ou les corps à double tronc qu’on exhibait jadis dans les foires. Jusqu’à 500 kg, et plus parfois, chez les obèses extrêmes. À partir de 200 kg, on ne peut plus sortir de chez soi qu’au moyen d’une grue, après avoir percé le toit. À ce stade, l’obésité est dite morbide – mort du bide, diraient les lacaniens dont les jeux de mots n’ont jamais été très heureux. Les membres boudinés et les corps flasques ne sont plus parcourus que par le mouvement ondulatoire et sismique de la gélatine emprisonnée dans les bourrelets sous-cutanés. C’est l’histoire d’Elephant man à l’époque de sa reproductibilité technique, diététique et finalement diabétique.

    Nulle raillerie ici. Les obèses sont les victimes – plus malheureuses que consentantes (on va le voir) – de notre modèle de consommation. Comment leur en vouloir ? Ils ne font que reproduire notre boulimie pathologique. Consommer, consommer, jusqu’à en crever. Ainsi l’exige un monde saturé d’addictions et de toxicodépendances, aux drogues comme aux aliments. La marchandise a tout conquis, jusqu’aux corps qu’elle a métamorphosés. Les obèses ne sont que la version alimentaire de cette folie collective, miroir à peine déformé de ce que nous sommes devenus. L’accumulation de graisses n’étant que la traduction physiologique du processus d’accumulation du capital. Un pur phénomène de concentration, non plus de liquidités, mais de « lipidités ». Une bulle de plus. Qui éclatera. Telle est la signature du néolibéralisme.

    La forme de l’absence de forme

    L’obésité comme parabole de notre temps, qui se serait en quelque sorte cristallisé, métabolisé, devrait-on dire, dans ces corps hypertrophiés. Personne n’en a parlé avec autant d’exactitude et de prescience que Jean Baudrillard, dès 1983, dans Les stratégies fatales, qui décrivaient notre futur déjà advenu outre-Atlantique : la « difformité par excès de conformité » des volumes obèses, « leur oubli total de la séduction », eux qui « affichent quelque chose du système, de son inflation à vide ». Baudrillard rend inutile la lecture de science-fiction : on y est déjà. Son œuvre, c’est la bande-son de notre apocalypse virale, sa voix off suprêmement intelligente, à l’écriture blanche, déroulant le rapport d’autopsie de la société de consommation.

    Et l’art contemporain ? Il s’est lui aussi reconnu dans l’obésité, laquelle présente en outre l’avantage de faire pendant à son minimalisme anorexique (l’autre tentation de l’époque). De l’un à l’autre, c’est la même disparition du corps, la même prolifération des signes, la même abolition de l’anatomie. De l’un à l’autre, c’est le même choix de l’informe, du difforme et du conforme : les trois niveaux qui définissent la façon dont notre âge se représente son rapport à la Forme : la forme de l’absence de forme. Regardez les baudruches bouffies et grimées de Niki de Saint Phalle, les sculptures pondérales de Botero et ses toiles aérophagiques débordant du cadre, les Balloon Dogs métallisés de Jeff Koons. Les châteaux de l’art contemporain, ses installations, ses œuvres cylindriques, sont des structures obésiformes et gonflables. Pschitt !

    La splendeur perdue du ventre

    Rien à voir avec les anatomies massives d’autrefois dont la prodigalité promettait de conjurer disettes et famines. Ronds, pleins de bonhomie, les gros avançaient triomphants. C’était le progrès. Il durera jusqu’aux Scènes de la vie parisienne de Balzac, jusque dans la physionomie de Dumas père, de Daudet fils, de Henri Béraud. Pour moi, enfant, c’était la gloire de mon père. Et que dire des ogres de contes pour enfants ? Ah, ces bons ogres. Notre dernier spécimen, c’est Depardieu, qui a hérité de l’appétit d’Obélix, du coup de fourchette de Pantagruel et du tube digestif de Gargantua. Splendeur du ventre. Depardieu nous vient tout droit de l’âge d’or de l’opulence, au temps du « glouton médiéval », des scènes villageoises de Brueghel, de la sanguinité tonitruante de Falstaff, la chopine à la bouche, la saucisse à la main, qui paradait dans les tavernes anglaises.

    À travers tous ces personnages, on célébrait la munificence des gros et les festins de la table. Les derniers feux de ce monde brilleront avec Rabelais. Après, ce ne sera plus qu’un lent effondrement des graisses, comme dans La Chute des damnés de Rubens. Georges Vigarello a retracé les grandes étapes de cette déchéance dans Les métamorphoses du gras (2010). C’est à la Renaissance que l’horizon culturel des gros s’est assombri. On va leur reprocher leur indolence. L’embonpoint commence à être flétri. Et si la tradition populaire continue de rattacher les corps généreux à la bonne santé, les médecins, en revanche, contraignent déjà leurs riches patients à la « diète maigre ». Dès le Grand Siècle, les coquettes et les précieuses s’adonnent aux régimes et autres pratiques de compression du bassin : corsets, ceintures et toute la gamme des outils de torture. Si le prestige social des gros demeure, on associe de plus en plus souvent leurs formes à une critique des nantis. Le ventre des bourgeois résistera un temps, pas celui de leurs épouses, qui fondra comme neige au soleil, du moins sur les couvertures des magazines.

    La suite de l’histoire est connue : l’anorexie comme modèle esthétique et l’obésité comme réalité sociale. Les riches sont devenus maigres et les pauvres énormes. Daumier y perdrait son coup de crayon. Depuis, on oscille entre les régimes minceurs des « people » et les menus super size du peuple, la diététique et les lipides, Laurel bourgeois et Hardy plébéien.

    La Terre en surcharge pondérale

    La Terre, de sphérique, est devenue obèse. L’obésité a presque triplé depuis 1975. Deux milliards d’adultes en surpoids, plus de 650 millions obèses. En 40 ans, les cas d’obésité chez l’enfant et l’adolescent ont été multipliés par dix. En 2030, on comptera 250 millions d’enfants obèses. Deux adultes sur cinq sont déjà obèses aux États-Unis. Le Mexique est en passe de dépasser son voisin depuis l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain en 1993.

    L’obésité demeure le meilleur article d’exportation états-unien, le seul qui pèse dans sa balance des paiements. Serait-elle l’avenir de l’homme ? Qui a vu WALL-E des studios Pixar, produit par Walt Disney, n’en doute pas. C’est un petit bijou d’animation, qui certes en fait un peu trop dans l’écologiquement correct, ce qui ne gâche pourtant rien à sa réussite. On y voit une population américaine uniformément obèse, peinant à se déplacer autrement qu’en chaise roulante. Début du XXIIe siècle, la Terre est devenue inhabitable et l’humanité pachydermique, nos lointains descendants se sont réfugiés dans l’espace où ils vivent sous la coupe d’un consortium économique, Buy’n’Large, parodie transparente de Walmart, la plus importante chaîne de grande distribution au monde, accessoirement premier employeur états-unien.

    Pandemia chez les ploucs

    L’obésité trouve un début d’explication dans la sédentarisation des modes de vie, l’inaction assistée et la suralimentation. Oublions la génétique, elle ne compte pas pour grand chose, sauf à croire que le gène de l’obésité a été parachuté au Texas il y a cinquante ans, un peu comme la bouteille de Coca-Cola au Botswana dans Les Dieux sont tombés sur la tête (1980). Les États-Unis ont fait coïncider l’urbanisation verticale (le monde des affaires) et l’urbanisation horizontale (la méga-banlieue pavillonnaire), autrement dit : les ascenseurs et les voitures. Monde dans lequel il n’est plus nécessaire de se déplacer à pied. Les trottoirs ont d’ailleurs disparu dans quantité d’endroits. Comme les fruits et légumes. Comme les magasins d’alimentation.

    Il y a outre-Atlantique – et ailleurs – une géographie de l’obésité, du moins si l’on s’en tient à la carte des « déserts alimentaires » que publie le gouvernement américain. Elle englobe les familles à bas revenus, sans véhicule, ni magasins alimentaires accessibles dans un rayon de deux kilomètres. Parler de « déserts alimentaires » a de quoi surprendre : on est en Amérique, que diable, pas au Darfour. C’est bien le problème. Des millions d’enfants vivent dans ces zones, se nourrissant exclusivement de chips, de sucreries et de sodas. Le tout acheté… dans des stations-service. Résultat : c’est chez les enfants que l’obésité morbide fait le plus de ravage. Ça promet. Le scénario est couru d’avance : du grignotage au triple pontage.

    Une overdose de sucre

    « Nous pourrions bien nous apercevoir un jour que les aliments en conserve sont des armes bien plus meurtrières que les mitrailleuses », disait George Orwell dans Le Quai de Wigan. Il ne croyait pas si bien dire. Le  néolibéralisme a fait le choix de sacrifier les populations, non pas en les exterminant comme Staline ou Mao, mais en les gavant d’aliments ultratransformés à la qualité nutritionnelle quasi nulle et à la densité calorique exponentielle – sauf… sauf que ce sont des « calories vides », caractéristiques de la « junk food », la malbouffe.

    En 1976, un jeune chercheur, Anthony Sclafani, a ajouté une poignée de Fruit Loops, une céréale bien dégueulasse mais fortement sucrée, dans la cage d’un rat de laboratoire. Le rongeur s’est jeté dessus à la vitesse de Speedy Gonzales sans s’assurer s’il y avait danger ou non. Sclafani venait de découvrir par inadvertance les processus d’addiction agro-industriels. Il renouvela l’expérience avec toutes sortes de cochonneries trafiquées, glucosées et parfumées. À chaque fois, les rats fonçaient imprudemment, à rebours de la prudence inscrite dans leur comportement évolutif. En quelques semaines, ils s’installaient dans l’obésité. Les rats, aujourd’hui, c’est nous.

    Manger tue !

    Quelque temps plus tôt, à la croisée des années 60 et 70, une révolution silencieuse s’est produite. L’épidémie d’accidents cardiaques – la grande faucheuse des Trente Glorieuses, avec les accidents de la route – a poussé nutritionnistes, médecins, politiques à délaisser les régimes carnés riches en graisse animale, pour privilégier les glucides, céréales, féculents, pommes de terre, etc. Sans le savoir, on venait de passer des métamorphoses du gras, l’antique régime de la grosseur, aux métamorphoses du sucré, le nouveau régime de l’obésité. Les industriels ne se firent pas prier. Le sucre est bon marché, addictif et ne crée pas de sentiment de satiété puisqu’il annihile le signal de saturation que nous envoie le cerveau. Les géants de l’agrobusiness tenaient là une promesse de croissance infinie – jusqu’à l’AVC systémique. Conclusion en forme d’occlusion : l’obésité n’est que le résultat d’un modèle de développement devenu fou, privatisé au bénéfice d’une oligarchie. D’ailleurs il ne s’agit pas de pointer du doigt les obèses, mais d’observer dans leur corps martyrisé les stigmates du capitalisme terminal. Obésité de la population, boulimie des marchés financiers, hypertension boursière, bulle immobilière. C’est tout un système menacé d’infarctus, de perforations intestinales, d’apocalypse diabétique de type 2. Désormais, oui, manger tue !

    François Bousquet (Éléments, 24 mai 2020)

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  • Feu sur la désinformation... (282)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      Au sommet du pic Saint-Loup dans l’Hérault, la croix coupée par des militants d’extrême gauche il y a quelques jours est de retour !
    • 2 : Covid-19. 2e vague : les médias surfent-ils sur les peurs ?
      Les journalistes ont multiplié les articles et les reportages sur la 2e vague, sur le retour des foyers de contamination ou encore sur le décès d’un enfant dû à la maladie de Kawasaki. Une focalisation qui interroge.
    • 3 : Revue de presse
      Argenteuil qui s’embrase dans le silence médiatique…
      Apolline de Malherbe condamnée pour un interrogatoire hargneux contre Juan Branco…
      Comme d’habitude, nous reviendrons dans cette émission sur l’actualité médiatique de la semaine !
    • 4 : Michel Onfray peut-il échapper à la diabolisation ?
      Avec le lancement de son média Front Populaire, Michel Onfray suscite l’intérêt mais aussi la défiance, notamment médiatique ! Le Monde a ainsi sorti un article particulièrement virulent contre ce projet.
    • 5 : Coup de chapeau
      Ce mercredi avait lieu le procès en appel des 5 jeunes militants qui s’étaient invités sur le toit d’une mosquée en construction à Poitiers en 2012 pour une action pacifique. Face à l’acharnement politico-judiciaire, Damien Rieu et ses amis ont fait preuve de courage et de sérieux.

     

                                          

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  • Feu sur la désinformation... (280)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      Cette semaine, nous avons assisté au retour d’un mort puisque Kim Jong Un est réapparu après que l’ensemble de la presse mondiale a évoqué sa mort !
    • 2 : Zemmour agressé : indignation médiatique… sélective !
      Le journaliste et écrivain a été violemment pris à partie par un homme dans la rue. La scène a fait le tour des réseaux sociaux. Eric Zemmour a-t-il été soutenu médiatiquement ? La réponse dans ce I-Média.
    • 3 : Revue de presse
      Le gouvernement qui annule dans la confusion son projet controversé de réunir des articles de décodage sur la crise du Coronavirus…
      Pascal Praud qui donne la parole à la mère de Marin, dont l’agresseur pourrait sortir de prison avant même la moitié de sa peine…
      Nous reviendrons comme d’habitude sur l’actualité médiatique de la semaine !
    • 4 : Covid-19. Les médias, agents de sidération de l’opinion publique
      Après plusieurs mois de crise sanitaire, il est temps d’analyser le rôle des médias dans le formatage de l’opinion publique. Entre minimisation et dramatisation, les médias ont-ils influencé les Français dans leur vision de la crise du Covid-19 ?

     

                                      

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  • Des lions menés par des ânes...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Ghislain de Castelbajac cueilli sur Geopragma et consacré au fiasco français dans la gestion de la crise sanitaire. Ancien chargé de mission au SGDN, conseil en stratégie, Ghislain de Castelbajac est membre fondateur de Geopragma.

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    Des lions menés par des ânes*

    Lorsque le coup de tonnerre éclate, il est trop tard pour se boucher les oreilles.

    Sun Tzu

    Imaginez un pays multimillénaire, au système de santé envié du monde entier, au réseau diplomatique parmi les plus vastes au monde, aux réseaux d’agents de renseignement, aux échanges de coopération de police, de santé, d’aide humanitaire sans doute les plus efficaces et les plus respectés au monde. Exportant ses ingénieurs et chercheurs à travers la planète. Membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies, possédant la dissuasion nucléaire.

    Vous avez reconnu la France.

    Alors comment en est-on arrivé là ? Comment un gouvernement acculé et apeuré a-t-il sciemment menti aux français sur les masques et les tests ? Comment des hauts responsables de la santé, notamment Mme Fontanel, conseiller santé à l’Elysée et Mme Buzyn, ministre de la santé, ont-elles déserté en pleine déclaration de guerre, alors que la bombarde virale s’implantait au sein de nos troupes ?

    Comment la France a choisi de confiner l’ensemble de sa population depuis le 17 mars 2020, dans l’urgence, sans préparation, sans plan de sortie…et sans armes ?

    Le 6 mai 2013, une note du Secrétariat Général de la Défense et de la Sécurité Nationale (SGDSN) propose un plan de réforme de l’utilisation des masques de protection à l’usage des travailleurs. Cette note s’inscrit dans le cadre d’une réforme de l’emploi des stocks de masques FFP2 et chirurgicaux, qui étaient en 2011 de plus d’un milliard six-cents millions sur le territoire national, faisant de la France le plus grand stockeur de masques au monde.

    La note du SGDSN, validée par son secrétaire général de l’époque, M. Francis Delon, indique que les masques FFP2 sont peu susceptibles d’être utilisés au quotidien par le grand public car ils sont inconfortables. Il indique également que les masques chirurgicaux, plus légers, devraient être mis à disposition des travailleurs car ils sont plus faciles à porter, à manipuler. L’ère est au transfert de responsabilité et de stockage des masques de l’Etat, vers les entreprises, pour économiser la somme faramineuse de … 10 millions d’Euros.

    Aucune orientation stratégique dans cette note. Aucune mise en garde sur le danger de voir disparaitre les stocks stratégiques de masques. Pire : aucune recommandation de mettre en place un plan d’action visant à obliger les entreprises à justement se constituer des stocks en contrepartie, alors que le SGDSN met en musique depuis longtemps les plans Vigipirate, PCA (plans de continuité d’activité) etc.

    La doctrine est transmise au cabinet du premier ministre, dont dépend le SGDSN, qui tranche sur le sujet avec le ministère de la santé de l’époque, dirigée par la ministre socialiste Mme Marisol Touraine.

    Le stock stratégique de masques français est donc petit à petit écoulé, sans renouvellement. Les entreprises n’ont de leur côté aucune injonction ni règlementation, pourtant si fournie en matière de sécurité du travail avec ses idéogrammes abscons affichés près de la machine à café et ses normes ubuesques qui font vivre tant de consultants et d’inspecteurs du travail. Pendant que le stock de masques se vide, la France inaugure en grande-pompe à Wuhan (R.P. Chine), un laboratoire classé « P4 », censé abriter de la recherche sur les virus. Ce projet de coopération (à sens unique) entre la France et la Chine fut initié à grands renforts d’annonces dithyrambiques pour la Chine communiste par l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin. C’était aussi l’époque où l’UMP, parti de la majorité sous la présidence Sarkozy, reconnut le parti communiste chinois comme unique partenaire officiel en Chine.

    La création de ce laboratoire fit l’objet d’un long roman franco-chinois. Nos services de renseignement ayant assez rapidement flairé l’entourloupe derrière une façade de laboratoire de recherche, cachant en réalité une unité bactériologique dépendant directement de l’organe le plus haut du parti communiste chinois, via l’académie des sciences qui eut à sa tête comme vice-président Jiang Mianheng, le fils de l’ancien président chinois Jiang Zhemin, massacreur des manifestants de la place Tian’anmen. Les fortes réserves de nos services furent assez rapidement corroborées lorsque le cabinet d’architectes lyonnais qui aurait dû construire le laboratoire fut remplacé au pied levé par un cabinet dépendant directement des commandes de l’armée chinoise.

    On connait la suite : le laboratoire P4 de Wuhan fut inauguré par les autorités chinoises, adossées des autorités françaises, dont la délégation comptait un certain M. Levy en tant que directeur des INSERM, mari d’Agnès Buzyn, notre ancienne ministre de la santé.

    Les recherches du laboratoire de Wuhan furent rapidement orientées vers les coronavirus : Le Pr Shi Zhengli, une virologue travaillant depuis longtemps sur les virus ayant pour origine les chauves-souris, publia quatre rapports depuis 2010 mettant en lumière ses travaux sur la transmission, via la protéine S (protéine de base du virus du SIDA) et le récepteur ACE2, des chauves-souris aux humains. Son article le plus connu, paru dans la revue Nature en 2013, isola trois virus pouvant se propager directement de la chauve-souris à l’homme. En novembre 2015, elle publia avec d’autres scientifiques dans Nature la possibilité de travaux sur un coronavirus « synthétique », modifié en laboratoire [1], et réalisa des tests sur des souris et des primates.

    Ses travaux eurent un certain impact dans la communauté scientifique, à tel point que l’institut Pasteur, par la voix du Pr. Samuel Wain-Hobson s’inquiéta du danger.

    Mais les Etats-Unis sont en retour soupçonnés par les autorités chinoises : également très actifs dans la recherche offensive et défensive bactériologique, les Etats-Unis ont eu à faire face en août 2019 a une fuite provenant du laboratoire de Fort Detrick (Maryland)…

    La faute revient de toute façon à la Chine communiste et à sa volonté première de tenter de masquer l’épidémie en faisant taire les lanceurs d’alertes, en écartant Taïwan, et en corrompant de manière éhontée l’OMS après y avoir placée une marionnette sino-compatible à sa tête.

    Si la Chine fit peut-être une erreur de manipulation, elle commit de toute façon une faute impardonnable en mentant au monde entier sur l’origine, la nature, et l’étendue du virus. La récente perte de sang-froid, si peu confucéenne, de hauts responsables chinois, dont l’ambassadeur de Chine en France et le retour à une rhétorique marquant les pires heures de la révolution culturelle, amène à penser que Pékin commence à sentir le vent de l’Histoire tourner et craint des procès en class action (déjà un lancé au Texas), des marques de boycotts spontanées des populations en Afrique, Asie ou ailleurs.

    Depuis l’épidémie du SARS-1 en 2003, dont le COVID-19 est sans doute une chimère crée en laboratoire, ou peut-être tout simplement le résultat du laxisme des autorités chinoises face à la prolifération des risques dans les marchés d’animaux vivants, de nombreux scientifiques et personnalités alarment l’humanité de la probabilité d’une pandémie qui changerait radicalement la manière dont elle devra vivre.

    Mais le plus remarquable est la convergence de vues des « solutions » à mettre en place selon certaines de ces personnalités, à la résorption des telles pandémies : de Bill Gates à Jacques Attali en passant par Gordon Brown et de nombreux médias, tous convergent vers la création d’un gouvernement mondial et le déploiement du traçage des populations…à la chinoise, et pas seulement via des applications plus ou moins sur base du bénévolat : le traçage numérique implanté par les vaccins, notamment via l’alliance GAVI – ID2020-Vaccine Alliance, sur le colorant à point quantique permettant le traçage des populations et la délivrance de « certificats digitaux » est déjà en test dans certains pays, comme le Bangladesh [2].

    Selon Jacques Attali « l’Histoire nous apprend que l’humanité n’évolue significativement que lorsqu’elle a vraiment peur ». En effet, la peur donnerait des ailes, celle de la soumission liberticide de chacun…pour le bien commun.

    En France, certains citoyens voient le monde d’après passer par un « Nuremberg de la santé ». Si l’expression est forte, il est probable que de nombreux procès seront intentés par ceux qui s’estimèrent dupés, meurtris ou ruinés par l’inconséquence de certaines politiques publiques, et notamment par la pénurie de masques en France, encore renforcée durant cette crise par de suicidaires comportements administratifs exigeant de lourdes procédures d’appels d’offres.

    Ce monde d’après ne passerait donc plus par les élites technocratiques en place, mais bien par un lien charnel avec une élite éprise de bon sens et d’action de terrain.

    Si les français aiment les rois et les princes, ils ne les acceptent que thaumaturges ou guerriers, tant ils abhorrent les petits marquis, les scapins et les valets de coteries. Il n’est donc pas étonnant de voir la popularité du Professeur Raoult émerger aussi fortement auprès des français, ou celle du général de Villiers lors de son éviction.

    La France du bon sens, celle du rond-point et des métiers dits « invisibles » reprendrait-elle la main sur celle d’une mondialisation snobinarde et condescendante où seules les capitales mondiales comptent ?

    Nous ferons le pari que, même ruinés, même « sauvés » par des hélicoptères à fausse monnaie, même prêts à tous les sacrifices, les français, lions parmi les lions, n’accepteront plus les ânes qui les gouvernent.

    Ghislain de Castelbajac (Geopragma, 19 avril 2020)

     

    Notes :

    *Phrase attribuée à Winston Churchill en évoquant les soldats français et leurs généraux

    [1] A SARS-like cluster of circulating bat coronaviruses shows potential for human emergence, “Nature” 9th November 2015

    [2] ID2020 Alliance launches digital ID program with Government of Bangladesh and Gavi, announces new partners at annual summit – 19 Septembre 2019 – Source: ID2020 Alliance

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  • Feu sur la désinformation... (277)

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un numéro de l'émission I-Média sur TV libertés consacrée au décryptage des médias et animée par Jean-Yves Le Gallou, président de la fondation Polémia, et Nicolas Faure.

    Au sommaire :

    • 1 : L’image de la semaine
      La visite d’Emmanuel Macron au CHU du Kremlin-Bicêtre a été une opération de communication très contrôlée… sans la presse !
    • 2 : Macron prend les Français pour des confinés
      Emmanuel Macron a annoncé la fin progressive du confinement à partir du 11 mai. Si les journalistes étaient ravis de ce discours, un flou incroyable subsiste encore sur de nombreux points.
    • 3 : Revue de presse
      Facebook qui censure à tire-larigot les médias alternatifs…
      Un premier média au bord de la faillite à cause du Coronavirus…
      Dans cet I-Média, nous reviendrons sur l’actualité médiatique de la semaine.
    • 4 : Messe clandestine : le bobard pascal des médias
      En guise d’œuf de Paques, Le Point et l’AFP nous ont pondu un énorme bobard sur une prétendue messe clandestine dans la paroisse de Saint-Nicolas du Chardonnet. Pendant ce temps-là, les émeutiers de Grigny étaient tranquilles !

     

                                         

     

     

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  • La crise du Covid-19, victoire des “démocratures” ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Caroline Galactéros cueilli sur Geopragma et consacré aux enseignements qui peuvent d'ores et déjà être tirés de la crise sanitaire en cours. Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

     

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    Affiches sur le chantier de construction d'un hôpital moscovite dédié au traitement des maladies infectieuses

     

    La crise du Covid-19, victoire des “démocratures” ?

    Nous devons profiter de la crise pour tirer des enseignements et cesser de nous tromper de priorité. L’important en effet, n’était pas de laisser se tenir le premier tour des municipales ou des matchs de foot avant de commencer à restreindre les activités de nos concitoyens, ni de laisser fonctionner les aéroports sans contrôle systématique des entrants et isolement, ni surtout de garder ouvertes nos frontières pour faire croire au bon peuple que tout était sous contrôle. L’important, le premier devoir de l’Etat, c’est la protection et la défense de sa population. Il faut sauver la vie des Français et leur donner des consignes claires et simples pour évincer en eux, dans l’urgence, cet ultra-individualisme qui n’a pas seulement fait le lit du communautarisme mais aussi celui d’une vulnérabilité collective ancrée dans le fait de se croire autorisé à tout et sans devoir de rien.

    Les États gagnants de la crise

    Quoi qu’il en soit, pour le regard à la fois global et scrutateur du géopolitologue, ce drame est, il faut bien l’avouer, l’occasion d’une observation sans pareille. Car le Coronavirus va rebattre les cartes de la puissance en Europe et dans le reste du monde. Le premier réflexe, celui du bien-pensant occidental qui bat sa coulpe, est de rattacher cette pandémie à un “signe du Ciel” devant opportunément enclencher un gigantesque processus d’autorégulation, de remise à plat d’une planète partie en vrille et en train de s’étouffer de sa propre démence productiviste. Un processus vertueux donc, qui irait vers une réforme de l’économie et de la finance mondiales et vers un assagissement salutaire d’une globalisation en surchauffe. Après ce drame, les dirigeants du monde vont enfin réfléchir et réformer la gouvernance mondiale vers plus de sens et de solidarité. C’est beau mais très improbable.

    En revanche, la pandémie signe le grand retour d’un malthusianisme de la puissance et de l’influence. Seuls les plus résistants et adaptables des Etats s’en sortiront. Et le jackpot ira à ceux qui oseront non pas juste revenir au statu quo ante, et repartir dans leur roue comme des hamsters bourrés d’amphétamines, mais prendre l’initiative d’une réforme globale de l’entropie mondiale dans le sens d’une meilleure coopération internationale et d’une pratique du dialogue respectueux entre adversaires (et déjà entre partenaires…). Les autres, ceux qui vont “jouer perso’ en croyant jouer gagnant, seront discrédités moralement et politiquement. Mais jouer collectif signifie voir clair et décider vite pour sauver sa propre peau avant de secourir les autres. Comme dans un avion en dépressurisation : avant d’aider votre voisin, vous devez mettre votre propre masque ! …L’ironie est donc que ce sont les Etats qui ont réagi le plus vite et fermement, par des mesures coercitives de surveillance, pour protéger leurs propres concitoyens, qui ont pu le plus rapidement exercer leur solidarité envers les autres et donc remporter la mise en matière d’influence et de magistère politique comme de reprise de l’économie : Taiwan, Hong Kong, Singapour, le Japon, la Corée du Sud, la Chine, la Russie etc…. Les grands gagnants seront donc les régimes qui auront osé guider, sans simagrées guerrières, leurs peuples et les associer à une prise de conscience de leur devoir individuel pour un salut collectif, les contraindre pour les protéger.

    On a vertement critiqué la Chine pour ses méthodes drastiques et autoritaires mais, comme pour la Russie, force est de constater que c’est la fermeture quasi-immédiate des frontières, le confinement total de régions entières, la pratique massive du test, le triage et le traitement différencié et sans états d’âme de catégories de populations à risques, le traçage de leurs déplacements pendant et après la réouverture qui a permis à un pays d’un milliard et demi d’habitants d’avoir…quelques milliers de morts seulement, moins déjà que l’Espagne ou l’Italie et sans doute bien moins que les Etats-Unis dans quelques semaines. Quant à la Russie, elle a été prompte à fermer sa très longue frontière chinoise, à mettre les voyageurs en observation longue et elle prend désormais des mesures strictes mais très différenciées selon les catégories de population pour limiter l’épidémie. Elle ne parle pas de “guerre” mais fait comprendre que l’heure et grave et que du comportement de chacun dépend la survie de tous. Elle annonce aussi des sanctions lourdes aux contrevenants. Fake news ! Ces dictateurs antédiluviens nous mentent me rétorquera-t-on ! Leurs chiffres sont faux ! Peut-être un peu. L’OMS pense le contraire. Et l’on ne peut, à l’heure des réseaux sociaux, cacher impunément des tombereaux de morts. Ce qui est certain, c’est que les citoyens chinois et russes obéissent à leurs autorités, de gré et au besoin de force. On ne leur demande pas leur avis, on ne les ménage pas, on leur explique simplement les enjeux pour eux-mêmes et pour la survie collective de leur nation. On leur donne des consignes cohérentes. La France est le pays des droits de l’homme, la Chine celui des devoirs de l’homme. Et la Russie en a vu d’autres…

    La bascule du leadership

    L’ironie du sort pour des élites européennes qui ont passé leur temps depuis 3 ans à critiquer Donald Trump, vient du fait que c’est de ce président américain honni et méprisé que l’Europe entière attend aujourd’hui son salut économique et financier. Pour l’instant l’Amérique souffre, mais elle met le prix pour s’en sortir au plus tôt. Et elle s’en sortira. Toutefois, c’est géopolitiquement que le pire est à venir pour Washington. C’est la bascule globale du leadership mondial vers l’Asie au profit du “contre monde” chinois qui se trouve accélérée par la pandémie. Car l’attitude de Pékin comme de Moscou a su démontrer un réflexe de solidarité envers le reste du monde et notamment envers les pays européens dont eux-mêmes comme l’Amérique ont été parfaitement incapables. Surtout, au-delà d’une capacité de rebond économique et industriel remarquable, Russie et Chine démontrent une absence totale d’approche idéologique de la crise et se paient le luxe d’exprimer, par leur soutien concret à ceux qui ont compris et agi avec retard, une empathie multilatérale ignorante des avanies subies et aux antipodes de notre comportement infantile. Tandis que nous faisons la preuve de notre incapacité mentale à prendre la mesure des enjeux (à l’instar des migrations ou du terrorisme) et de notre absence de solidarité intra-européenne, les “démocratures” que nous diabolisons à l’envi s’en sortent mieux que nous car elles osent contrôler les foules. Puis elles se paient le luxe de venir à notre secours. Elles envoient, comme Cuba ou le Venezuela, des médecins et des respirateurs en Italie, et Pékin va pour nous fabriquer un milliard de masques.

    Bref, humiliation suprême, après le Moyen-Orient, après l’Afrique, sous les yeux du monde entier, Pékin et Moscou nous font de nouveau la leçon. Une leçon d’humanité qui démonétise complètement nos postures ridicules sur les dictateurs et les démocrates, les grands méchants et les bienveillants. Ils font ce qu’on n’a pas su faire : se concentrer sur la menace existentielle elle-même, la traiter sans égard pour les droits individuels de leurs citoyens mais assurer grâce à ces mesures “liberticides” leur salut collectif et leur remise au travail, donnant magistralement raison à la pensée chinoise qui voit dans toute situation le potentiel d’une inversion des équilibres. Nous y sommes. C’est la rançon de notre naïveté, de notre cupidité, de notre égoïsme et de notre oubli des devoirs premiers de l’Etat envers la nation. A force de nous soucier de notre souveraineté comme d’une guigne, elle se venge.

    C’est aussi une triste heure de vérité pour l’Europe. Même une tragédie humaine concrète, vécue par ses membres fondateurs principaux, n’aura déclenché aucun geste, aucune générosité. Le récent sommet européen vient de démontrer l’inanité de la solidarité européenne en cas de péril commun. Les plus forts, donc les plus riches, n’ont pas la hauteur de vue pour valoriser leur position de force en donnant aux plus faibles. Un peu comme chez les individus en somme. On écrase l’autre affaibli au lieu de lui sortir la tête hors de l’eau. On lui fait la leçon au lieu de lui tendre la main. On déboule en réunion sur le budget européen avec une pomme et un livre, comme le Premier ministre néerlandais, pour montrer qu’on a tout son temps et qu’on ne négociera rien. Au-delà de l’inélégance, quelle indignité ! Il y a un très fort paradoxe : les Etats européens qui refusent aujourd’hui, au nom de l’orthodoxie budgétaire, d’aider leurs partenaires, font un mauvais calcul stratégique et géopolitique. S’ils montraient leur humanité, ils gagneraient plus encore que ceux auxquels ils porteraient secours. On me dira que je prêche pour la paroisse des cigales et que je ne comprends pas la juste austérité des fourmis laborieuses. Non, je cherche à raisonner stratégiquement, du point de vue de l’intérêt européen. Or, en diplomatie comme en amour, le premier pas n’est possible qu’au plus fort, et c’est un pas forcément gagnant pour lui car “stratégique” en termes d’influence et de crédit moral et politique. Ce sont ces pas là qui font avancer l’ensemble. Encore faut-il en être humainement capable. Le Général de Gaulle sut tendre la main à l’Allemagne anéantie, puis à la Chine, à l’Espagne et à d’autres. Cette grandeur d’âme qui est la marque d’un esprit visionnaire n’est plus. Il faut d’urgence réinventer le gaullisme en Europe. Invoquer les mânes du Général ou celles du Tigre ne suffira pas.

    L’Europe est donc en train de “tomber en miettes” comme l’annonce tristement le président italien. Elle peut exploser. Elle n’est même pas “en voie de déclassement stratégique” car finalement elle n’a jamais été véritablement “classée” puisqu’elle a toujours été sous la coupe américaine via l’OTAN et que, mis à part Paris durant quelques décennies, tout le monde a trouvé ce marché de dupes formidable. Peut-être finalement ne méritons-nous pas mieux que la servitude puisqu’au-delà des mots creux, nous sommes incapables entre nous d’exprimer une compassion concrète, une charité envers nos propres Etats membres. Nous faisons la morale au monde entier, mais nous sommes une aporie éthique, rien d’autre qu’une machinerie commerciale et monétaire qui ne sait que parler budget et dette et réduit ses 700 millions de citoyens à des unités de coûts et de recettes. Une Europe de comptables, où les fourmis l’ont clairement emporté sur les cigales. Notre président peut bien chanter. Berlin va le faire danser. Bientôt, l’Allemagne déçue depuis trois ans au moins par notre incapacité à tenir il est vrai nos promesses, prendra uniquement de la machine européenne ce que celle-ci peut encore lui donner tout en poursuivant une politique de puissance et d’influence personnelle en agrégeant autour d’elle son satellite batave et ceux du nord et de l’est.

    Les États-Unis doivent faire preuve d'humanité

    Petitesse d’esprit, indigence éthique : ces défauts de structure de l’édifice communautaire font rêver d’un Occident enfin décillé, remettant les compteurs de la solidarité internationale à zéro, décidant de lever enfin les arsenaux iniques de sanctions contre la Russie ou l’Iran. Ce serait le moment ou jamais. Pour satisfaire notre instinct de vengeance, notre vision punitive du monde, notre volonté d’écrasement des autres ou notre simple grégarisme, nous laissons en effet, dans un contexte sanitaire dramatique, un peuple déjà très affaibli et cette situation va entrainer probablement des milliers de morts. Pourquoi ? Juste pour le punir de ne pas déposer ses dirigeants qui résistent au plan américain de dépeçage de la Perse. C’est d’un cynisme parfaitement insupportable. Où est la conscience de la globalité des menaces pesant sur l’humanité ? L’indifférence totale des politiciens occidentaux pour les parties du monde qui ne les concernent pas et ne serviront pas leur réélection parait à l’heure de la pandémie plus abjecte encore que d’ordinaire. Souhaitons que la récente annonce d’une aide européenne à l’Iran via le mécanisme Instex jusque-là mort-né de contournement des sanctions extraterritoriales américaines auxquelles nous nous soumettons servilement depuis bientôt 2 ans contre toute raison, soit le premier pas d’une rupture nette d’attitude et d’état d’esprit de notre part. Notre cynisme et notre indifférence sinon nous perdront. Le coronavirus est un révélateur d’humanité et d’inhumanité. Il faut retrouver le sens de la Vie dans nos existences, cette Vie commune en humanité que masquent nos prédations et nos luttes incessantes pour la primauté. Les USA comme les puissances européennes ont une occasion inespérée de faire vraiment preuve d’humanité et de préoccupation pour l’homme. La bascule du monde sinon va s’accélérer à notre détriment

    Ce virus a eu le mérite de révéler des réflexes de survie collectives des peuples et des nations que l’on jugera égoïstes mais qui traduisent la verdeur d’une vertu cardinale : l’esprit de souveraineté. Certains ont enfin réalisé que le fait de se prendre en mains, de revenir aux fondamentaux politiques et sécuritaires c’est à dire à la protection de nos populations, cet égoïsme sacré et salutaire était la seule approche qui permette d’abord de survivre avant d’espérer éventuellement construire un chemin collectif avec d’autres survivants. On ne battit pas sur un champ de ruines ou de morts. Il n’y aura jamais pour l’Europe, en aucun domaine, de salut à attendre du suivisme, du grégarisme ou des déclarations hors sol d’un Commission de Bruxelles qui préfère que l’on meure par millions pour rester fidèles à des principes abscons d’ouverture de l’espace européen plutôt de survivre en reprenant le contrôle de ce qui se passe sur nos territoires nationaux.

    Le problème en somme, qui vient de se manifester magistralement, est toujours le même : c’est la vassalisation mentale et l’esprit de renoncement qui sont si enkystés dans nos rouages institutionnels collectifs et parfois même nationaux que nous sommes les ventriloques d’un discours qui nous condamne à l’impuissance. Exactement comme en matière de défense, quand nous persistons à faire semblant de croire en la garantie atomique ou même conventionnelle américaine alors que l’on sait tous depuis plus d’un demi-siècle, qu’elle est théorique (l’Europe servant essentiellement de profondeur stratégique aux Etats-Unis). Cette “Foi du charbonnier” des Européens en des utopies-pièges (pacifisme, fatalité heureuse de la fin des Etats et des frontières, universalisme béat, refus des traditions, culte du présent, progrès conçu comme l’arasement du passé, dogmatisme moralisateur, etc… …) que l’on nous survend depuis 70 ans pour tuer la puissance européenne en prétendant la construire, a une fois encore joué contre nous.

    Or, nul n’a jamais construit sur le renoncement à ce que l’on est profondément. On construit sur des partages équitables, sur des compromis respectueux, sur la lucidité qui refuse l’égalitarisme fumeux et n’aboutit, comme le communautarisme chez nous, qu’à la dictature des “petits” sur les “grands” au prétexte qu’ils doivent par principe être traités à l’identique. Mais il n’y a pas d’identique en Europe ! Les Etats-membres ne sont pas des clones ! il y a en revanche des racines historiques et religieuses communes et comme par hasard celles-là, on les nie on les oublie ! Pour le reste, il n’y a qu’une diversité culturelle économique, sociale gigantesque et d’ailleurs fertile. Mais il y a aussi une histoire commune des membres fondateurs, des membres qui ont joué franc jeu et d’autres qui poussaient d’autres agendas…

    Cette crise doit enfin nous conduire à redéployer massivement des moyens vers la préparation collective des situations d’urgence. Il faut reprendre en main notre souveraineté notamment sanitaire et industrielle. L’état de sidération économique du monde développé observé à cette occasion ouvre des boulevards aux hackers de tous poils et à la guerre dans le cyberespace. Il y aura d’autres corona et un jour l’un d’entre eux tout spécialement destiné à notre déstabilisation mettre à l’épreuve nos politiciens du temps court et de l’expédient conjoncturel. L’épidémie peut rebondir, en Chine comme ailleurs, et nul ne devrait se risquer à fanfaronner. Pékin semble en train de battre de vitesse l’Amérique (et plus encore l’Europe qui est le terrain de jeu sacrificiel de leur duel), qui entre tout juste dans la pandémie et va comme l’Europe, subir une contrecoup économique lourd, en faisant repartir sur les chapeaux de roues son économie pour voler au secours du monde et le soigner… Mais une autre “guerre fait rage”, là aussi pleine d’ironie qu’il faut suivre avec grande attention : celle des grands producteurs de pétrole (dont la Chine est la cible commerciale ultime).

    Donald Trump est désormais contraint d’aller à Canossa et d’implorer Moscou et Ryad de réduire leur production pour enrayer la chute vertigineuse du prix du baril et ne pas noyer définitivement son industrie du schiste dans une marée noire saoudo-russe. L’OPEP l’emporte. Russes et Saoudiens sont d’accord pour lui faire rabattre sa superbe et l’aider un peu, en échange d’un allègement des sanctions contre Moscou et d’un arrêt du soutien au cousin rival de MBS à Ryad que certains à Washington verraient bien lui succéder depuis le dépeçage de Kashoggi qui a fait désordre. Vladimir Poutine doit savourer sa vengeance mais réfléchira sans doute avant de tendre la main à Washington. L’Amérique lui en saura-t-elle gré durablement ? Rien n’est moins sûr. La nouvelle guerre froide et l’anti-russisme pavlovien reprendront de plus belle dès que Washington se relèvera. Les Américains sont pragmatiques mais pas stratèges. Ils ne sont malheureusement pas près de comprendre qu’ils auraient tout à gagner à faire basculer Moscou dans le camp occidental. Cette erreur stratégique dure depuis 30 ans et il est bien tard maintenant. Les Russes n’en veulent plus et les Européens sont incapables de comprendre qu’ils en font les frais.

    Caroline Galactéros (Geopragma, 7 avril 2020)

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