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américanisation - Page 4

  • A droite et à gauche... (2)

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    "En raison de la la présence en France de près de quatre millions et demi de travailleurs immigrés et de membres de leur familles, la poursuite de l’immigration pose aujourd’hui de graves problèmes. Il faut les regarder en face et prendre rapidement les mesures indispensables.

    La cote d’alerte est atteinte. (…) C’est pourquoi nous disons : il faut arrêter l’immigration, sous peine de jeter de nouveaux travailleurs au chômage.
    Je précise bien : il faut stopper l’immigration officielle et clandestine.
    Il faut résoudre l’important problème posé dans la vie locale française par l’immigration.

    Se trouvent entassés dans ce qu’il faut bien appeler des ghettos, des travailleurs et des familles aux traditions, aux langues, aux façons de vivre différentes.
    Cela crée des tensions, et parfois des heurts entre immigrés des divers pays. Cela rend difficiles leurs relations avec les Français.
    Quand la concentration devient très importante (…), la crise du logement s’aggrave.
    Les HLM font cruellement défaut et de nombreuses familles françaises ne peuvent y accéder. Les charges d'aide sociale nécessaires pour les familles immigrées plongées dans la misère deviennent insupportables pour les budgets des communes." 

     Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français, dans L'Humanité du 6 janvier 1981

      

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    "Ce n'est pas tant l'Europe qui est fatiguée, ou vieille (selon un fantasme américain), que nous, esprits libres, qui sommes las de ce que l'Europe est devenue par son américanisation : non pas une poubelle ethnique, comme certains le soutiennent avec excès, mais, au contraire, un espace de disneylandisation ethnique, Disneyland n'étant pas seulement un parc d'attraction mais le modèle du « parc humain » de l'avenir, où l'esprit est mis à mal par le divertissement et le spectacle : Disneyland comme résurgence hédoniste des camps de concentration, en même temps que superstition née de la peur du vide. Cette intransigeante gestion de la sous-culture dominante nous en dit plus que bien des traités sur ce que nous sommes appelés à devenir."

    Richard Millet, Fatigue du sens (Pierre-Guillaume de Roux, 2011)

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    "Quand le terrestre – le matériel – ne dispose plus d’une vocation propre à l’élever quelque peu au-dessus du sol et que son niveau ne dépasse guère celui des pâquerettes, les mots cultes tels "humanisme" ou "droits de l’homme" commencent à sonner singulièrement creux. La morale, démonétisée, n’a plus vraiment cours et l’on espère seulement que les poncifs médiatiques habituels feront illusion. Le langage, à son tour, se corrompt. A quoi se réduit alors la politique ? A la gestion empirique, au jour le jour, au coup par coup. Le critère est la réussite : quel que soit son objet, quels que soient les moyens, la fin les justifie. L’étrange est que les politiciens pour qui tout se mesure en productivité, statistiques et rentabilité, n’aient pas abandonné les cérémonies et symboles évoquant d’autres temps. On n’aura jamais autant salué le général de Gaulle en commémorations que depuis l’abandon de toutes ses leçons. On n’aura jamais autant invoqué ses principes depuis qu’ils sont tellement oubliés. Ont-ils une telle peur du vide ceux qui se travestissent en des servants d’un culte qu’ils ne professent plus ? Quand le vertige les saisit, ils parlent des valeurs qu’il convient de maintenir ou même de restaurer. L’ennui est qu’ils en parlent comme de valeurs boursières, en suivent leur cote dans l’opinion et ses fluctuations, en fonction de quoi ils en déterminent l’importance."

    Marie-France Garaud, Impostures politiques (Plon, 2010)

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    "Tant qu'on n'aura pas compris que les droits de l'homme ne peuvent être qu'une conséquence des droits des peuples, les droits des peuples à exister, à perdurer, à avoir leur terre, leur langue, leur autonomie, leur identité, leurs mœurs, leur façon d'écrire l'histoire et ainsi tout simplement leur avenir, on ne fera jamais avancer concrètement les droits humains. Car l'homme concret appartient à un peuple. C'est par la mise en oeuvre des droits des peuples – le droit notamment de contrôler leurs ressources-, de s'émanciper de la dictature mondiale des marchés, de l'empire de la finance – que les droits humains peuvent être pris en compte. L'homme est d'abord un être social, un être en communauté, un être politique."

    Pierre Le Vigan, La tyrannie de la transparence (L'Aencre, 2011)

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    "[...] BHL est certainement le modèle même du « faussaire », le maître absolu, le mètre étalon. Il a créé le prototype et en a fait une référence. [...] Il a bâti sa carrière en maniant sans vergogne le mensonge. Pour autant, il se présente comme l'archétype de l'intellectuel pesant sur la vie des idées et montrant par son engagement un dévouement désintéressé et sans limite pour les causes les plus nobles.

    BHL passe pour un intellectuel éclairant le public alors que c'est un désinformateur. Il passe pour quelqu'un de profondément engagé en faveur de la morale alors que c'est le cynisme même. Il passe pour un défenseur intransigeant de la liberté alors que c'est un maccarthyste virulent. Il passe pour un universaliste alors que c'est un communautariste forcené."

    Pascal Boniface, Les intellectuels faussaires (Jean-Claude Gawsewitch, 2011)

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    "Grâce à Internet, c’est la première fois que l’on voit la société à l’état brut. Sans la mince couche de civilisation qui fait que les relations humaines restent correctes. La violence sur le Net est extraordinaire. C’est l’état primitif de la vie ! C’est le point ultime de la modernité qui nous montre l’état primitif de la société. C’est fascinant. La société sophistiquée peut voir ce qu’elle serait sans sa sophistication.[...] Et cela me rend partisan du suffrage censitaire..."

    Alain Minc, dans un entretien donné à Paris Match (28 septembre 2010)

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    "Il s'est constitué à cette occasion dans la société française une superclasse dirigeante dont, pour parler comme le sociologue Pierre Bourdieu, la droite constitue la fraction dominante et la gauche, la fraction dominée, mais qui, en toute occasion, défend avec âpreté ses intérêts propres, transcendants par rapport aux péripéties de la démocratie électorale. C'est d'elle que je disais ici même, il y a quinze jours, qu'elle fait régner une connivence de tous les instants entre la banque, les affaires, l'administration, le barreau, la politique, le journalisme, parfois les arts, l'université, l'édition ...

    Si vous ne me croyez pas, allez faire un tour, à condition que l'on vous laisse entrer, à l'Automobile Club de France (hôtel Crillon), place de la Concorde, un soir où Le Siècle, le club de cette superclasse dirigeante, se réunit pour dîner. A défaut, vous verrez au moins les chauffeurs des limousines noires qui attendent patiemment la sortie de leurs maîtres. A l'intérieur, des hommes en costume gris et quelques femmes en tailleur sobre échangent des opinions, des adresses, des tuyaux, des services, parfois des fonctions, des positions sociales, voire des amants ou des maîtresses. Dans ce milieu fermé où les socialistes ont leur place à côté des gros bataillons de la droite française, fermente l'idéologie de la classe dominante: modernisme discret, bien-pensance sociale et culturelle, conformisme économique, respect absolu de la puissance de l'argent. La pensée unique, comme dit Jean-François Kahn, est là, et bien là. Il existe, derrière les apparences successives des combinaisons ministérielles, un gouvernement de facto, un gouvernement invisible des élites financières et institutionnelles, qui à défaut de dicter sa loi, fournit la pensée et inspire l'action des élites françaises."

    Jacques Julliard, dans l'article DSK, la gauche et l'argent, publié dans Marianne (4 au 10 juin 2011)

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  • Nous ne sommes pas en démocratie...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Eric Werner, publié par le site Enquête&débat. Eric Werner a publié de plusieurs essais remarquables comme De l'extermination (Thaël, 1993), L'avant-guerre civile (L'Age d'Homme, 1999), Ne vous approchez pas des fenêtres (Xénia, 2008) ou dernièrement Douze voyants (Xénia, 2010). 

     

     

    Eric Werner : "Qui croit encore sérieusement que nous sommes en démocratie? "

    1. Vous êtes l’auteur d’un livre intitulé L’avant-guerre civile il y a plus de 10 ans. Pensez-vous que la France est encore en situation d’avant-guerre civile ?

    L’avant-guerre civile n’a pas nécessairement vocation à déboucher dans la guerre civile, si c’est ça que vous voulez dire. C’est évidemment une possibilité, mais il y en a aussi une autre: que l’avant-guerre civile se stabilise en tant qu’avant-guerre civile, côtoyant ainsi de près la guerre civile, la frôlant même parfois, mais sans jamais pour autant franchir la limite l’en séparant. C’est, me semble-t-il, ce qu’on observe à l’heure actuelle.

    On est dans une situation de “ni guerre, ni paix”, on pourrait dire aussi (par analogie avec ce qui se passe dans la sphère inter-étatique) de “paix armée” (ou de “guerre froide”). On observe bien, ici et là, certaines étincelles de guerre civile, mais dans l’ensemble les dirigeants maîtrisent encore bien la situation. Ceci posé, incontestablement, le risque existe. Qu’est-ce qui pourrait faire basculer l’avant-guerre civile dans la guerre civile ? Très peu de choses, en fait. Les gens ne le savent peut-être pas, mais la France ne dispose à l’heure actuelle que d’une autonomie alimentaire de vingt jours: vingt jours, c’est peu. A Paris, elle n’est que de quatre jours. J’emprunte ces chiffres au film de Coline Serreau, “Solutions locales pour un désordre global”, un documentaire sorti en 2010. Je les cite de mémoire.

    2. Le Front national ne fait-il pas office de soupape de sécurité du système pour canaliser les ressentiments divers et empêcher la guerre civile ?

    C’était assurément le cas à l’époque de Jean-Marie Le Pen. A cette époque-là, effectivement, le FN (tout comme, à une époque plus lointaine encore, le Parti communiste) faisait office de soupape, d’exutoire. On a souvent dit aussi que Jean-Marie Le Pen, non sans talent d’ailleurs, assumait une fonction tribunicienne (en référence aux tribuns du peuple dans la Rome antique). C’était un contre-pouvoir, mais un contre-pouvoir n’aspirant pas, comme parfois cela arrive, à devenir lui-même le pouvoir.

    Jean-Marie Le Pen ne s’est, je pense, jamais seulement imaginé qu’il pourrait un jour prendre le pouvoir. Il ne l’a jamais non plus ambitionné. Il en va différemment, me semble-t-il, de sa fille. L’impression qu’elle donne est qu’elle veut réellement faire bouger les choses. On pourrait la comparer en ce sens à l’héroïne de “True Grit”, le récent film des frères Coen. “True Grit”, autrement dit le cran, la détermination. C’est quelqu’un, assurément, qui “en veut”. Cela étant, une question se pose: que mettre à la place du système ? La guerre civile, puisque vous y faites référence, n’est évidemment pas en elle-même une réponse.

    3. Vous êtes l’auteur d’un livre intitulé “L’après-démocratie”. Nous ne sommes donc plus en démocratie selon vous ?

    Je suis surpris de votre question. Qui croit encore sérieusement que nous sommes en démocratie? La démocratie n’est rien d’autre aujourd’hui qu’un nom, un nom au sens proustien du mot, autrement dit ce qui fait rêver les gens, rêver ou rêvasser. On imagine des choses qui n’existent pas. Comment caractériser le régime occidental actuel ? En gros, comme une oligarchie, mais le terme le plus proche de la réalité serait, à mon avis, celui de ploutocratie (le gouvernement des riches).

    Certains vont même plus loin encore, n’hésitant pas, à l’instar de certains politologues (Guy Hermet), à faire le rapprochement avec les gouvernements autoritaires latino-américains des années 1950-1975, voire avec la dictature franquiste: rapprochement qui en surprendra plus d’un mais qui s’éclaire dès lors qu’on ne se contente pas de dire, comme il sied de le faire, que le régime occidental se veut respectueux du pluralisme des idées et des intérêts, mais qu’il comporte également toutes sortes de limitations dans ce domaine: limitations d’ordre social pour certaines, mais pas seulement. Les médias occidentaux reprochent à juste titre au régime chinois, ou encore iranien, d’enfermer les gens pour délit d’opinion, mais en Europe aussi il existe des prisonniers d’opinion ! C’est le cas par exemple en Allemagne, en Suisse et en Autriche, trois pays particulièrement répressifs en la matière.

    Le régime occidental actuel comporte aussi certains traits typiquement totalitaires, comme le recours désormais systématique à des lois-”caoutchouc” (ou encore “attrape-tout”), que les juges interprètent comme bon leur semble, en quelque sorte à la tête du client. On en a une illustration avec les lois fixant ce qu’il est permis ou non de faire et de montrer en matière sexuelle. L’indétermination dans ce domaine est aujourd’hui telle qu’elle autorise toutes les dérives. C’est le retour au bon plaisir du Prince.

    D’autres textes (lois sécuritaires, antiterroristes, etc.) dotent la police de pouvoirs discrétionnaires, certains disent même illimités, pouvoirs dont la police fait ou non usage, mais qui, même lorsqu’elle n’en fait pas usage, joue le rôle d’épée de Damoclès. Rappelons qu’en France, en 2009, près de 900’000 personnes ont été placées en garde à vue, dont beaucoup sans la moindre justification. A ce stade, ce n’est même plus la démocratie qui est en cause, c’est l’Etat de droit.

    4. Quelle est la principale menace qui pèse sur la civilisation européenne selon vous ?

    Il y a une menace exogène, inutile d’y insister. Mais il y a aussi une menace endogène, plus importante encore peut-être. Je ne vais pas ici pleurer sur le grec et le latin. Mais c’est un fait que les humanités n’occupent plus aujourd’hui qu’une place très marginale dans les programmes scolaires. En soi ce n’est peut-être pas très important, mais il faut mettre cette évolution en rapport avec d’autres phénomènes similaires, les progrès de l’analphabétisme de masse, par exemple: analphabétisme au sens propre, bien souvent (entre 20 et 25 % des élèves en fin de scolarité obligatoire sont analphabètes en ce sens), mais aussi au sens figuré.Qui lit encore, par exemple, Montaigne, Corneille et Racine ? Le très beau film de Régis Sauder, “Nous, Princesse de Clèves”, récemment sorti sur les écrans, fait apparaître, il est vrai, une contre-tendance, mais elle est très marginale.

    Autrefois, dans chaque famille allemande, les enfants apprenaient dès leur plus jeune âge à jouer d’un instrument musical. Cette tradition s’est très largement aujourd’hui perdue. Etc. La principale menace, je dirais, elle est là. L’héritage culturel ne se transmet plus, ou mal. Au mieux, il se trouve relégué dans les musées, les conservatoires. Ou alors s’est délocalisé (au Japon par exemple). Cela étant je ne suis pas passéiste. On ne peut pas se contenter de répéter toujours les mêmes choses, moins encore de les répéter toujours de la même manière. Une culture ne reste vivante que si elle se renouvelle régulièrement. Sauf, je le pense, que ce renouvellement, pour être valable, ne saurait s’exercer dans le vide. Il lui faut s’adosser à une tradition.

    5. La Suisse, où vous vivez, jouit de la démocratie directe, un système qui existe également aux Etats-Unis, en Allemagne, et en Italie. Pourrait-il exister en France et à quelles conditions ?

    Il ne faut pas idéaliser la démocratie directe. Démocratie directe ou pas, de toute façon les dirigeants font ce que bon leur semble. S’ils décidaient un jour d’introduire la charia en Suisse, vous n’imaginez quand même pas qu’ils se laisseraient arrêter par un référendum. Ils l’introduiraient, point barre. Je ne dis pas que les référendums ne servent à rien, ils ont, admettons-le, une certaine utilité. Mais ils ne faut pas en exagérer l’importance. Leur importance est surtout symbolique. Pour influer sur le cours des choses, à plus forte raison encore l’infléchir, il ne suffit pas de gagner des référendums. Il faut changer les rapports de force.

    6. Comment expliquez-vous la progression de l’islam un peu partout en Europe?

    Pour une part, évidemment, par l’immigration de masse. Mais ce qu’on constate aussi, c’est que le terrain est bien préparé. Je ne dirais pas que l’islamophobie n’existe pas. Elle existe bien sûr, mais sans doute pas dans les proportions que certains imaginent (ou feignent d’imaginer). Les gens, dans leur ensemble, me semblent, au contraire, plutôt bien disposés envers l’islam. On n’observe en tout cas pas de réaction de rejet massif à son endroit.

    On objectera que les gens n’en pensent pas moins. C’est possible. En attendant ils laissent les choses se faire, et dans une certaine mesure même les accompagnent. Jusqu’où iront-ils dans cette direction ? Difficile de se prononcer. On dit et répète volontiers que les hommes sont prêts à mourir pour la liberté. Tel n’était pas l’avis de Dostoïevski. Lui, au contraire, pensait que les hommes n’aimaient pas la liberté.

    Le psychanalyste Erich Fromm dira de son côté que les hommes ont peur de la liberté. Fromm se référait aux expériences de son temps, mais sa remarque a bien évidemment une portée générale. Le rappellera-t-on, en effet, le mot islam signifie soumission. Ma position personnelle est simple. La progression de l’islam en Europe me gênerait moins si je ne constatais que partout où l’islam est aujourd’hui en position dominante il n’opprimait les religions minoritaires, les tolérant tout juste quand il les tolère, le plus souvent, en réalité, les persécutant, ne concédant à leurs adeptes qu’un statut de citoyen de seconde classe, les contraignant le cas échéant à l’exil, occasionnellement même les exterminant, etc.

    Tout le monde sait quel est le sort aujourd’hui réservé aux chrétiens dans des pays comme l’Algérie, l’Egypte ou même la Turquie, pour ne rien dire de l’Irak ou du Pakistan. Il faut être très bête, ou en tout cas d’une grande naïveté, pour croire qu’il en irait autrement en Europe, le jour où l’islam deviendrait ici même majoritaire.

    7. Les Européens peuvent-ils un jour redevenir spirituels ?

    Autrement dit redevenir chrétiens ? Oui bien sûr. Je ne crois d’ailleurs pas à la déchristianisation. Les églises se vident, c’est une chose. Mais ce n’est pas parce qu’elles se vident que le christianisme serait sur le point de disparaître. En aucune manière. Mon sentiment propre, si je devais le résumer, serait plutôt que le christianisme est en train maintenant seulement de naître. Il est à son aube plutôt qu’à son déclin. On pourrait aussi dire, en recourant à une formule nietzschéenne, qu’il est en train de “devenir ce qu’il est”. Jusqu’ici le christianisme ne pouvait se passer d’un certain nombre de “béquilles”: l’ensemble des dogmes par exemple. De telles “béquilles” ne sont plus aujourd’hui nécessaires. Le christianisme peut très bien s’en passer. Certaines choses qui étaient contenues en germe dans les évangiles sont aujourd’hui parvenues à maturité. Et donc le christianisme peut voler de ses propres ailes.

    8. La mondialisation est-elle plus dangereuse que le mondialisme ?

    On n’échappe pas à la mondialisation. Voyez les questions environnementales, la question climatique en particulier. Il est évident que si l’on veut résoudre ces questions, la seule manière de le faire est de se situer au plan planétaire. Autrement, il n’y a pas de solution. Ceci étant, quand on parle de mondialisation, on ne parle pas de ça. On parle d’autre chose, et presque du contraire: de l’économie-monde, en fait. Car l’économie s’est aujourd’hui mondialisée.

    Il n’y a plus désormais qu’un seul et unique marché sur terre, le marché planétaire justement. Pour une part c’est le fruit de l’évolution propre du capitalisme, de sa dynamique immanente, mais l’évolution propre du capitalisme n’est, je pense, pas seule en cause. Il faut aussi y voir la concrétisation d’une certaine volonté politique, celle liée au courant de pensée néolibéral.

    C’est ici que surgissent les problèmes. On pourrait dire en simplifiant: une certaine mondialisation, oui, le libre-échange généralisé, non. Il est anormal, par exemple, que les accords de l’OMC ne comportent aucune clause sociale et environnementale. Je ne vais pas ici développer ce point, mais il relève de l’évidence. Il est anormal également qu’on encourage, comme on tend aujourd’hui à le faire, la libre circulation des denrées alimentaires d’un point à l’autre de la planète, sans prise en compte du gaspillage énergétique que cela occasionne.

    Il est déjà absurde de le faire à l’intérieur même de l’Union européenne, à plus forte raison de le faire d’un continent à l’autre. Idéalement parlant, on ne devrait consommer que des denrées produites dans un rayon de 200-300 kilomètres autour de chez soi. Il était question plus haut d’autonomie alimentaire. Beaucoup de pays ne veulent plus aujourd’hui se battre pour le maintien de cette autonomie. A mon avis ils ont tort.

    9. Faut-il craindre l’américanisation, ou au contraire remercier les Américains pour ce qu’ils nous ont apporté ?

    L’américanisation de l’Europe a commencé au XIXe siècle, il y a donc bien longtemps déjà. Il en est déjà question chez Baudelaire, Flaubert, et bien sûr aussi Tocqueville. L’américanisation de l’Europe a subi un premier coup d’accélérateur après la première guerre mondiale, un autre ensuite après 1945. Aujourd’hui, elle prend la forme d’un alignement plus ou moins contraint et forcé sur le néolibéralisme, idéologie que personnellement je n’aime guère, puisque nombre de catastrophes récentes lui sont directement imputables, catastrophes économiques mais aussi écologiques. Et donc je ne vois pas pourquoi je dirais merci aux Américains. Merci, sûrement pas.

    J’en veux aussi beaucoup à la commission de Bruxelles pour le rôle qu’elle joue à l’heure actuelle de cheval de Troie néolibéral en Europe. On ne l’avait pas créée pour ça. Vraiment pas. Ceci étant, je ne suis pas par principe anti-américain. Les Américains produisent par exemple beaucoup de très bons films, films qui sont aussi souvent des films très courageux. Les cinéastes américains abordent des thèmes que leurs homologues, de ce côté-ci de l’Atlantique, n’abordent que rarement: la corruption de la police, par exemple. Ils s’emploient également à décrire le fonctionnement d’ensemble du système, ses intrications avec le crime organisé, etc. C’est très instructif. Pour le reste, je ne sais pas ce qu’est qu’un hamburger, je n’en ai personnellement jamais consommé, et je ne fréquente jamais non plus les fast-food. L’américanisation de l’Europe trouve ici sa limite.

    10. Etes-vous plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir de l’Homme ?

    Comment ne pas penser à ce qui vient de se produire au Japon ? Cette catastrophe est survenue au Japon, mais (comme on s’en rend compte maintenant) elle aurait très bien pu survenir ailleurs. On pouvait lire il y a quelques jours dans “Le Monde” (25 mars 2011) un article sur EDF, l’entreprise chargée en France de la production nucléaire. Selon la médecine du travail de la centrale du Blayais, 40 % de l’encadrement prenait des tranquillisants en 2008 et 2009. Des syndicalistes écrivent de leur côté: “La sûreté est mise en cause par le recours généralisé à la sous-traitance, à la disqualification, à la frénésie de changements d’organisation, à la mobilité interne”. Non, vraiment, je ne suis pas très optimiste.

    Eric Werner (Enquête&débat, )

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