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alain de benoist - Page 98

  • Quelle légitime défense contre les criminels de la finance ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la légitime défense, la criminalité économique et la propriété...


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    Quelle légitime défense contre les criminels de la finance ?

    Un bijoutier qui tue l’un de ses agresseurs. Un buraliste qui en blesse un autre. Et la polémique qui enfle. Certes, des faits divers. Mais ces derniers n’en disent-ils pas beaucoup quant à l’état de notre société ?

    Ils en disent évidemment beaucoup, car les faits divers ne sont jamais que des faits de société. Mais comme vous le savez, il y a une façon de qualifier certains événements de « faits divers » qui revient à en minorer l’importance. Xavier Raufer l’a rappelé ici même, à propos de la façon dont Christiane Taubira parlait de « faits divers » quand on l’interrogeait sur la montée de la criminalité. Il faudrait aussi savoir où commencent et où finissent les faits divers. Les naufragés de Lampedusa, un fait divers ?

    La légitime défense est-elle légitime ? Si oui, dans quelles conditions ? Si non, dans quelles autres ?

    Que la légitime défense soit légitime n’est qu’une tautologie. Toute la question est de savoir si cette légitimité a valeur légale. En France, où elle est prévue à l’article 122-5 du Code pénal, la légitime défense n’est reconnue que d’une façon extrêmement restrictive. L’homicide volontaire, par exemple, n’est jamais admis quand il s’agit de protéger un bien. Le terme-clé est celui de « proportionnalité » : la défense doit être « proportionnée » à l’attaque. Or, compte tenu des circonstances dans lesquelles se produisent les attaques en question, une défense « proportionnée » est à peu près impossible à mettre en œuvre. Je pense donc que la législation sur la légitime défense devrait être élargie, afin de donner à celui qui se défend une plus large liberté de manœuvre. Cela dit, il ne faut pas non plus passer d’un excès à l’autre, comme aux USA où, dans une quinzaine d’États, on est en droit, conformément à la « castle law » (la « loi du château »), de mettre une balle dans la tête de quiconque s’introduit dans une maison, une propriété, un jardin ou même une voiture sans y avoir été convié. La « culture de l’excuse » ne doit pas être remplacée par la loi de la jungle.

    Mais il n’y a pas que les braqueurs et les « racailles ». Quid de la délinquance en col blanc ? Celle qui ne menace personne dans la rue, celle qu’on ne voit pas, mais dont les dégâts sont immenses. Je ne parle pas ici seulement des « crimes des riches » ou des « voleurs de la République », pour reprendre le titre de deux livres récents, pas seulement de l’évasion fiscale (10 % du PIB, quand même), de la corruption, des détournements de fonds publics, des prises illégales d’intérêts, des trafics d’influence, etc. Je parle du système financier lui-même, de la dictature des marchés, du système usuraire de la dette, de la responsabilité de ces banques américaines qui ont poussé des gens à prendre des crédits qu’ils n’avaient aucun moyen de rembourser. Aucun des responsables de la crise financière qui s’est ouverte en 2008 n’a été sanctionné, alors que les états-majors de Goldman Sachs, de Lehman Brothers et de HSBC devraient tous être en prison. Ces gens-là provoquent chaque jour plus de misères, plus de ruines, plus de morts que n’en provoquent chaque année toutes les racailles de France et de Navarre réunies. Dominique Strauss-Kahn a eu des ennuis à cause de son érotomanie, pas à cause des millions de gens qu’il a contribué à appauvrir quand il était directeur du FMI.

    Et que dire des suppressions d’emplois dans les entreprises qui font des bénéfices ? Des salaires scandaleux des patrons du CAC 40 (les PDG des grandes entreprises françaises gagnent en moyenne 4 millions d’euros par an, soit 250 fois le SMIC) ? Des délocalisations ? Des « parachutes dorés » ? Des peuples entiers victimes des programmes d’austérité ? Des paysans qui se suicident (un mort toutes les 48 heures) ? Des 350.000 personnes tombées sous le seuil de pauvreté entre 2008 et 2011 ? On considère en général que les crimes d’argent sont moins graves que les crimes de sang. Ce n’est pas mon avis. Quelle légitime défense contre les grands criminels de la finance ?

    La sanctuarisation de la propriété privée est-elle un droit intangible ? Il semble que cette notion ait pu évoluer au cours des siècles. Qu’en dire aujourd’hui ?

    En 1840, Proudhon déclarait que « la propriété, c’est le vol ». Vingt ans plus tard, il disait que « la propriété, c’est la liberté ». La propriété peut être l’un et l’autre. En Europe, la protection de la propriété privée remonte pour le moins à la république romaine. Depuis le XVIIIe siècle, le droit de propriété constitue l’une des bases de la pensée juridique occidentale. Je ne vois rien à y redire, même si je ne suis pas de ceux qui, comme les libéraux par exemple, font de la propriété privée un absolu – voire un droit inhérent à la nature humaine –, car on ne peut accepter que le fait de jouir et de disposer de ce dont on est propriétaire se traduise par des pratiques nocives pour la collectivité (bétonner un littoral, saccager un paysage, détruire un ensemble architectural, etc.). En d’autres termes, la propriété d’un bien n’empêche pas que soient prévues des limites relatives à l’usage (usus), à la mise en valeur (fructus) et à l’aliénation (abusus) de ce bien. Pour parler à nouveau comme Proudhon, « la propriété du produit n’emporte pas la propriété de l’instrument ». Il faut en outre ne pas confondre la possession d’un bien qui découle du travail de son propriétaire et celle qui résulte de l’appropriation privative d’un travail social ou des conditions de l’activité sociale, qui est l’une des caractéristiques typiques de la propriété capitaliste.

    Ce qui n’est malheureusement pas encore entré dans les mœurs, c’est la « sanctuarisation » d’un certain nombre de biens collectifs, matériels ou immatériels, c’est-à-dire de biens qui ne se partagent pas parce qu’on ne peut en faire usage qu’en commun. Je pense ici à tout ce qui relève des écosystèmes et de la protection de l’environnement. Mais aussi à la marchandisation de la culture ou au brevetage systématique du vivant souhaité par les groupes agrochimiques et pharmaceutiques, qui n’est jamais qu’une appropriation privative du patrimoine biologique de l’humanité. Ce n’est certes pas le PS, devenu l’aile gauche du capital, qui va s’y opposer. On s’en apercevra plus encore lorsque Pascal Lamy aura succédé à Jean-Marc Ayrault !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 21 octobre 2013)

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  • Sciences ?...

    Le numéro 39 de la revue Krisis, dirigée par Alain de Benoist, vient de paraître. Le thème retenu est celui des sciences... Le sommaire est riche et alléchant et comporte, notamment, plusieurs textes de Jean-François Gautier ainsi qu'un entretien avec Olivier Rey et un autre avec Jean-Luc Gréau.

    Le numéro est disponible à la commande sur le site de la revue Eléments.

    Bonne lecture !

     

     

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    Au sommaire du numéro :

    • Jean-François Gautier / La tentation de l’Un.

    • Jean Bricmont / Comment peut-on être « positiviste » ?

    • Jean-Marc Lévy-Leblond / La science est-elle universelle ?

    • Entretien avec Olivier Rey / De l’usage social des sciences.

    • Jean-François Gautier / La localité en théorie quantique.

    • Entretien avec Marc Lachièze-Rey / Sur l’idée d’univers.

    • Guillaume Duval / Les mathématiques du chaos.

    • Jean-François Gautier / Météorologie des passions.

    • Monique Sené / Comment sortir du nucléaire ?

    • Philippe Hansen / Oui au nucléaire !

    • Jean-Marc Jancovici / Les limites énergétiques de la croissance.

    • Document / David Herbert Lawrence : Nous avons perdu le cosmos.

    • Entretien avec Jean-Luc Gréau / Crise financière mondiale : le réel ne peut être indéfiniment congédié.

    • Jean-François Gautier / L’œuvre de Henri Poincaré.

    • Document / Henri Poincaré : L’espace et la géométrie.
    • Jerónimo Molina / Gaston Bouthoul, sociologue de la guerre et fondateur de la polémologie.

    • Entretien avec Michel Morange / De la variabilité des concepts fondamentaux en biologie.

    • Friedrich Georg Jünger / Langage et calcul.

    • Document / Martin Heidegger : La science ne pense pas.

    • Le Texte : René Thom : La méthode expérimentale : un mythe des épistémologues (et des savants ?).

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  • Alain de Benoist et la théologie politique...

    A l'occasion de la sortie du numéro 62 de la revue Nouvelle École consacré à la théologie politique, l'équipe de Méridien Zéro, qui œuvre sur Radio Bandiera Nera, recevait Alain de Benoist. Vous pouvez écouter ci-dessous cette émission diffusée le 10 octobre 2013.

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    podcast

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  • Russie en première ligne et Israël en retrait...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque le rôle de la Russie et la position d'Israël dans la crise syrienne...

     

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    Russie en première ligne et Israël en retrait

    Valse et tango en Syrie, un pas en avant et deux ou trois en arrière. L’embrasement du proche et du Moyen-Orient que vous laissiez prévoir il y a quelques jours est-il inéluctable ?

    Aux dernières nouvelles, l’option diplomatique semble devoir l’emporter. Mais pour combien de temps ? Ce dont il faut être conscient, c’est que dans toute cette affaire il existe un parti de la guerre, qui est loin de se cantonner aux États-Unis. Le chaos ne lui fait pas peur, puisque c’est précisément ce qu’il cherche à instaurer. L’objectif a été exposé de longue date, notamment par les auteurs “néocons” du « Projet pour un nouveau siècle américain » : il s’agit d’éliminer dans toute la région les pouvoirs stables et forts, de balkaniser les pays les plus puissants et d’instaurer partout un état, jugé profitable, de guerre civile endémique et de chaos. C’est la mise en œuvre du vieux principe « diviser pour régner ».

    De ce point de vue, la crise syrienne doit être replacée dans une perspective historique. Les États-Unis n’ont cessé, depuis des décennies, de combattre les mouvements nationalistes arabes laïcs et de soutenir les islamistes sunnites les plus radicaux. Ils le faisaient déjà à l’époque de Nasser. En Afghanistan, au temps de l’occupation soviétique, ils ont apporté leur appui aux Talibans. Aujourd’hui, alors même qu’ils sont en train d’acquérir une indépendance énergétique qui devrait à terme les rendre moins dépendants des pétromonarchies, ils restent plus que jamais fidèles à leur alliance avec une Arabie saoudite qui encourage dans tout le monde arabe le wahhabisme et le massacre des chiites. Pour le parti de la guerre, la Syrie est une opportunité parmi d’autres. C’est la raison pour laquelle le Proche-Orient reste un bouillonnant chaudron dont peut très bien sortir une nouvelle guerre mondiale.

    Vladimir Poutine n’en finit plus de tirer la sonnette d’alarme. Ces mises en garde peuvent-elles être suivies d’effets ? Et que penser du rôle de nos médias après le témoignage de Domenico Quirico et Pierre Piccinin, journalistes retenus en otages en Syrie par l’ASL et qui imputent l’usage d’armes chimiques aux rebelles ?

    Chaque jour qui passe donne un peu plus à penser que l’emploi des armes chimiques dans la région de Damas est un montage qui n’est pas sans faire penser à celui de Timisoara. Quant à Poutine, il ne se borne plus à tirer la sonnette d’alarme, puisque ce sont ses initiatives qui ont déterminé l’évolution de la crise. En prenant au mot John Kerry, qui avait annoncé que les États-Unis pourraient renoncer à frapper Damas au cas où le régime syrien renoncerait à son stock d’armes chimiques, il s’est révélé comme un joueur d’échecs de haut niveau. À la faveur de l’affaire syrienne, et dans un contexte qui n’a plus rien à voir avec celui de la Guerre froide, la Russie a retrouvé ses prérogatives de grande puissance. Dans les années qui viennent, la politique internationale ne pourra plus compter le Kremlin comme une force négligeable. La géopolitique, du même coup, a retrouvé ses droits. Ce grand retour de la Russie est un événement historique de première grandeur. À un moindre niveau, le refus du Parlement britannique d’approuver la guerre d’agression qu’envisageaient de lancer David Cameron, Barack Obama et le petit Hollande, est un autre événement historique. L’hostilité massive à la guerre manifestée par une opinion publique américaine échaudée par les mensonges de l’administration Bush et les résultats catastrophiques des interventions militaires en Irak et en Afghanistan est aussi un phénomène nouveau, dont il ne faut pas sous-estimer l’ampleur.

    Depuis le début de l’affaire, on a senti Barack Obama lui-même réticent. Comme s’il voulait demeurer fidèle à son discours inaugural, prononcé au Caire dès son intronisation à la Maison Blanche. Comme si l’homme était écartelé entre des forces opposées…

    Obama est de toute évidence soumis à des pressions contradictoires : le Pentagone, par exemple, est beaucoup moins favorable à une intervention en Syrie que ne le sont les néoconservateurs du Congrès. Il sait aussi que l’argument de la « ligne rouge » correspondant à l’usage des armes chimiques peut se retourner contre lui. Depuis les bombes de Hiroshima et de Nagasaki, les États-Unis n’ont eux-mêmes cessé d’employer des armes « de destruction massive » : bombes au phosphore, napalm, agent Orange, défoliants divers, munitions à l’uranium appauvri, etc. En 1990, les Américains avaient déclaré posséder 30 000 tonnes d’armes chimiques ! Ils s’étaient engagés à les détruire avant 2012, ce qui est loin d’avoir été fait. Les 2611 tonnes de gaz moutarde aujourd’hui entreposées à Pueblo, dans le Colorado, pour ne citer qu’elles, ne pourront pas être détruites avant 2018. Les armes chimiques stockées dans le Kentucky ne le seront au mieux qu’en 2023. Quant à la Convention pour la destruction des armes chimiques, à laquelle la Syrie a maintenant décidé d’adhérer, Israël fait partie des pays qui l’ont signée, mais ne l’ont jamais ratifiée.

    Dans cette affaire, précisément, le silence le plus bruyant aura été celui d’Israël. Qu’en déduire ? Qu’en conclure ?

    On pourrait penser qu’Israël a choisi de faire profil bas pour ne pas apparaître ouvertement comme le principal bénéficiaire d’une frappe américaine en Syrie. L’AIPAC, qui représente le lobby israélien aux États-Unis, n’en a pas moins appelé Obama à faire usage au plus vite de ses missiles. Mais en fait, là aussi, les experts sont divisés. Il y a d’un côté ceux qui préfèrent voir Bachar el Assad rester au pouvoir au motif que c’est au moins un ennemi prévisible (qui a d’ailleurs laissé Israël occuper les hauteurs du Golan), et de l’autre ceux qui préféreraient à tout prendre voir les djihadistes s’emparer du pouvoir en Syrie au motif que le chaos qui s’ensuivra créerait en fin de compte une situation plus favorable, l’essentiel étant de supprimer un allié du Hezbollah au Liban et surtout de l’Iran, considéré comme le « grand Satan » le plus dangereux. Evoquant à la fois el Assad et la rébellion, Alon Pinkas, ancien consul général d’Israël à New York, déclarait ces jours-ci : « Le mieux serait qu’ils saignent à mort tous les deux ». Qu’en sera-t-il si une nouvelle provocation des rebelles syriens devait demain viser Israël, ainsi que Poutine en a évoqué la possibilité ? Une situation aussi périlleuse, où tout peut être remis en cause d’un jour à l’autre, demande pour être correctement analysée des compétences que François Hollande et Laurent Fabius n’ont visiblement pas.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 15 septembre 2013)

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  • Un lamentable atlantisme...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Nicolas Gauthier et publié sur Boulevard Voltaire. Alain de Benoist y évoque la crise syrienne et l'alignement de notre pays sur les positions américaines...

     

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    Sarkozy-Hollande : un lamentable atlantisme, fondé sur une solidarité de classe

    Que ce soit à propos de la Syrie ou d’autres pays « posant problème », il est fréquemment fait état de la « communauté internationale ». Combien de divisions cette « communauté » peut-elle aligner, hormis les États-Unis, Israël et l’Angleterre ?

    Les mots ne sont pas les choses, et la « communauté internationale » n’existe tout simplement pas. Comme le pluriel de majesté qu’emploient parfois les écrivains, c’est une pompeuse fiction. En général, ce sont les puissances occidentales qui emploient cette expression pour dissimuler leur ethnocentrisme et donner l’impression qu’elles représentent l’univers. Aujourd’hui, dans le cadre de l’affaire syrienne, elle ne désigne plus que l’alliance de la France et des États-Unis, façon pâté de cheval et d’alouette. C’est la communauté réduite aux laquais. Mais cette pompeuse fiction est également une notion nocive. Pour qu’existe vraiment une communauté internationale, il faudrait qu’existe aussi un gouvernement mondial. Comme la politique ne se conçoit que s’il y a au moins deux entités en présence, cela signifierait que le monde serait totalement dépolitisé. Ce serait un monde unipolaire – un univers et non pas un « plurivers », c’est-à-dire un monde multipolaire, riche de sa diversité.

    La Russie en première ligne et la Chine, un peu, tentent manifestement de faire entendre à nouveau leur voix dans le concert des nations. Pensez-vous qu’à long terme elles puissent persister ?

    Je le souhaite en tout cas. L’une et l’autre ont au moins le mérite de penser le monde à long terme, alors qu’un François Hollande ne doit même pas savoir ce que peut bien être le « Nomos de la Terre ». C’est pourquoi ces deux pays sont appelés à jouer un rôle de pôles de régulation dans la mondialisation. Aujourd’hui, la Chine et surtout la Russie ont compris le sens réel du projet d’agression de la Syrie, dont l’objectif est de généraliser le chaos au Proche-Orient, en attendant de s’attaquer au plus gros morceau : l’Iran. Elles ont compris aussi que la discussion sur la question de savoir qui a fait usage d’armes chimiques en Syrie n’est que poudre aux yeux, le seul fait important étant de savoir si l’on doit ou non respecter le droit international.

    Le droit international interdit la guerre d’agression, définie comme une guerre entreprise contre un pays souverain qui n’a ni attaqué ni menacé les puissances qui l’attaquent. L’idée qu’il y a des pays qu’il faudrait « punir » parce que l’on réprouve tel ou tel de leurs actes de politique intérieure est totalement étrangère au droit international. C’est à cette conception du droit que s’oppose frontalement le « droit d’ingérence », qui transforme la guerre en intervention « humanitaire » ou en « opération de police » internationale, opérant ainsi un retour au stade pré-westphalien de la « guerre juste » médiévale. Comme l’a dit Régis Debray dans sa superbe lettre ouverte à Hubert Védrine (« La France doit quitter l’OTAN », Le Monde diplomatique, mars 2013), le remplacement du militaire par l’humanitaire, c’est le droit des plus forts à s’ingérer dans les affaires des plus faibles. Une spécialité dont sont familiers les Américains, dont le désir constant est de s’instaurer en shérif planétaire en utilisant pour ce faire tous les moyens de terreur qu’ils font reproche aux autres de vouloir employer. Dans un tel contexte, c’est le courage et la fermeté de Vladimir Poutine qui méritent d’être salués.

    Et l’Europe, dans tout ça ? Les médias ne la confondent-ils pas, à dessein ou non, avec l’Occident ?

    « L’Occident » est un mot qui a constamment changé de sens au cours de l’histoire. Aujourd’hui, il désigne l’ensemble des pays développés, et plus spécialement le « partenariat » transatlantique. D’un point de vue géopolitique et géostratégique, c’est un pur non-sens. On l’utilise pour faire croire qu’il existe une convergence d’intérêts entre la puissance continentale européenne et la puissance maritime des États-Unis d’Amérique. C’est le contraire qui est vrai. Depuis l’époque des « Pères fondateurs », rien n’est plus étranger aux valeurs fondatrices de la culture européenne que les valeurs américaines. L’histoire du monde, disait Carl Schmitt, est avant tout l’histoire d’une lutte éternelle entre les puissances de la Mer et les puissances de la Terre. L’Europe est une puissance de la Terre. Elle n’appartient pas à l’« Occident », mais au grand ensemble continental eurasiatique. À une époque où la « guerre froide » a été remplacée par la « paix chaude », défendre l’Europe implique de s’opposer par tous les moyens à l’Occident, c’est-à-dire à l’américanisation et à la marchandisation du monde. Chaque jour qui passe le montre de façon plus évidente : l’avenir de l’Europe est à l’Est.

    Et la France, pour finir ? Grande est l’impression que sa voix est devenue inaudible. Ce ne fut pourtant pas toujours le cas, au Moyen-Orient principalement. Comment expliquer cette déshérence de notre politique internationale ?

    C’est dans le domaine de la politique étrangère que les hommes d’État se distinguent le mieux des politiciens. Une décision dans ce domaine exige une capacité d’analyse physiognomique des situations qui n’a rien à voir avec les petites manœuvres électorales et les bons mots. En arrimant son pédalo aux destroyers de l’US Navy, François Hollande ridiculise et humilie son pays en même temps qu’il démontre qu’il n’est pas un homme d’État. L’acte le plus infâme de la présidence Sarkoy, avec l’agression contre la Libye, qui a déstabilisé toute la région du Sahel, a été la honteuse réintégration de la France dans l’OTAN. L’acte le plus infâme de la présidence Hollande a été, jusqu’à présent, sa grotesque posture antisyrienne. La France, depuis le général de Gaulle, avait su donner l’exemple d’un pays soucieux de son indépendance. Elle se retrouve aujourd’hui le seul allié d’une Amérique affaiblie, qui n’a plus de stratégie et ne se détermine plus que sous l’influence des lobbies. Sarkozy-Hollande : un commun atlantisme, fondé sur une solidarité de classe. C’est lamentable.

    En apportant son appui aux salafistes wahhabites pour complaire à Obama, Hollande joue en outre avec le feu. Damas, comme en 1914 Sarajevo, peut parfaitement être le point de départ d’une guerre mondiale. La prétention des Américains à une frappe « limitée » fait de ce point de vue bon marché des capacités de riposte du pays attaqué, comme des possibilités d’escalade et d’extension du conflit. On sait quand commencent les guerres, plus rarement où elles finissent. Comme le dit un proverbe : « Ne pointe jamais une arme sur quelqu’un, sauf si c’est pour le tuer. » Nous sommes aujourd’hui à la veille d’un embrasement généralisé. Les médias, eux, préfèrent parler de la rentrée scolaire, de la prochaine Coupe du monde et des faits divers marseillais. Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre.

    Alain de Benoist , propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 13 septembre 2013)

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  • Théologie politique...

    Nous vous signalons la parution d'un nouveau numéro de la revue Nouvelle Ecole (n°62, année 2013), dirigée par Alain de Benoist, dont le thème est consacré à la théologie politique. Le numéro, qui compte 170 pages et comporte une très riche iconographie, sera très prochainement disponible sur le site de la revue Eléments. Les parisiens pourront également le trouver à la Librairie Facta.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Théologie politique, une introduction (Alain de Benoist)

    Contribution à une étude préhistorique du droit constitutionnel (Cédric Milhat)

    Les fondements théologico-politiques de la pensée politique européenne (Eric Maulin)

    Schmitt, Peterson, Blumenberg : le grand débat sur la théologie politique (Alain de Benoist)

    Le Christ et le peuple ! Retour sur la Théologie de la Libération (Michel Lhomme)

    Religions séculières, religions civiles et religions politiques : entre sécularisation et sacralisation du politique (Eric Maulin)

    Sartre - Camus - Clamence (Jean-Louis Prat)

    Propos sur le réalisme politique (Jerónimo Molina)

    De l'Etat de droit au néo-constitutionnalisme (Luis-Maria Bandieri)

    Bibliographie

    Nécrologie

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