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animaux - Page 3

  • Halal/Casher : qu'en pensent les moutons ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Frédéric Malaval, cueilli sur Polémia et consacré à la question de l'abattage rituel, qu'il soit casher ou halal...

     

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    Halal/Casher : qu'en pensent les moutons ?

    Marine Le Pen a lancé le débat. Puis, Claude Guéant, François Fillon, Nicolas Sarkozy l'ont relayée, chacun tentant d'attirer quelques électeurs de plus en pointant les pratiques halal/casher.

     

    Choquée que ce thème soit utilisé à des fins électorales, la bien-pensance monta au front arguant que des sujets bien plus importants devaient être privilégiés. Pourtant, le maintien de rites ancestraux au nom d'identités d'essence religieuse manifeste la volonté de minorités d'être en contravention avec la règle commune. Notons que les représentants de l'Ecologie politique officielle sont d'une discrétion absolue sur ce sujet. Eva Joly a même osé qualifier cela de « rideau de fumée qui masque les véritables enjeux ». Elle préfère parler de chômage ou de politique étrangère… Si les «écologistes patentés ne s'intéressent pas à la nature et aux animaux, qui va le faire ?

     

    Plus globalement, la singularité religieuse casher/halal affirme une volonté de se singulariser au sein d'une civilisation européenne qui accorde de plus en plus de droits à la nature, en général, et à l'animal, en particulier. Parmi ceux-ci : celui de ne pas souffrir. Relevons que sur ce thème aucun mouton, vache, poulet, etc., n'a été interrogé alors qu'ils sont les premiers concernés. Personne ne peut légitimement se revendiquer leur tuteur. Ce constat, entre autres, amène de nombreux juristes à considérer que le droit anthropocentré qui organise nos écosystèmes artificiels est désormais obsolète.

     

    Hier, la souffrance animale était envisagée comme une illusion. Assimilé à une machine dans la philosophie de Descartes, car dépourvu d'âme, l'animal était offert à toutes les abominations. La vivisection du XIXe siècle fut la conséquence paroxystique de cette conception. En parallèle émerge une conscience naturaliste dont la législation actuelle est l'héritière. Dès le XIIIe siècle, saint François d’Assise diffuse l’idée d’une nature distincte de l’homme, certes, mais dont les éléments comme les oiseaux sont nos frères. Aussi, on trouve dans la tradition chrétienne l'idée que l'homme n'est que le « gérant » ou l' « intendant » de la Création divine à laquelle il doit rendre compte de ses actes. Hans Jonas (1903-1993), philosophe allemand, fut une des personnalités ayant popularisé les enjeux philosophiques de cette relation à la nature.

     

    Les historiens considèrent que c'est au XIXe siècle que cette reconnaissance des droits de l'animal prend forme. Les modifications industrielles qui conduisent au remplacement de l'énergie animale par la vapeur ou l'électricité font que l'animal de référence n'est plus seulement l'animal de travail, usé à la tâche, souvent traité avec indifférence ou cruauté, mais l'animal de compagnie, observé et aimé. C'est ainsi qu'après les guerres napoléoniennes apparaissent les premières sociétés de protection des animaux. Les traitements inhumains des animaux (élevage ou abattage des animaux de boucherie, dressage des animaux de cirque, bêtes de trait maltraitées) sont stigmatisés. Les chasses cruelles sont condamnées. On dénonce la vivisection. On fait interdire les combats d'animaux. Toute une série de lois assure la protection juridique des animaux. En Angleterre comme en France, le combat contre la souffrance animale est associé à la lutte contre l'esclavage et au développement de la démocratie. C’est une composante du Progrès de l’HOMME.

     

    Jeremy Bentham dans Introduction aux principes de la morale et de la législation, déclarait ainsi en 1789 : « Il y eut une époque, et j'avoue avec tristesse qu'en bien des lieux ce temps n'est pas révolu, où la plus grande partie de l'espèce, sous la dénomination d'esclaves, était considérée aux yeux de la loi de la même manière que les animaux des races inférieures sont traités en Angleterre par exemple. Le jour viendra peut-être où le reste du règne animal retrouvera ses droits qui n'auraient jamais pu lui être enlevés autrement que par le bras de la tyrannie. Les Français ont déjà réalisé que la peau foncée n'est pas une raison pour abandonner sans recours un être humain aux caprices d'un persécuteur. Peut-être finira-t-on un jour par s'apercevoir que le nombre de jambes, la pilosité de la peau ou l'extrémité de l'os sacrum sont des raisons tout aussi insuffisantes d'abandonner une créature sensible au même sort. »

     

    Depuis, le droit de la nature et des animaux est devenu un pilier de notre civilisation européenne. La directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, sur la responsabilité environnementale en est la pierre angulaire. Auparavant, en mai 1999 était entré en vigueur le protocole sur la protection et le bien-être des animaux. Ils y sont reconnus comme des êtres sensibles. S'appuyant sur des législations anticipatrices, la directive 74/577/CEE du Conseil du 18 novembre 1974 imposait l'étourdissement des animaux avant leur abattage. Les procédés d'étourdissement autorisés doivent plonger les animaux dans un état d'inconscience qui doit durer jusqu'à leur abattage, de manière que toute souffrance leur soit épargnée. Or, les pratiques casher/halal s’affranchissent de cette règle de fond.

     

    Pourtant, la pression est forte. La chaîne de télévision Arte alimente le combat pour le droit des animaux. Le mardi 27 mars 2012, elle diffusera un reportage sous le titre : « Doit-on encore manger des animaux ? » Hier, elle faisait une large publicité au livre Faut-il manger les animaux ? de Jonathan Safran Foer. Une multitude de vidéos sur l'abattage casher ou halal circulent sur le Web. Personne ne peut dire : je ne sais pas. Alors pourquoi des dérogations halal/casher ? Beaucoup de juifs et de musulmans n'approuvent pas leurs coreligionnaires extrémistes. Mais ils sont discrets.

     

    En imposant, on ne sait comment, des pratiques d'un autre âge, et alors que le combat pour la dignité animale est loin d'être gagné, le maintien de ces pratiques d'abattage halal/casher trahit une volonté de se situer résolument à la marge d'une évolution organique de la civilisation européenne. La polémique déclenchée par Marine Le Pen est donc symptomatique d’un enjeu de civilisation fondamental. Au contraire d’une dispute factice sur les avantages réciproques de la prime pour l’emploi ou de la TVA sociale, elle est digne d’une élection présidentielle. Encore faudrait-il l’aborder franchement et appeler un mouton, un mouton. Cela participerait à la mutation d’un droit anthropocentré en un droit écocentré, seul garant de l’avènement d’une réelle société écologique.

     

    En guise de conclusion, et pour étouffer d'emblée toutes déformations de ces lignes, précisons que si les prosélytes du halal/casher apportaient la preuve que leurs pratiques limitaient la souffrance animale, alors il faudrait immédiatement que tous les abattoirs s'y adonnent.

    Frédéric Malaval (Polémia, 17 mars 2012)

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  • Apologie du carnivore !...

    La publication de l'essai de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ? (L'Olivier, 2011), a été l'occasion d'une violente offensive des milieux bobos-végétariens pour s'attaquer au principe de la consommation de viande animale. Le philosophe Dominique Lestel, spécialiste de la question animale, avec Apologie du carnivore, un essai publié chez Fayard, revient sur ce débat avec beaucoup d'intelligence...

     

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    "Vous aimez manger de la viande et vous en avez assez de vous entendre accuser par les végétariens de mépriser les animaux?
    Ce livre est fait pour vous.
    Dans cet essai mordant, Dominique Lestel pousse le raisonnement des végétariens « éthiques » à l’extrême. Loin de remettre en cause l’empathie pour l’animal, essentielle à notre humanité même, il montre que le carnivore est en fait plus proche de l’animal qu’aucun végétarien ne le sera jamais. Pourquoi ? Parce qu’en mangeant de la viande il assume sa propre nature animale, quand le végétarien manifeste, lui, le désir de supprimer l’animalité et de réactiver le statut d’exception accordé à l’humain.
    Cet éloge du carnivore à contre-courant du discours dominant n’empêche pas le philosophe de reconnaître l’urgence éthique d’aujourd’hui : ce n’est pas l’abolition de la consommation de viande qu’il faut obtenir, mais celle des élevages industriels intensifs, véritable ignominie des temps modernes. Et il appelle végétariens et carnivores à s’unir dans ce combat."

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  • Vivre avec les animaux ?...

    Les éditions La Découverte viennent de publier dans la bibliothèque du MAUSS un essai de Jocelyne Porcher, préfacé par Alain Caillé, intitulé Vivre avec les animaux - une utopie pour le XXIe siècle. On peut découvrir un bon exposé des idées de l'auteur dans un entretien donné à Agrobiosciences.

     

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    "Dans notre monde radicalement artificialisé, seuls les animaux, en nous rappelant ce qu'a été la nature, nous permettront peut-être de nous souvenir de notre propre humanité. Mais saurons-nous vivre avec eux ? Le voulons-nous encore ? Car l'abattage de masse des animaux, considérés comme simples éléments des « productions animales », leur inflige une terreur et une souffrance insoutenables, tout en désespérant les éleveurs. Et l'élevage, après 10 000 ans d'existence, est aujourd'hui souvent décrit comme une nuisance, pour l'environnement comme pour notre santé. Une condamnation reposant sur une confusion entre « élevage » et « production animale », dont il nous faut comprendre les enjeux.
    Qu'est-ce que l'élevage ? Quelles différences entre « élevage » et « productions animales » ? Quelle est la place de la mort dans le travail avec les animaux ? Peut-on améliorer leur sort dans les systèmes industriels ? Faut-il « libérer les animaux » comme le proposent certains philosophes ? En répondant ici à ces questions, Jocelyne Porcher explique en quoi la capacité des hommes à coexister pacifiquement dépend de leur capacité à vivre en paix et dignement avec les animaux. Et pourquoi, dès lors, sauver l'élevage en évitant son assujettissement au système d'exploitation et de mise à mort industrielle pourrait être une des plus belles utopies du XXIe siècle."

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  • Des animaux et des hommes...

    Poursuivant la réflexion entreprise dans le numéro 134 de la revue Eléments (janvier-mars 2010), dédié à la question animale, Alain de Benoist vient de publier aux éditions Alexipharmaque, Des animaux et des hommes - la place des animaux dans la nature. Un passionnant contrepoint philosophique au livre du biologiste Yves Christen, L'animal est-il une personne ? (Flammarion, 2009).

     

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    "En 1755, dans son Traité des animaux, Condillac écrivait : « Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes, si ce n'était pas un moyen de savoir ce que nous sommes ». Depuis l'Antiquité, le regard porté par l'homme sur le vivant nourrit une interrogation qui, au fil des siècles, depuis Aristote jusqu'à Descartes, puis jusqu'à nos jours, a suscité une multitude de débats philosophiques, scientifiques, idéologiques et religieux. A date récente, le développement de la recherche a conduit à se demander si les animaux ne sont pas des personnes. Il s'agit en fin de compte de savoir quelle est la place de l'homme dans la nature. 

    Konrad Lorenz disait que ceux qui refusent d’admettre que l’homme est un animal ont tort, mais que ceux pour qui il n’est rien d’autre qu’un animal ont tort également. Entre les hommes et les animaux, y a-t-il une différence de nature ou une différence de degré? Par rapport aux sociétés animales, quelle est la spécificité des sociétés humaines? Plus généralement, comment faut-il comprendre la façon dont s’articulent la nature et la culture? Quelles leçons tirer des plus récentes découvertes scientifiques? Peut-on encore jeter les bases d’une véritable anthropologie philosophique? C’est à ces questions que s’efforce de répondre ce livre, à partir d’un survol de l’histoire des idées et d’une enquête sur l’état actuel du  savoir."

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  • Nature sauvage d'Europe !

    Les éditions de La Martinière viennent de publier Wild, nature sauvage d'Europe, un ouvrage magnifique réalisé par une soixantaine de photographes européens spécialistes de la photographie de nature qui ont parcouru les territoires encore préservés de notre continent.

    Le site Wild Wonders of Europe permet de se faire une bonne idée du contenu du livre.

    Un hymne à la beauté de la nature européenne à ne pas manquer !...

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    "Des ours polaires de Svalbard aux tortues de Méditerranée, des bisons de Pologne aux orchidées sauvages et aux glaciers enneigés, notre continent livre pour la première fois la beauté de ses paysages et l'immense richesse de sa faune.


    Grâce à une politique de conservation de plus en plus influente, de nombreuses espèces ont été protégées et réintroduites dans leurs milieux naturels. Chaque année, de nouveaux sites viennent s'ajouter aux espaces protégés qui, dans l'Union européenne, représentent désormais environ 20 % du territoire.


    Célébrant l’Année internationale de la biodiversité, cet ouvrage présente les résultats concrets de la protection et de la réintroduction d'espèces sauvages. Il rappelle aussi que des mauvais choix peuvent avoir des conséquences désastreuses sur un environement naturel qui demeure très fragile."

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  • Des animaux et des hommes

    L'éditorial de Robert de Herte (alias Alain de Benoist) dans le numéro 134 de la revue Eléments, disponible en kiosque ou ici :

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    Des animaux et des hommes
     

    La pensée antique, avec Thalès, Anaximandre, Héraclite, Xénophane et bien d'autres, était fondamentalement moniste. Du constat des oppositions, elle ne concluait pas au dualisme, mais à la conciliation des contraires. Dans l'Antiquité, on ne confond pas les dieux avec les hommes, les hommes avec les animaux, les animaux avec les végétaux, les végétaux avec la matière inanimée, mais on leur attribue des niveaux différents dans un procès continu de perception. Pour les Anciens, tout être vivant, homme ou animal, porte en lui un principe de vie et de mouvement, que les Grecs appellent psyche, terme que l'on traduit généralement par « âme». (On notera que le latin anima, « âme », est aussi à l'origine du mot « animal » ) .

    Pour Aristote, l'homme est le seul animal doué de logos, le seul animal « rationnel ». On notera toutefois qu'Aristote ne dit pas que l'homme est le seul être raisonnable, mais qu'il est le seul « animal raisonnable », formule qui montre bien ce qui apparente l'homme à l'animal, et le différencie en même temps. Pour Aristote, l'âme de l'homme diffère de celle des animaux en ce sens que l'homme peut accéder à la pensée conceptuelle et dégager des notions générales à partir de ses perceptions singulières, mais cette différence, tout en étant décisive, est aussi relative: il n'y a pas de rupture nette entre le monde animal et celui des hommes, mais une échelle continue allant de l'inanimé jusqu'aux dieux. En d'autres termes, Aristote reconnaît l'unité du monde, tout en y introduisant une hiérarchie.

    La tradition stoïcienne, de Chrysippe à Sénèque, sera la première à tracer une frontière plus nette entre l'homme et les animaux. Dans le stoïcisme, seul l'homme est capable d'agir en fonction de sa seule raison, tandis que l'animal est toujours contraint par la « nécessité naturelle ». Mais l'animal n'en continue pas moins d'avoir une âme, ce qui explique qu'il soit capable de perceptions, de sensations, de souffrances et de plaisirs. Un tournant radical est en revanche pris avec le christianisme, qui affirme pour la première fois que les animaux n'ont pas d'âme: quoique mortel comme les autres vivants, l'homme est seul à en posséder une. Cette âme ne tient pas à sa nature, mais résulte de la grâce de Dieu. Elle est en outre individuelle (il n'y a pas d'âme collective), et enfin elle est immortelle. Dans le christianisme, cette triple particularité est liée à l'affirmation de l'unité de l'espèce humaine. Il y a en effet un lien très fort entre l'unicité de Dieu, l'unité de la famille humaine et la mise à l'écart ,ou le rabaissement des animaux.

    Dans cette perspective, l'animal est fondamentalement perçu comme un homme inachevé, un vivant imparfait, une « structure privative ». À la vue de l'immense fossé qui le sépare désormais du reste du vivant, l'homme va donc s'excepter du discours sur les animaux et désolidariser sa nature de la leur. Les conséquences de cette rupture seront immenses. C'est la philosophie cartésienne qui en donnera la formulation la plus décisive.

    Non seulement Descartes condamne définitivement l'idée que les animaux puissent avoir une âme, mais il va jusqu'à ruiner la thèse qui accorde au vivant une prédominance sur l'inanimé. Pour Descartes, l'âme n'a plus de fonction vitale: son seul attribut est la pensée. « Je pense, donc je suis », cela signifie que l'être premier de l'homme réside dans la pensée, non dans la vie. Entre l'âme et le corps de l'homme, il n'y donc plus aucun rapport naturel: l'âme est purement spirituelle, tandis que le corps est purement matériel. Double dualisme: l'homme est coupé en deux (d'un côté son corps, de l'autre son âme et son esprit) et. d'autre part, il est plus que jamais séparé de façon radicale des animaux. Parallèlement, Descartes assimile le vivant à une machine. L'animal n'ayant pas d'âme, n'est qu'une machine insensible. Descartes explique que l'animal ne peut penser et en tire la conclusion qu'il ne percevoir, ni ressentir de la souffrance ou de la joie. Les cris que pousse un chien battu reçoivent une explication purement mécanique : les coups de bâton provoquent un ébranlement nerveux qui entraîne le remplissage des poumons, et l'expiration de l'air fait vibrer les cordes vocales. Telle est la théorie cartésienne des « animaux-machines ».

    Elle soulève évidemment d'insurmontables problèmes. Si l'âme et le corps n'ont chez l'homme aucun rapport naturel, comment peuvent-ils cohabiter? Le dualisme cartésien n'en va pas moins se propager, de façon durable, dans toute une série de domaines: coupure entre le corps et l'âme, l'homme et la nature, l'esprit et la matière, le plan spirituel et le plan matériel,la raison et l'émotion, la liberté et le déterminisme, l'inné et l'acquis, la nature et la culture, l'être et le devenir, l'instinct et la moralité, la nécessité et la liberté, etc. - chacune de ces notions ne définissant plus les différents aspects d'un même champ conceptuel, mais se présentant comme des pôles dont l'affirmation de l'un entraîne automatiquement la dévalorisation ou la négation de l'autre.

    Descartes a eu une triple postérité. D'abord ceux qui retiennent la thèse de 1'« animal-machine », mais rejettent l'idée d'une coupure entre l'homme et l'animal. Ensuite ceux qui retiennent l'idée que les animaux n'ont pas d'âme, mais affirment que l'homme n'en a pas non plus et rejettent par ailleurs la thèse de 1'« animal machine » au profit de l'idée d'une unité du vivant. Enfin, ceux qui, au contraire, retiennent l'idée d'une coupure fondamentale entre l'homme et l'animal, mais en donnent une autre interprétation que celle proposée par Descartes.

    La première tendance est représentée par certains penseurs mécanistes du XVIIe et XVIIIe siècles, comme La Mettrie, qui s'efforcent de réduire le rôle de l'âme dans l'explication des phénomènes humains en soutenant que l'homme n'est lui-même qu'une «machine» au même titre que les animaux. La thèse a l'avantage de réintégrer l'homme dans l'ordre du vivant, mais d'un vivant qui n'a plus aucune des caractéristiques de la vie. La deuxième tendance est représentée par le courant biologiste qui, au travers des théories transformistes de Lamarck et de Darwin, fait de l'homme un animal évolué, replaçant ainsi pleinement l'homme dans l'ordre du vivant, mais dont nombre de représentants restent fondamentalement attachés à l'analytisme et au réductionnisme cartésiens. La troisième correspond aux kantiens, qui soutiennent que la spécificité de l'homme tient au fait qu'il échappe entièrement à toute détermination biologique «naturelle»: l'homme, selon eux, n'est devenu homme qu'en s'arrachant au règne animal, et affirme d'autant plus sa « dignité » d'être humain qu'il continue à s'écarter de la simple nature.

    En 1755, dans son Traité des animaux, Condillac écrivait: «Il serait peu curieux de savoir ce que sont les bêtes, si ce n'était pas un moyen de savoir ce que nous sommes». Tout discours sur l'animal a en effet des retombées sur l'homme, qu'il s'agisse pour ce dernier de se concevoir lui-même comme un animal ou de se désolidariser des animaux. Mais ce n'est là qu'un aspect d'une problématique beaucoup plus vaste, dont les enjeux philosophiques, scientifiques, idéologiques et religieux sont considérables et qui, depuis bientôt deux millénaires, a suscité des controverses innombrables. Cette problématique est celle de la place qu'occupe l'homme dans la nature. Le débat reste ouvert. Il est immense.

     

    Robert de Herte ( Eléments n°134, janvier-mars 2010)

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