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alain de benoist - Page 31

  • Le libéralisme comme règne du non-commun...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur le site Critique de la raison européenne, dans lequel il évoque la question du libéralisme. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : «Le libéralisme consacre le règne du non-commun»

    Le terme « libéral » apparaît totalement galvaudé dans le débat public actuel. Pourriez-vous définir ce qu’est le projet libéral ?

    Alain de Benoist : Comme pour tous les mots qui ont beaucoup servi (démocratie, progrès, etc.), il est difficile de donner une définition du libéralisme qui fasse l’unanimité. La difficulté se renforce du fait que, contrairement au marxisme, le libéralisme a eu de nombreux « pères fondateurs », et du fait aussi que ce qui relie le libéralisme économique au libéralisme politique, au libéralisme philosophique et au libéralisme « sociétal », n’est pas évident pour tout le monde. Le projet libéral, pour reprendre votre expression, est à mon sens un projet qui privilégie l’individu par rapport à tout ce qui l’excède en s’appuyant sur une anthropologie faisant de l’homme un être essentiellement mû par le désir de maximiser son intérêt personnel et son profit privé.

    En quoi le libéralisme empêche-t-il de constituer une société qui ne serait pas qu’une somme d’intérêts particuliers ?

    Il l’empêche pour la simple raison que toute société n’est à ses yeux qu’une somme d’intérêts particuliers. Du point de vue de l’idéologie libérale, ce n’est plus la société, mais l’individu qui vient en premier. Les sociétés, les peuples, les nations, les cultures, etc. n’ont pas d’existence en tant que tels : ils ne sont que des agrégats d’individus. Ces individus sont appréhendés comme fondamentalement autosuffisants, propriétaires d’eux-mêmes, capables à ce titre de se construire eux-mêmes à partir de rien – hors de tout déjà-là – sans que leurs choix puissent devoir quoi que ce soit à des appartenances qui leur préexistent. C’est en ce sens que Margaret Thatcher pouvait prétendre que « la société n’existe pas » (there is no society). Cette conception des choses, qui contredit à angle droit l’idée, remontant pour le moins à Aristote, selon laquelle l’homme est un animal politique social, est évidemment antagoniste de toute idée de bien commun. Du point de vue libéral, l’intérêt général se définit comme une somme d’intérêts particuliers dont on postule arbitrairement qu’ils peuvent s’harmoniser spontanément ou sous le seul effet des rapports juridiques et des mécanismes du marché. Le libéralisme consacre le règne du non-commun.

    Selon le discours dominant aujourd’hui, la liberté libérale est la seule forme possible de la liberté. Or il existe dans l’histoire des idées d’autres façons de concevoir la liberté. Pourriez-vous en citer des exemples?

    L’idéologie libérale ne veut pas connaître d’autre liberté que la liberté individuelle. Tout ce qui excède la liberté individuelle est posé comme une menace potentielle contre les droits des individus, le premier de ces droits étant en quelque sorte le droit d’avoir des droits. Cela transparaît clairement dans la façon dont le libéralisme s’oppose au politique, dont il veut toujours limiter l’autorité, en particulier vis-à-vis de l’économie. Historiquement parlant, le règne de l’idéologie libérale est indissociable de la montée de la classe et des valeurs bourgeoises, qui prétendaient lever tous les obstacles susceptibles de freiner les échanges commerciaux et la production de marchandises. Cette conception de la liberté est propre au libéralisme. Il en est heureusement (bien) d’autres. J’en donnerai deux exemples. Le premier est l’opposition bien connue, développée en son temps par le très libéral Benjamin Constant, entre la « liberté des Anciens » et la « liberté des Modernes ». La première se définissait comme ce qui permettait à tous les citoyens de participer aux affaires publiques, tandis que la seconde est au contraire ce qui permet aux individus de ne pas y participer et de se soustraire aux obligations civiques pour rechercher leur épanouissement dans le domaine du privé. Le second exemple est celui de la « liberté républicaine » telle qu’elle a été conçue par un courant de pensée allant de Tite-Live à Harrington en passant par Machiavel. Sa caractéristique principale est de lier liberté individuelle et liberté collective : je ne peux me considérer comme libre si le pays auquel j’appartiens ne l’est pas. La liberté est donc appelée à s’articuler avec le commun, ce que le libéralisme ignore entièrement.

    Dans La Grande Transformation, Karl Polanyi explique que l’émergence de l’État-nation a permis le triomphe de la logique du marché et la destruction des structures et des solidarités organiques. Pourtant, l’État-nation semble aujourd’hui être la seule échelle à laquelle quelque chose du politique subsiste et l’un des derniers cadres de résistance au capitalisme financier. Nous pensons à « Critique de la raison européenne » qu’il doit donc être défendu. Comment vous situez-vous sur ce débat ?

    Vous n’avez pas tort de penser que, dans les circonstances présentes, l’Etat-nation doit être défendu, mais j’ajouterai qu’il doit l’être comme un pis-aller. Il ne faut en effet pas se faire d’illusions. La souveraineté des Etats nationaux ne tient plus aujourd’hui que par la peinture ! Des pans entiers de souveraineté leur ont été enlevés dans le cadre de la construction européenne, sans que ces parts de souveraineté se trouvent reportés à un plus haut niveau (l’Europe ne s’est pas construite comme une puissance, mais comme un marché). D’autre part, l’évolution récente des Etats-nations atteste que ceux qui les dirigent – ou plutôt qui les administrent ou qui les gèrent – sont eux-mêmes largement gagnés à l’idéologie libérale. C’est ce qui explique que les libéraux, après avoir férocement combattus l’influence de l’Etat, en viennent aujourd’hui bien souvent à en attendre qu’il contribue lui-même à créer les circonstances les plus favorables au libre développement des marchés, à la mise en œuvre de l’idéologie des droits, etc. L’autorité publique se ramène alors à la « bonne gouvernance », qui calque le gouvernement des hommes sur l’administration des choses, en prétendant que les problèmes politiques ne sont en dernière instance que des problèmes « techniques », pour lesquels il n’y a qu’une seule solution rationnelle optimale (« there is no alternative »).

    Existe-t-il un lien entre le libéralisme et « l’idéologie du même » que vous pourfendez ? Le libéralisme contribue-t-il à la disparition de l’altérité et à l’avènement de ce que le philosophe tchèque Jan Patočka nomme « l’âme fermée » ?

    Je pense que le libéralisme contribue en effet à la disparition de l’altérité, d’abord parce qu’il ne reconnaît que les différences individuelles, et non les différences collectives, ensuite parce ses fondements individualistes vont inévitablement de pair avec un universalisme de fait, au regard duquel les hommes sont fondamentalement les mêmes. Le seul fait de dessaisir l’homme de ses appartenances au profit d’un homme abstrait, de partout et de nulle part, montre qu’aux yeux des théoriciens libéraux les différences collectives, entre les peuples, les nations ou les cultures, ne peuvent qu’être secondaires, superficielles ou transitoires. Nous apparaissons certes différents, mais au fond nous sommes les mêmes ! C’est pour cela que le libéralisme estime qu’une bonne Constitution est bonne pour tous les peuples, comme le disait Condorcet, que le monde entier peut être transformé en un vaste marché planétaire régi par les seules lois du marché, que les droits de l’homme sont valables en tous temps et en tous lieux, etc.

    Les démocraties libérales traversent aujourd’hui une crise profonde. L’émergence et l’arrivée au pouvoir de mouvements dits populistes, mais également la mobilisation des gilets jaunes ou l’apparition de voix dissonantes dans les médias, le milieu associatif et l’université, le montrent bien. Êtes-vous d’accord pour dire que le libéralisme est une idéologie en déclin ?

    Je ne dirais pas encore que le libéralisme est en déclin, mais qu’il est en crise, et que cette crise a de bonnes chances d’annoncer son déclin. La crise en question touche à la fois les institutions politiques et le système économique capitaliste. La démocratie libérale, fondée sur l’« Etat de droit », que beaucoup considéraient comme indépassable, est en train de s’effondrer du fait de la défiance généralisée des sociétaires. Elle était à la fois représentative et parlementaire. Or, les gens constatent que les représentants ne représentent plus grand-chose et que la souveraineté parlementaire s’est substituée à la souveraineté populaire. Du même coup, les mots de « démocratie » et de « libéralisme » ne sont plus synonymes ; on redécouvre au contraire qu’ils correspondent à des choses complètement différentes. La démocratie place la légitimité dans la souveraineté populaire, alors que le libéralisme place l’exercice du jeu démocratique sous conditions en plaçant les « droits » au-dessus du peuple. Les gens ne font plus confiance aux partis, et il est significatif que le mouvement des gilets jaunes soit apparu en marge des partis comme des syndicats. La crise de la démocratie libérale a d’abord nourri l’abstention, après quoi elle a favorisé la montée des mouvements dits « populistes », montée qui se fait au détriment des anciens partis traditionnels, dits « de gouvernement », qui s’effondrent aujourd’hui comme des châteaux de cartes. Ces partis ayant été les vecteurs essentiels du clivage horizontal gauche-droite, un nouveau clivage apparaît, de nature verticale, qui oppose les classes populaires et les classes moyennes en voie de déclassement au bloc bourgeois des élites transnationales mondialisées (voir les travaux de Christophe Guilluy et Jérôme Sainte-Marie, pour ne citer qu’eux).

    Mais le système capitaliste est lui-même menacé par ses contradictions internes. La recherche de gains de productivité exigée par la concurrence aboutit à ce que l’on produit toujours plus de biens et de services avec toujours moins d’hommes. L’omnipotence de l’argent, qui a d’abord favorisé le système du crédit, a abouti à un endettement généralisé qui atteint désormais des sommets jamais vus. Le capitalisme a perdu ses anciens ancrages nationaux pour devenir purement spéculatif et totalement déterritorialisé. S’ajoutent encore à cela les problèmes écologiques (il n’est plus possible de croire que les réserves naturelles sont inépuisables et gratuites). Nombreux sont les observateurs qui s’attendent aujourd’hui à une nouvelle crise financière mondiale beaucoup plus grave que celle de 2008. Je ne peux ici qu’effleurer le sujet, mais la concordance de ces deux crises majeures, l’une politique, l’autre économique, laisse évidemment prévoir des basculements décisifs dans les années qui viennent.

    Nous estimons dans notre association que le pouvoir se gagne par les idées. Sur quelles grandes figures intellectuelles recommanderiez-vous de s’appuyer afin de mener la bataille culturelle contre le libéralisme ?

    J’aimerais bien que le pouvoir se gagne par les idées ! Le problème est que la façon dont les idées exercent une influence et finissent par s’imposer est tout sauf simple. Les hommes politiques n’aiment pas beaucoup les idées, car ils veulent rassembler alors que les idées divisent. C’est la raison pour laquelle ils ne s’intéressent aux idées que lorsqu’ils peuvent les instrumentaliser à leur profit. Et c’est aussi la raison pour laquelle, après avoir parfois tenté d’avoir la stratégie de leurs idées, ils finissent si souvent par n’avoir plus que les idées de leurs stratégies. Cela dit, je n’en pense pas moins, comme vous, que rien ne remplace le combat des idées. Quant à vous recommander telle ou telle grande figure intellectuelle, je préfère y renoncer : il y en a trop ! Reportez-vous éventuellement aux auteurs dont je présente les œuvres dans mon livre Ce que penser veut dire, paru récemment aux éditions du Rocher. Il y a de toute façon bien des valeurs sûres, que vous connaissez déjà sûrement : Jean-Claude Michéa, Christopher Lasch, Jean Baudrillard, Louis Dumont, Julien Freund, Carl Schmitt, Heidegger et tant d’autres.

    Pour l’instant, aucune alternative n’émerge au-delà de l’échelle locale. La décroissance que vous appelez de vos vœux n’est-elle pas invendable (auprès de populations qui restent globalement attachées à la société de consommation) et utopique au regard des forces économiques en présence ?

    Vous n’avez pas tort : la décroissance est tout à fait « invendable » auprès de beaucoup de gens, et plus encore auprès des hommes politiques qui font tous assaut de prétentions pour « ranimer la croissance » ! Cela peut paraître désespérant, mais la justesse d’une idée ne dépend pas de l’accueil qu’elle est susceptible de recevoir à tel ou tel moment. Si la théorie de la décroissance est juste, si elle est fondée, elle finira par s’imposer au moment où il deviendra impossible de ne pas envisager cette option. Il est vraisemblable qu’on déplorera alors de ne pas l’avoir envisagée plus tôt, ce qui aurait évité des tournants catastrophiques. La théorie de la décroissance dit que le système actuel n’est plus réformable, qu’il va dans le mur. Si le mur est bien là, il n’est pas du tout utopique de dire qu’il existe effectivement !

    Selon Régis Debray, ceux qui ont appuyé le projet de construction européenne depuis la Seconde Guerre mondiale considèrent que « le propre de l’Europe est de ne pas avoir de propre ». Alors que l’Europe s’abandonne au nihilisme et à l’oubli de soi, pourriez-vous revenir sur ce qui fonde le sentiment européen et l’identité de l’Europe ?

    L’opinion de Régis Debray est, je crois, partagée par beaucoup d’autres. Le fait est que tout se passe comme si l’Europe voulait en quelque sorte se délester d’elle-même. Les polémiques suscitées récemment par la nomination, à la Commission européenne, d’un commissaire chargé de la « protection du mode de vie européen » sont révélatrices. Un mode de vie européen, qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ! Tout aussi significativement, les polémiques ne se sont apaisées que lorsqu’on a laborieusement expliqué que le « mode de vie européen » consiste en fait à accepter tous les autres modes de vie (il suffisait d’y penser) ! L’Europe ne veut rien avoir en propre qui puisse servir de modèle parce qu’elle se veut porteuse de « valeurs universelles » qui, comme par hasard, sont aussi des valeurs libérales. Etant « universelles », elles sont elles aussi de partout et de nulle part. En se présentant comme « ouverte à l’ouverture », c’est-à-dire ouverte à tout, l’Union européenne fait l’aveu de son impuissance et de sa soumission à l’idéologie dominante. Il n’en est que plus nécessaire, en effet, de réaffirmer un sentiment européen susceptible de s’inscrire dans une continuité historique reliant le passé à l’avenir. L’Europe est une histoire associée à un espace territorial. Son identité trouve son fondement dans la communauté d’appartenance et d’origine de la plupart des pays qui la composent. Mais cette identité ne doit pas être essentialisée : c’est une substance, pas une identité. L’identité n’est pas ce qui ne change jamais, mais ce qui nous permet de changer tout le temps tout en restant nous-mêmes. Nietzsche disait qu’on « ne ramène pas les Grecs » ; on peut en revanche prendre exemple sur eux pour être aussi novateurs qu’ils le furent en leur temps. L’identité en fin de compte, n’est pas tant ce que l’on est que ce que l’on fait de ce que l’on est.

    Pour finir sur une note d’actualité, la marche contre l’islamophobie d’il y a deux semaines a mis en lumière une fois de plus l’ampleur des fractures françaises et la sécession culturelle croissante d’une partie des Français de confession musulmane. Sur quoi pouvons-nous encore nous appuyer pour résister à la montée de l’islamisme, au-delà des incantations creuses sur les « valeurs de la République » ?

    La force de l’islamisme n’est que le reflet de nos faiblesses. Il ne sert à rien de déplorer l’évidente « sécession culturelle croissante d’une partie des français de confession musulmane » si nous sommes nous-mêmes incapables de réanimer un lien social porteur de valeurs partagées. C’est précisément là que l’on retrouve le libéralisme, qui est l’un des principaux responsables de la destruction des anciennes structures organiques. La société des individus est une société fracturée, effritée, atomisée, où les gens vivent à la fois dans une solitude croissante et dans une « guerre de tous contre tous ». C’est une société de manque, une société où le principe de plaisir a pris le pas sur le principe de réalité. Faire face aux dangers qui menacent implique d’en finir avec cette société et de nous reconstruire nous-mêmes.

    Alain de Benoist (Critique de la raison européenne, 26 novembre 2019)

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  • Complots : en voir partout ou n’en voir nulle part ?...

    Le nouveau numéro de la revue Éléments (n°181, décembre 2019 - janvier 2020) est en kiosque !

    A côté du dossier consacré à l'identité, on retrouvera l'éditorial d'Alain de Benoist, les rubriques «Cartouches», «Le combat des idées» et «Panorama» , un choix d'articles variés, des entretiens, notamment avec le politologue Jérôme Sainte-Marie, l'écrivain Renaud Camus, le philosophe Eric Werner, et les chroniques de Xavier Eman, d'Olivier François, de Laurent Schang, d'Hervé Juvin, de Ludovic Maubreuil, de Bruno Lafourcade, de Guillaume Travers et d'Yves Christen...

    Bonne lecture !

    Vous pouvez commander ce numéro ou vous abonner sur le site de la revue : http://www.revue-elements.com.

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    Au sommaire :

    Éditorial

    Le déni par Alain de Benoist

    Agenda, actualités

    L’Entretien

    Jérôme Sainte-Marie : il n’y a pas de plafond de verre pour Marine Le Pen
    Propos recueillis par François Bousquet

    Cartouches

    Portraits de l’Amérique en jeune morte, le regard d’Olivier François

    Une fin du monde sans importance, par Xavier Eman

    Sterling Hayden, un Viking à Hollywood, par Ludovic Maubreuil

    Carnet géopolitique : la chute de l’empire des airs, par Hervé Juvin

    Nous n’irons plus à Wagram, par Laurent Schang

    Les leçons de Delphes (2/4) : Apollon et Dionysos, par Fabien Niezgoda

    La bitch, par Bruno Lafourcade

    Économie, par Guillaume Travers

    Bestiaire : À cache-cache, faits comme des rats, par Yves Christen

    Sciences, par Bastien O’Danieli

    Le combat des idées

    Piketty, un « économiste » surcoté, par Guillaume Travers

    Le dictionnaire du populisme, par François Bousquet

    Quand la culture pop anglaise vote contre Bruxelles, par Christophe A. Maxime, Joséphine Brisset et Nicolas Gauthier

    La crétinisation digitale en marche, par Jean-Henri d’Avirac

    Vers la « brooklynisation » du monde ? par Marie Chancel

    Xavier de Langlais ou l’essence de la Bretagne, par Olivier François

    Élisée Reclus, l’éducateur romain et nietzschéen, par Rémi Soulié

    Renaud Camus : le Petit Remplacement, propos recueillis, par Fabien Niezgoda

    Ni trusts, ni soviets : entretien croisé avec 4 « ex » qui ne regrettent rien, propos recueillis par François Bousquet

    Éric Werner et l’autodéfense intellectuelle, propos recueillis par Slobodan Despot

    Erik L’Homme, un chamane en poésie, par François Bousquet

    Bruno Dumont sur les traces de Péguy, par Ludovic Maubreuil

    Evgueni Zamiatine, le bonheur dans une prison de verre, par Fabrizio Tribuzio-Bugatti

    Sur les traces de l’homme qui voulut être roi, par Fabien Niezgoda

    Paroles corsaires : les cendres de Pasolini, par David L’Épée

    Murray Bookchin, du communisme au communalisme, par Thomas Hennetier

    Dossier

    Complots : en voir partout ou n’en voir nulle part ?

    Oui aux complots, non au complotisme, par François Bousquet

    Dis, raconte-moi un complot s’il te plaît…, par Éric Grolier

    Onze complots : pseudoscience, paranormal et satanisme, par Guillaume Travers et David L’Épée

    Onze complots : pseudo-histoire et magie noire, par Guillaume Travers et David L’Épée

    Onze complots biens réels, par Guillaume Travers et Pascal Eysseric

    Panorama

    L’œil de Slobodan Despot

    Reconquête : le repli analogique, par Slobodan Despot

    Un païen dans l’Église : l’église Saint-Cibard à Coutures-sur-Dropt, par Bernard Rio

    Séries télé & politique : Succession, par Pascal Eysseric

    L’anti-manuel de philosophie : la vérité dépend-elle de nous ? par Jean-François Gautier

    L’esprit des lieux : à bord du Transsibérien, par Anne-Laure Blanc

    C’était dans Éléments : enquête sur le roman noir, par Jean-Pierre Deloux

    Éphémérides

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (47)

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Selon une étude du cabinet Odaxa pour Aviva Assurance, BFM et Challenges publiée le 3 octobre « pour préserver l’environnement, les Français sont même devenus des adeptes de la décroissance (54% contre 45%) plutôt que d’une croissance verte » (un oxymore). Pour les sondés « il faut changer fondamentalement notre mode de vie, nos déplacements et réduire drastiquement notre consommation ». Pour douteux que soient les résultats de ce sondage ils expriment une radicale divergence d’appréciation entre la majorité de la population et le personnel politique à propos de la décroissance. Tous les politiques en effet rejettent cette idée de décroissance qu’ils jugent « régressive » (contraire au progrès) « erronée », « dangereuse », « irresponsable » etc… Un véritable pilonnage ! Nouvelle illustration du divorce toujours plus accusé entre les aspirations du peuple et l’agenda des « élites ». Mais la majorité de la population fait preuve elle même d’une radicale contradiction. En effet si la majeure partie est partisane de réduire drastiquement la consommation elle désapprouve en même temps toute mesure qui porterait atteinte à son pouvoir d’achat. Toujours le syndrome Nimby (not in my back Yard) propre à toute société où domine l’individualisme de marché qui nie dans les faits la notion de bien commun comme l’expliquait parfaitement Jacques Ellul dans Le système technicien. Autant dire que cette affaire ne se règlera pas avant que nous n'entrions dans le mur des réalités de la physique comme l’explique 

    Jean-Marc Jancovici ici en conférence à AgroParis Tech le 24 septembre 2019, sur le thème « Energie et climat : quelles interactions avec l’agriculture ». Jancovici est polytechnicien et professeur à l’école des mines. Il dirige, entre autres, le cabinet Carbone 4. La première référence renvoie à sa conférence entière (deux heures vingt huit !). Il y aborde en spécialiste les grands thèmes de l’énergie et du changement climatique. La deuxième référence est un extrait percutant de la première :
     
     
    Conférence de Tristan Storme (université de Nantes) tenue en mars 2019 sur la distinction ami-ennemi comme critère du politique dans l’oeuvre de Carl Schmitt. Le conférencier définit ce penseur comme le plus cohérent des critiques du libéralisme. Bonne synthèse de la question :
     
     
    Du fait de sa soumission aux intérêts de la frange la plus radicale de l’islam, La France Insoumise est passée de vie à trépas. C’est ce dont rend compte le marxien Denis Collin sur son blog justement intitulé La Sociale. Il montre que « lider maximo » (Jean-Luc Mélenchon), comme d'autres chapelles de gauche, a sombré (souvent par clientélisme) dans un Gloubi-boulga idéologique où le peuple ne parvient plus à se reconnaitre. Tous les partisans de cette « bouillie théorique » défileront le 10 novembre avec les frères musulmans derrière le slogan « Halte à l’islamophobie » dont chacun sait qu’il n’est que le maquillage bien pensant des adeptes de l’islamisme politique (première référence).
    Dans une tribune de Figaro vox Laurent Bouvet se livre à une critique décapante de ces mêmes islamo-gauchistes pris dans les mailles du filet de la lutte contre l’islamophobie (deuxième référence).
    Enfin, l’OJIM publie un article sur le quotidien Libération du 30 octobre 2019 où s'illustre encore une fois l’aveuglement du système médiatique de propagande et les obsessions hors-sol de ses protagonistes (troisième référence) :
     
     
     
     
    L’alarmisme informé de Laurent Obertone au micro de Sud-Radio. Auteur du livre best seller Guérilla : le temps des barbares, Obertone développe une vision sans nulle doute réaliste de la France d’aujourd’hui. Dans son apocalypse ne prédomine pas une guerre civile opposant deux camps séparés par leur culture respective mais bien au contraire la guerre hobbesienne de tous contre tous, Bellum omnium contra omnes :
     
     
    Le cosmopolite Bernard Henri Lévy face au réalisme froid et national d’un Éric Zemmour sur Cnews. Zemmour possède un avantage immense sur BHL car, lui, cite des philosophes ayant vraiment existé à la différence de l’affabulateur qui lui sert de faire valoir. Débat intéressant pour la performance de Zemmour :
     
     
    Dans un autre débat sur Cnews Éric Zemmour est opposé à François-Bernard Huyghe sur le populisme. Ce face à face décevra les amateurs de punchline puisque les deux intervenants sont d’accord sur l’essentiel. François-Bernard Huyghe doit publier prochainement L’art de la guerre idéologique aux éditions du Cerf :
     
     
    Qui sont les détracteurs de Zemmour sur Cnews ? Un article de Causeur signé Martin Pimentel qui procède à une analyse typologique des anti-Zemmour. On y retrouve les habituels croisés de la « cage aux phobes » et de « l’envie du pénal », les tristes sires qui se sont toujours trompés sur leur diagnostic mais continuent à faire la pluie et le beau temps dans les médias de grand chemin. On voudrait respirer un peu… :
     
     
    La « censure médiatisée » de Zemmour n’est-elle qu’un argument de vente spectaculaire ? Une tribune interessante publiée par le site Philitt relativise le sort de Z le maudit qui insiste sur cette vérité incontournable : le temps passé dans les médias à s’écharper sur la place des idées de Zemmour à la télévision est autant de temps que la télévision ne consacre pas à discuter de ses idées s’épargnant ainsi le risque de les voir validées ou contredites :
     
     
    Dans une tribune du Figaro Mathieu Bock-Côté proclame que contrairement à ce qu’induit l’anthropologie libérale  « Toute les populations ne sont pas interchangeables » :
     
     
    Françoise Monestier rend compte sur le site Polémia du colloque organisé conjointement par la revue Éléments et Academia Christiana sur les regards croisés de catholiques et d’agnostiques concernant l’identité de l’Europe :
     
     
    Isabelle Lainé rend également compte du contenu de ce colloque pour Breizh-info, en deux épisodes :
     
     
     
    Gilles de Beaupte enseignant à l’Institut catholique de Paris était présent au colloque Éléments/Académia Christiana. Il s'y est exprimé sur le thème                 « Nietzsche et le christianisme » en retournant les habituelles critiques des bigots sur le philosophe au marteau, ennemi implacable du christianisme. En montrant que le syntagme nietzschéen « Dieu est mort » avait permis d’épurer un christianisme fait non pour les pharisiens mais pour les forts, ceux qui n’éprouvent aucun ressentiment. Une conception héroïque de la foi et du tragique dont on cherchera vainement les adeptes dans l'Église d’aujourd'hui :
     
     
    Florian Philippot plus frexiter que jamais s’exprimait sur TVL le samedi 26 octobre au micro d’Élise Blaise à propos d’un brexit qui n’en finit plus de s’éterniser : 
     
     
    Un demi-siècle de défaites et de renoncements, tel est le bilan accablant de la droite française selon François Bousquet. « Sans courage, nous sommes morts à échéance 2050 », martèle-t-il. Comment les partisans du maintien de l’identité française peuvent-ils l’emporter ? La réponse se trouve dans l’éthique héroïque que le livre de Bousquet s’emploie à redécouvrir après des décennies de disparition. Le « système » est vermoulu, ses bases sont de plus en plus fragiles et il ne repose que sur la terreur qu’il a su inspirer aux millions d’individus qui constituent ce conglomérat de populations désunis que certains, contre l’évidence, persistent à nommer le peuple français. Quel est le risque encouru par les idées dissidentes ? Se rétracter sur elles mêmes selon François Bousquet : « l’entre soi n’est jamais bon ». Que faire ? Pénétrer les médias de grand chemin ? À ce titre il souligne le principal danger de toute stratégie d’entrisme : on commence par avoir la stratégie de ses idée et on finit par épouser les idées de sa stratégie. La dissidence s’est laissée enfermer dans une spirale du silence qui équivaut à une mort sociale et politique. Pour lutter contre cette apathie il faut redevenir visible. 
    « Cherchons la lumière, quittons nos catacombes, fuyons les arrières salles. Nos vies ne sont pas menacées, la protection de leur intégrité physique ne nécessite pas une clandestinité qui conforterait le zèle prophylactique de notre adversaire, il est vain d’espérer quoi que ce soit ; nous ne sortirons pas de cette condition spectrale qui nous condamne à mener des existences souterraines, parallèles, fuyantes, exilés en notre propre pays, ombre parmi les ombres ». Et pour cela, il faut faire notre coming out, refuser le rôle de paria que l’oligarchie nous attribue, s’afficher tels que nous sommes sans craindre l’hystérie des ligues de vertu qui ne sont que le masque avantageux de l’ennemi. Courage ! manuel de guérilla culturelle, Édition de La Nouvelle Librairie.
     
     
    François Bousquet sous les cameras de Sputnik où il est  interrogé par Édouard Chanot. Selon Bousquet nous avons perdu sur tous les tableaux, il convient donc de repartir à zéro, sur de nouvelles bases en désertant cette névrose d’échec qui nous poursuit. Contrairement aux prétentieux de « droite » qui s’imaginent avoir gagné la guerre culturelle et croient le vrai pouvoir à portée de main, Bousquet fait un bilan sans appel. Mais il n’est nullement pessimiste pour autant. Belle démonstration : 
     
     
    Le site Boulevard Voltaire à la rencontre de François Bousquet pour un entretien dans les locaux de La Nouvelle Librairie sur son dernier ouvrage :
     
     
    Une bonne critique du livre de François Bousquet Courage ! Manuel de guérilla culturelle par Aristide Leucate. Il voit dans ce livre un manifeste, prolongement et complément idéal du testament spirituel de Dominique Venner, Un samouraï d’occident. Le Bréviaire des insoumis paru en 2013 chez Pierre-Guillaume de Roux. 
     
     
    L’émission de Thomas Hennetier sur l’antenne de Radio Courtoisie était ce mois-ci consacrée au livre de François Bousquet Courage. Manuel de guérilla culturelle. Il ébauche à grands traits une généalogie du courage dont il trouve les origines dès l’aube de la littérature européenne (Homère). Riche entretien émaillé de références littéraires :
     
     
    Alain de Benoist au festival Libropolis (Italie, octobre 2019) s’exprime sur l’anthropologie libérale et procède à une critique implacable de son concept de liberté qui avance en même temps que la marchandisation de tout l’existant, d’où l’inconsistance tragique des conservateurs libéraux qui ne peuvent se résoudre à considérer que la défense des valeurs traditionnelles ne peut se marier avec une idéologie (révolutionnaire selon Marx) qui ne cesse de détruire les valeurs qu’ils entendent conserver  :
     
     
    David L’Épée lit un extrait du dernier ouvrage d’Alain de Benoist Contre le libéralisme, la société n’est pas un marché (édition du Rocher, 2019) dans lequel il éclaire les relations de dépendance qu’entretiennent depuis plusieurs siècles le marché capitaliste et l’État-nation. Un rappel historique bienvenu pour sortir de la double illusion étatiste ou tout-marché :
     
     
    Pour Alain de Benoist Salvini, adulé par les foules italiennes, est un mauvais stratège. Il s’en explique sur Boulevard Voltaire :
     
     
    Michel Onfray dans une de ses dernières lettres hebdomadaires cuisine aux petits oignons Jean-Louis Bourlanges vrp de la non-Europe c’est à dire de l’Europe maastrichtienne, une Europe libérale-libertaire, immigrationniste, qui tourne le dos à la démocratie et qui pour ces raisons est en train de sortir de l’histoire. Il en profite également pour pour dire tout le bien qu’il pense des chaînes de radio et de télévision du service public :
     
     
    Michel Onfray encore qui fustige dans sa dernière missive, Convergence des luttes barbares, les macrono-mélenchonistes pour leur silence sur la lèpre qui s’abat sur la France. Il y prend notamment le parti de La Nouvelle Librairie vandalisée à deux reprises par ceux qui se prétendent antifa tout en en adoptant les  
    méthodes de terreur. « Ceux qui, à gauche, crient au loup fasciste ont bien raison, mais ils ont surtout tort de croire que la meute vit à droite : c’est chez eux que se trouve la tanière dans laquelle se reproduisent les petits… Que le fascisme menace, c’est un fait : mais il n’est pas là où ses amis et ses idiots utiles disent qu’il se trouve » écrit-il en conclusion :
     
     
    Dans Le Samedi Politique, émission d’Élise Blaise sur TV-L, on s’efforçait de comprendre le dessous des cartes permettant de rendre compte de la situation en Syrie après le retrait des troupes américaines, l’intervention turque puis les accords entre Poutine et Recep Tayyip Erdogan. Richard Labévière, rédacteur en chef du site ProcheetMoyen-Orient.ch décrypte avec réalisme ce capharnaüm, secondé par le colonel Alain Corvez, consultant en stratégie internationale :
     
     
    Article de Richard Labévière sur le site Proche & Moyen-Orient. Il y examine l’histoire des régions kurdes de Syrie depuis le mandat français et en vient à relativiser le Rojava, zone fétiche de la presse occidentale. Pour lui le PYD qui administrait il y a quelques jours encore le Rojava est comparable à l’UCK du Kosovo, une mafia maquillée par les Américains en valeureux résistants nationalistes albanais :
     
     
    Alain Finkielkraut invité de la matinale de Sud-radio. Il y exprime ses opinions (modérées) sur le voile, le PMA et la GPA, sur les pseudo « réactionnaires » et la censure, la criminalisation de la nostalgie. En bref il faut défendre « le droit des Français à la continuité historique » et prendre des mesures face à «l’islamisation de la France ».
     
     
    Alain Finkielkraut recevait le 26 octobre dans son émission Répliques de France-culture sur les enjeux de la bioéthique Sylviane Agacinski, philosophe libérale mais opposée à la société de marché et pour cette raison hostile à la PMA et à la GPA. Figure également au sommaire de l’émission Frédéric Worms. Le point de vue de Worms, membre de la commission de bioéthique, est celui de l’approbation comme toujours, pourrait-on dire, chez ceux qui appartiennent à cette commission. Les points de vue de Finkielkraut et d’Agacinski, plus prospectif, sont également les plus intéressants : 
     
     
    Au micro de France Inter la journaliste Sonia Devillers dresse une liste noire des mal pensants qu’il convient de faire taire. Réaction de l’OJIM :
     
     
    Une explication simple mais radicale des raisons qui animent, ou devraient animer, les identitaires européens dans leur combat pour le droit des populations locales à persévérer dans leur être. À l’heure des grandes migrations, non plus d’individus isolés mais de peuples entiers, il faut effectivement choisir entre l’identité et le remplacement. Court article de Nicolas Faure sur le site de la Fondation Polémia :
     
     
    Dans un article du site d’Éléments Jean-Michel Vivien salue le retour des Indo-Européens sur la scène universitaire française après une trop longue éclipse  due à de sombres machinations idéologiques. On retiendra notamment le nom de l’archéologue Jean-Paul Demoule qui a largement contribué pour d’obscures raisons à démonétiser cette discipline. Malheureusement il s'agit d'un non-linguiste doublé d’un non-généticien, les deux domaines majeurs qui permettent d’appréhender le phénomène indo-européen dans toute sa complexité. Dans un brève recension des dates marquantes de cette renaissance Vivien note la parution en mars 2019 du superbe numéro de Nouvelle Ecole consacré à « La paléogénétique des indo-Européens » dossier complet basé sur la synthèse de plusieurs dizaines d’études récentes émanant des plus prestigieuses universités du monde occidental:
     
     
    Tomislav Sunic est un intellectuel croate de grande culture, ancien professeur de sciences politiques aux États Unis où l’avait conduit son anticommunisme à l’époque titiste, devenu ensuite diplomate au service de l’État croate indépendant. Il développe avec mesure une théorie comparée du « système » et du « régime » montrant que si le régime a changé dans la plupart des ex-pays de l’Europe de l’est il n’en fut pas de même du système resté globalement le même après la chute du mur. Le recyclage a permis à la gauche divine et à ses valeurs de se maintenir à peu près partout au pouvoir servie par l'idéologie propagée par l’Union européenne. Ce premier entretien s’inscrit dans une série de 5 qui doivent célébrer la chute du communisme il y a trente ans. À voir sur TVL :
     
     
    Sylvain Tesson auteur panthéiste à contre-courant du progrès et de la laideur moderne récompensé par le prix Renaudot pour son dernier livre La panthère des neiges. À ce propos on lira avec attention les très justes réflexions de Pascal Mottura parues sur le site de l’Inactuelle, Revue d’un monde qui vient. Le site, très riche, est animé par Thibault Isabel :
     
     
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  • L'erreur de calcul de Matteo Salvini ?...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque le choix fait par Matteo Salvini de rompre la coalition populiste qui lui permettait d'occuper les fonctions de ministre de l'intérieur. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Salvini n’est pas doué pour les calculs à long terme !

    BOULEVARD VOLTAIRE. Certes, l’alliance conclue par Matteo Salvini avec les populistes du Mouvement 5 étoiles connaissait des difficultés, mais le leader de la Lega a préféré, cet été, provoquer la fin de la coalition en espérant des législatives anticipées qu’il était convaincu de remporter. Résultat : il se retrouve, aujourd’hui, dans l’opposition, tandis que le M5S s’est allié au Parti démocrate pour former un nouveau gouvernement. Le pari n’était-il pas un peu hasardeux ?

    ALAIN DE BENOIST : En dynamitant une coalition gouvernementale dont il était le principal bénéficiaire, Salvini a commis une erreur magistrale. Alors que sa cote de popularité ne cessait de grimper, en raison notamment de sa politique anti-immigration, il a brutalement renversé lui-même le fauteuil sur lequel il était parvenu à s’installer. Plus grave, en mettant fin à son accord avec le M5S, il a détruit un système d’alliance populiste (le gouvernement gialloverde [jaune-vert]) qui avait bouleversé toute la géographie politique italienne et que beaucoup, en Europe, regardaient comme un modèle. Du même coup, il a redonné vie à un clivage droite-gauche équivalant à un retour en arrière, avec une Lega qui va renforcer ses tendances libérales et réactionnaires en se rapprochant de Berlusconi et des groupes « postfascistes », et un M5S obligé de s’allier au PD, qu’il vouait hier encore aux gémonies. Salvini a aussi fait perdre à la Lega le poste de commissaire européen qui lui avait été attribué avec l’aval de Mattarella, poste qui a été confié à l’ancien Premier ministre démocrate Gentiloni, représentant typique du politiquement correct. Et bien entendu, du fait de la formation d’un nouveau gouvernement, il n’a pas obtenu de législatives anticipées.

    La question est de savoir pourquoi il s’est engagé dans cette voie. Contrairement à ce que disent ses adulateurs, Salvini n’est pas doué pour les calculs à long terme. Il a un charisme considérable, mais il est notoirement mauvais comme stratège politique. Il est, en outre, assez mal entouré. Est-ce parce qu’il était drogué aux sondages qu’il s’est ainsi précipité ? C’est possible. Mais il est également significatif qu’il ait pris sa décision au retour d’un voyage aux États-Unis, où de hauts responsables pourraient bien lui avoir fait des promesses trompeuses. Le fait est que, depuis des mois, Salvini ne manifeste plus aucune sympathie pour Vladimir Poutine. Ses héros, désormais, sont Donald Trump, Jair Bolsonaro et surtout Benyamin Netanyahou, dont le portrait trône à la place d’honneur dans son bureau.

    BOULEVARD VOLTAIRE. Pour autant, la situation ne peut-elle pas se retourner ?

    ALAIN DE BENOIST : Si, bien sûr, ne serait-ce que parce qu’en Italie, les choses vont toujours très vite. La grande manifestation organisée à Rome par Salvini a été un beau succès, grâce à des militants venus de toute l’Italie. Et aux élections régionales qui viennent d’avoir lieu en Ombrie, place forte du centre gauche depuis un demi-siècle, la coalition de droite a approché les 60 % des voix, contre moins de 40 % à ses adversaires. Si, en janvier prochain, Salvini remporte les élections en Émilie-Romagne (ce sera le vote le plus décisif), il a toutes les chances de s’imposer comme le chef de l’opposition.

    Quant au M5S, qui s’est effondré en Ombrie et qui, dans l’immédiat, ne peut plus avoir d’autre ambition que celle de jouer un rôle de parti-charnière dans n’importe quelle coalition, il est maintenant menacé de désagrégation : six de ses 103 sénateurs semblent prêts à démissionner, dont Ugo Grassi et Elena Fattori, tandis que plus d’une soixantaine (Gianluigi Paragone, qui pourrait rejoindre la Lega, Nicola Morra, Emanuele Dessì, Danilo Toninelli, Mario Giarrusso, Barbara Lezzi, etc.) contestent plus ou moins ouvertement l’alliance avec le PD et les orientations de Luigi Di Maio. Le PD ne se porte d’ailleurs pas mieux, avec les tensions entre les partisans de Matteo Renzi et ceux de Nicola Zingaretti, frère de l’acteur Luca Zingaretti (qui incarne le commissaire Montalbano dans la série inspirée des célèbres romans d’Andrea Camilleri).

    Cela dit, Salvini n’est pas à l’abri des difficultés. Sa « droitisation » va le rendre plus dépendant de ses alliés berlusconiens – qui sont loin de ne lui vouloir que du bien – qu’il ne l’était des amis de Di Maio quand il siégeait au gouvernement. Il peut, d’ores et déjà, s’attendre à des difficultés du côté de Forza Italia, le fan-club de Berlusconi. Même s’il revient au pouvoir, il y a sans doute beaucoup de positions qu’il ne pourra plus prendre. Peut-être réalisera-t-il alors qu’il a raté une occasion historique.

    BOULEVARD VOLTAIRE. Tout comme Matteo Salvini, Boris Johnson semble avoir voulu passer en force pour que l’Angleterre quitte l’Union européenne le 31 octobre au plus tard. Il n’en a rien été et, aux dernières nouvelles, le Brexit n’interviendra qu’à la fin janvier… si tout va bien. Et que dire de l’ancien vice-chancelier autrichien Heinz-Christian Strache, tombé comme un débutant dans un piège grossier ! Les populistes seraient-ils condamnés à la maladresse dès lors qu’ils arrivent aux affaires ?

    ALAIN DE BENOIST : Les populistes n’ont pas encore l’habitude du pouvoir. Ils pensent, en général, que l’on a gagné quand on arrive au pouvoir, alors que c’est seulement à ce moment-là que les choses sérieuses commencent. Boris Johnson, c’est autre chose. Pour comprendre l’interminable feuilleton du Brexit, il faut d’abord rappeler que le Parlement britannique n’y a jamais été favorable. C’est le peuple qui s’est prononcé, en 2016, pour la rupture avec l’Union européenne. Or, au Royaume-Uni, ce n’est pas le peuple qui est dépositaire de la souveraineté, c’est le Parlement – ce qu’on ignore trop souvent chez nous. Cela explique beaucoup de choses. Mais à plus long terme, l’issue ne fait pas de doute. La Grande-Bretagne dérivera vers le « grand large », conformément à sa vocation insulaire et maritime. À défaut d’avoir pu acheter le Groenland, Donald Trump achètera les Anglais. Reste à savoir comment réagiront les Irlandais et les Écossais.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 5 novembre 2019)

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  • Haine à gauche, mépris à droite...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la traque des "discours de haine" comme prétexte à la limitation de la liberté d'expression . Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « La haine existe, surtout à gauche ! La droite, elle, préfère mépriser… »

    « Provocation à la haine », « propos haineux », « haine de l’autre », et maintenant « crimes de haine ». Le mot de « haine », à force d’être accommodé à toutes les sauces, ne perdrait-il pas de sa substance, et par là même de sa force, sachant qu’il n’est pas anodin non plus ?

    La haine est un sentiment d’exécration, de détestation ou de violente aversion envers quelque chose ou quelqu’un, assorti éventuellement du souhait qu’il lui arrive du mal. Il faudrait ajouter qu’elle se nourrit de ressentiment et qu’elle n’est souvent que de l’amour déçu (de l’amour à la haine il n’y a qu’un pas), mais laissons cela pour l’instant.

    Aujourd’hui, on fait (à tort) de la haine un synonyme de la « phobie » et l’on prétend disqualifier n’importe quelle critique en la présentant comme un « discours de haine ». Ce procédé commode nous vient bien sûr des États-Unis (“hate speech”). Qui critique l’immigration, par exemple, est immédiatement présenté par les bien-pensants comme appelant à la haine contre les migrants. D’où l’on conclut que les paroles qui « incitent à la haine » sont responsables des actes qu’elles sont censées avoir inspirés. Tout cela est rigoureusement faux. L’interprétation d’une critique parfaitement légitime comme relevant de la « haine » traduit son caractère partisan. Quant à l’assimilation des paroles aux actes, elle ne repose que sur un sophisme et un procès d’intention. Quand Flaubert dit que « la haine du bourgeois est le commencement de la vertu », cela ne signifie pas qu’il aspire à faire disparaître qui que ce soit. De même, considérer que le mariage est une institution avant d’être un contrat, et qu’il associe donc des lignées et pas seulement des individus, n’appelle nullement l’homophobie !

    Ce sont souvent les mêmes qui, en 1995, ont célébré le film « La haine », de Mathieu Kassovitz, nominé aux Césars un an plus tard dans la catégorie du meilleur film, tout en appelant à crier leur « haine » du « parti de la haine », le Front national. Le serpent se mordrait-il la queue ?

    C’est qu’il y a différentes sortes de haine. Le point de vue qu’on défend n’est bien sûr jamais haineux, c’est le point de vue opposé qui est censé l’être ! Avoir de la haine pour la haine, c’est comme adopter le mot d’ordre : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». Il suffit de désigner quelque chose ou quelqu’un comme une figure du mal, pour que la haine devienne subitement très acceptable. Qui s’indignerait que l’on haïsse le nazisme ? Le Goulag ? L’esclavage ? Quand la doxa dominante nous parle des « jeunes qui ont la haine », cela signifie que leur patience est à bout et que nous sommes évidemment coupables de les avoir rendus furieux. Vieille méthode qui ne trompe personne. Dans un domaine voisin, ce sont aussi les mêmes médias qui se flattent de « décoder » les fake news qui ont avalisé tous les mensonges d’État et qui nous expliquent aujourd’hui qu’Éric Zemmour c’est Édouard Drumont, que Tariq Ramadan c’est Alfred Dreyfus, et que sainte Greta (Thunberg) c’est Jeanne d’Arc.

    Interdire les propos tenus pour « haineux », sur Internet ou ailleurs, par on ne sait trop qui d’ailleurs, n’est-ce pas tout simplement le moyen d’exercer une nouvelle censure tout en la parant des oripeaux de la vertu ?

    Il ne faut pas dire que la liberté d’expression est menacée dans notre pays. Elle n’est pas menacée, elle a disparu. La loi Avia, dite « loi de lutte contre la haine sur Internet », adoptée en juillet dernier à la quasi-unanimité des députés et droite et de gauche, l’a officiellement supprimée, en même temps qu’elle institutionnalisait la délation et déléguait au secteur privé la traque des « contenus haineux » et des idées mauvaises. La preuve en est que, comme autrefois en Union soviétique, il y a désormais des choses tout à fait normales et raisonnables que l’on ne dira jamais en public et que l’on ne confiera plus qu’à des amis sûrs dans des cénacles privés. Le gouvernement d’Emmanuel Macron ne se contente pas de procès politiques et de répression féroce des manifestations. Il a délégué aux GAFA la censure automatique sur Internet et sur des réseaux sociaux déjà dévastés par l’autoflicage. Cette censure diffère des autres. Elle relève d’une tentative de contrôle des pensées et d’un capitalisme de la surveillance qui traduit l’expérience humaine en données comportementales afin d’obtenir des informations qui sont ensuite revendues sur le marché des comportements futurs, réalisant ainsi d’un même mouvement les sombres prédictions de George Orwell et d’Aldous Huxley.

    Cela dit, la haine existe. Elle existe surtout à gauche, car la gauche aime haïr, tandis que la droite préfère mépriser. Elle existe, et c’est un sentiment que j’exècre. Personnellement, malgré des efforts méritoires, je ne suis jamais parvenu à haïr qui que ce soit (j’ignore si c’est une qualité ou un défaut). Je n’aime ni les dictatures ni les dictateurs, ni les épurateurs ni les bourreaux, ni les milices paramilitaires ni les escadrons de la mort. Je déteste hurler avec les loups ou m’associer aux lynchages médiatiques, qu’il s’agisse de Tariq Ramadan, de Jeffrey Epstein, de François de Rugy ou du Croquignol de Levallois-Perret. C’est comme cela. Mais la haine existe, et on ne la fera pas disparaître.

    Le grand problème, c’est que l’idéologie dominante, persuadée de la bonté naturelle du bipède, croit qu’à force de censures et de condamnations, on fera disparaître la haine, et aussi la méchanceté, la bêtise, la criminalité, la cupidité, le sexisme, les « discriminations », sans oublier la maladie et le mauvais temps. C’est une illusion dévastatrice. La haine est un sentiment. Un mauvais sentiment. Les sentiments ne relèvent pas de la justice pénale : un mauvais sentiment n’est pas un délit. Malraux disait qu’« appartenir à l’histoire, c’est appartenir à la haine ». La haine fait partie de la nature humaine. Il faut accepter la nature humaine, dans ce qu’elle a de meilleur et dans ce qu’elle a de pire. Les réseaux sociaux s’apparentent de plus en plus au tout-à-l’égoût. On y lit des monstruosités de bêtise, des himalayas d’intolérance, des jugements proprement tératologiques. Ce n’est pas en interdisant la libre expression des dilections et des détestations qu’on fera disparaître les sentiments qui les inspirent.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 2 octobre 2019)

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  • Alain de Benoist : « L’union des droites ? Aussi chimérique que celle des gauches ! »

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque la question de l'union des droites. Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Ce que penser veut dire (Rocher, 2017) et Contre le libéralisme (Rocher, 2019).

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    Alain de Benoist : « L’union des droites ? Aussi chimérique que celle des gauches ! »

    C’est un vieux serpent de mer qui resurgit périodiquement depuis plus d’un siècle : l’union des droites revient dans le débat. Vous n’y croyez pas ?

    Ce sont des calembredaines, des mantras qu’on récite pour se rassurer, sans considération des circonstances. Comme vous le dites, l’idée n’est pas nouvelle, mais cela n’a jamais marché, pour la simple raison que, faute de clarification sur les principes, les inspirations idéologiques des différentes droites se sont toujours révélées incompatibles. En France, il n’y a jamais eu d’union des droites. Jamais. Quant à l’union des gauches, autre mythe inusable, elle ne s’est concrétisée qu’à trois reprises, pour quelques années à peine et sans aucun lendemain : sous le Front populaire, lors du Conseil national de la Résistance et, enfin, avec le « programme commun » de Mitterrand, qui a d’ailleurs marqué le début de la débâcle du Parti communiste.

    Il y a quinze ou vingt ans, lorsque l’UMP faisait à peu près jeu égal avec le Front national, on pouvait encore espérer faire sauter le « cordon sanitaire ». C’était, en réalité, tout à fait impossible, mais au moins pouvait-on en formuler l’hypothèse. De braves gens naïfs, des notaires de province et quelques potaches cathos-bobos pensent apparemment qu’on en est toujours là. Ce n’est plus le cas. Avec Macron, la droite libérale est au pouvoir. Il y a, d’autre part, le Rassemblement national, qui n’est pas libéral, mais qui plafonne pour l’instant autour de 25 % (même si l’existence d’un « plafond de verre » reste indémontrée). Je suppose qu’on ne veut pas faire l’union de La République en marche et du RN. Mais alors, de quelles droites veut-on faire l’« union » ? Les Républicains sont, comme le PS, à l’agonie. Nicolas Dupont-Aignan ne représente plus rien. Ne parlons même pas d’Asselineau ou de Philippot. On peut bien répéter que l’union fait la force, le slogan perd toute signification quand il n’y a rien à réunir. Même additionné à l’infini, zéro plus zéro égale toujours zéro.

    Quelle union, d’ailleurs ? Au niveau des appareils, il ne faut même pas y penser. Ce n’est d’ailleurs pas gênant car, compte tenu d’un phénomène de volatilité électorale devenu majoritaire, les partis ont cessé d’être les moteurs de la vie politique. À la base ? Ce serait, en effet, une meilleure solution, mais à condition de ne pas se limiter à la « droite ». Les familles politiques traditionnelles ont disparu et le clivage gauche-droite n’est plus désormais, au mieux, qu’un clivage parmi d’autres. Deux clivages nouveaux s’imposent : entre les universalistes et les enracinés d’une part, entre les conservateurs et les libéraux de l’autre. L’effondrement des Républicains s’inscrit dans ce processus de clarification : les deux tiers de l’électorat filloniste sont partis chez Macron, un tiers a rejoint le Rassemblement national et il ne reste plus à LR qu’une poignée de canards sans tête qui s’agitent dans les décombres du poulailler. La bonne bourgeoisie catholique, plutôt que de voter Bellamy, a rejoint le parti de l’ordre parce qu’elle a bien compris que c’était son intérêt et que l’intérêt, pour elle, passera toujours avant les convictions. La future majorité anti-Macron n’est pas à rechercher « à droite » mais dans l’ensemble du peuple français aujourd’hui confronté au double problème de l’immigration et de la politique d’austérité, c’est-à-dire, dans les deux cas, au système capitaliste. Reste le problème des hommes (ou des femmes) qui puissent incarner cette dynamique sociale-identitaire. Il n’est pas résolu.

    Vous êtes donc hostile à des initiatives telles que la Convention de la droite, animée notamment par Marion Le Pen et Éric Zemmour ?

    Pas du tout. Je suis convaincu que ceux qui ont assisté à cette Convention et en ont fait un succès ont entendu des choses très intéressantes. Le dialogue et les confrontations d’idées sont toujours utiles, mais sur le plan de la politique électorale, il n’en sortira rien. J’entends bien que certains de ceux qui se définissent comme « de droite » ne se reconnaissent ni dans le parti de Macron ni dans celui de Marine Le Pen. Pourquoi pas ? Mais ce ne sont que des individualités, auxquelles ne correspond aucun électorat ni aucun espace politique. Le paradoxe serait alors qu’ils veuillent créer un nouveau parti, qui ne ferait que diviser l’opposition.

     

    Restons dans les sujets qui fâchent. Sur la PMA, la GPA, etc., on ne vous a pas beaucoup entendu…

    Parce que ce sont des combats perdus d’avance. La loi sur la PMA vient d’être votée, et la majorité des Français y sont favorables, d’autant que, comme dans le cas du mariage gay, ils réalisent très bien que le problème ne concerne qu’une minorité de minorité. Jean-Marie Le Pen dit qu’il préfère des « enfants sans pères » à pas d’enfants du tout, ce qui n’est pas totalement absurde. Parler d’« enfants sans pères » n’a, d’ailleurs, pas beaucoup de sens, car cette catégorie n’existe pas. On parle, en fait, d’enfants qui n’auront pas la possibilité de connaître l’identité de celui qui leur a légué la moitié de leur patrimoine génétique. C’est déjà le cas des enfants de couples hétérosexuels nés de la PMA et de bien des enfants adoptés. Quant à la GPA, elle s’est occasionnellement pratiquée de tout temps dans la bienheureuse opacité des mœurs villageoises. Les catholiques, après tout, adorent un homme sans père biologique identifié, dont la mère a servi de « mère porteuse » à l’Esprit saint (exemple radical de dissociation de la sexualité et de la procréation).

    Je n’en suis pas moins sensible aux enjeux : la filiation, la marchandisation. Mais ce n’est pas en gazouillant sur « les papas » et « les mamans » qu’on prendra la pleine mesure du problème. Si l’on est en présence d’une rupture anthropologique majeure, alors il faut s’interroger sur l’essence de la technique : dire que « tout ce qui est techniquement possible n’est pas humainement nécessaire » est totalement inutile aussi longtemps qu’on n’a pas compris que la loi de la technique est que tout ce qui est techniquement possible sera effectivement réalisé. Aujourd’hui, ce n’est plus l’homme qui maîtrise la technique, c’est la technique qui décide pour lui. Quant aux modifications de la filiation, il faut s’intéresser aux causes, et pas seulement aux conséquences. Pourquoi veut-on, aujourd’hui, « sortir de l’hétérosexualité », discréditer la biologie et la notion même d’hérédité, revenir à un système matrilinéaire abandonné depuis la Préhistoire, entretenir l’idée d’un homme se créant lui-même sans plus rien devoir à la nature ? Telles sont les questions qu’il faut se poser.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 1er octobre 2019)

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