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américanisation - Page 2

  • L'américanisation des élites...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous l'éditorial du 11 octobre 2020 de Guillaume Bigot sur Cnews, consacré à l'américanisation des élites. Docteur en sciences politiques, publiciste, Guillaume Bigot est l'auteur de plusieurs essais comme Sept scénarios de l'apocalypse (Flammarion, 2000), Le Zombie et le fanatique (Flammarion, 2002), Le Jour où la France tremblera (Ramsay, 2005) ou La trahison des chefs (Fayard, 2013).

     


                                           

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  • En régime d'américanité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Régis Debray, cueilli sur Marianne et consacré à l'américanisation de la France. Penseur républicain,  se définissant parfois comme "gaulliste d'extrême gauche", Régis Debray est l'auteur de nombreux essais, dont, dernièrement  Civilisation - Comment nous sommes devenus américains (Gallimard, 2017), Le nouveau pouvoir (Cerf, 2017) ou Bilan de faillite (Gallimard, 2018).

     

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    Alignez-vous !

    Tournant en 1943, peu avant de mourir, ses yeux vers l’après-guerre, Simone Weil a dit sa crainte qu’une fois le danger hitlérien écarté, ne survienne « une américanisation de l’Europe qui préparerait sans doute une américanisation du globe terrestre ». Elle ajoutait que dans ce cas « l’humanité perdrait son passé ».

    On peut se demander si ce n’est pas la sujétion du globe à la loi du Capital, via le dollar, la world music et le Web, qui a rendu possible la mutation de l’ethos européen, mais peu importe la cause et l’effet, l’admirable Simone avait vu juste. Il n’y a plus lieu de craindre mais simplement de prendre acte que notre présent est désormais au standard, et notre passé (bien au-delà de quelques statues, mortelles comme nous tous) fort mal en point. Le processus séculaire d’absorption entamé en 1919 (avec l’arrivée à Paris du charleston et la version du Traité de Versailles en anglais exigée par le président Wilson, première entaille à la tradition séculaire du français comme langue officielle de la diplomatie) semble être parvenu non à ses fins, car n’ayant rien d’un complot, il n’en avait probablement pas, mais à sa conclusion historique.

    Marée montante

    La séquence américanisation achevée, nous sommes en mesure de jouir d’une américanité heureuse, devenue force tranquille et seconde nature. La romanisation de l’œkoumène entre le premier et le troisième siècle de notre ère – de la Tamise à l’Euphrate en passant par l’Afrique numide – n’a nullement pâti d’un Caligula ou d’un Héliogabale foldingue au Capitole. L’américanisation du monde occidental se moque d’un éphémère Père Ubu à la Maison-Blanche. L’écume politique est une chose, l’attraction de la lune et du soleil sur les us et coutumes en est une autre. Nous parlons ici non d’une loufoquerie passagère, mais des façons de vivre et de penser, de parler et de rêver, de protester et d’acquiescer. D’une marée montante et non d’une vaguelette au bassin des enfants.

    Un phénomène d’ordre et d’envergure anthropologique n’appelle pas plus de jugement de moralité, louange ou condamnation, qu’un solstice d’été ou d’hiver. Il a suscité, dès ses prodromes, chez quelques « nez » prémonitoires, l’intérêt d’un Valéry pour la fin d’un monde en 1945, ou encore l’étonnement d’un Jean Zay (le ministre du Front populaire assassiné par la milice en 1944) débarquant du Normandie à New York en 1939 et notant dans son Journal : « quand on quittait la vieille Europe aux nerfs malades, rongée de folie fratricide, pour aborder cette Amérique éclatante de jeunesse et de puissance créatrice, toute entière tournée vers l’avenir, on comprenait que l’axe de la civilisation se déplaçait peu à peu, pour finir par passer l’Atlantique avec les prochains clippers. » La translatio imperii et studiorum est un passage obligé du devenir historique, depuis Sumer et Babylone jusqu’à l’Angleterre de la reine Victoria et les États-Unis du président Wilson, la Chine attend son tour.

    Formater les autres

    Chaque époque a son caput mundi, sa culture rectrice et directrice, sa civilisation la mieux dotée en capacité d’absorption et d’émission (l’une parce que l’autre), la plus apte, de ce fait, à irradier, informer, formater les autres, soit qu’elles aient vieilli, soit qu’elles peinent à naître. Les captations d’hégémonie, y compris picturale et musicale, épousent les rapports de force monétaires et militaires. Derrière Périclès, il y a l’hoplite, derrière Virgile, le légionnaire, derrière Saint-Thomas, le Chevalier, derrière Kipling, la Royal Navy et derrière Hollywood, la Silicon Valley et Marilyn Monroe, le billet vert et dix porte-avions. Il appartient aux plus gros canons de fixer à chaque reprise le canon universel du Beau, du Vrai et du Juste. Rien de nouveau dans la ritournelle. Jérémiades inutiles. C’est la loi immémoriale du Devenir. Et nous avons assez d’orgueil, ou de pudeur, pour nous voiler la marque du remorqueur qui nous a pris dans son sillage en parlant de « mondialisation ». Dans le vague, l’honneur est sauf.

    Le succès d’une domination par le centre nerveux de la planète à tel ou tel moment se reconnaît à ceci qu’elle est intériorisée non comme une obligation mais comme une libération par les innervés et les énervés de la périphérie ; quand un nous exogène devient le on de l’indigène, sans marque de fabrique, sorti de nulle part et libre d’emploi. Quand M. Macron écoute La Marseillaise en mettant la main sur le cœur, quand M. Mélenchon met un genou à terre, quand Mme Hidalgo donne le plus bel emplacement parisien aux tulipes en bronze de Jeff Koons ou quand un dealer honore ses juges d’un « Votre honneur », ils n’ont pas tous conscience d’imiter qui que ce soit. Ils veulent être dans le ton.

    Quand le lycée Colbert de Thionville, région Grand-Est, se rebaptise, à l’initiative du président « républicain » de la région, Rosa Parks (ou tel autre, Angela Davis), c’est sans doute pour être smart, pour faire comme tout le monde mais c’est d’abord pour vivre avec son temps, parce qu’un monde est devenu le monde. Se rebaptiser, pour ce lycée, Toussaint Louverture, Pierre Vidal-Naquet (qui mériterait le Panthéon) ou bien Sonthonax, le jacobin qui fut l’initiateur de l’abolition de l’esclavage en 1793 (ou pour un autre, Che Guevara), eut été contre-nature. Une emprise est parachevée quand on prend l’autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel. Quand les journaux de notre start-up nation cessent de mettre en italiques running, cluster, prime time, ou mille autres scies de notre globish quotidien.

    Métamorphose

    Au terme de trois siècles de romanisation, les « Barbares » ont envahi la botte italienne par amour, pour devenir enfin de vrais romains. Le souci des Pères conscrits du Mont Palatin était de freiner ce désir unanime d’assimilation, comme celui de Washington, à présent, d’empêcher les « Barbares » immigrés de devenir Américains, avec un mur au Texas et des rafles ailleurs. Ils ont peut-être tort de regarder seulement vers le Sud, en négligeant leur Occident. Après seulement cinquante ans de séries US à la télé, de Débarquement chaque soir en Normandie et de Young Leaders aux postes de commande, nos traders, nos managers, nos spin-doctors rêvent eux aussi de pouvoir s’installer à Manhattan, tout comme les membres du groupe « Sexion d’assaut » (la France est le pays où le rap, la musique la plus vendue au monde, est le plus écouté), tout comme les fans de Heavy Metal de Clisson, notre Rock City.

    Avec « l’accélération de l’histoire », les délais de la translation d’axe ont raccourci. Il a fallu quatre ou cinq siècles à la Grèce pour devenir romaine (de la mort d’Alexandre à la mort de Philpœmen, « le dernier des Grecs »). Trois siècles pour transformer la romanité en chrétienté. Un siècle à la grand-mère des arts, des armes et des lois pour assimiler les normes et réflexes de l’hyperpuissance, mais comparaison est à demi-raison. Le Grec vaincu a donné pour une très longue durée sa langue aux élites victorieuses. On ne sache pas que les Marc-Aurèle de la Maison Blanche méditent dans la langue de Molière, mais la French theory, les Foucault et Baudrillard, ont trouvé bon accueil dans les universités de pointe du XXe siècle (moyennant de sérieux contresens), tout comme la physique épicurienne et la morale stoïcienne, Zénon de Cittium et Chrysippe sous les portiques romains les plus huppés du IIIe siècle.

    Classer les individus d’après leur « race » ?

    Il y a une originalité dans la présente phagocytose. On procédait jusqu’ici, dans tous les cas de figure (y compris, quoi qu’on ait dit du rôle des femmes et des esclaves dans la métamorphose du Romain en chrétien), du fort au faible, des centres vers les marges. La règle du jeu, pour nous, les contemporains, c’eut été qu’Homo œconimicus pour nous convertir à ses vues et ses valeurs, nous délègue ses meilleurs éléments, le haut du panier (disons, pardon pour le prosaïsme, ses Alain Minc, BHL ou Moscovici). Généralement, il y a de la résistance au nouveau, chez les retardataires. Ici, en France, c’est l’enthousiasme qui frappe. Homo academicus, réputé jadis anticonformiste, en rajoute dans le mimétisme avec nos gender et cultural studies, et fait de nos campus des annexes de Harvard ou Stanford.

    La protestation antisystème s’exprime, chez les plus radicaux, dans les termes du système central, où le fin du fin consiste à classer les individus d’après leur « race », leur sexe, leur handicap physique ou leur provenance, une manie jusqu’ici réservée, dans nos provinces reculées, à l’extrême-droite. Maurras a remplacé Jaurès. Montaigne avait raison : l’histoire est une branloire pérenne. Et peu importe aux esprits avancés si la « diversité » peut servir d’alibi au maintien des inégalités économiques, conformément au nouvel esprit du capitalisme. Mettre une femme de plus, un black ou un beur dans un conseil d’administration ne change rien à l’ordre du profit maximal. Et peu importe si au jeu des minorités, tournant le dos à l’idée d’une même citoyenneté pour tous, le petit Blanc majoritaire, misogyne, homophobe et raciste, ne tardera pas à se poser en minorité victimisée, et à sortir, pour nous culpabiliser, une Tea Party de sa poche.

    Mise aux normes

    « L’Europe, disait Valéry dès 1930, aspire visiblement à être gouvernée par une commission américaine, tant sa politique s’y dirige ». Il ne pouvait prévoir que cette Commission serait en fait, cinquante ans plus tard, installée à Bruxelles, siège du quartier général de l’Otan, pour faire respecter les règles de la concurrence libre et non faussée entre les pays et les individus aussi, les desiderata des lobbies et la privatisation des services publics. Ce que nous, nous n’avions pas prévu, c’est que la mise aux normes s’avère aussi irrésistible dans les marges et chez les opprimés que dans le centre-ville et chez les grands patrons. Que la langue du maître – Black lives matter – devienne, sans traduction, celle de l’esclave, et son drapeau aussi. Aux États-Unis, beaucoup de manifestants, Noirs et Blancs réunis, brandissent le drapeau étoilé parce qu’ils sont fiers de leur pays auquel ils demandent d’être fidèle à ses valeurs proclamées. Ils ont encore en tête et dans leur cœur l’Amérique de Roosevelt, si chère à mon ami Stéphane Hessel auquel elle donnait toujours espoir, mais qui m’eût sans doute fait remarquer, s’il était vivant, qu’au moment où George Floyd était ignoblement asphyxié, un handicapé palestinien sur sa chaise roulante seul dans une rue de Jérusalem, était tué par balle, ce qui n’a ému personne en France. Il s’en serait, lui, ému mais sans illusion, car il est dans l’ordre des choses que ce qui se passe à New York fasse un gros titre à Paris, mais que ce qui se passe à Paris, à peine un entrefilet à New York.

    Il y a une géopolitique à la verticale des événements, des mots et des images ; le haut déverse les siens vers le bas, ceux des contrebas ne remontent pas. On ne voit pas les émeutiers du Deep South brandir le drapeau tricolore, mais c’est le Star and Stripes qu’on voit brandir à domicile. Martin Luther King a mené son combat en tant que Noir et en tant que patriote, indissolublement. Là est la différence entre un centre qui aspire et des pourtours qui s’inspirent. C’est comme si, chez nous, Spartacus se dressait contre son ennemi Cassius, le consul romain, avec les codes, les images et les enseignes de Cassius (qui fera crucifier 6000 révoltés le long de la route). Les voies de la suprématie – en l’occurrence de la Manifest Destiny – sont décidément impénétrables, encore que l’Ambassade US à Paris sait donner des coups de pouce à la divine Providence en allant recruter dans les banlieues, pour des camps d’été décoloniaux et des séminaires de formation à l’antiracisme en métropole, tous frais payés. Le Nord ne perd pas le nord. Il veille à son image et à l’avenir en draguant côté Sud. Le contrôle préventif des éléments possiblement contestataires témoigne d’un remarquable sens stratégique.

    Le mode de domination du XXIe siècle n’est plus militaire (sauf en cas d’urgence, au Moyen-Orient ou en Amérique latine), mais culturel. Préventif et non répressif. Surveillance en amont des communications et formatage des mentalités (les GAFA). L’imprégnation visuelle, en vidéosphère, est décisive. Aucun médiologue ne peut s’étonner de voir Minneapolis à Paris, et le Bronx dans le quartier des Grésilles, à Dijon. L’Est européen fut jadis kidnappé par l’Empire des Soviets ; l’Ouest européen est médusé par l’empire des images. Rencontrant la fibre communautaire, la fibre optique libère une charge émotionnelle, un choc catalyseur que n’auront jamais un imprimé ou un discours savant avec notes en bas de page. Elle le fait sur l’instant, en live, ce qui est irrésistible, et réduit encore plus les frais de transport et de traduction. Là où il a fallu trois décennies pour importer le identity politics (expression forgée en 1977 par des Afro-Américains), encore une dizaine d’années pour déployer à Paris la Gay Pride (inaugurée à New York en 1979), mais seulement un mois pour traduire le #metoo en #balancetonporc, c’est à présent en 24 heures que nous sont fournis le slogan et le geste qui s’imposent. Nos maîtres et magistères locaux sont ainsi pris à revers par les outils de leur maîtrise, le clip, le spot, les flashes et les news en direct. Inversion du jour et de la nuit.

    Les people confisquaient la visibilité sociale à leur profit – à eux le buzz et les caméras –, et voilà que les paumés jusqu’ici invisibles, ont trouvé, en surdoués du visuel, les moyens de la voyance, et l’art de passer au journal de 20 h, avec le show-biz en garant. Les gilets jaunes et les peaux noires, les femmes à la maison et les aides-soignants, les livreurs de pizza et les derniers de cordée, les réfugiés et les sans-papiers avec leur smartphone en poche, retournent l’impolitesse aux premiers de cordée. Vous gouvernez en mode image ? Nous nous soulevons en mode image. Un prêté pour un rendu. Chapeau.

    Épidémie de mea-culpa

    C’est l’intelligence des exclus. Quand une nation a été construite par un État et que l’État démissionne, la nation se disloque. Plus de peuple mais des populations, c’est-à-dire des communautés, c’est-à-dire des clientèles. Les ex-colonisés, victimes de violences policières, sont alors fondés à se mettre sur les rangs, et à réclamer le respect dû autant à leurs épreuves actuelles qu’aux souffrances ancestrales, blessures inscrites au fond de l’âme des descendants d’esclaves. L’Élysée et Matignon vont avoir un agenda chargé, ironiserait un chroniqueur un peu cynique. Déjà requis par le CRIF pour s’asseoir sur la sellette et rendre des comptes aux représentants officiels de la communauté, nos gouvernants doivent désormais prévoir, outre l’assistance déjà obligatoire au Nouvel an chinois et à la rupture du jeûne, le dîner du CRAN (conseil représentatif des associations noires), celui du CFCM (conseil français du culte musulman), celui du CCOAF (conseil de coordination des organisations arméniennes de France), celui du CNEF (conseil national des évangéliques de France), en attendant les Manouches et les Tchétchènes en voie d’organisation. Épidémie de mea-culpa. Les communautés vont-elles faire la chaîne ? Du online shaming en perspective (en patois, du pain sur la planche).

    L’heure n’est pas à l’ironie mais à l’embarras, du moins pour les rescapés du monde ancien encore en vie. L’anti-impérialiste aux poils blancs, toujours de mèche avec Franz Fanon et les damnés de la Terre, ne peut pas, dans un pays qui dénie son passé colonial, ne pas soutenir, dans leur colère, les brimés et les humiliés, mais il ne peut s’empêcher de voir que l’émancipation des parties s’effectue de telle façon, dans les pas et les mots du World leader, qu’elle accélère et renforce l’asservissement cybernétique du tout. Le progressiste ne peut pas ne pas voir une fieffée régression dans le remplacement de la classe par l’ethnie, des arguments de Raison par des cris du cœur, et dans son ethnie à lui, (sa petite zone de confort), du militant par le pénitent. Le laïque ne peut pas se satisfaire que ce soit la mosquée, et non la mairie, qui scelle un armistice au nom d’Allah miséricordieux entre Maghrébins et Tchétchènes. Ni voir d’un bon œil les confessions religieuses redevenir ce qu’en disait Marx – « l’expression de la misère et la protestation contre la misère, le soupir de la créature accablée, le cœur d’un monde sans cœur » –, les meetings remplacés par des réunions de prière et les programmes politiques par des sermons évangéliques, comme c’est l’usage outre-Atlantique.

    Un Français, last but not least, ne peut pas sacrifier de bon cœur ses traditions provinciales de galanterie et d’amour courtois, son goût des mots à double sens, ses clins d’œil et ses bises, ses sourires ambigus à la transparence morale du puritain, et à la surveillance du vocabulaire désormais de mise dans les multinationales, pour le marketing, et bientôt dans nos rues et nos mails. C’est le malheur de la France, « la patrie de la politique », disait Marx, que d’être le pays d’Europe qui, étant donné son passé, avec ses barricades et ses salons mixtes, a le moins à gagner et le plus à perdre dans l’acculturation en voie d’achèvement.

    Régime d’américanité

    En régime d’américanité, il y aura comme dans ceux qui l’ont précédé, des gains et des pertes, et l’optimiste pourra nous appeler à voir, dans chaque renoncement recommandé, une mesure d’économie. On s’adapte à tout. Perdre son passé, comme dit Simone Weil, c’est sans doute embêtant pour la musique classique, une musique de Blancs, et pour l’Europe aussi. Continent habité plus qu’un autre par le temps. Il se définit usuellement par la confluence de trois héritages – le romain, avec le Droit, le grec, avec la Science et le chrétien, avec la Conscience. Voilà de bien douteux antécédents car le monde antique, un millénaire d’histoire lourd à porter, était férocement et fièrement esclavagiste et patriarcal. Rappelons-nous que le Code noir avait pour fin et premier but de forcer les esclaves des Îles à aller à la messe. Mais après tout, ne faut-il pas laisser les morts enterrer les morts, et avons-nous vraiment besoin, à l’heure du tube et de la house, du clavecin et du violoncelle, de latin et de grec, et de droit romain là où devra régner la common law ?

    Perdre l’avenir sera un peu plus déprimant mais on doit l’envisager avec la même sérénité. Là où l’Origine fait un nœud coulant et rend inutile tout espoir de Dénouement, à quoi bon s’occuper du bonheur des générations futures si, born this way, les jeux sont joués dès la naissance ? Plus de deuxième chance. Le stigmate du bourgeois oppresseur n’était pas irrémédiable. On pouvait encore s’inscrire au parti communiste, rejoindre la CGT ou un maquis au Mozambique. Mais avec le « privilège de l’homme blanc » – comment se racheter ? Le dermatologue, le psychanalyste ? Et si me vient l’envie de prendre à cœur, moi, mâle blanc hétérosexuel cisgenre, la cause et les luttes de mes frères en humanité autrement équipés, je peux craindre d’être accusé de m’approprier et confisquer des souffrances qui ne me regardent pas, dans le seul but de renforcer ma pole position, dans une parfaite inauthenticité. Mais réfléchissons bien : vu les effets dévastateurs de la croyance au Progrès, et le coût en vies humaines des messianismes séculiers, n’est-il pas salutaire de renoncer au sens de l’histoire et aux utopies fatales ? De s’en tenir à l’aménagement de ce qui est, et non à la vaine poursuite de ce qui devrait ou pourrait être ?

    La vision politique du monde a eu beaucoup d’inconvénients. Voyons donc le bon côté des choses. Il fallait bien refermer un jour l’ère judéo-chrétienne, avec son temps fléché, son éternelle attente d’un Messie qui ne vient jamais, ses prétentions à l’universel (dont l’entracte socialiste aura été une variante), pour la restituer à sa vérité, comme un bref moment du quaternaire supérieur. Et parmi les avantages du New deal, la nouvelle donne, n’en n’oublions pas un, dont un certain nombre d’entre nous, férus de belles phrases et d’envolées un peu creuses, pourront se féliciter : être dispensé de tout apprentissage rhétorique. Chacun devant rester sur ses rails, inutile de vouloir le convaincre d’autre chose que de ses choses à lui, sous peine d’appropriation culturelle.

    "Il n’est nul besoin d’aimer le monde qui vient pour le voir venir"

    Il est clair qu’il nous faut mettre à profit l’interrègne entre notre statut actuel d’État libre associé, 2020, et notre futur statut d’État fédéré de plein droit, 2120, pour se réinventer courageusement. Et commencer à mettre au point une nouvelle économie psychique, un nouvel agenda pratique, dussent-ils heurter nos préjugés, qui nous éviterait de gaspiller nos énergies dans des occupations, notamment civiques, devenues obsolètes. La class action est acquise. La discrimination positive s’impose de toute évidence ; également la fixation, dans chaque profession, de quotas ethniques, comme Charles Maurras l’avait déjà recommandé, mais aussi l’utilisation de tests génétiques préalables par les compagnies d’assurances et les entreprises, pour les avertir de toute modification chromosomique susceptible de reconsidérer les droits et avantages des assurés et employés. Des biologistes s’attellent déjà à une clarification des frontières entre peuplades – tâche difficile compte-tenu des sang-mêlés ultra-marins et autres. Nos chercheurs peuvent s’inspirer, il est vrai, des juristes allemands qui ont eu naguère à fixer les frontières exactes entre juif, demi-juif, et quart de juif. Il y a, dans ce domaine, côté national-socialiste, une expérimentation de l’infâme à ne pas négliger. Voilà quelques-unes des tâches dévolues, horresco referens, à ceux et celles qui n’hésiteront pas à tirer les saumâtres conséquences de la définition médiologique de la culture : une réponse adaptative à un milieu technique en plein chamboulement.

    « Il n’est nul besoin d’aimer le monde qui vient pour le voir venir », annonçait Chateaubriand, l’enchanteur aux bonnes jumelles. Des paroles à méditer, par quiconque entend, bon gré mal gré, se mettre en ligne avec le temps assez peu aimable qu’on aimerait ne pas voir arriver jusqu’à nous.

    Régis Debray (Le Carnet des médiologues, 30 juin 2020)

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  • Vu en Amérique, bientôt en France...

    Les éditions Stock viennent de publier une enquête de Géraldine Smith intitulée Vu en Amérique - Bientôt en France. Journaliste, Géraldine Smith s'est fait connaître avec la publication de Rue Jean-Pierre Tambaud (Stock, 2016), la dénonciation de l'islamisation et de la communautarisation d'un quartier de Paris...

     

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    " Sous l’Amérique d’aujourd’hui perce la France de demain. La « flexibilité » à l’américaine – de l’emploi, des horaires d’ouverture des magasins, du départ à la retraite, de la vie familiale désynchronisée –, on connaît déjà. Voici maintenant la revendication de « lieux sûrs », de l’entre-soi, du « droit » de se promener en pyjama dans la rue, des pronoms aussi fluides que le genre. En attendant l’addiction sur ordonnance, la prescription de pilules pour améliorer les résultats scolaires, l’épuration de la littérature, la prohibition de la danse « sexuellement agressive » et du port du sombrero. En huit histoires, toutes de première main, ce livre raconte l’Amérique comme vous ne l’avez jamais vue, la France telle que vous ne la connaissez pas… encore. "

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  • En attendant la droite nouvelle...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à l'impérieux besoin d'une droite nouvelle pour reconstruire une civilisation dévastée par l'immigration, l'individualisme et le néo-capitalisme...

    Dans un esprit proche, on pourra utilement consulter le site du nouveau collectif Ligne droite...

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    Pour 2018, souhaitons-nous une droite nouvelle ?

    L’année 2017 fut sinistre en France. Mais le plus sinistre ne fut-il pas finalement que la droite française ait, une nouvelle fois, trahi les espoirs placés en elle ? Pourquoi ? Parce que les électeurs ont compris que la droite ne vivait plus que dans le passé, au lieu de démontrer sa capacité à affronter l’avenir.

    La Droite en marche mais… en marche arrière !

    Car toute la droite regarde obstinément et avec délectation dans le rétroviseur de l’histoire. C’est sa marque de fabrique.

    Il suffit pour s’en persuader de parcourir certains sites, certains journaux ou d’écouter certains propos : ici, on assure la promotion d’un film consacré aux guerres de Vendée ; là, on déplore les églises en péril ; là, on dénombre les victimes de 100 ans de communisme ou l’on dénonce les méfaits de la Réforme.

    Un chroniqueur médiatique célèbre quotidiennement avec talent le « suicide » français et la fin des Trente Glorieuses. Les héritiers de ceux qui hier critiquaient vertement De Gaulle sont devenus des professeurs de souveraineté, mais à retardement. Mais tous communient dans le lugubre énoncé quotidien des plaies ou des fautes françaises : la répression des mal-pensants, la délinquance, l’immigration ou l’avortement de masse.

    Et encore, s’agit-il de médias faisant preuve d’une certaine conscience politique dissidente.

    Que dire alors du reste de la population, plongé dans la réminiscence médiatique obligatoire des « heures sombres de notre histoire » et du « devoir de mémoire » ! Ce passé qui ne passe jamais ne sert à rien, comme l’avait bien vu Nietzsche, sinon à nous détruire par étouffement.

    L’histoire ne repasse pas les plats. Il serait temps que la Droite le découvre

    Ce n’est certes pas nouveau, mais les sempiternelles jérémiades des réseaux conservateurs, traditionalistes, réacs et autres souverainistes de tout poil commencent vraiment à nous fatiguer.

    D’abord, ces jérémiades ne servent à rien car, comme l’affirmait drôlement Louis-Ferdinand Céline au siècle dernier, « l’histoire ne repasse pas les plats ».

    On peut, bien sûr, se demander avec inquiétude si les cloches sonneront encore demain en France. Mais Philippe de Villiers ferait mieux de se demander pourquoi les Français fréquentent de moins en moins leurs églises ! La nostalgie du passé est certes humaine, mais elle ne débouche politiquement sur rien.

    Une certaine droite vit pour cette raison toujours à l’heure du complexe du comte de Chambord : à force de se focaliser sur le symbole du drapeau blanc, on finit par ouvrir la voie au… régime républicain.

    Aujourd’hui l’esprit du comte de Chambord prend la forme du souverainisme nostalgique. L’essentiel ne serait-il pas de pouvoir bientôt acheter « sa baguette avec des francs », comme le promettait Florian Philippot lors des dernières élections présidentielles ?

    D’autres se réfugient dans le régionalisme sécessionniste, comme hier dans le Larzac : une autre façon, plus branchée, d’enclencher la marche arrière dans le monde d’aujourd’hui. « Arrêtez le monde, je veux descendre », comme écrivait ironiquement déjà dans les années 1980 l’éditorialiste Louis Pauwels !

    Le vieux mythe de « la France seule » refait ainsi malheureusement surface et, avec lui, son patriotisme de restriction et la grande illusion vichyssoise de se prétendre souverain tout en sortant de l’histoire.

    Qu’on le veuille ou non, à l’âge du choc des civilisations, le destin de la France est désormais indissociable de celui de la civilisation européenne. Sur le site Polémia, la vidéo « Être Européen » a ainsi été beaucoup plus visionnée que celle intitulée « Être Français » et ce n’est pas un hasard. Il serait temps que la droite le reconnaisse.

    Il n’y a plus rien à conserver. Il faut désormais tout reconstruire

    Les conservateurs nous cachent aussi un grand secret : il n’y a justement plus rien à conserver ! Car la France que nos pères ont faite et ont défendue avec leur sang n’existe plus.

    Elle a été détruite par l’immigration de peuplement, par le néo-capitalisme, par l’individualisme radical, par l’Europe de Bruxelles comme par l’américanisation de la culture, donc par tout ce que la droite a été incapable d’empêcher quand elle n’a pas elle-même encouragé ces évolutions catastrophiques, en particulier à cause de son américanophilie maladive et de son adhésion aveugle à l’idéologie libérale.

    La France reste, certes, un beau pays folklorique, mais surtout à usage des étrangers désormais. Une belle villégiature qui n’a pas encore été complètement détruite par les promoteurs immobiliers, les centres commerciaux et les friches industrielles. On visite encore ses châteaux, ses cathédrales et ses musées, comme on visite le Parthénon, c’est-à-dire les vestiges d’une culture morte. Comme on profite de son système social, également moribond du fait de la dénatalité et du chômage de masse des autochtones.

    D’où aussi l’ambiguïté de la défense de l’identité de nos jours : car notre identité, cadavérique, est sans doute plus à reconstruire, aujourd’hui, comme l’ont fait différents peuples menacés dans l’histoire, qu’à conserver dans le formol mémoriel.

    En 2017 la droite n’aurait rien pu changer, sinon en pire

    Doit-on donc continuer, en jouant les pleureuses ou les procureurs selon le tempérament de chacun, de regretter l’échec de François Fillon ou de Marine Le Pen ? Hélas non, car leur élection n’aurait rien changé, sinon en pire.

    En effet, désormais il ne s’agit plus de conquérir le pouvoir, mais de rétablir la souveraineté du politique : donc de créer un nouveau Pouvoir face à l’omnipotence du Système oligarchique ; de rétablir la primauté du « gouvernement des hommes » sur celui des choses, pour reprendre une vieille formule. Mais cela, ni F. Fillon ni M. Le Pen n’ont démontré qu’ils l’avaient compris.

    Les partisans de la Manif Pour Tous devraient donc méditer leur échec.

    En 1984, leurs parents ont fait reculer le gouvernement socialiste, en défendant l’école libre. Mais la loi Taubira est passée malgré les centaines de milliers de manifestants et de ballons roses et bleus à travers toute la France. Pourquoi ? Parce qu’aujourd’hui les vraies décisions ne se prennent plus à l’Élysée, à Matignon ou au Parlement : car le Pouvoir est passé aux juges, aux lobbies, aux médias, aux institutions financières et aux grandes firmes transnationales, qui tous se moquent de la volonté populaire.

    Un président de droite, dans ce contexte, n’aurait rien pu faire : face à l’armée des défenseurs et des relais du Système il ne se serait appuyé que sur le vide.

    C’est justement à combler ce vide que la droite devrait prioritairement consacrer ses efforts, au lieu de rejouer le sempiternel et dérisoire combat des chefs.

    Pour une réforme intellectuelle et morale de la droite

    L’avenir n’a jamais appartenu aux spectateurs, ni aux nostalgiques ni aux faibles. Il ne sert à rien, par exemple, de faire des succès de librairie en déplorant l’islamisation rampante ou galopante si on n’a rien de concret à lui opposer. L’islam est un défi qu’il faut relever, comme l’ont fait nos ancêtres, et non pas seulement à commenter ou à déplorer.

    Si elle veut apparaître comme une alternative crédible au Système – mais le veut-elle vraiment ? – la droite doit donc cesser de révérer ses vieilles idoles. Pour tout dire, elle a besoin d’une profonde réforme intellectuelle et morale.

    Le « monde d’avant », comme dit Emmanuel Macron, ne reviendra pas : il faut donc que la droite ait l’audace d’en construire un nouveau.

    De même le vrai patriotisme de nos jours est européen, continental et civilisationnel, et non pas corse, catalan, savoyard ou souverainiste. Il ne suffit pas de twitter contre l’Europe de Bruxelles ou celle de Mme Merkel : il faut bâtir à la place une Europe puissance, qui soit la maison commune de tous les Européens. Car seule une telle Europe permettra à notre civilisation de survivre dans le monde multipolaire qui vient.

    La droite doit pour cela faire rêver, alors que jusqu’à présent elle nous a surtout fait bâiller d’ennui ou hurler de déception : il lui faut désormais incarner une foi nouvelle dans notre avenir commun. Défendre notre glorieux passé, certes, mais surtout forger de nouvelles forces pour le monde de demain.

    En 1962, un jeune militant de droite, tirant les conséquences de l’échec de la cause de l’Algérie Française, écrivait que « la jeunesse d’Europe aura de nouvelles cathédrales à construire et un nouvel empire à édifier (*) ». Il s’appelait Dominique Venner.

    Pour 2018, souhaitons donc que la droite s’attelle enfin à la tâche.

    Michel Geoffroy (Polémia, 7 janvier 2017)

    (*) Dominique Venner, Pour une critique positive, éditions Idées [1962] 2013, 75 pages.

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  • Le réel sert-il à quelque chose ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Xavier Eman, comme toujours d'une cruelle lucidité, dans lequel il ne peut que constater que la confrontation du peuple au réel ne suffit pas à provoquer son réveil... Collaborateur de la revue Éléments, il a récemment publié Une fin du monde sans importance (Krisis, 2016), un recueil de chroniques mordantes.

     

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    Le réel ne sert à rien...

    Nous étions nombreux à croire, et à croire fermement et depuis fort longtemps, que la confrontation au réel, le choc entre les utopies et une réalité aussi violente qu'implacable, conduirait à un « sursaut », à une « prise de conscience » et un retour en force du simple « bon sens », cet instinct de survie des individus et des peuples. Nous pensions que le jour où les trottoirs de Paris ou de Nice seraient jonchés de cadavres d'hommes, de femmes et d'enfants froidement assassinés par des musulmans fanatiques, que lorsque des hordes de migrants clandestins déferleraient dans les rues, insultant et agressant nos femmes et nos filles, et à l'instant où nos enfants ne pourraient plus aller à l'école en sécurité, qui plus est pour ne plus rien y apprendre, les gens réagiraient et rejetteraient radicalement et massivement les politiques qui nous ont menées à un tel chaos ainsi que les hommes qui les ont servies.

    Nous nous sommes trompés. Complètement. Absolument. Nous avons pêché par naïveté. Par paresse peut-être aussi, imaginant qu'il n'y avait finalement qu'à attendre que le lent délitement général atteigne son point de non-retour pour que le balancier reparte en sens inverse et que cycle de la décadence et de la déréliction soit terminé.

    C'est très exactement le contraire qui s'est produit, qui est en train de se produire... La radicalisation et la dramatisation du réel n'ont entraîné qu'une accélération de la fuite en avant, une exacerbation de la pulsion de mort qui est sans doute l'élément central et totalement inédit de la post-modernité. Le réel n'est plus qu'une donnée mineure parmi d'autres, une variable d'ajustement. Les gens ne veulent plus réagir et agir pour lui faire face, tenter de le changer, ils veulent l'évacuer, l'oublier... L'effet anesthésiant et hypnotique du prêchi-prêcha humanitaro-progressiste n'est plus le produit d'une drogue injectée de force de l'extérieur, elle est auto-générée par chacun en son for intérieur... Plutôt mourir qu'abandonner l'illusion, plutôt crever la gueule ouverte que déserter le camp du Bien... Les profs insultés, tabassés, glaviotés, ridiculisés continuent à vanter les mérites de la « diversité » et à promouvoir l'immigration... Les femmes insultées ou violentées continuent à parler de « l'islam religion de paix et de fraternité »... Les lycéens rackettés, bousculés, humiliés, s'excusent pour le passé colonial et raciste de leurs grands-parents... Les parents d'un adolescente violée et tuée par des migrants organisent une quête en leur faveur à son enterrement... Les classes moyennes précarisées, paupérisées, pressurées, fuient et cherchent des havres encore protégés sans pour autant oser nommer les responsables de leur exode... Les bourgeois héritiers assistent à la dilapidation du patrimoine et au saccage de la maison commune en feignant de s'en émouvoir mais en restant persuadés que quoi qu'il arrive leur pognon leur permettra de sauver leur petite gueule d'éternels collabos...

    Immigration massive et sauvage, attentats sanglants, délinquance et violence exponentielle, chômage endémique, déculturation et atomisation sociale auront mené à l'élection à plus de 60% d'un golden-boy libéral vaguement asexué (ou plutôt omnisexué), niant l'existence de la « culture française » et promettant encore plus de « flexibilité » sociale et d'ouverture au monde et aux marchés... Cela pourrait sembler une incongruité, pour ne pas dire une aberration, c'est au contraire d'une implacable logique, dès lors que l'on ne se place plus dans un registre politique mais dans celui de la psycho-pathologie des foules... On veut prolonger le rêve, les toxicos sont bien trop intoxiqués pour envisager un soudain et douloureux sevrage, on vote donc massivement pour celui qui continue a distribuer allègrement le Soma...

    Et même au sein d'une prétendue radicalité, d'une opposition qui se voudrait alternative et révolutionnaire, le réel est presque autant malmené. La négation de celui-ci est simplement différente, inversée pourrait-on dire. On se gargarise de grand mots, s'enivre de citations aussi glorieuses qu'orgueilleuses, on ébauche des projets gigantesques, on fulmine, on menace, on promet, on s'enthousiasme pour n'importe quel demi-chefaillon, s'excite pour la moindre petite starlette, on pérore, on pose, on pontifie... Tout ça pour au final ne rien branler. Et subir. Comme les autres, Peut-être même plus durement, la bouche pâteuse et aigre de l'amertume en plus, la douleur du « voyant impuissant » en supplément. A trop mépriser les tâches humbles, à trop moquer les réalisations modestes, les petits travaux quotidiens, à trop écarter la sincérité au profit de la stratégie, à trop calculer, à finalement se complaire dans le discours comme finalité de lui-même, on se retrouve aussi faibles et démunis que n'importe lequel de ces bobos ou de ces libéraux-libertaires honnis face à cet insupportable et inacceptable réel.  

    Xavier Eman (A moy que chault !, 24 mai 2017)

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  • L'Europe en phase finale d'américanisation ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue intéressant de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur son site Europe solidaire et consacré à la nouvelle phase d'américanisation dans laquelle est entrée l'Europe...

     

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    L'Europe en phase finale d'américanisation

    Les évènements se précipitent. Peu d'européens en sont encore conscients. D'autant plus que pour s'en apercevoir il faut un minimum de culture stratégique, afin de déchiffrer des évènements qui autrement paraissent anodins.


    Appelons américanisation de l'Europe le fait pour celle-ci d'acquérir le statut non d'un nième Etat de l'Union – ce qui peut conférer quelques droits constitutionnels et civiques - mais d'un Etat complètement subordonné, colonisé pour reprendre un ancien terme, sur le modèle des ex-colonies africaines de la France.

    Cette américanisation est en cours depuis la seconde guerre mondiale, sinon la première. Ces guerres ont vu l'Europe, emportée par ses divisions internes, perdre une grande partie des éléments faisant son ancienne puissance. Ceci au profit des Américains. Face à l'URSS d'abord, face aux puissances émergentes d'Asie, principalement la Chine aujourd'hui, l'Amérique a su convaincre les européens qu'ils devaient lui confier leur défense, quitte à lui livrer en échange tout ce qui leur restait de souveraineté.

    On peut avec un certain optimisme estimer qu'au cours du dernier demi-siècle et aujourd'hui encore, 100.000 européens au maximum ont toujours voulu refuser ce marché de dupes. Pour eux, l'Europe avait les moyens de se défendre et de se développer sans rien abandonner de ses atouts scientifiques, économiques, militaires. Sous le gaullisme en France, quelques 50.000 Français avaient accepté de tenir le pari. Aujourd'hui encore, ils sont peut-être 50.000 à tenter de résister, provenant de diverses horizons. L'Airbus A350 qui vient de réussir son premier vol à Toulouse est un des derniers descendants de ce rêve héroïque.

    Mais ces réfractaires à l'américanisation, en France comme en Europe, se heurtent en Europe, dans chaque Etat comme au sein même de l'Union européenne, à des résistances formidables. Il y a d'abord l'inertie de centaines de millions de citoyens qui pensent que tout ira bien pour eux s'ils suivent les modes de vie et modèles américains, s'ils obéissent aux consignes implicites venues d'outre-atlantique. Mais il y a aussi ceux qui ont mis toutes leurs cartes dans la servilité à l'égard des intérêts américains, afin d'en être grassement récompensés. L'actuel président de la Commission européenne en est un bon exemple.

    Comme ceux-là détiennent au sein de l'Union européenne à peu près tous les leviers de commande dont l'Amérique a bien voulu leur confier l'emploi, ils constituent une barrière infranchissable aux tentatives des 100.000 européens évoqués ci-dessus qui voudraient reprendre leur indépendance.

    Une accélération brutale de l'américanisation

    Tout ceci, diront les lecteurs, n'a rien de nouveau. Or ce n'est plus le cas. La conquête de l'Europe par le Big Brother américain s'accélère brutalement. Divers évènements ont mis en évidence ces derniers mois, sinon ces dernières semaines, trois mécanismes qui se conjuguent pour accélérer de façon exponentielle la domination de l'Amérique sur l'Europe.

    Le premier mécanisme est d'ordre sociétal. Il découle de la numérisation continue de l'Europe, au sein notamment de l'Internet, qui en est la partie visible. L'Internet et plus généralement l'informatisation des outils et contenus de création et d'échange en découlant n'auraient que des avantages, y compris pour les Européens, si ceux-ci s'étaient donné des gouvernements et des entreprises capables de faire jeu égal avec la concurrence américaine. Or ce ne fut pas le cas. Non seulement l'informatique et les télécommunications ont été depuis les origines monopolisées par les américains, mais aussi les serveurs et entreprises du Net qui recueillent et mémorisent, dans leurs bases de données, l'ensemble de la production intellectuelle des Européens.

    L'exemple le plus visible en est Google. Les Européens, par facilité, profitant de la dimension mondiale que Google a réussi à prendre, lui confient dorénavant le soin de recueillir, transporter, utiliser et vendre les valeurs ajoutées de tout ce qu'ils produisent, sans parler de leurs « données personnelles », c'est-à-dire de tout ce qui représente, non seulement la citoyenneté européenne, mais aussi la civilisation européenne.

    Pour capter tout cela, Google et ses homologues américains ont mis en place des centres serveurs informatiques immenses, et développé les milliards d'instructions permettant de naviguer dans les données ainsi mises en mémoire. Ils sont de ce fait seuls à pouvoir réutiliser ce qui mérite de l'être dans les cerveaux européens et les produits de ceux-ci. Ce n'est rien, dira-t-on, nos cerveaux nous restent. Quelle erreur. Laisser Google et ses homologues dominer et progressivement diriger le contenu de nos cortex associatifs, de la partie noble de nos cerveaux, aboutit au pire des esclavage, esclavage soft, mais néanmoins esclavage.

    Le deuxième mécanisme confirmant la soumission de l'Europe à l'Amérique est politique. Il était soupçonné depuis longtemps par quelques spécialistes, mais vient d'éclater avec ce que l'on a nommé le scandale PRISM-Snowden. Inutile d'y revenir ici. Non seulement nous acceptons de confier à Google et ses homologues, pour exploitation commerciale, nos données personnelles et le contenu de nos créations intellectuelles, mais nous acceptons de les livrer sans aucune protection aux services secrets américains. Ceux-ci s'en servent, disent-ils, pour lutter contre les supposés ennemis de l'Amérique. Ce faisant, disent-ils aussi, ils nous protègent contre des ennemis intérieurs ou extérieurs, car les ennemis de l'Amérique sont nos ennemis. Que ces ennemis existent ou pas n'est pas la question. La question aurait été de dire à nos amis américains que nous préférons nous protéger nous-mêmes de nos ennemis. Car pour le moment, qui nous protégera de nos amis américains, de leurs intrusions, des mécanismes politiques de surveillance et de contrôle qu'ils ont dorénavant la possibilité de déployer à notre égard. Quis custodes custodiat.

    Les services secrets américains disposent pour ce faire, comme l'a révélé le scandale PRISM-Snowden, non seulement du contenu des immenses centres serveurs de la NSA, conçus pour mémoriser tout ce qui circule sur les réseaux numériques, non seulement des milliards de dollars de logiciels développés par des sociétés assermentées pour exploiter ces données, mais aussi de l'ensemble des contenus des serveurs commerciaux tels que Google, précité. La NSA et les autres agences de renseignement ont dorénavant une porte ouverte, un « open bar », une « back door » sur les contenus de ces serveurs. C'est-à-dire, répétons le, sur les contenus de nos cerveaux.

    De plus, ces services secrets et, en arrière plan, l'ensemble des moyens militaires du ministère de la Défense américain, ont davantage de possibilités d'intervention que les équipes de Google et de ses homologues. Ils ont de fait sinon de droit, pouvoir de vie et de mort, par destruction physique ou annihilation virtuelle, à l'encontre de tous ceux qu'ils déclarent être des ennemis de l'Amérique, ennemis déclarés ou ennemis potentiels. Ecrivant ceci, je suppose que je dois en faire partie, comme vous qui me lisez, comme tous les Européens qui voudraient devenir indépendants de l'Amérique.

    Ajoutons que les équipes du général Keith Alexander, directeur de la NSA et chef du Cyber Command du Pentagone, ne sont pas seules à pouvoir utiliser ces moyens. Elles sont doublées ou remplacées par des milliers de contractuels affrétés par l'US Army auprès de sociétés privées. Ces contractuels, bien qu'assermentés, peuvent se livrer en toute impunité à toutes sortes d'activités personnelles voir criminelles. Certains peuvent même, horresco reférens, trahir leur employeur pour motifs éthiques, au risque de leur vie, Comme Edwards Snowden, dont on est sans nouvelles à ce jour.

    Un troisième mécanisme est à considérer, dans la perspective d'un futur proche. Il s'agit d'un élément capital, le cerveau global capable de conscience artificielle. Ceux qui connaissent le développement rapide des neurosciences et de l'intelligence artificielle savent que dans quelques années verront le jour un ou plusieurs cerveaux artificiels répartis sur l'ensemble des réseaux numérisés. Or Ray Kurzweil, qui est le meilleur technicien capable de développer de tels cerveaux, a rejoint comme nul n'en ignore les équipes de Google. Il a sans doute ce faisant la totale bénédiction de la NSA.

    Mais, direz-vous, les Européens n'ont-ils pas l'intention d'étudier la mise en place pour leur compte d' un tel cerveau. Il s'agit du Human Brain Project européen, qui vient de recevoir la promesse d'un financement s'élevant à 1 milliard d'euros. Ce serait naïf de le croire. L'US Big Brother veille depuis le début de cette initiative. Le responsable en chef de ce projet est un Suisse, tout dévoué aux intérêts américains. De plus, IBM, qui avait déjà fourni le super-ordinateur nécessaire aux premiers pas du projet, vient d'ajouter de nouveaux moyens.

    Je cite:
    IBM Blue Gene/Q memory enhancements (14/06/2013)
    The Blue Brain Project
    (c'est-à-dire le projet suisse/IBM initial, repris dans le projet européen) has acquired a new IBM Blue Gene/Q supercomputer to be installed at CSCS in Lugano, Switzerland. This machine has four times the memory of the supercomputer used by the Blue Brain Project up to now...

    Est-il besoin de traduire? Quant à ceux qui ignoreraient qui est IBM, je rappellerai que ce fut dès les origines du Plan calcul français l'adversaire principal contre lequel s'était battu Charles de Gaulle. Après avoir réussi à monter une entreprise européenne (Unidata, avec CII, Siemens, Philips) capable de tenir tête au géant, les promoteurs de celle-ci ont été trahis par un européen, un certain Giscard d'Estaing.

    Ce sont d'autres Européens de même calibre, dotés d'une vision stratégique aussi pénétrante, qui se battent aujourd'hui pour que l'Europe s'engage dans les négociations avec les Etats-Unis en vue de réaliser un grand marché transatlantique. On apprend aujourd'hui 15 juin que la décision en ce sens vient d'être prise. Victoire cependant pour la France. Le culturel devrait en principe être exclu. Cela nous laissera toutes latitudes afin de financer des intermittents du spectacle qui distrairont les touristes américains et chinois quand ils nous feront la grâce de dépenser leurs devises en France. Ce sera tout ce qui nous restera à vendre.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 15 juin 2013)

     

    15/06/2013
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