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consommation - Page 2

  • La publicité, arme de l'idéologie dominante...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à la publicité... 

     

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    Le message publicitaire ? Le bonheur réside dans la consommation…

    La réclame a toujours existé, puisqu’un fabricant a besoin de faire savoir que ses produits existent ; mais cela semble être devenu une industrie à part entière. Le faire savoir compterait-il plus désormais que le savoir-faire ?

    Le problème ne tient pas à l’existence de ce qu’on appelait autrefois la« réclame ». Il tient à ce que la publicité envahit tout et mobilise les esprits dans des proportions dont les gens ne sont même pas conscients. Un enfant connaît aujourd’hui beaucoup plus de marques publicitaires qu’il ne connaît d’auteurs classiques. Les paysages urbains sont défigurés par des panneaux publicitaires qui prolifèrent comme des métastases. Les campagnes n’y échappent pas non plus. La télévision ne propose plus des programmes financés par la publicité, mais des messages publicitaires entrelardés de programmes qui ne sont là que pour inciter à regarder les premiers. Rappelez-vous les déclarations de Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, en juillet 2004 : « Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible : c’est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. »Même chose dans la presse, puisque les principaux titres ne peuvent plus survivre qu’en accumulant les pages de publicité. Dans tous les cas, la publicité se voit dotée d’un pouvoir qui va bien au-delà du « faire savoir » – d’autant qu’elle n’est pas la dernière à véhiculer des images, des slogans (de plus en plus fréquemment proposés en anglais, d’ailleurs), des situations, des rapports sociaux, voire des types humains, qui sont en stricte consonance avec l’idéologie dominante. Autrefois, on parlait de propagande. Aujourd’hui, on parle de communication. La publicité est devenue la forme dominante de la communication (y compris, bien sûr, de la communication politique) dans la mesure où elle tend à s’instaurer comme la forme paradigmatique de tous les langages sociaux.

    Dans un entretien précédent, vous disiez considérer la publicité à la télévision comme infiniment plus obscène que n’importe quel film pornographique. Etait-ce une allusion à l’habitude des publicitaires de dénuder des femmes pour vendre des yaourts ou des voitures ? Ou bien vouliez-vous dire que le point commun de la publicité et de la pornographie est qu’elles suscitent l’une et l’autre de la frustration ?

    Ce qui est obscène ne se rapporte pas seulement à la sexualité, mais aussi à la morale sociale, à tout ce qui choque la « décence commune » chère à George Orwell. Étymologiquement, l’« ob-scène » est ce qui n’appartient pas à la scène, ou ne devrait pas lui appartenir. La publicité est obscène, non seulement parce qu’elle est mensongère (toutes les publicités sont mensongères), mais parce qu’elle véhicule implicitement un seul et unique message : le bonheur réside dans la consommation. La raison d’être de notre présence au monde est réduite à la valeur d’échange et à l’acte d’achat, c’est-à-dire à un acte performatif qui voue nécessairement à la frustration (car toute possession dans l’ordre de la quantité appelle nécessairement le désir de posséder plus encore). Jean Baudrillard l’avait bien montré dans ses travaux pionniers sur le système des objets : la publicité est le principal vecteur d’une logique inhérente au système capitaliste qui consiste, d’un côté, à persuader les individus qu’ils éprouvent réellement tous les besoins qu’on veut leur inculquer, et de l’autre à susciter en eux des désirs que la consommation ne peut satisfaire.

    Le pouvoir de la publicité est de faire oublier qu’un produit est issu avant tout d’un travail, c’est-à-dire d’un certain type de rapport social, et de le faire percevoir comme un simple objet consommable, c’est-à-dire une commodité. L’expérience économique réelle est remplacée par des signaux visuels inhérents à un message conçu en termes de séduction. En dernière analyse, l’individu ne consomme pas tant le produit qu’on l’incite à acheter que la signification de ce produit telle qu’elle est construite et projetée dans le discours publicitaire, ce qui l’infantilise et occulte la capacité du produit acheté à revêtir une véritable valeur d’usage. La publicité, enfin, contribue au conformisme social – et à un ordre social obéissant aux modèles diffusés par la mode – dans la mesure où elle se fonde sur une forme de désir purement mimétique : en cherchant à nous convaincre de consommer un produit au motif qu’il est consommé par (beaucoup) d’autres, la publicité nous dresse à calquer notre désir sur le désir des autres, en sorte qu’en fin de compte la consommation est toujours consommation du désir d’autrui. Conscience sous influence !

    De plus en plus de cinéastes – Ridley Scott au premier chef – viennent de la publicité. Simple effet du hasard ?

    Même les réalisateurs qui ne viennent pas de la publicité sont touchés. La porosité de la frontière entre la publicité et le cinéma n’a rien pour surprendre, puisque l’une et l’autre relèvent du système du spectacle, mais le plus caractéristique est que la publicité influe de plus en plus sur l’écriture cinématographique. De plus en plus de films destinés au grand public – et non des moindres – ressemblent à une suite de clips publicitaires, ces derniers étant d’ailleurs de plus en plus conçus eux-mêmes comme de très brefs courts-métrages.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 19 mai 2014)

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  • Le dimanche au soleil...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Théry, cueilli sur Causeur et consacré à la question du travail le dimanche...

     

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    Le dimanche au soleil

    Pour ouvrir le débat sur le travail le dimanche, Nicolas Sarkozy avait lancé avec l’accent faubourien qu’on lui connaît : « Est-ce normal que j’doive faire ouvrir spécialement un boutique de luxe le dimanche pour que Ma’am Obama puisse faire ses courses quand j’la reçois à Paris ? »

    Oui, c’est normal. D’ailleurs, est-ce que les boutiques Hermès, Dior ou Chanel sont ouvertes le dimanche à Washington, New York et même à Londres, le temple de la dérégulation ? Bien sûr que non. Pourquoi ? Tout simplement, parce que les riches ne font pas leurs courses le dimanche. Ils se ressourcent en famille dans leur résidence secondaire, jouent au tennis ou au golf, mènent des activités culturelles, voire cultuelles aux Etats-Unis où la pratique religieuse reste vivace. Eh oui, faire ses courses le dimanche est une activité de pauvres, comme l’a très bien montré Jérémy Rifkin dans L’âge de l’accès : c’est le résultat de la confusion progressive du loisir et de la consommation.

    Les zones urbaines se structurent aujourd’hui autour de moles (malls en anglais) dont la destination n’est plus très nette : le peuple se rend-il dans des espaces de loisirs pour y acheter de la bimbeloterie ou va-t-il dans des espaces commerciaux pour s’y divertir ? L’espace le plus fréquenté de n’importe quel musée moderne est désormais la boutique de souvenirs, point de passage obligé. Inversement, un centre commercial s’organise aujourd’hui comme un parcours initiatique devant des vitrines (cf. Ikea) qui exposent les nouveautés. Cette tendance trouve son acmé au Louvre où l’espace Carrousel regroupe à la fois de riches boutiques de souvenirs « culturels », un Starbuck’s, des boutiques de luxe et même un Apple store : la Joconde en porte-clé et l’Iphone à consommer en sortant de la visite des collections de l’Égypte ancienne…

    L’autre tendance de fond à prendre en compte dans ce débat est ce qu’on a décrit aux Etats-Unis comme « la walmartization de la société ».  France 2 a diffusé cette semaine un reportage qui montre qu’aux Etats-Unis, les Wallmart y sont ouverts 7 jours sur 7, et 24 heures sur 24. Wallmart a tranché depuis de nombreuses années à la fois le débat sur l’ouverture le dimanche et le débat sur le travail de nuit. On peut donc acheter chez Wallmart un paquet de lessive à toute heure du jour et de la nuit ou de la semaine. Les employés y vivent-ils mieux qu’en France ? Certainement pas : les salaires sont en deçà du smic français et il n’est bien sûr pas question de rémunérer les heures de nuit ou du dimanche à un tarif plus élevé. C’est l’employeur qui fixe le planning de chaque employé qui doit s’y soumettre, ou se démettre s’il n’est pas d’accord.

    Henry Ford payait bien ses ouvriers pour qu’ils puissent acheter ses voitures. Sam Walton, le fondateur de Wallmart, a lui choisi de très mal payer ses employés et de mettre la pression sur les producteurs pour réduire les prix de vente ; producteurs qui sont devenus par la force des choses des entreprises chinoises et consommateurs qui sont devenus dans la même tendance des chômeurs. Politique de la demande dans le premier cas, politique de l’offre dans le second. Walton était visionnaire puisque la walmartization de la société est à l’œuvre partout en occident depuis 30 ans.

    Le débat français actuel sur l’ouverture le dimanche doit être regardé sous ce double prisme, marchandisation des loisirs d’un côté, paupérisation des consommateurs de l’autre.

    Car il ne faut pas s’y tromper : le débat autour du travail le dimanche est un leurre. C’est une mystification à l’égal du slogan sarkozyen « travailler plus pour gagner plus ».  De dérégulation en dérégulation, les employés qui pensent améliorer leur paie en travaillant le dimanche seront les dindons de la farce. Quand il n’y aura plus de règle, ni pour la durée hebdomadaire du travail comme le réclame le Medef, ni pour les jours fériés ou les jours de repos, il n’y aura par définition plus d’exception à la règle, donc plus d’heures supplémentaires payées à un tarif plus élevé. Dans 10 ans, les employés des hypermarchés français ouverts le dimanche travailleront comme chez Wallmart, la nuit ou le jour, le samedi ou le dimanche, mais le plus souvent la nuit et le jour, le samedi et le dimanche pour essayer d’avoir une paie décente. Aux Etats-Unis, les « poor workers » doivent aujourd’hui assumer 2 jobs pour s’en sortir. Un le jour et un le soir ou la nuit.

    Car la question centrale est bien celle du niveau de rémunération. Pourquoi certains salariés de supermarchés se disent-ils prêts à travailler le dimanche ? Tout simplement parce qu’ils sont très mal payés la semaine et que leur paie ne leur permet plus de subvenir aux besoins de leur famille, surtout en région parisienne où le coût du logement est prohibitif. Pourquoi, une majorité de citoyens-consommateurs se déclarent-ils en faveur du travail le dimanche ? (on se garde pourtant bien dans ces sondages commandités de leur poser la question « êtes-vous personnellement d’accord pour travailler le dimanche ? » !…) Parce qu’ils s’ennuient à mourir et que la société du spectacle qu’on leur impose ne peut les conduire qu’à se divertir en léchant des vitrines ou s’exposent des marchandises produites à coût toujours plus réduit par des salariés toujours plus précarisés.

    Un gouvernement de progrès mettrait la politique de rémunération au cœur du débat. Un gouvernement de progrès ferait une politique de la demande plutôt qu’une politique de l’offre. Un gouvernement de progrès maintiendrait l’organisation de la vie hebdomadaire en 3 temps : 5 jours de travail (bientôt 4), le samedi consacré aux activités commerciales, le dimanche consacré aux activités sportives, culturelles, ludo-éducatives ou spirituelles. Un gouvernement de progrès ferait du travail le dimanche l’exception et non la règle. Un gouvernement de progrès aurait un projet pour refaire du dimanche une journée d’épanouissement individuel et social. Je doute qu’un gouvernement social-libéral le fasse.

    J’invite tous ceux que ce débat passionne, à revoir le chef d’œuvre de Bertrand Tavernier, Un dimanche à la campagne. On y comprend que ce qui fait la vie d’un homme repose sur autre chose que l’hyperconsommation dérégulée. Que l’homme est mieux fait pour passer un dimanche à la campagne qu’un dimanche à Auchan…

    Xavier Théry (Causeur, 10 octobre 2013)

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  • La fin du village ?...

    Les éditions Gallimard viennent de publier La fin du village, une étude de Jean-Pierre Le Goff qui analyse au travers de l'observation d'un village provençal le délitement de la vie sociale dans notre pays. Philosophe et sociologue, Jean-Pierre Le Goff a récemment publié La gauche à l'épreuve : 1968 - 2011 (Tempus, 2011) et La France morcelée (Folio, 2008). Il anime par ailleurs le club de réflexion Politique autrement.

     

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    "À travers la description et l’analyse de la vie quotidienne d’une ancienne collectivité villageoise provençale, ce livre s’attache à décrire la mentalité et le style de vie de ses habitants en soulignant les mutations et les bouleversements que cette collectivité a subis depuis la dernière guerre jusqu’aux années 2000. L’urbanisation et la modernisation ne signifient pas seulement la fin d’un monde clos et de son « chauvinisme de clocher » ; elles se paient d’une dissolution du lien collectif, entraînant l’individualisme vers une « postmodernité » problématique.
    De la « communauté villageoise » et du « peuple ancien » au « nouveau monde », les différentes parties du livre sont ordonnées autour de cette mutation : le développement de la consommation, du loisir et du tourisme ont érodé les anciennes traditions provençales ; les « néo ruraux » formés de couches moyennes urbaines et de catégories fortunées se sont substitués aux anciennes couches populaires touchées par le chômage et la fin de leur « petite patrie » qu’était la collectivité villageoise. La fracture est à la fois sociale et culturelle et met en jeu des conceptions et des rapports différents à la vie individuelle et collective. À rebours d’une vision idéalisée de la Provence, La fin du village montre une autre réalité où les populations locales ont le sentiment d’être « envahies » dans la période estivale – la Provence étant devenue, selon une expression largement usitée dans la région, le « bronze-cul de l’Europe ». Tandis qu’affluent touristes et nouveaux habitants fortunés en mal de soleil et de ciel bleu, les Provençaux se vivent comme les derniers témoins d’un patrimoine qui ne leur appartient plus, ou pire encore, les gardiens d’un décor de théâtre ou une « espèce en voie de disparition ».
    Aux anciens rapports villageois a succédé un individualisme désaffilié dont le rapport à la collectivité est devenu problématique. Sans nostalgie pour un supposé « bon vieux temps », l’auteur passe au crible de l’analyse critique les dérives du « nouveau monde ». Sur fond de chômage et de « village dortoir », il souligne l’importance prise par les fêtes en tout genre, l’« animation sociale et culturelle » et ce qu’il nomme d’un sobriquet les « cultureux » dont l’« ouverture » et les « pratiques artistiques » constituent un curieux mélange de pédanterie et de militantisme revisité ; il rend compte de formes nouvelles d’éducation et d’animation de la jeunesse qui tentent de façonner des individualités nouvelles avec un angélisme des droits de l’homme et une écologie qui verse dans le moralisme et les bons sentiments ; il s’interroge sur la façon dont la collectivité envisage aujourd’hui son rapport à la nature, à la vieillesse et la mort. Ces conceptions et ces comportements coexistent avec des formes nouvelles de misère et de désaffiliation (la « déglingue ») liées à la combinaison du chômage et à la déstructuration familiale.
    Le « village bariolé » qui succède à l’ancienne collectivité villageoise fait coexister des catégories sociales et des mondes séparés à l’intérieur d’un même espace géographique vide de projet commun. En ce sens, la « fin du village » constitue une sorte de « groupe témoin » d’une France morcelée et d’une évolution problématique des sociétés démocratiques, que les responsables politiques et les citoyens se doivent d’affronter au plus près des réalités."

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  • Une évolution symbolique de notre temps...

    Au cours de l'été, lors d'un déplacement en train et d'un passage à Paris, certains lecteurs auront peut-être l'occasion (sinon la chance) de passer par la nouvelle gare Saint-Lazare et, ainsi, de se faire une idée des lieux et de la transformation qu'ils ont subie. Pour les autres, nous leur offrons de découvrir ce «lieu de vie ouvert sur la ville» grâce à la plume acérée de Michel Geoffroy, qui a livré son analyse à Polémia.

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    La gare Saint-Lazare change : une évolution symbolique de notre temps

    La gare Saint-Lazare, qui remonte à Louis-Philippe, est l'une des plus anciennes et des plus importantes de Paris pour le trafic de voyageurs. Mais elle n'avait pas fait l'objet d'une rénovation depuis les années 1970. Aujourd'hui c'est chose faite. On l'a « pensée comme un véritable lieu de vie ouvert sur la ville et ses transports, accessible à tous », nous dit la SNCF. Traduisons la novlangue.

    Une gare transformée pour le doux commerce

    La gare, dont le hall et le quai transversal ont été rénovés, est désormais dotée d'un nouvel « espace commercial » : en clair, elle est devenue un centre commercial ! Les travaux ont été conduits par Klepierre, spécialiste des centres commerciaux. C'est dire.

    La gare accueille désormais 80 boutiques environ, bien éclairées grâce à la rénovation de la verrière : des boutiques du genre de celles que l'on trouve partout ; on y vend des fringues, de la restauration rapide, de l'audiovisuel et il y a des supérettes. Le genre de marchandises qui sied à une société déracinée, dans un monde « globalisé ».

    Mais les quais, qui voient chaque jour se déverser 450.000 voyageurs, n'ont par contre pas changé depuis le siècle dernier.

    Chaque matin on piétine donc pour s'extirper de son train et sortir de la gare. Mais que l'on ne s'inquiète pas : la SNCF va de l'avant puisque le doux commerce entre en gare !

    Certes, il y a toujours un haut-parleur pour expliquer qu'en raison d'une avarie de matériel, d'un accident de personne (variante : un accident grave de voyageur), ou d'un mouvement social, tel ou tel train ne fonctionne plus. Mais pas de panique : les usagers, que l'on remercie pour leur « patience et leur compréhension » vont sans doute aller faire un tour dans les boutiques pour patienter. Et on a d'ailleurs rénové la salle d'attente.

    Les distributeurs automatiques ont pris la place des guichets d'antan. Dans ce monde minéral et automatisé il fallait libérer le hall, en effet, pour accéder aux commerces.

    Et puis les écrans, les vrais dieux Lares de notre temps, sont partout, qui remplacent avantageusement les agents de la gare, car en général eux ne suivent pas les fameux « mouvements sociaux ».

    Metropolis, mais en vrai

    C'est le soir que l'on apprécie vraiment ce « lieu de vie ouvert à tous ». Et la nuit plus encore.

    Le matin, en effet, la ressource humaine du système économique, en majorité autochtone, est en retard ou pressée : elle fait de son mieux pour sortir au plus vite de la gare. Elle se précipite vers les bus ou les métros, en attrapant au passage le dernier journal gratuit que lui tendent une armada de gentils distributeurs ambulants, qui font beaucoup d'efforts pour que chacun soit ainsi bien « informé ». Pas le temps de musarder dans les boutiques !

    Les usagers descendent en foule solitaire, leur MP3 vissé dans les oreilles, dans les sous-sols, comme dans le sinistre film de Fritz Lang, Metropolis. Mais ce n'est plus du cinéma.

    La diversité c'est mieux le soir

    La gare s'anime vraiment le soir : car c'est le moment où les « jeunes » et les allogènes, qui ne sont manifestement pas du matin, prennent possession des lieux. Ils s'installent sur les escaliers, hurlent dans leurs portables et palabrent en matant les meufs.

    Assurément ils enrichissent le quotidien des voyageurs, avec leurs tenues bariolées, leurs casquettes mises à l'envers, leurs chaussures Nike rutilantes, leurs scooters vrombissant ou leurs éclats de voix.

    Ils apportent aussi une note d'optimisme, car en les regardant (pas trop quand même : on ne sait jamais ce qui pourrait se passer s'il y avait un réfugié tchétchène parmi eux…) ou en les entendant rire à pleines dents, on n'a pas l'impression de voir les victimes du chômage et de la discrimination dont nous parlent toujours d'un air contrit les médias.

    Peut-être sont-ce des intermittents du spectacle employés par la SNCF pour nous faire voir la vie avec exotisme ?

    Une Babel moderne

    Après une journée de travail, les usagers ont donc la joie de devoir zigzaguer entre les cannettes de bière, les « jeunes » ou les clochards, pour franchir les escaliers, que manifestement la SNCF ne considère plus comme faisant encore partie de l'emprise de la gare. C'est sans doute un « lieu de vie » qu'il faut respecter !

    Il faut aussi éviter les fumeurs qui s'agglutinent aux portes : on appréciera d'ailleurs que dans ces gares conçues au XIXe siècle pour évacuer vers le haut la fumée des locomotives à vapeur, on ne puisse plus fumer aujourd'hui qu'à l'extérieur…

    En soirée, la gare se métamorphose pour notre plaisir en grand aéroport international, les avions et les hôtesses en moins.

    La gare devient le lieu de rencontre de tous les peuples de la terre : une Babel de notre temps, qui doit ravir les bobos. On y entend tous les idiomes, on y croise toutes les tenues et des bambins de toutes les couleurs, avec une nette dominante africaine cependant. On n'a plus l'impression d'être à Paris.

    Merci à la SNCF de nous faire voyager de par le vaste monde pour le prix d'un modeste billet ! Pardon : d'un modeste abonnement – si possible annuel – payé d'avance, car le billet de train est devenu chose rare de nos jours. Ce n'était pas « rentable ».

    Bienvenue dans le meilleur des mondes

    Mais il y a quand même toutes sortes de policiers et vigiles dans cette gare « lumineuse et transparente » et cet espace d'échange : police nationale, gendarmes, police ferroviaire, police du métro, etc., tous pareillement vêtus, genre ninja mais sans cagoule, et en général constitués en patrouilles mixtes, diversité oblige : un blanc patibulaire, un black (pour parler gentiment aux blacks sans doute) et une femme.

    Sans oublier les braves militaires de Vigipirate qui déambulent, fusil à la main, l'air absent. Il y a aussi les contrôleurs de la SNCF qui ne se déplacent qu'en groupe et qui présentent désormais une remarquable diversité de coiffures, d'accoutrements ou d'ethnies, sans doute pour s'adapter à la clientèle du soir.

    Dans ce lieu de vie, on nous explique que tout bagage abandonné sera détruit ou qu'il faut surveiller nos affaires car des « pickpockets sont susceptibles d'opérer dans cette gare ». Tant pis pour vous on vous aura prévenus, semblent vouloir dire ces annonces, qui déchargent par avance la SNCF de toute responsabilité.

    Comme tout cela est rassurant ! On se sent tellement chez soi dans ce temple du voyage et du commerce qu'on a vraiment envie d'être ailleurs : c'est sans doute cela la magie du voyage.

    Merci la SNCF !

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 juillet 2012)

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  • Les snipers de la semaine... (31)

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    Au sommaire cette semaine :

    - sur Atlantico, le psychologue et caractérologue Maxence Brulard mouche Nicolas Sarkozy pour sa gestuelle d'élève soumis et fayot face à Barack Obama lors de leur interview télévisée commune...

    Obama / Sarkozy : la rencontre du sphinx et du lutin

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    - sur Causeur, Romaric Sangars dézingue le touriste comme "figure du client hyperbolique pour qui l’intégralité de l’univers visité devient objet de consommation"...

    Le tourisme et le sacré

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  • La vie des jeunes filles...

    Olivier Bardolle vient de publier chez L'Editeur un essai intitulé La vie des jeunes filles. Editeur, Olivier Bardolle est l'auteur de plusieurs essais décapant sur la société contemporaine comme  De l’excès d’efficacité des systèmes paranoïaques, Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines ou De la prolifération des homoncules sur le devenir de l’espèce, tous publiés chez l’Esprit des péninsules. A lire, donc !

     

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    "Depuis la première guerre mondiale, la société occidentale n'a eu de cesse d'étendre son empire en profitant au mieux de la chaotique et irrésistible aventure de la mondialisation. Dans cet effort d'extension infatigable, elle a aussi accouché d'un monstre : la jeune fille. Celle-ci, élevée au rang de concept, symbolise aujourd’hui de manière paroxystique le consommateur. Devenue en peu de temps un être parfait, et surtout parfaitement adaptée à son temps, la jeune fille déploie partout sa beauté pornographique, hygiénique et froide sans rencontrer de résistance. Elle triomphe dans l'inconscient collectif universel pour lequel elle représente désormais le modèle absolu (le top model).
    À travers une succession de fragments précis et implacables, Olivier Bardolle, qui se présente lui-même comme « une vieille jeune fille de sexe mâle », l'observe, la dissèque et étudie sa prolifération afin de mieux décrypter les mécanismes subtils de la « jeune-fillisation » de notre société."

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