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afghanistan - Page 5

  • La route vers le nouveau désordre mondial...

    Nous vous signalons la publication récente aux éditions de la Demi Lune de La route vers le nouveau désordre mondial - 50 ans d'ambitions secrètes des Etats-Unis  de Peter Dale Scott, un essai fouillé que la revue Défense Nationale a qualifié de "livre passionnant, décapant, on pourrait dire terrifiant en ce qu’il dévoile au lecteur, pourtant averti, les dérives et les pratiques mafieuses d’une démocratie emblématique, miroir de nos sociétés".

     

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    "Cet ouvrage est une étude ambitieuse, qui décrit avec précision la façon dont, depuis les années 1960, les choix en matière de politique étrangère états-unienne ont conduit à la mise en œuvre d’activités criminelles, et à leur dissimulation, tantôt partielle parfois totale.

    Dans ses précédents essais, Peter Dale Scott a témoigné de l’implication de la CIA dans de graves exactions dont différents coups d’État, ou dans la mise en place d’une véritable géopolitique de la drogue et des guerres qu’elle permet de financer. Il sonde ici la manière dont les décisions, irrationnelles (voire paranoïaques) et à courte vue, prises par les Présidents américains depuis Nixon ont contribué à engendrer une plus grande insécurité mondiale, notamment en renforçant les réseaux terroristes responsables des attentats de 2001.

    L’auteur montre comment l’expansion de l’Empire américain depuis la seconde guerre mondiale a conduit à ce processus de décisions iniques et dangereuses dans le plus grand des secrets, souvent à l’insu des responsables démocratiquement élus.

    À partir d’exemples précis, (la « Surprise » et la « Contre-surprise » d’octobre, l’Irangate, la guerre froide en Afghanistan, la géopolitique du pétrole et de l’accès à l’Énergie, …) il illustre comment ces décisions « para-politiques » furent l’apanage de petites factions très influentes au sein d’un « supramonde » qui agit sur l’État public à travers des institutions secrètes (comme la CIA), au détriment de l’État démocratique et de la société civile. L’analyse de l’implémentation de ces programmes établit que les principaux services de renseignement des États-Unis ont collaboré pendant longtemps avec des groupes terroristes, qu’ils ont à la fois aidé à créer et soutenus, dont la fameuse organisation « nébuleuse » al-Qaïda. Dans un autre registre, parallèle et tout aussi fascinant, Peter Dale SCOTT explique clairement le danger que fait peser sur la démocratie l’instauration, sous l’administration Reagan, du programme ultra-secret de « continuité du gouvernement », qui existe toujours…

    D’aucuns crieront sans doute à la « théorie du complot », mais la qualité de l’argumentation, étayée par une documentation encyclopédique fait de ce travail une magistrale et passionnante leçon d’histoire contemporaine, qui nous plonge dans les méandres des rivalités de ceux qui détiennent le vrai pouvoir, pour comprendre le monde tel qu’il est, et non tel qu’il paraît être."

     

    Docteur en sciences politiques et ancien diplomate canadien, Peter Dale SCOTT est né en 1929 à Montréal. Il est l'auteur de nombreux ouvrages – jamais traduits en français malgré leur excellence - analysant la politique étrangère américaine, les narcotrafics et les opérations secrètes. Ces recherches et écrits mettent en lumière le concept de ce qu'il définit comme le « supramonde » (l’État profond dissimulé au sein de l'État Public).

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  • Intervention en Libye : un cruel révélateur...

    Nous reproduisons ci-dessous un éditorial du quotidien Le Monde (dimanche 12 - lundi 13 juin 2011) qui pose quelques bonnes questions sur la défense française et européenne... De renoncements en renoncements, diposerons-nous encore dans quelques années des instruments nécessaires à la souveraineté ?...

     

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    Le cruel révélateur de l'intervention en Libye

    Il ne faudrait pas que l'affaire libyenne dure encore plusieurs mois. Pour le peuple libyen martyrisé par son dictateur, bien sûr. Mais pas seulement. Les lendemains risquent d'être douloureux pour les armées européennes qui participent à cette intervention.

    Trois nations en donnent le tempo : les Etats-Unis, acteur hors catégorie par sa puissance, la France et le Royaume-Uni. Seize autres pays jouent les seconds rôles, pour ne pas dire les figurants.

    Il ne faut pas leur en vouloir, a tenu à dire le secrétaire américain à la défense, Bob Gates, le 9 juin, qui, pour la énième fois, appelait les Européens à "partager le fardeau" de la sécurité mondiale : "Franchement, bon nombre de ces alliés restent à l'écart, non parce qu'ils ne veulent pas participer, mais simplement parce qu'ils ne peuvent pas. Les moyens militaires ne sont tout simplement pas là."

    La France s'est vantée d'avoir été la première à frapper, le 19 mars. Elle fait remarquer à ses alliés plus frileux qu'elle assume ses responsabilités de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Nos avions et nos bateaux sont partis à l'heure, avec des hommes prêts à servir, disent les chefs militaires. Mais demain, préviennent-ils, ce sera une autre affaire. Ainsi, comme l'admettent sans fard les responsables de la marine nationale, si le porte-avions Charles-de-Gaulle est engagé en Libye jusqu'à la fin de 2011, il devra s'arrêter totalement en 2012.

    Car les armées européennes, pourtant ultramodernes et ultra-coûteuses, ne savent plus durer. Les Rafale français dépendent des ravitailleurs américains. Les F16 danois n'ont plus de munitions après deux mois de frappes. Les Typhoon britanniques n'ont pas assez de pilotes qualifiés. Plus traumatisant pour cette grande puissance maritime, une bonne part de ses navires actuellement au combat dans le monde sont voués à la casse dans le cadre de la réforme budgétaire en cours.

    L'Irak (pour le Royaume-Uni), l'Afghanistan, le Liban, les conflits africains, ont placé aux limites de leurs capacités de déploiement des appareils militaires soumis aux sévères cures d'amaigrissement de l'après-guerre froide.

    Derrière, les entrepôts sont vides. L'effort du moment, très important, entame la préparation de l'avenir, comme le coureur finit par consommer sa masse musculaire. Le hiatus entre les ambitions affichées et les moyens de les réaliser est donc cruellement mis à nu.

    A l'aube de la campagne présidentielle, les responsables militaires ne se privent donc pas d'interpeller la nation. C'est, si l'on ose dire, de bonne guerre pour tenter d'obtenir des moyens d'action plus consistants et convaincants.

    Mais, au-delà de ce classique plaidoyer pro domo, des questions cruciales sont posées : la France veut-elle conserver un modèle d'armée cohérent et complet ? Est-elle prête à en payer le prix ? Quelle indépendance stratégique entend-elle défendre ? Faute de réponses sérieuses, les ambitions affichées sur la scène mondiale ne feront pas longtemps illusion.

    Le Monde (12-13 juin 2011)

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  • Le général Desportes et les enseignements de la guerre en Afghanistan...

    Excellent connaisseur de l'armée américaine, le général Vincent Desportes s'est fait connaître du public en juillet 2010 par une prise de position assez hostile à l'engagement militaire français en Afghanistan, qui lui a valu d'être sanctionné par le ministre de la défense. Il est aussi l'auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la guerre et la stratégie, tels que Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004), La guerre probable (Economica, 2008) et dernièrement Le piège américain (Economica,2011).

    Le 11 mai 2011, à l'occasion d'un colloque organisé par l'IFRI et consacré à la guerre d'Afghanistan, il a exposé avec beaucoup de clareté et de franchise les enseignements qu'il tirait de cette guerre...

     

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    Les enseignements militaires et stratégiques du conflit afghan

    Je vais traiter de manière plus théorique le sujet qui a été donné : Les enseignements stratégiques & militaires du conflit afghan. Pour constater qu’en fait ce conflit valide à nouveau des concepts stratégiques persistants, qui affirment en chaque occasion leur pertinence, quel que soit le mépris qu’on puisse leur porter.

    Quelques idées :

    Première idée, c’est celle de la vie propre de la guerre. L’idée de Clausewitz, on le sait. Dès que vous avez créé la guerre, la guerre devient un sujet et non pas un objet. Clausewitz évoque la volonté indépendante de la guerre, les événements finissant par avoir leur dynamique propre. La guerre a sa vie propre qui vous conduit, pour de nombreuses raisons, là où vous n’aviez pas prévu d’aller.

    L’exemple de l’Afghanistan est particulièrement frappant. La guerre commence le 7 octobre, avec un objectif clair : faire tomber le pouvoir taliban à Kaboul et détruire le réseau d’Al-Qaïda en Afghanistan. En gros, l’objectif est atteint fin novembre 2001. Il y a alors moins de 2.000 militaires occidentaux au sol.

    Dix ans après : les objectifs de guerre ont totalement changé, il y a presque 150.000 soldats déployés en Afghanistan. C’est ce qu’un général résume d’une autre manière en parlant du niveau instable des décisions politiques, ce qui amène les stratèges militaires à adopter des modes de guerre successifs, qui s’avèrent contre-productifs par la suite.

    Cette évolution afghane éclaire donc deux réalités éternelles de la guerre. La première : toute guerre est marquée par une dérive de ses buts et le plus souvent une escalade des moyens, deuxièmement, les fins dans la guerre influent toujours sur les fins de la guerre.

    Deuxième idée – on doit concevoir la guerre et sa conduite non pas en fonction de l’effet tactique immédiat, mais en fonction de l’effet final recherché, c’est-à-dire le but stratégique. Autrement dit la forme que l’on donne initialement à la guerre a de lourdes conséquences ultérieures, ce qui est perdu d’entrée est très difficile à rattraper. Prenons les deux premières phases de la guerre en Afghanistan :

    - Première phase, celle du modèle afghan.

    2001, où selon les mots de Joe Biden, la stratégie minimaliste américaine. Lancée le 7 octobre 2001 cette phase associe la puissance aérienne américaine, les milices afghanes et un faible contingent de forces spéciales américaines. Résultat : on constate que le modèle a fonctionné pour faire tomber le régime des Taliban, mais beaucoup moins pour débusquer les membres d’Al-Qaïda et détruire les militants qui doivent se réfugier dans leurs zones sanctuaires. Conséquence : cette stratégie a contribué à renforcer les chefs de guerre locaux, en particulier ceux dont le comportement avec la population était honni et qui étaient hostiles au gouvernement central de Kaboul. Cela a renforcé la puissance tadjike et donc aliéné d’autant la population pachtoune. Tout cela a affaibli ce qui allait être essentiel ultérieurement, les deux piliers centraux de la reconstruction : l’État central et la bonne gouvernance.

    - 2ème phase, celle du modèle américain 2002-2006.

    Compte tenu de l’impossibilité pour les milices afghanes de venir à bout des Taliban, les troupes américaines prennent la tête des opérations de ratissage. Il s’agissait d’opérations de bouclage avec pour but d’éliminer les caches des terroristes. Résultat : très limité. Conséquences : l’efficacité du modèle américain est limitée par un très grand défaut de sensibilisation culturelle et politique, voire par la supériorité technologique elle-même. Les bombardements aériens soulèvent des questions sensibles. On se rappelle le bombardement d’une fête de mariage en Uruzgan en juillet 2002 avec des coûts politiques considérables. Les forces américaines suscitent crainte et hostilité dans la population, ils sont perçus comme des infidèles, commencent à être véritablement perçus comme une force d’occupation. La population initialement neutre, voire favorable, est ennemie. On passera en 2006 d’une guerre « enemy-centric » à une guerre « population-centric » mais le premier mode de guerre aura commis des dommages qui semblent irréparables.

    Quatrième idée – si le centre de gravité de l’adversaire se situe au-delà des limites politiques que l’on s’est fixé, il est inutile de faire la guerre car il ne sera pas possible de la gagner. Au sens Clausewitzien, le centre de gravité des Taliban se situe dans les zones tribales pakistanaises puisque c’est de cette zone refuge qu’ils tirent leur capacité de résistance. Il est impossible pour les Américains d’y mettre militairement de l’ordre, celle-ci se situe au-delà des limites politiques qu’ils se sont fixées, ne serait-ce d’ailleurs que pour de simples raisons logistique militaire, en raison de la vulnérabilité de leurs convois militaires lorsqu’ils traversent le Pakistan.

    Cinquième idée – c’est avec son adversaire que l’on fait la paix. Selon le bon esprit de la guerre froide qui n’a pas fini de nous faire du mal, la Conférence de Bonn en décembre 2001 a été non pas la conférence d’une réconciliation, mais la conférence des vainqueurs. Elle a de fait projeté les talibans, donc les Pachtounes, dans l’insurrection. Dix ans après, nous n’en sommes pas sortis.

    Sixième idée – ce qui est important, c’est le stratégique et non pas le tactique. Nous sommes aujourd’hui plongés au cœur d’une véritable quadrature du cercle tactique, entre protection de la population d’une part, protection de nos propres troupes d’autre part, et destruction de l’adversaire taliban par ailleurs. Nous sommes engagés dans un travail de Sisyphe du micro management du camp de bataille. C’est une impasse. Nous ne trouverons pas de martingale tactique en Afghanistan, la solution est d’ordre stratégique et politique. Une accumulation de bonnes tactiques ne fera jamais une bonne stratégie. Un problème politique au premier chef ne peut être résolu que par une solution politique. Citant des officiers américains, le New York Times regrettait récemment, je cite : « la déconnexion entre les efforts intenses des petites unités – et c’est tout aussi vrai des unités françaises – et les évolutions stratégiques ».

    Je voudrais maintenant évoquer une idée de… le niveau tactique. Elle est simple : le nombre compte, « mass matters » comme disent nos amis anglo-saxons. Les coupes budgétaires progressives et l’exponentiel coût des armements ont conduit à des réductions de formats incompatibles avec l’efficacité militaire et de nouvelles conditions de guerre au sein des populations.

    Contre l’insurrection, on connaît les ratios : en-dessous du ratio de 20 personnels de sécurité pour 1.000 locaux il est tout à fait improbable de l’emporter. Irlande du Nord : pour une population d’un million d’habitants, les Britanniques ont maintenu une force de sécurité globale de 50.000, ils sont restés vingt ans, le ratio est de 1 pour 20. En Irak, la population est de la trentaine de millions. Il a fallu mettre sur pied avec les Irakiens une force de 600.000 hommes pour que la manœuvre de contre-insurrection commence à produire ses effets. En Algérie, à la fin des années 50, les effectifs français étaient de 450.000 pour une population de 8 millions d’Algériens d’origine musulmane comme on les appelait alors. En Afghanistan, nous sommes extrêmement loin de ces ratios alors que le théâtre est infiniment plus complexe, physiquement et humainement, nous agissons en coalition, le ratio est de deux fois 140.000 pour 30 millions, c’est la moitié de ce qui est nécessaire pour avoir un espoir de gagner. Le ratio actuel forces de sécurité/population nous permet de conquérir – on le sait bien parce qu’on le fait tous les jours – mais pas de tenir. Or gagner la guerre c’est contrôler l’espace, or nous ne savons plus, nous ne pouvons plus, nous Occidentaux, contrôler l’espace.

    Pour conclure, deux dernières idées :

    Un – le conflit afghan est bien une guerre américaine. On se rappelle de ce télégramme diplomatique révélé dans Le Monde par Wikileaks, où l’ambassadeur des États-Unis à Paris demandait, sur instance de l’Élysée, que Washington trouve des façons de faire croire que la France comptait dans les options stratégiques. On se rappellera aussi que de McKiernan à Petraeus en passant par McChrystal, le commander in chief américain relève et remplace le chef de la coalition sans en référer aux autres membres. On se souviendra que les calendriers et les stratégies sont dictés davantage par les préoccupations de politique intérieure américaine que par le dialogue avec les coalisés, bien obligés de s’aligner – ceux qui ont lu Les guerres d’Obama de Woodward ne me contrediront sûrement sur aucun de ces points.

    Dernière idée – L’Afghanistan est une nouvelle preuve de l’échec de l’Europe. Je constate qu’il y a ou qu’il y a eu 15 pays de l’Union ayant engagé des forces militaires en Afghanistan : Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, France, Hongrie, Italie, Lituanie, Lettonie, Pays- Bas, Pologne, Roumanie, Suède, République Tchèque, Portugal. Avec des effectifs non négligeables puisqu’ils représentent environ 40.000 combattants, soit un tiers de la force engagée. Or il n’y a presque pas d’Europe ou en tout cas de défense européenne en Afghanistan. On pourra toujours m’expliquer qu’historiquement l’Europe a eu du mal à s’imposer en tant que telle dans cette guerre. Certes. Mais le constat est là : l’Europe mène sa guerre la plus longue « ever », elle le fait avec des effectifs extrêmement importants et elle n’existe pas. Cela donne une résonnance nouvelle aux propos du ministre de la Défense Hervé Morin, qui affirmait fin octobre dernier : « L’Europe est devenue un protectorat des États-Unis ».

    Il est temps que l’Europe se reprenne en main. Merci.

     

     

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  • Obama, le Pakistan, Ben Laden : des manoeuvres tortueuses...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Jean-Paul Baquiast, publiée sur son site Europe solidaire, à propos de l'opération "Ben Laden" et de ses développements stratégico-médiatiques.

     

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    Obama, le Pakistan, Ben Laden

    Des nuages de fumées de plus en plus opaques continuent à être émis par les Etats-Unis pour camoufler aux yeux du monde les manoeuvres tortueuses impliquant les relations entre l'administration fédérale, le lobby militaro-industriel, le Pakistan, nombre d'autres protagonistes moins importants et dont l'affaire Ben Laden représente la partie émergée.

    Nous avons dans un article précédent parlé d'enfumage, principalement dirigé contre ceux qui dans le monde entier ont le tort de chercher à comprendre le dessous des cartes. L'enfumage continue plus que jamais mais on peut regretter que Barack Obama, présenté à l'intérieur et à l'extérieur comme un parangon de bonne foi, en soit l'instrument sinon l'instigateur principal.

    Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les éditorialistes non alignés de la presse américaine pour se rendre compte que plus personne sauf les naïfs invétérés ne croit en Amérique au récit héroïque présenté par Obama lui-même en annonçant le coup de mains ayant permis de supprimer Ben Laden. Existait-il encore un personnage de ce nom doté du curriculum vitae que le renseignement américain lui avait inventé. Dans l'affirmative, à supposer qu'un Ben Laden très diminué ait survécu en se cachant à Abbottabad, près d'Islamabad, comment croire que tant le Pakistan que l'Amérique aient pu l'ignorer jusqu'à ces derniers jours. Mais s'ils ne l'ignoraient pas, pourquoi faisaient-ils comme s'ils l'ignoraient et pourquoi, subitement, manifestement de connivence, l'ont-ils fait disparaître un beau jour.

    L'hypothèse la plus répandue, dans les médias américains non conformistes, est que le Pentagone, la CIA et Obama, les trois grands protagonistes de cette aventure, ont eu besoin du « mythe Ben Laden » pour justifier ces dernières années, non seulement une mobilisation permanente de type sécuritaire qualifiée de « global war on terror » mais l'occupation de l'Afghanistan. Il s'est cependant trouvé que le coût de la guerre, comme ses résultats de plus en plus désastreux, obligent Obama à précipiter le retrait. Mais devant l'hostilité de la CIA représentée par son omniprésent directeur Léon Panetta, comme plus généralement de celle du lobby militaire représenté par le Pentagone, qui n'auraient pas accepté un départ pur et simple, le trio a été obligé d'inventer un éclatant fait d'armes qui rendra dans les semaines à venir ce retrait beaucoup plus acceptable. L'économie budgétaire en résultant, comme sa nouvelle aura de chef de guerre, permettra ainsi à Barack Obama d'aborder se réélection dans de bien meilleurs conditions qu'auparavant. Il saura en compensation mettre un frein aux propositions de réduction du budget militaire qui continuent à circuler dans certains cercles démocrates. 

    Il semble que Panetta ait été convaincu d'accepter ce deal. En tant que sympathisant démocrate, il devrait en principe « rouler pour Obama », que ce soit aujourd'hui ou demain. Mais la CIA se garde des biscuits si l'on peut dire. Elle vient d'annoncer que Ben Laden, loin d'être un grand malade inoffensif comme le prétendaient les conspirationnistes, préparait de nouveaux attentats sur le sol américain. La CIA dispose surtout de l' « immense » réserve des documents saisis sur les ordinateurs et disques durs de Ben Laden, qu'elle sera la seule à déchiffrer. Elle pourra donc annoncer au monde exactement ce qu'elle voudra pour justifier les politiques futures du Pentagone – Pentagone dont assez normalement Panetta devrait prendre la tête en remplacement de Robert Gates apparemment disqualifié. Il s'ensuit que la liberté d'action future de Barack Obama sera nécessairement très contrainte par les révélations que les militaires et les gens du renseignement jugeront bon de faire (nous allions dire d'inventer) à partir de tous les documents qu'ils analyseront.


    Quant au Pakistan, bien malin, même à Washington, qui pourrait dire ce qu'il veut vraiment, compte tenu des diverses factions qui se disputent le gouvernement, dont l'ISI et l'armée ne sont pas les moindres. On peut penser que ces dernières années, il avait intérêt lui-aussi à encourager le mythe Ben Laden, peut-être en accord secret avec la CIA. Il ne pouvait pas cependant laisser supposer qu'en fonction de cet accord il protégeait directement ledit Ben Laden, aux yeux par exemple de l'Inde.

    Mais aujourd'hui, plus que les survivances d'El Qaida, aujourd'hui, ce sont les Talibans qui importent aux yeux du Pakistan. Il semble que le départ américain étant désormais programmé, il lui est devenu impératif de s'entendre avec eux pour que l'Afghanistan à ses frontières occidentales continue à lui assurer un potentiel back-up à l'égard de l'Inde. Or Ben Laden n'était en rien apprécié par les Talibans, qui y voyaient plutôt semble-t-il une émanation de l'Arabie saoudite.


    Certes, orchestrée par la classe politique unanime - et pas seulement par l'opposition -, la colère monte au Pakistan. Elle éclabousse à la fois les responsables du gouvernement civil et le tout puissant appareil militaire. On leur reproche indifféremment leur dissimulation ou leur aveuglement. Mais on peut penser qu'une fois sorti du guêpier que représentait la présence de Ben Laden, ces deux forces dirigeantes s'entendront à nouveau pour continuer à ménager l'Amérique tout en jouant divers double-jeux avec les gouvernements de la région.

    Ce que nous continuons pour notre compte à trouver affligeant, c'est la candeur avec laquelle les Européens admettent le récit héroïque présenté par Obama lui-même, alors que, comme nous l'avons indiqué, un nombre croissant de ses compatriotes refusent dorénavant de le laisser duper.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 9 mai 2011)

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  • Afghanistan, Libye, Côte d'Ivoire : l'ingérence française est-elle souhaitable?...

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    Sur Radio Courtoisie, le prochain Libre Journal des enjeux actuels dirigé par Arnaud Guyot-Jeannin aura lieu le mardi 12 avril (de 21h30 à 23h).
    Thème : Afghanistan, Libye, Côte d'Ivoire : l'ingérence française est-elle souhaitable?. Invités : Roland Dumas (Avocat de Laurent Gbagbo et ancien ministre des Relations extérieures (1984 -1986), puis des Affaires étrangères (1988 -1993)) et Christian Brosio (Secrétaire général de la rédaction du Spectacle du Monde).
    Rediffusion : le jeudi 14 avril à la même heure.
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  • Le piège américain...

    Le piège américain, tel est le titre du dernier essai du général Vincent Desportes, publié aux éditions Economica. Excellent connaisseur de l'armée américaine, le général Desportes, qui s'est fait connaître du public par une prise de position assez hostile à l'engagement militaire français en Afghanistan, est surtout l'auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur la guerre et la stratégie, tels que Comprendre la stratégie (Economica, 2001), Décider dans l'incertitude (Economica, 2004) ou La guerre probable (Economica, 2008).

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    "La plus grande machine de guerre ayant jamais existé dans l’histoire du monde, les armées des États-Unis, gigantesque force dotée des meilleurs équipements, se heurte à de graves difficultés dans les conflits d’aujourd’hui. Les résultats obtenus y sont toujours limités, incertains, volatiles. Ses victoires se transforment laborieusement en succès politiques. Pourquoi, depuis plus d’un demi-siècle, à chaque nouvel engagement,la formidable armée victorieuse de 1918 et de 1945 n’a-t-elle obtenu, sauf exceptions, que des succès ambigus ? Pourquoi a-t-elle eu tant de difficultés à parvenir à un résultat minimal en Irak ? Pourquoi, en dix ans de guerre, malgré un volumineux déploiement de troupes, se retrouvet-elle en Afghanistan dans l’incapacité de prendre l’ascendant sur des adversaires pourtant beaucoup moins nombreux, rudimentaires dans leurs tactiques et leurs équipements ? Pourquoi, globalement, devient-il impossible aujourd’hui de transformer l’écrasante suprématie militaire américaine en victoire significative ? C’est à cette question fondamentale que répond cet ouvrage, en recherchant, au coeur de la nation américaine et de ses armées, les raisons pour lesquelles celles-ci peinent dans les nouvelles circonstances de la guerre. Le PIÈGE AMÉRICAIN – notre piège –, c’est la culture stratégique américaine, adaptée au monde d’hier, mais qui doit aujourd’hui évoluer pour que les forces armées des États-Unis retrouvent l’efficacité dont nous avons tous besoin."

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