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carl schmitt - Page 6

  • " Il est difficile de voir dans le catholicisme une religion identitaire "...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Breizh-Info, dans lequel il donne son sentiment sur l'actualité récente et évoque son dernier essai La puissance et la foi - Essais de théologie politique (Pierre-Guillaume de Roux, 2021).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

     

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    Alain de Benoist : « Le meilleur moyen de faire accepter des restrictions des libertés est de les justifier par la nécessité de garantir la santé ou la sécurité »

    Breizh-info.com : N’est-ce pas la peur, finalement, qui pousse les individus, les uns à côté des autres, à ne pas, à ne plus réagir ? Il semblerait que l’homme occidental ait désormais peur de tout (de mourir, d’agir, de vivre…). Est-ce le signe de quelque chose de potentiellement grave civilisationnellement parlant ?

    Alain de Benoist : Il est sûr que dans la société des individus, l’opinion dominante est qu’il n’existe rien de pire que la mort (d’autant plus que pour la majorité de nos contemporains il n’y a rien après). Cette opinion est caractéristique de toutes les époques décadentes, alors qu’à d’autres époques on estime que la servitude ou le déshonneur sont pires que la mort et que certaines causes méritent que l’on donne sa vie pour elles. Parallèlement, la vie est prise comme un absolu sans particularités, ce que les Grecs appelaient zoè, la « vie nue », la simple existence biologique, par opposition à la bios, le mode de vie, la vie pleinement vécue. De nos jours, on se préoccupe beaucoup de l’allongement de l’espérance de vie, c’est-à-dire de sa simple durée, plus rarement de son contenu. Comme le dit l’excellent Byung-Chul Han, « la quête de la vie bonne a cédé la place à l’hystérie de la survie ». Ceux qui veulent le plus survivre sont aussi ceux qui n’ont jamais vécu. Voilà pour l’aspect « civilisationnel ».

    Cela dit, il ne faut pas disqualifier la peur, comme le font ceux qui roulent les mécaniques en répétant « même pas peur ! » pour se rassurer. La peur n’est pas seulement le fait des froussards : seuls les inconscients n’ont jamais peur. Les gens courageux ne sont pas ceux qui ne connaissent pas la peur, mais ceux qui la surmontent. Il y a aujourd’hui beaucoup de raisons d’avoir peur : peur du chaos qui s’étend partout, peur de la précarité sociale, peur des faillites et des fermetures de petits commerces qui vont faire suite à la pandémie, peur d’une crise financière mondiale, etc. Les uns ont peur de voir Marine Le Pen arriver au pouvoir, d’autres ont peur des racailles et des « islamo-gauchistes ». Toutes ces peurs ne se valent pas, la grande question restant de savoir si, face à elles, on se résigne ou si l’on résiste. Mais la peur n’est pas toujours un fantasme.

    Breizh-info.com : N’y a-t-il pas un paradoxe en France actuellement avec l’introduction à venir d’un possible droit à l’euthanasie par les mêmes autorités qui sacrifient une population pour sauver un maximum de vieillards ?

    Alain de Benoist : On n’aurait pas de mal à vous répondre que les vieillards actuellement hospitalisés en réanimation ne sont pas forcément candidats à l’euthanasie ! C’est un peu comme si vous trouviez paradoxal qu’on cherche à toujours mieux protéger les enfants alors même qu’on autorise l’avortement…

    Breizh-info.com : Comment expliquez-vous par ailleurs que cette peur se soit diffusée au niveau mondial, à tel point que des pays n’ayant rien à voir avec des démocraties occidentales agissent finalement de la même façon ? Toute raison a-t-elle quitté notre planète ou bien est-ce dans l’ordre des choses ?

    Alain de Benoist : A des degrés divers, le virus s’est diffusé dans le monde entier. Il est assez logique que les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Notons quand même que les pays considérés (et bien souvent dénoncés) comme « illibéraux » sont, dans l’ensemble, ceux qui ont combattu l’épidémie avec le plus d’efficacité. Quand le moment sera venu de dresser un bilan, il y aura peut-être quelques leçons à tirer de ce côté-là.

    Breizh-info.com : Changeons de sujet. Vous avez sorti en février un essai intitulé « La puissance et la foi ». Qu’avez-vous voulu aborder à cette occasion ?

    Alain de Benoist : C’est un livre qui aborde, sous différents angles, la question aujourd’hui rebattue de la « théologie politique ». L’étiquette est large : elle se rapporte aussi bien à la façon dont l’Eglise a conçu le pouvoir temporel lorsqu’elle le contrôlait qu’aux tensions qui ont pu l’opposer au pouvoir politique : c’est elle qui est en jeu, par exemple, dans l’opposition du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel, dans la séculaire querelle de l’Empire et de la papauté, dans le conflit du trône et de l’autel, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’opposition entre loi civile et « loi naturelle », les notions de potestas et d’auctoritas.

    Une part importante de l’ouvrage porte sur ce qu’on a appelé la « querelle de la sécularisation ». L’époque de la sécularisation est celle où l’Eglise perd l’autorité surplombante qu’elle détenait auparavant sur la société globale – où la société « sort de la religion » pour reprendre l’expression de Marcel Gauchet. Mais c’est aussi l’époque où les grandes thématiques théologiques et religieuses sont transposées sous une forme profane. Carl Schmitt affirme ainsi que tous les concepts-clés de la politique moderne sont des concepts issus de la théologie. La sécularisation est alors à envisager comme une dialectique. Erik Peterson et Hans Blumenberg sont de ceux qui se sont opposés à Schmitt sur ce point, dans des perspectives d’ailleurs radicalement différentes. Je retrace ce débat dans le détail, en essayant d’en tirer des conclusions. Mais le livre porte aussi sur le péché originel, la violence monothéiste, l’image de Rome dans le judaïsme ancien, etc.

    Breizh-info.com : Vous posez également la question de la pertinence politique du christianisme. Vous n’allez pas vous faire que des amis…

    Alain de Benoist : Laissez-moi vous dire d’abord que je n’écris pas pour me faire des amis, mais pour dire ce que je pense – et pour donner à mes amis de bonnes raisons de penser ce qu’ils pensent également. En outre, je n’ai pas beaucoup de considération pour ceux qui estiment qu’on ne peut être lié d’amitié qu’avec ceux qui partagent vos opinions.

    La question de la « pertinence politique du christianisme » a dans le passé été discutée par de nombreux auteurs. Observant qu’au cours de l’histoire, le christianisme a voulu instaurer un pouvoir religieux distinct et rival du pouvoir politique, Rousseau constatait qu’il en a résulté un « perpétuel conflit de juridiction qui a rendu toute bonne politique impossible dans les États chrétiens ». L’apparition du christianisme a en effet entraîné un bouleversement dans les rapports entre vie religieuse et vie sociopolitique, communauté de foi et appartenance à la cité. Le christianisme pose l’individu avant le citoyen, et donc indépendamment de lui. L’individu étant considéré comme irréductible à la collectivité ou à la communauté politique, il en résulte un rapport nouveau du citoyen à l’Etat, qui modifie du même coup l’objet du culte et le statut de la religion. Le Dieu des chrétiens n’est en effet pas le Dieu d’un peuple, puisqu’il a autorité sur tous les hommes, et que ceux-ci ont tous vocation à l’adorer : l’idée d’un Dieu unique implique celle d’une famille humaine qui soit (ou puisse devenir) spirituellement une elle aussi. Autrement dit, le « peuple de Dieu » ne connaît pas de frontières. C’est la raison pour laquelle il est difficile de voir dans le catholicisme une religion identitaire – surtout quand on est Européen, puisque les gros bataillons de l’Eglise se trouvent désormais dans le Tiers-monde. S’il est un croyant rigoureux, un chrétien préférera toujours voir immigrer en France un Congolais catholique plutôt qu’un Suédois païen !

    Breizh-info.com : Le XXIe siècle scellera-t-il le retour et la victoire du religieux sur le matérialisme notamment ?

    Alain de Benoist : Je ne fais pas profession de lire l’avenir, et m’abstiendrai donc de répondre à votre question. Pour y voir plus clair, il faudrait déjà préciser le sens qu’on attribue aux mots « religieux » et « matérialisme ». Le « religieux », c’est très vague (tout aussi vague que la notion même de religion). En France, on ne compte plus que 4 % de chrétiens pratiquants, et parmi ceux qui se disent catholiques mais ne mettent jamais les pieds à l’église, seuls 52 % déclarent croire en Dieu ! L’islam, de son côté, est une force montante, mais l’islamisme a des objectifs beaucoup plus politiques que religieux. Quant au matérialisme, qui prend aujourd’hui surtout la forme du fétichisme de la marchandise, son principal moteur est l’obsession de la consommation. Ce n’est pas un matérialisme philosophique, mais un matérialisme pratique, doublé d’un indifférentisme religieux qui est, avec la privatisation de la foi, le principal danger qui menace aujourd’hui les Églises. La question que je préfère me poser porte plutôt sur la notion de sacré (qui est tout à l’opposé de celle de sainteté). Y aura-t-il encore place pour du sacré à l’époque de l’intelligence artificielle et des robots ? Quelles en seront les formes ? Où se situera-t-il ? Voilà des interrogations qui pourraient nourrir la réflexion.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 8 avril 2021)

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  • La puissance et la foi...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier un recueil d'essais d'Alain de Benoist intitulé La puissance et la foi - Essais de théologie politique.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020) et  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020).

     

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    " Qu’il s’agisse des efforts déployés par les Églises pour échapper à la privatisation intégrale de la foi et reprendre pied dans l’espace public, des débats sur la laïcité et le statut civil des religions, des discussions sur le « matérialisme pratique » et le « désenchantement du monde», mais aussi sur le « retour du religieux » et le nouvel essor de l’islam (et de l’islamisme politique), des centaines de livres et d’articles témoignent aujourd’hui de l’actualité de la théologie politique, expression qui peut aussi bien désigner la dimension religieuse de l’autorité politique ou la légitimation religieuse de cette même autorité, que le fondement du politique dans le religieux ou la religion comme source de l’ordre politique.

    Les textes réunis dans ce volume ont comme dénominateur commun les rapports complexes qu’ont entretenus au cours de l’histoire les logiques de la puissance et de la foi. Les quatre premiers entrent, à des titres divers, dans le cadre des études schmittiennes, ce qui ne saurait sur prendre quand on connaît le rôle décisif qu’ont joué les deux Théologie politique (1922 et 1969) de Carl Schmitt dans l’histoire des idées. Les quatre autres relèvent plutôt de l’histoire des religions. "

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  • "Que le salut du peuple soit la loi suprême" : Julien Freund et le politique...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Pierre Bérard à Breizh-Info à l'occasion de la récente publication du recueil Le politique ou l'art de désigner l'ennemi (La Nouvelle Librairie, 2020). Pierre Bérard, membre fondateur du GRECE, collaborateur régulier des revues de la Nouvelle Droite a été un élève et un complice de Julien Freund, qu'il fait magnifiquement revivre dans ce recueil au travers d'une retranscription de conversations pétillantes d'intelligence.

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    Pierre Bérard : « Julien Freund était un homme de la France d’avant qui pourrait être la France de demain »

    Breizh-info.com : Qui était Julien Freund ? À quelle occasion l’avez vous rencontré ? Qu’est-ce qui vous a marqué dans cette rencontre ?

    Pierre Berard : Julien Freund (1921-1993) était un personnage tout à fait singulier. Né à Henridorff en Moselle, tout près de l’Alsace, dans un milieu de paysans et d’ouvriers, il a du interrompre ses études après le baccalauréat pour subvenir
    au besoins de sa famille. Il est instituteur quand survient la seconde guerre mondiale. Détenu comme otage par les Allemands, il s’évade et rejoint Clermont Ferrand en zone libre où se trouve repliée l’université de Strasbourg.
    Il y poursuit sa licence de philosophie puis entre en résistance dès janvier 1941 dans les groupes-francs de Combat dirigés par Henri Frenay. Arrêté deux fois, il s’évade deux fois et termine la guerre dans les maquis FTP de
    la Drome. Après le conflit il tâte brièvement de la politique, puis muni de son agrégation de philosophie se lance dans la rédaction de sa thèse qu’il soutient en 1965 sous la direction de Raymond Aron. Ses 765 pages sont
    éditées la même année sous le titre L’essence du politique chez Sirey. Elle a connu depuis plusieurs rééditions et demeure l’oeuvre la plus considérable de ce penseur hors pair, que Pierre-André Taguieff considère comme
    « l’un des rares penseurs du politique que la France a vu naître au XX siècle ».

    J’ai rencontré Freund pour la première fois en janvier 1975 à Paris lors d’un colloque du GRECE où il s’était fait chaleureusement applaudir à la suite d’une conférence au titre assez provocateur « Plaidoyer pour l’aristocratie ».
    « Aristocratie » devant être pris dans son sens étymologique du gouvernement des meilleurs, c’est à dire les plus aptes à diriger la cité pour le bien commun de ses nationaux. Dès les années suivantes mes relations avec lui
    sont passées du stade courtois à la franche complicité. Moi-même strasbourgeois, j’ai pu le fréquenter tant chez lui, à Villé, que dans les winstub alsaciennes ou dans les colloques où je me trouvais invité avec lui.

    Ce qui marquait chez lui en dehors de son érudition phénoménale était sa simplicité et sa propension à parler avec tout le monde. Il était aussi rieur et souvent effronté, chose que j’ai tenu à mettre en scène dans les longues
    conversations que j’ai eu la chance de pouvoir entretenir avec lui jusqu’à sa mort. Il faut dire aussi que son espièglerie parfois persifleuse s’accommoderait fort mal avec le progressisme ou le salafisme dont notre époque est
    farcie jusqu’à la moelle.

    Les imprécateurs de ces nouveaux dogmes sont trop imbus de leurs certitudes et ne savent en conséquence pratiquer ni l’humour ni le second degré. Oui, de toute évidence Julien Freund était un homme de la France d’avant qui pourrait être la France de demain. Un homme qui savait douter, y compris de ses propres opinions; il n’avait pas la prétention des sectaires.

    Breizh-info.com : En quoi le livre « Le politique ou l’art de désigner l’ennemi » est essentiel, d’autant plus à notre époque ?

    Pierre Berard : Le livre Le politique ou l’art de désigner l’ennemi est composé d’une brillante introduction d’Alain de Benoist qui souligne les grands thèmes qui ont agité la pensée de Freund et les propos de table échangés entre lui et moi durant une bonne quinzaine d’années, puis de quatre longs articles que Freund avait confié aux revues de la Nouvelle Droite. Successivement, Propos sur le politique, Plaidoyer pour l’aristocratie, Les lignes de force de la pensée politique de Carl Schmitt et de Prolégomènes à une étude scientifique du fascisme. Ainsi ce livre constitue-il une bonne approche d’une oeuvre marquée par un réalisme que n’encombre aucun des multiples tabous et censures qui caractérisent notre présent et rendent impossibles la libre discussion.

    Freund est aujourd’hui un auteur injustement oublié. Il ne faut pas s’en étonner car c’est le lot de nombreux penseurs non-conformistes qui n’ont pas l’heur de satisfaire une université en proie à une idéologie qui s’attache à déconstruire ce qui faisait tout l’héritage du savoir européen. Freund avait d’ailleurs pressenti ce nouveau climat fait de lâcheté pour les uns et d’activisme forcené pour une minorité d’autres. Il démissionna de toutes ses fonctions académiques en 1972, à 51 ans, pour se retirer dans son village où il continua dans la sérénité à poursuivre son travail.

    Le livre est d’autant plus essentiel qu’à l’époque présente nous sommes inondés par les médias de grand chemin qui font la promotion incessante de minorités victimes de méchants « hommes blancs, hétérosexuels de plus de cinquante ans ».

    À l’heure présente, celle des basses eaux, les victimes ont remplacé les héros, du moins dans notre Panthéon. À cette avalanche ininterrompue qui agit comme un formatage de l’opinion, il nous appartient de réagir sous peine de disparaître d’un continent qui a vu notre civilisation s’élaborer et s’épanouir et entreprendre la rude tâche de déconstruire les déconstructeurs.

    Comme Max Weber, dont Freund fut un des passeurs en France, celui-ci affirme que le politique est affaire de puissance. Agir politiquement c’est exercer une puissance de même que renoncer à l’exercer c’est se soumettre d’emblée à la volonté et à la puissance des autres. Or sur le théâtre des opérations il y a bien des candidats à la puissance, à commencer par le plus visible, celui des États Unis, toujours aussi impérialistes et dont le soft power écrase nos identités, la Chine ou la Turquie d’Erdogan. Or nous ne pouvons que constater, sans être va-t-en-guerre pour autant, l’étonnante pusillanimité de l’Union européenne sur ces fronts là. Les lecteurs trouveront dans ce livre non seulement matière à se rasséréner mais surtout des arguments pour engager la contre-offensive nécéssaire afin d’assurer notre survie. Dans cet ordre d’idées le raisonnement de Freund s’apparente à celui du grand juriste allemand Carl Schmitt.

    Posons nous la question; est-il bien raisonnable de penser que tous les hommes ont vocation à s’entendre et de postuler l’avénement d’une paix universelle ? Ou bien ne s’agit-il là que d’une illusion angélique ? Le monde en effet n’est pas une unité politique, il n’est pas un universum mais bien plutôt un pluriversum politique. Freund incontestablement influencé par Carl Schmitt dans ce registre pose alors la question : ne convient-il pas de regarder la réalité en face et assumer le fait que le monde est composé d’ennemis potentiels et que seule une prise de conscience politique réaliste, dépourvue d’arguments moralisateurs peut engager une action responsable. Ceci est la base de la dialectique ami-ennemi. Penser la guerre comme actualisation ultime de l’hostilité n’est pas faire preuve de militarisme ou de bellicisme outrancier mais d’une prudence qui doit animer le politique.

    Imaginons un peuple qui voudrait échapper à cette loi de l’ami et de l’ennemi et qui se convaincrait à grands coups de déclamations incantatoires qu’il n’a aucun ennemi et même qu’il déclare la paix au monde entier, il ne supprimerait pas pour autant la polarité ami-ennemi, puisque un autre peuple peut fort bien le désigner comme ennemi. C’est l’ennemi qui vous désigne dit Freund. Et Schmitt de surenchérir : « Qu’un peuple faible n’ait plus la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique, ce n’est pas la fin du politique dans le monde. C’est seulement la fin d’un peuple faible ».

    La guerre n’est ni l’objectif ni la fin du politique mais elle demeure ce moment d’acmé dont tout homme d’État doit avoir l’hypothèse en tête. Freund ne croyait pas du tout à la disparition possible de la catégorie politique, raison pour laquelle il n’était pas libéral. En effet la pensée libérale mise sur la cessation des conflits, la fin de l’histoire et la dépolitisation de l’État en décrétant que le but des communautés humaines est la recherche du bonheur individuel en attribuant à l’instance dirigeante une simple posture de gestion, ce qui pour lui représentait une fiction délétère.

    Breizh-info.com : « Rien n’est plus éloigné du politique que la morale » écrit Alain de Benoist évoquant l’oeuvre de Freund. Pourtant aujourd’hui, toute la vie politique se résume à des leçons de morale, qui intègre même les décisions pénales. Que faut-il alors retenir de Freund pour l’appliquer ensuite à la vie politique, judiciaire de ce pays ?

    Pierre Berard : Pour Freund chaque activité est dotée d’une rationalité propre qui n’appartient qu’à elle. Il souligne à ce propos que l’erreur commune d’un certain marxisme (léniniste) et du libéralisme est de faire de la rationalité économique le
    modèle de toute rationalité.

    Il écrit à ce propos : « La pensée magique consiste justement en la croyance que l’on pourrait réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens d’une autre ». Il insiste tout particulièrement sur la confusion de la morale et du politique et conseille d’en finir avec cet imbroglio. Pourquoi ? Parce que, dit-il, la morale regarde le for intérieur privé tandis que le politique est une nécessité de la vie sociale. Aristote, l’un de ses maître, distinguait déjà vertu morale et vertu civique concluant que l’homme de bien est le bon citoyen. Un homme irréprochable du point de vue de la morale fait rarement un bon politique et d’autre part parce que la politique ne se fait pas avec de bonnes intentions morales, mais en s’attachant à ne pas faire de choix malheureux entrainant la perte de la cité.

    Agir moralement ou prétendre le faire peut conduire à mener des guerres « humanitaires » (l’expression est de Carl Schmitt) et déclencher des catastrophes en chaîne comme on l’a vu avec l’opération occidentale en Libye, où nous avons été entrainés par l’imposteur Bernard-Henri Lévy et le narcissisme du président Sarkozy. Qui dit humanité veut tromper proclamait Proudhon. Cette déclaration s’est rarement démentie ! La politique n’est pas pour autant amorale ou immorale. Elle possède même sa dimension morale pour autant qu’elle poursuit le bien commun. Le bien commun n’est pas la somme des intérêts individuels mais ce que Tocqueville appelait le « bien du pays ».

    Breizh-info.com : Désigner l’ennemi, c’est déjà forcément discriminer. Finalement, les lois qui aujourd’hui encadrent la liberté d’expression, et qui interdisent toute discrimination en France, ne sont-elles pas des lois qui vont à l’encontre du principe même de la vie de la cité, c’est à dire de la politique ?

    Pierre Berard :  Discriminer est une obligation dans l’ordre intellectuel sous peine de sombrer dans le confusionnisme. Il en va de même dans l’ordre politique où la première des discrimination doit distinguer le citoyen du non citoyen. La mode actuelle
    est à l’anti-discrimination sur le plan politique et pourtant l’État doit bien s’y résoudre quoi qu’il dise.

    Par exemple l’Éducation nationale ne peut recruter que des citoyens tout comme l’armée, à l’exception de la légion étrangère. Il est interdit en France d’être anti-islamiste mais bien vu d’être russophobe et ainsi de suite. En bonne logique les lois anti-discrimination sont inapplicables mais la logique est absente du système…Par exemple, comment est qualifiée une information ?

    Selon qu’elle plait ou non aux censeurs omniprésents ils la qualifieront de « complotiste » ou d’avérées. Dans le premier cas elle sera envoyée au pilon par les plateformes des oligarques la Silicon valley, dans le second elle aura droit à tous
    les égards comme information fiable. Dans son livre Athéna à la borne (éditions Pierre-Guillaume de Roux) maître Thibault Mercier a tout dit dans son seul sous titre Discriminer ou disparaître.

    Breizh-info.com : Quels sont, outre ce livre, les autres travaux de Freund que vous jugez important à lire et à comprendre ?

    Pierre Berard : Outre nombre d’études spécialisées je vois deux livres qui me paraissent importants. Le premier intitulé La décadence est paru chez Sirey en 1984. Il passe en revue toute les théories du déclin des civilisations et déclare dans son avant- propos que « tant qu’une civilisation demeure fidèle à l’impératif de ses normes, on ne saurait parler de décadence. Elle s’y embarque, dès qu’elle rompt avec elles ». C’est dire si il croyait que nous étions engagés sur cette voie. Il voyait dans l’aboulie de l’Europe et dans l’abolition progressive du politique au profit de l’économie et de la morale le signe de ce déclin. Il disait aussi que la culpabilité et que le sentiment de mauvaise conscience entretenus par de pseudos élites chez les Européens relevait d’un ethno-masochisme dont on ne voit nulle trace ailleurs.

    Certes la capacité des Européens à sans cesse se remettre en question fut longtemps une force dans la mesure ou elle aboutissait à de nouvelles synthèses mais au point où nous en sommes arrivés on ne voit rien surgir de tel, qu’un affaiblissement morbide et général. Tous les peuple ont commis l’esclavagisme, le colonialisme etc; n’est-il pas stupide que nous devions en porter seuls le poids historique et faire seuls repentance ad libitum ?

    Le deuxième livre que l’on peut conseiller aux lecteurs curieux est Politique et impolitique (toujours chez Sirey), un ample recueil d’articles dans lequel Freund définit ce qu’il entend par l’impolitique. Ce n’est ni l’apolitique ni l’antipolitique ni encore le non-politique. Une politique basée sur les droits de l’homme, par exemple, équivaudrait à une impolitique parce qu’elle serait à prétention morale. C’était aussi la conviction de Marcel Gauchet. Nous retrouvons là la confusion dénoncée par ailleurs qui consiste à réaliser l’objectif d’une activité avec les moyens d’une autre. Nous vivons en Europe une phase de confusion entre les essences qui correspond à une intense dépolitisation qui nous conduit à l’impuissance, aussi bien dans sur le plan intérieur qu’au plan diplomatique et géostratégique. Cela hérissait le poil de Julien Freund qui avait lu et retenu les leçons de Machiavel et de Thomas Hobbes, des apôtre de la politique réaliste.

    D’ailleurs on pourrait résumer Julien Freund à un seul postulat, l’adage romain et machiavélien Salus populi suprema lex qu’on peut traduire ainsi « Que le salut du peuple soit la loi suprême ». Malheureusement on est en droit de se demander si nous constituons toujours un peuple quoi qu’en disent certains intellectuels qui vivent dans des catégories autres que celles dans lesquelles ils pensent.

    Breizh-info.com : Peut-on dire que Freund était un disciple de Carl Schmitt ?

    Pierre Berard : Bien sûr qu’il a été, sinon son disciple, du moins très inspiré par lui. Mais alors que la polarité ami-ennemi joue un rôle clé dans la définition du politique par Schmitt, elle n’en est qu’un des éléments pour Freund. Celui-ci
    distingue des présupposés inhérents à toutes les sociétés humaines depuis toujours et opérant en couple.

    L’économique tout d’abord qui articule rareté et abondance, l’utile et le nuisible, le lien du maître à l’esclave. Le religieux ensuite qui fait la discrimination entre le sacré et le profane, du transcendant et de l’immanent. Viennent encore successivement l’esthétique qui fait la différence entre ce que l’on trouve beau et ce que l’on trouve laid, l’éthique dans laquelle se trouvent opposés la décence et l’indécence etc… Ces couples sont permanents indépendamment de ce qu’on y loge. Le couple ami-ennemi ne constituant que l’ultime clé de voute de tout cet appareillage puisqu’il met en scène la concorde intérieure et la sécurité extérieure dont dépend la bonne marche de tout le reste. En tant que catégorie conceptuelle, l’essence désigne chez Freund l’une de ces « activité originaires » ou orientations fondamentales de l’existence.

    Avancer l’idée selon laquelle il y a une essence du politique, c’est dire que le politique est un activité consubstantielle de notre être au monde. Mais cela signifie également que l’on ne saurait l’éliminer ainsi que l’ont tentés les marxistes pour qui le politique était synonyme d’aliénation et instrument de la domination de classe et aujourd’hui les libéraux qui le conçoivent comme une activité irrationnelle appelée à être remplacé par les lois du marché, bien entendu « libre et non faussé ». Le politique étant de tout temps il ne dérive pas d’un état antérieur, d’un état de nature non social. Fiction inventée par les théoriciens du contrat et reprise par les Lumières. L’essence selon Freund est « la part d’invariant existant dans une activité appelée dans la vie concrète à revêtir les figures les plus diverses » comme le rappelle Alain de Benoist dans son introduction.

    Pierre Bérard, propos recueillis par Yann Vallerie (Breizh-Info, 30 janvier 2021)

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  • Ami - Ennemi, le fondement du politique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une vidéo d'Ego Non qui présente l’œuvre de Carl Schmitt au travers de l'un de ses essais, La notion de politique (1932), essai dans lequel il identifie la distinction Ami - Ennemi comme fondement du politique.

                            

     

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  • Ernst Jünger - Carl Schmitt : une passion française...

     

    La revue Éléments et TV Libertés ont organisé un colloque consacré à Ernst Jünger et à Carl Schmitt à l'occasion de la parution de leur correspondance aux éditions Krisis/Pierre-Guillaume de Roux. A cette occasion, une table ronde, que vous pouvez découvrir ci-dessous, a réuni, autour de Thomas Hennetier, Julien Hervier, François Poncet et Alain de Benoist pour évoquer la place de la France dans la relation des deux écrivains.

     

                                           

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  • Quand le pape François fait passer la sécurité des migrants avant celle des nations...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque les positions du pape François sur l'immigration. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019) et La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Alain de Benoist : « Immigration, comment le pape François nous trompe… »

    Le moins qu’on puisse dire est que Tutti fratelli, la dernière encyclique du , n’a pas fait l’unanimité dans le monde catholique. Surtout quand il affirme s’être senti encouragé par le grand imam Ahmed el Tayyeb, rencontré à Abou Dabi. Votre sentiment ?

    Venant après Lumen fidei et Laudato si’, la troisième encyclique du pape François se présente comme une interminable admonestation politique qui appelle à « penser à une autre humanité », où chacun aurait le droit de « se réaliser intégralement comme personne ». Cela impliquerait, notamment, le droit des immigrés à s’installer où ils veulent, quand ils veulent et en aussi grand nombre que cela leur convient. C’est ainsi qu’on jetterait les bases de la « fraternité universelle ». Le pape a apparemment oublié que l’histoire de la fraternité commence mal, en l’occurrence avec le meurtre d’Abel par son frère Caïn (Gn 4, 8).

    Cela dit, le pape François a des arguments théologiques à faire valoir. Dans le monothéisme, le Dieu unique est le « Père » de tous les hommes, puisque tous les hommes sont appelés à l’adorer. Tous les fils de ce Père peuvent donc être considérés comme des frères. C’est le fondement de l’universalisme chrétien : le peuple de Dieu ne connaît pas de frontières. Les différences d’appartenance, d’origine ou de sexe sont insignifiantes aux yeux de Dieu : « Il n’y a ni Juif ni grec, il n’y a ni homme ni femme, car tous vous ne faites qu’un dans le Christ » (Ga 3, 28). L’homme appartient à l’humanité de façon immédiate, et non plus, comme on le considérait dans l’Antiquité, de façon médiate, par l’intermédiaire d’un peuple ou d’une culture (pour le pape, le peuple est une « catégorie mythique »).

    Quand on déclare considérer quelqu’un « comme un frère », la référence est évidemment le frère réel, le frère de sang. Rien de tel chez François qui peut, ici, se réclamer de l’exemple de Jésus dans l’un des plus célèbres épisodes des Évangiles. La famille de Jésus se rend auprès de l’endroit où il prêche afin de se saisir de lui, considérant qu’il « a perdu le sens (elegon gar oti exestè) » : « Il y avait une foule assise autour de lui et on lui dit : “Voilà que ta mère et tes frères et tes sœurs sont là dehors qui te cherchent”. Il leur répond : “Qui est ma mère ? Et [qui] mes frères ?” Et, promenant son regard sur ceux qui étaient assis en rond autour de lui, il dit : “Voici ma mère et mes frères. Quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là m’est un frère et une sœur et une mère” » (Mc 3, 20-35). La supériorité de la fraternité spirituelle sur la fraternité biologique est très clairement affirmée. Destitution du charnel au profit du spirituel, de la nature au nom de la culture, du sang au profit de l’esprit.

    C’est dans cet esprit que le pape François ne veut, dans l’immigration, que considérer l’intérêt des migrants. Il l’avait déjà dit auparavant : pour lui, « la sécurité des migrants doit toujours passer systématiquement avant la sécurité nationale ». La sécurité des populations d’accueil passe après. François met, ici, ses pas dans l’Épître à Diognète, lettre d’un chrétien anonyme de la fin du IIe siècle : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes […] Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. »

    Mais quel sens exact faut-il donner au mot « fraternité » ?

    Dans la devise républicaine, la « fraternité » est une valeur morale, pas un principe politique. Si on veut l’utiliser comme principe politique, on va au-devant de tous les contresens. Il y a quelques mois, des juristes n’ont pas hésité à se référer au principe de « fraternité » pour légitimer l’action des passeurs qui font traverser nos frontières à des immigrés clandestins. C’est évidemment une perversion des textes.

    Le ressort de la fraternité, pour le pape François, réside dans l’agapè, qui est la forme chrétienne de l’amour. Sa traduction latine par caritas (« charité ») n’en exprime pas tout le sens. L’agapè est avant tout une disposition d’esprit qui doit entretenir l’ouverture à l’Autre quel que soit cet Autre. C’est un amour universel, sans destinataire singulier, un amour pour tout homme au seul motif qu’il est un homme, un amour inconditionnel aussi, qui n’attend rien en retour.

    En proclamant que « nous sommes tous frères », François se rallie à une conception totalement irréaliste des rapports sociaux. Il croit qu’il n’y aura plus de guerres quand tous les hommes regarderont « tout être humain comme un frère ou une sœur ». Il croit que la politique se ramène à la morale, qui se ramène elle-même à l’« amour ». Il confond la morale publique et la morale privée, qui ne se situent nullement sur le même plan : accorder mon hospitalité personnelle à un étranger est une chose, en faire venir des millions dans un pays au point d’en altérer l’identité en est une autre. En conclusion, il n’hésite pas à plaider pour une « organisation mondiale dotée d’autorité » qui supprimerait toutes les frontières et toutes les souverainetés nationales.

    Cette encyclique est aussi, pour le pape, une nouvelle occasion de critiquer notre système marchand, tout en appelant de ses vœux un « monde ouvert ». N’est-ce pas une contradiction majeure, quand ce n’est pas un appel à la déferlante migratoire ?

    C’est, bien sûr, une totale inconséquence, puisque le capitalisme libéral, que le pape François stigmatise par ailleurs – et à juste titre –, ne cesse de réclamer la libre circulation des hommes et des marchandises (« laissez faire, laissez passer »). En bonne logique libérale, rien n’est plus « ouvert » qu’un marché ! Affirmer que les migrants ont droit de s’installer où bon leur semble – Benoît XVI proclamait déjà le « droit humain fondamental de chacun de s’établir là où il l’estime le plus opportun » –, c’est très exactement reprendre un mot d’ordre libéral.

    Le pape se contredit encore quand il appelle à abattre les murs, en oubliant que leur fonction première n’est pas d’exclure mais de protéger. En prenant position pour une solidarité sans frontières qui existerait à l’état potentiel chez tous les hommes au seul motif qu’ils sont humains, il montre qu’il ne comprend pas qu’il n’y a de fraternité possible, au sens de la philia aristotélicienne (l’amitié politique et sociale), qu’à la condition qu’elle soit circonscrite dans des limites bien définies. De même le « bien commun universel » n’est-il qu’une illusion : il n’y a pas de bien commun pensable que limité à ceux qui partagent concrètement ce commun, à savoir les communautés politiquement et culturellement présentes à elles-mêmes.

    Le pape présente l’humanité unifiée comme un but à atteindre (« rêvons en tant qu’une seule et même humanité »), la cité cosmopolitique comme une rédemption, comme si la division du monde en nations, en cultures et en peuples était un accident historique qu’il serait possible d’effacer. Sa « fraternité universelle » n’est, en fait, qu’un vœu pieux dénué de sens, sous-tendu par l’obsession de l’unique, de la fusion, de la disparition de tout ce qui sépare et donc distingue. Compte tenu de ce que sont les hommes réels, autant prôner la « fraternité » de la gazelle et du lion ! Jean-Baptiste Carrier, en 1793, disait massacrer les Vendéens « par principe d’humanité ». Carl Schmitt, citant Proudhon, ajoutait : « Qui dit humanité, veut tromper. » François trompe énormément.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 26 novembre 2020)

     

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