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Points de vue - Page 56

  • Le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux résultats des élections législatives.

    Ancien haut-fonctionnaire, Michel Geoffroy a publié le Dictionnaire de Novlangue (Via Romana, 2015), en collaboration avec Jean-Yves Le Gallou, et deux essais, La Superclasse mondiale contre les Peuples (Via Romana, 2018), La nouvelle guerre des mondes (Via Romana, 2020), Immigration de masse - L'assimilation impossible (La Nouvelle Librairie, 2021) et dernièrement Le crépuscule des Lumières (Via Romana, 2021).

     

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    Succès du RN : le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre

    Ce devait être la martingale infaillible : pour la présidentielle, un duel Macron-Le Pen conduisant la gauche extrême à voter pour le premier afin de « faire barrage » à la seconde. Et pour les législatives, la même gauche en repoussoir pour effrayer le bourgeois et présenter Ensemble comme un recours. Las, il suffisait de regarder les mines réjouissantes des médiacrates, dimanche soir, pour se douter que cette belle manœuvre avait échoué.

    Caramba, Jupiter s’est planté !

    Non seulement la NUPES n’atteint pas du tout les scores mirifiques que nous promettaient les instituts de sondage – ce qui démontre en passant le caractère hautement « scientifique » de leurs travaux ! – mais avec 89 élus, le RN enregistre une progression sans précédent.
    Au point que le Président Macron ne dispose pas de la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale et se retrouve de fait dans une situation de cohabitation non-désirée, obligé de constituer des alliances de circonstance, comme au bon vieux temps de la quatrième république.

    Caramba, Jupiter s’est planté !

    Les astrologues médiatiques tombés dans un puits

    Trop occupés à faire la promotion de la NUPES, les médias mainstream (plus de 50 % du temps de parole donnés aux candidats NUPES sans que cela ne gêne l’Arcom !) et les instituts de sondage ont en effet totalement sous-estimé deux phénomènes :

    • d’une part, la très grande déception, pour ne pas dire plus, de l’opinion devant la réélection d’Emmanuel Macron, le gendre de moins en moins idéal ;
    • d’autre part, l’inquiétude que suscitait la perspective d’un second mandat sans aucun contrepoids politique. Inquiétude renforcée par le ralliement ostensible d’Emmanuel Macron au camp des bellicistes anglo-saxons et par son indifférence affichée aux conséquences catastrophiques des sanctions antirusses.

    Les experts de plateaux télé ont aussi négligé que la diabolisation de Reconquête avait aussi servi l’image du RN et que si l’union de la droite ne se faisait pas au niveau des états-majors, elle pouvait se faire dans les urnes. Il est d’ailleurs probable qu’une alliance RN-Reconquête au premier tour des législatives aurait amplifié la débandade des candidats macroniens, globalement dépourvus d’implantation locale réelle.

    Raison garder

    La belle percée électorale du RN, malgré tous les obstacles placés sur sa route, témoigne de son implantation populaire. Elle confirme aussi qu’en politique le désespoir absolu est bien la sottise absolue.
    Mais il faut cependant raison garder.

    D’abord l’histoire parlementaire abonde d’exemples où de braves gens, élus sous une étiquette de rupture, ont été vite digérés par le régime. Ce fut notamment le cas des élus poujadistes sous la IVème république[1].

    Sur ce plan la gauche échappe généralement à ce péril car elle est plus motivée idéologiquement et plus disciplinée.
    Le RN, dont l’expérience parlementaire est limitée, va donc devoir faire preuve de vigilance et de compétence afin d’éviter cet écueil.

    La France ingouvernable, vraiment ?

    Ensuite, il faut relativiser une victoire électorale parce que l’Assemblée nationale a tout simplement perdu l’essentiel de ses pouvoirs au 21e siècle. Nous ne sommes plus en 1958 ni même en 1981 !
    Les médias nous abreuvent de titres selon lesquels la France serait devenue « ingouvernable » depuis le 19 juin. Quelle plaisanterie !

    La France va au contraire continuer d’être gouvernée par la Commission Européenne – qui fixe chaque année nos grandes orientations de réformes –, par la BCE, par l’OTAN, par le pouvoir judiciaire (non élu…), par les lobbies, les ONG ou les dirigeants des grandes entreprises mondialisées.

    Face à tous ces vrais pouvoirs, notre parlement – dont l’essentiel de l’activité législative consiste, il faut le rappeler, à retranscrire des directives bruxelloises – compte les coups, en simple spectateur. Même ses pouvoirs de contrôle sont incapables de rivaliser avec eux et sont de toute façon très inférieurs à ceux des parlements étrangers, notamment anglo-saxons.

    Le pouvoir n’est plus à prendre mais à reforger

    Aujourd’hui, le pouvoir est avant tout économique, financier, judiciaire, européen ou technologique, et de moins en moins national, législatif, populaire et démocratique.
    Les hommes politiques visibles – président, ministres ou parlementaires – ne sont pas les décideurs en dernier ressort, ce qu’a très bien compris, manifestement, le plus grand parti de France : celui des abstentionnistes.
    Et si les projets – que soutient Emmanuel Macron évidemment – de suppression de la règle de l’unanimité dans le fonctionnement européen, voient le jour, la souveraineté nationale sera définitivement enterrée au sein de la zone euro.

    Il faut donc replacer l’incontestable victoire électorale du RN, dans ce contexte frustrant. De nos jours, le pouvoir est moins à prendre qu’à reforger, en redonnant du pouvoir au pouvoir, en investissant de nouveaux lieux de pouvoir, justement.

    Espérons que les députés du RN auront compris l’enjeu et sauront agir en ce sens.

    Le Système a perdu une bataille, mais pas la guerre

    Il ne faut pas bouder son plaisir pour autant : en juin 2022, le Système a bien perdu une bataille politique en France, et le nouveau quinquennat d’Emmanuel Macron, commence bien mal.

    Mais la guerre qui oppose le bloc élitaire – l’oligarchie qui a pris le pouvoir en Europe avec ses idiots utiles – au bloc populaire – qui ne veut pas être remplacé ni réduit à la mendicité – ne s’achève pas pour autant.
    Elle ne fait que commencer.

    Michel Geoffroy (Polémia, 23 juin 2022)

     

    Note :

    [1] A l’exception d’un certain Jean Marie Le Pen…..

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  • Une affaire qui pue : la mort annoncée du fromage fermier français ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue cueilli sur le site de Dextra et consacré à un nouveau mauvais coup porté, discrètement, par le gouvernement aux traditions gastronomiques françaises.

     

    Munster fermier.jpg

    Une affaire qui pue : la mort annoncée du fromage fermier français ?

    À peine Macron réélu, voilà que le gouvernement s’apprête à planter une banderille de plus dans le dos de notre agriculture déjà bien mal en point. En effet, le gouvernement, par la voix du ministre de l’Agriculture, s’apprête à faire passer un décret en catimini afin de déréglementer l’affinage des fromages fermiers français.

    Depuis un décret de 1988, les fromages pouvaient bénéficier de l’appellation « fermier » s’ils avaient été produits, de la collecte du lait à l’affinage, dans la ferme d’un même exploitant selon les techniques traditionnelles et en utilisant seulement les laits issus de son élevage.

    Désormais, si le décret entre en vigueur au 1er juillet prochain, un fromage pourra porter l’appellation de fermier même s’il est affiné en dehors de la ferme, à condition que ce soit mentionné sur l’étiquette (avec le nom et la raison sociale de l’affineur, et non plus nécessairement celle du producteur), que l’affinage ait été réalisé selon les usages traditionnels et que l’affineur ait obtenu pour ce faire l’accord écrit du producteur.

    Il va sans dire que ça tirait la gueule du côté des producteurs et des syndicats agricoles, déjà suffisamment accablés par les normes françaises et européennes. Le caractère désormais facultatif de la mention sur l’étiquette du nom du producteur ne passe évidemment pas du tout, et on peut le comprendre : c’est une fierté pour un producteur que de pouvoir afficher le nom de sa ferme sur l’emballage de son fromage, et pour le consommateur, un gage de traçabilité.

    Une fois de plus, le gouvernement se fout à genoux devant l’industrie agroalimentaire, qui sera en position de force pour se tailler la part du lion sur le marché du fromage fermier, en se cachant derrière des oripeaux d’authenticité. L’éleveur et fromager, s’il veut vivre de son métier, sera donc contraint d’augmenter ses volumes de production, de devoir affiner encore davantage de fromages s’il ne veut pas que la concurrence dégueulasse de l’industrie agroalimentaire ne lui coupe l’herbe sous le pied. Puis, arrivé à la limite de sa capacité de production, ne pouvant plus suivre, il sera contraint de vendre la majeure partie de sa production à l’industrie agroalimentaire (il en gardera un peu pour vendre au marché du coin), qui la lui rachètera à un prix dérisoire, la fera affiner dans ses cuves en inox, et la revendra beaucoup plus cher à la grande distribution. Cette situation contribuera donc de façon évidente à précariser encore davantage les petits producteurs.

    Ainsi, le consommateur peu attentif risque donc fort de se faire berner par l’étiquetage, croyant bien faire en achetant un fromage fermier pour soutenir nos petits producteurs, et engraissera finalement les géants de l’industrie agroalimentaire. La dérégulation de l’affinage est donc la porte ouverte à la fumisterie. Autre exemple, rien n’empêchera un affineur d’acheter du fromage en plaine et de le faire affiner en montagne, pour le vendre ensuite comme un produit de montagne (l’adresse de l’affineur sur l’emballage aidant et prêtant à confusion), alors qu’il n’en sera rien, puisque le décret ne mentionne aucunement de quelconques limitations géographiques ou de volume.

    Petite particularité toutefois, les fromages AOP, dont la production obéit déjà à un cahier des charges très strict, sont très souvent affinés en dehors des fermes, et peuvent garder leur appellation de « fermiers », dans la mesure où leur affinage est confié à de petits affineurs locaux et traditionnels.

    Une fois de plus, le gouvernement avance main dans la main avec l’industrie agroalimentaire mondialisée pour sacrifier un savoir-faire ancestral qui fait la renommée de notre pays sur l’autel du libéralisme et de la standardisation. Le grand capital aura donc les mains libres pour racheter des terres et des troupeaux dont il confiera l’élevage à des ouvriers agricoles payés une misère pour ensuite racheter les affineurs et vendre du fromage fermier moins cher que les agriculteurs qui le produisent de bout en bout, déséquilibrant ainsi le marché pour son plus grand profit.

    Pourtant, l’espoir n’est pas encore mort. Le décret n’est pas promulgué, et par le passé, les syndicats agricoles et les associations de producteurs ont vu à plusieurs reprises le Conseil d’État leur donner raison en annulant des dispositions qui leur étaient trop fortement défavorables. La lutte s’annonce donc âpre pour les producteurs de nos terroirs, défenseurs de la tradition, du savoir-faire et de l’excellence face aux suppôts du libéralisme. Soutenons-les donc en privilégiant, autant que faire se peut, les circuits courts, dans nos approvisionnements de fromages comme d’autres produits agricoles.

    On peut ne pas aimer le fromage, néanmoins, on ne peut se résoudre à ce que ce produit emblématique de notre pays et de nos terroirs tombe encore davantage entre les mains cupides de l’industrie agroalimentaire mondialisée. À l’heure où la Perfide Albion prétend compter plus de fromages que la France, à nous de prouver que c’est bien nous qui sommes le pays du fromage, et surtout du fromage fermier affiné dans de bonnes conditions chez nos producteurs locaux.

    Dextra (Dextra, 25 mai 2022)

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  • Pour en finir avec l'assimilation !...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une prise de position claire et argumentée de Thaïs d'Escufon consacrée à la vieille lune de l'assimilation comme remède miracle à la submersion migratoire de notre pays par les populations extra-européennes. Porte-parole talentueuse et courageuse du mouvement Génération identitaire, Thaïs d'Escufon développe désormais avec brio une activité de publiciste sur les réseaux sociaux.

     

                                                

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  • Le déni du réel en action...

    Nous reproduisons ci-dessous un texte de Yannis Ezziadi, publié par Figaro Vox, dans lequel il répond aux critiques qui lui ont été adressées après la publication par Causeur d'un reportage dans lequel il dépeint le quotidien des habitants de Nangis, une commune de Seine-et-Marne marquée par une montée du communautarisme islamique.

    Nangis.jpg

    Une rue de Nangis (Causeur)

     

    «Le malaise civilisationnel de la France profonde ne compte pas»

    Je vais vous raconter ici la petite et terrible histoire du déni de réel. L'histoire des chiffres contre nos yeux. Le 11 mai dernier – moi qui ne suis pas journaliste de profession mais comédien et auteur dans les pages culture du magazine Causeur–j'ai entamé un reportage de quelques jours dans le village de Nangis – au cœur de la Brie – en proie à une délinquance grandissante et à un communautarisme musulman dont nos yeux seuls suffisent à nous fournir la preuve sur un plateau. J'y ai passé six jours pour me promener, pour regarder, discuter avec les gens et tenter de comprendre ce qui se passe, ce qu'ils ressentent. Quand je dis ils, je parle de ceux que l'on appelle les «Français de souche». Je veux savoir comment ils vivent ce «métissage» diront certains, ce «changement de peuple» diront d'autres. Mes yeux et mes oreilles ont été mes seuls outils. Mon reportage est sorti dans le numéro de juin de Causeur. Mon récit, mon constat, vous pouvez les trouver en détail dans ce reportage de huit pages intitulé Ma première Burqa. Mais si j'écris ici, c'est pour dénoncer le déni et la tentative de décrédibilisation dont j'ai été instantanément l'objet. Il semblerait que ce que j'ai vu n'existe pas, que mes yeux se trompent, que ma bouche mente.

    Le 8 juin, Jean-Marc Morandini a consacré une émission à mon reportage dans laquelle il m'a invité à débattre. Entre autres face à moi, Gerald Briant, adjoint PCF au maire du 18ème arrondissement de Paris, qui dès le départ a tenté de me disqualifier. «C'est un plaidoyer pour le grand remplacement, pour la théorie complotiste du grand remplacement», clame-t-il indigné ! Ça, je m'y attendais, bien évidemment. Mais ses arguments principaux pour balayer d'un revers de main mon travail ont été la science et les chiffres ! Je ne me base pas sur la science selon lui. Ce que je ne renie pourtant pas. C'est d'ailleurs un extrait de mon propre texte qu'il cite pour appuyer son attaque: «Bien sûr, dans tout ce que vous venez de lire, rien ne repose sur des études, des calculs, des chiffres. C'est simplement le ressenti des personnes que nous avons croisées». Pour Gérald Briant, cela ne compte donc pas. Pour lui, c'est très clair, on se fiche de ce que les gens ressentent. Ce qu'il souhaite est très clair aussi: des études et des chiffres qui prouvent le contraire du ressenti d'une partie de la population, qui prouvent par de très sérieux calculs que les gens ne voient pas ce qu'ils voient. Lorsque des chiffres viennent appuyer la «théorie» d'un changement de population, ils ne l'intéressent d'ailleurs pas plus que le ressenti.

    Je pense pour ma part que les chiffres sont importants, qu'ils peuvent nous servir. Mais ce travail ne relève pas de mon domaine. Mon domaine à moi, c'est la retranscription de l'expérience sensible, c'est le récit d'êtres vivants, avec leurs peurs, leurs doutes, leurs souffrances. Et c'est, à mon avis, au moins aussi important que les chiffres. Cette souffrance des êtres n'est pas mesurable par des calculs et des études. Doit-elle pour cela ne pas compter, ne pas être prise en compte, être balayée par le revers d'une main méprisante et scientifique ? Pour Gérald Briant,« ce n'est pas un travail sérieux ». Peut-être devrait-il pousser un peu plus loin sa pensée et dire que ce que les gens ressentent n'est pas sérieux. Je le répète, je n'ai fait que me promener et discuter avec quelques personnes croisées sur mon chemin. Une quarantaine. Tous, je dis bien tous, m'ont confié leur malaise dû à la sensation d'islamisation de leur ville. Pas une personne ne m'a tenu un propos raciste. Mais tous m'ont dit ne plus se sentir chez eux, se sentir dépossédés de leur village. Les témoignages à ce sujet se ressemblent tous. Suis-je tombé, par hasard, sur les quarante seules personnes de Nangis à penser cela ?

    Une autre tentative de déstabilisation et de déni m'est venue ce jour-là d'un deuxième interlocuteur sur le plateau de Morandini, le conseiller de Paris du Groupe indépendant et progressiste et actuel candidat «Ensemble» aux législatives, Pierre-Yves Bournazel, qui a tenté de m'enfermer dans le piège «islam-islamisme». Il a commencé le commentaire de mon texte par une précision: la différence entre islam et islamisme, différence qu'il faut absolument faire selon lui. Comme si je faisais l'amalgame. Mais quel amalgame ? Je ne suis pas islamologue, il est vrai, et ne compte d'ailleurs pas le devenir. Ce qui est islam d'un côté et islamisme de l'autre ne m'intéresse pas. Ce à quoi je m'intéresse dans ce reportage, c'est à certaines pratiques culturelles et religieuses, à un certain mode de vie d'une partie non négligeable des personnes de confession musulmane de Nangis qui heurtent l'autre partie de la population qui ne l'est pas. Je laisserai donc le soin à Pierre-Yves Bournazel de catégoriser ces pratiques religieuses et culturelles.

    Puisque le problème pour lui ne semble être que l'islamisme, je lui demande si le voile – simple et non intégral – est de l'islamisme. Il me répond que non. Je lui demande alors: «Que répondez-vous aux habitants de Nangis qui voient tous ces voiles comme autant de drapeaux islamiques plantés sur le territoire de leur ville ? Que dites-vous à tous ces gens qui trouvent que leur ville, pour cette raison, devient musulmane ?» Sa réponse : «Là aussi, distinguons l'islamisme et l'islam. Quand il y a des revendications religieuses où on veut imposer sa foi sur la loi de la République et sur le vivre ensemble, nous devons être très fermes et défendre les principes républicains […] deuxièmement, les premiers à se battre contre l'intégrisme religieux c'est souvent les mamans, les gens dans les quartiers qui veulent vivre leur foi – ou d'ailleurs parfois ils n'ont pas la foi – tranquillement et sans être sous pression. Et notre devoir c'est de les protéger ou de les émanciper». Morandini fait alors remarquer à Bournazel qu'il ne répond pas à ma question. «Mais c'est quoi la question ? Il faut dire que les musulmans sont des islamistes ?», s'exclame le candidat «Ensemble».

    Bournazel ne répond évidemment pas à ma question. Lui aussi méprise complètement cette problématique du ressenti des «Français de souche» culturellement menacés par un islam d'atmosphère qui les étouffe. Il répond à cette question par un autre ressenti, celui des personnes de confessions musulmanes qui seraient, selon lui, les premières victimes. Ce sont les musulmans qui semblent l'intéresser. Peut-être est-ce moins nauséabond de s'intéresser au ressenti des «musulmans» qu'à celui des «Français de souche». Rien que le terme «Français de souche» ne met à l'aise personne. Les «de souche», circulez – ou souffrez –il n’y a rien à voir ! Voilà une fois de plus le mépris dont ils sont victimes. Une fois de plus, on ne répondra pas à leurs questions pourtant existentielles. Les Nangissiens que j'ai rencontrés ne m'ont pas parlé d'islam radical, de terrorisme ou de charia. Ils m'ont dit que la population grandissante de femmes voilées et d'hommes en djellabas, les commerces communautaires, l'implantation de la mosquée, toutes ces choses qui se voient, qui leur crèvent les yeux, sont autant de signes qui montrent que leur ville est gagnée par le communautarisme. Pas intégriste, pas djihadiste, pas Ben Ladeniste. Musulmane.

    On m'explique que ce que je rapporte dans les pages de Causeur n'a pas d'importance. Ou pire, que ce que je dis avoir vu et entendu n'existe pas. Les chiffres, les études, la science, la loi. Tout cela contre mes yeux et mes oreilles ? Tout cela contre la sensation, contre le cœur ? Lorsqu'un journaliste se rend sur un terrain de guerre afin d'interviewer la population bouleversée, on ne lui rétorque pourtant pas que son travail ne vaut rien car ce n'est que le ressenti des populations qu'il a rencontrées, et qu'il faut des chiffres, des études approfondies pour étayer son propos. C'est pourtant cette arme avec laquelle on m'attaque. Je me promène, je regarde, je discute, j'écoute ce qu'on me dit, je tente de me mettre à la place des habitants pour les comprendre. Voilà un travail qui n'est pas sérieux, qui ne vaut rien. C'est pourtant ce qu'on appelle le reportage. Se rendre sur le lieu d'un événement, récolter sur le vif des témoignages, des informations et en rendre compte dans les pages d'un journal. Mais le reportage, visiblement, n'est valable que pour certains sujets. Pour celui du malaise civilisationnel et de l'insécurité culturelle, il ne compte pas. Voilà pourquoi, chers Nangissiens, ce que vous m'avez raconté n'a aucune importance. Voilà pourquoi un trait sera tiré sur vos paroles qui ne comptent pas. Voilà pourquoi les problèmes qui sont les vôtres ne seront pas réglés. Ce qui vous dérange n'est pas interdit. Ce qui vous dérange vient de vous, de votre cœur malade et non de délits comptabilisés dans des chiffres officiels retranchés, recoupés, analysés par la science triomphante. On vous l'avait pourtant dit qu'il ne fallait pas confondre l'insécurité et le sentiment d'insécurité. Il ne faut pas non plus confondre l'islamisation et le sentiment d'islamisation. Votre ressenti n'est pas scientifique, alors soyez gentils… Gardez vos sentiments pour vous ! Et la prochaine fois, revenez avec des chiffres. À ce moment-là, on verra ce qu'on peut faire !

    Yannis Ezziadi (Figaro Vox, 17 juin 2022)

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  • Après la guerre d’Ukraine, un monde fragmenté...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun, cueilli sur le site de Geopragma et consacré à la fracturation géopolitique du monde provoquée par la guerre russo-ukrainienne. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Après la guerre d’Ukraine, un monde fragmenté. L’aspect monétaire et financier.

    Faire la guerre, ou à un degré plus limité, soutenir l’effort de guerre de quelqu’un, est un acte à la fois coûteux et risqué. D’où l’importance centrale des buts de guerre. Or en l’espèce, au-delà d’un point de départ évident (soutenir un État agressé et envahi),  l’évolution des buts de guerre occidentaux pose bien des questions, car elle remet sur certains points en question l’architecture même du monde que ces mêmes Occidentaux et notamment les Américains prétendent construire. Nous allons le voir sous l’angle monétaire et financier.

    La dérive idéologique occidentale

    J’ai évoqué ce sujet par ailleurs [1].  Je distingue trois grands types de buts de guerre: idéologiques, impérialistes et patriotiques. Je note que les deux premiers types favorisent les options guerrières, la première notamment, car une idéologie n’admet pas de compromis et tend à classer le monde entre bons et méchants. Ce faisant, on favorise l’ascension aux extrêmes que le processus de la guerre tend par ailleurs à produire. La guerre en Ukraine est sur ce plan particulièrement symptomatique. Côté occidental, surtout américain, la dimension idéologique a pris de plus en plus le dessus,  dans un grand récit de lutte des démocraties contre les régimes autoritaires. Cette attitude est dangereuse, notamment au vu de ce que cela signifie pour le monde de demain. Concrètement, sauf issue militaire improbable, la Russie fera partie du paysage international de demain. On peut évidemment désirer que l’issue de la guerre sera le moins favorable possible pour elle, et agir en ce sens. Mais sans de ce fait prendre de risque excessif, sans nourrir l’ascension aux extrêmes, et sans détruire des liens utiles ou des actifs. Déjà il était irrationnel de démanteler toutes les positions des entreprises occidentales en Russie, ou de boycotter sportifs et artistes russes. A fortiori de mettre en place des embargos dont les Européens souffrent au moins autant que les Russes.

    Un monde nouveau fragmenté

    Mais, au-delà de ces faits immédiats, ce qui frappe le plus est l’absence de vraie vision à terme, hors improbable réalisation du scénario dans lequel les démocraties, aidant les Ukrainiens à bouter les Russes hors de leur territoire, provoqueraient un changement de régime à Moscou, montrant par là au reste de la planète qu’il n’y a qu’une voie gagnante pour l’avenir. Nous ne savons pas comment se terminera cette aventure (indéniablement absurde et condamnable dans le cas russe) ; mais nous pouvons voir que, d’ores et déjà, les moyens déployés par les Occidentaux, y compris à travers les sanctions, façonnent en partie appréciable ce monde de demain. Et c’est vrai aussi en matière économique et financière.

    Il y avait déjà avant cette guerre une forte poussée de remise en cause de la conception antérieure, qu’on peut appeler de mondialisme ouvert, notamment du fait de la Covid. Avec la mise en évidence des risques appréciables qu’on pouvait courir, au niveau de la sécurité des approvisionnements, du fait de tels événements naturels, et cela tant au niveau national qu’à celui des entreprises. Mais avec les sanctions contre la Russie, un pas nouveau majeur a été accompli, car cette fois l’interruption résulte d’une volonté politique. et elle bouleverse la logique antérieure tant des échanges que des investissements. Du jour au lendemain, l’approvisionnement pétrolier et gazier d’origine russe s’est trouvé anathème ; de même la présence de la Société générale ou de Renault en Russie. Pour les entreprises, cela veut dire que pour l’avenir, quand vous investissez à quelque part, ou que vous vous y approvisionnez, si vous êtes occidental vous devrez inclure un facteur majeur de risque politique, non plus seulement par changement politique local comme par le passé, mais du fait de décisions des autorités de votre pays d’origine (ou de ses alliés). Bien sûr on en avait eu un petit avant-goût avec l’Iran. Mais les enjeux restaient alors limités : dès lors, on pouvait considérer que ce n’était qu’un cas particulier et que le reste de l’activité obéissait toujours aux règles antérieures. Ce n’est désormais plus le cas, car l’exemple russe est trop massif, trop porteur de précédents. Dit autrement, si le pays avec qui vous travaillez peut d’une façon ou d’une autre déplaire gravement à Washington, vous courez un risque élevé.

    Réciproquement, du point de vue desdits pays, la possibilité de telles ruptures est désormais avérée. Déjà significatif pour le pays moyen, le virage prend un sens tout particulier dans le cas de la Chine, en outre proche de la Russie. En bonne logique, la jurisprudence russe pourra s’appliquer demain à elle, et elle le sait. Elle ne peut qu’en tenir compte pour l’avenir.

    Le dilemme monétaire

    Il est en outre un domaine où ces considérations remettent tout particulièrement en cause les idées et les usages, qui est le domaine monétaire. On parle depuis longtemps et non sans motif du privilège exorbitant du dollar. Mais il reposait sur une idée implicite : que tout le monde pouvait investir et payer en dollar, et que le dollar était sûr, du moins politiquement. Or voici que non seulement les banques russes ont été exclues du système (et notamment des paiements par Swift, sauf exception), ou que les actifs d’une liste de personnages sont bloqués, mais surtout, les réserves mêmes de la Banque de Russie (en dollars et en euros, situées dans les pays occidentaux) ont été bloquées. Si on admet un ordre de grandeur de plus de 630 milliards (dont 40% au moins étaient dans les pays occidentaux en 2021), on voit l’importance de l’enjeu (le Financial Times parle de 300 milliards bloqués). Il est vrai que la Russie avait en partie prévenu le coup en transférant ses ressources hors d’Occident (où elles étaient à plus de 80 % en 2014) et en augmentant massivement son stock d’or, évalué à quelque 140 milliards de dollars, ce qui laisse au régime une marge de manœuvre, d’autant que le prix de l’or augmente. Mais désormais toute la planète sait que la sécurité des réserves d’un pays détenues dans un pays occidental n’est pas garantie. Certes on en reste à ce stade au blocage. Mais les fonds ne sont dès lors plus utilisables.

    La disruption serait bien entendue a fortiori encore plus grave si, comme certains le proposent (Josep Borrell par exemple), les Occidentaux dans leur escalade décidaient non plus simplement de bloquer, mais de confisquer ces actifs. Or si la chose est compliquée pour les oligarques (sociétés – écrans, questions judiciaires de responsabilité etc.), c’est à première vue plus facile pour les avoirs de la Banque centrale : ce sont des avoirs du pays, et ce pays en a agressé un autre, en lui infligeant des destructions massives. Quoi de plus simple politiquement que de financer en bonne partie la reconstruction de l’Ukraine (ce pour quoi les Ukrainiens par exemple évoquent jusqu’à 5 ou 600 milliards voire plus) avec l’argent de la Banque de Russie ? En clair, on façonne donc un monde dans lequel avoir des réserves dans une devise occidentale n’est plus une question purement monétaire ; ces réserves sont politiquement à risque.

    La même remarque vaut pour les transactions en dollars elles-mêmes. Les États-Unis ont décidé de bloquer les paiements par les Russes des échéances de leur dette extérieure (modeste il est vrai, qui s’élève à environ 50 milliards de dollars) – du moins si le créancier (ou sa banque) est américain. Certes, on savait déjà qu’il n’était pas innocent de faire de simples transactions en dollars : BNPP par exemple avait récemment dû payer une amende énorme pour des financements impliquant le Soudan, qui était alors sous embargo américain mais non européen. Pourtant aucune des parties n’était américaine ; mais la monnaie était le dollar (donc avec en bout de chaîne une compensation à New York). Là encore on pouvait espérer que cela resterait limité. Nous n’en sommes plus là. Maintenant quelqu’un qui a emprunté en dollars peut être déclaré en défaut de paiement (avec tout ce que cela entraîne) non pas parce qu’il n’a pas l’argent ou ne veut pas payer, mais parce que les États-Unis lui interdisent de payer !

    En réalité, c’est le sens même de ce qu’est une monnaie internationale qui change de sens. Ces monnaies (dollar et peut-être euro) ne sont plus neutres même dans leur usage par celui qui les détient. Elles sont en fait dans les mains du pouvoir politique du pays dont elles sont la monnaie, et il peut vous priver de vos actifs si vous lui déplaisez. En un sens, ce ne sont donc plus pleinement des monnaies.

    Je ne vais pas débattre ici du bienfondé de ces démarches, ni de leur efficacité. Je voudrais noter qu’on est là dans la construction d’un monde pour demain qui, hors le scénario improbable de la victoire totale, sera un monde plus fragmenté et politiquement polarisé, soit le contraire exact du monde défendu par ailleurs par les Occidentaux, Américains en tête. On risque alors de répéter la situation de 1945 : les démarches s’inscrivant pendant la guerre dans une logique de victoire ont alors débouché sur un rideau de fer – que les Alliés ne voulaient pas. De même ici : Russes et Chinois, et à leur suite bien d’autres, vont comprendre qu’ils ne pouvaient se fier aux outils communs que les Occidentaux présentaient comme mondiaux. Ils ont dès lors un intérêt majeur à développer les leurs, le plus découplé possible du reste. Quitte à continuer à jouer par ailleurs avec ces derniers lorsque le risque est jugé acceptable.

    La prétention universaliste de l’idéologie débouche donc sur l’effet contraire, celui d’un monde fragmenté, qui en matière monétaire est sans précédent dans l’histoire.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 13 juin 2022)

     

    Note :

    [1] Aide à l’Ukraine : quels sont nos buts de guerre ?

     

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  • Ethno-masochisme : les nouveaux regrettables « regrets » du roi des Belges...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Bernard Lugan cueilli sur son blog et consacré à la crise de repentance du roi des Belges.

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020), Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021) et dernièrement Comment la France est devenue la colonie de ses colonie (L'Afrique réelle, 2022).

     

    Visitez-le-Congo-Uele-Ituri-Kivu-Ruanda-Urundi.png

    Congo : les nouveaux regrettables « regrets » du roi des Belges

    Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges avait présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ».

    Le mercredi 8 juin 2022, en visite officielle à Kinshasa, le roi Philippe a une nouvelle fois fait repentance pour « les blessures infligées au Congo durant la période coloniale ». Une repentance qui n’a pas lieu d’être. Pour trois raisons principales :

    1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes musulmans venus de Zanzibar avaient franchi le fleuve Congo, dépeuplant les régions de la Lualaba, de l’Uélé, du bassin de la Lomami, et ils avançaient vers la rivière Mongala. A cette époque, les Africains étaient enlevés par dizaines de milliers pour être vendus sur le littoral de l’océan indien ou sur le marché aux esclaves de Zanzibar. De 1890 à 1896, de courageux belges menèrent alors ce qui fut à l’époque baptisé de « campagne antiesclavagiste » ou « campagne arabe ».

    A la place de ces injustifiables et répétitifs « regrets », c’est donc tout au contraire la mémoire de ces hommes généreux que le roi des Belges devrait célébrer. Parmi eux, les capitaines Francis Dhanis, Oscar Michaux, Guillaume-François van Kerckhoven, Pierre Ponthier, Alphonse Jacques, Cyriaque Gillain, Louis Napoléon Chaltin, Nicolas Tobback et bien d’autres.

    Pour avoir voulu arracher les malheureux noirs aux esclavagistes, Arthur Hodister et ses compagnons ainsi que le lieutenant Joseph Lippens et le sergent Henri De Bruyne furent massacrés. Les deux derniers eurent, alors qu’ils étaient encore vivants, les mains et les pieds coupés par les esclavagistes.

    Certains fanatiques demandent que leurs statues soient déboulonnées. Cela se fera probablement tant, outre-Quiévrain comme partout ailleurs en Europe, l’ethno-masochisme est désormais sans limites.

    2) La Belgique n’a pas pillé le Congo. Et pourtant, cette colonie fut une de celles dans lesquelles les profits privés et ceux des consortiums furent les plus importants. L’originalité du Congo belge était qu’il subvenait à ses besoins, le plan de développement décennal ainsi que les investissements étant financés par l’impôt des grandes sociétés qui était payé et investi sur place. La colonie s'autofinançait donc, un cas à peu près unique dans l’histoire coloniale de l’Afrique qui contredit à lui seul le postulat culpabilisateur.

    Mais, pour mettre en valeur cet immense territoire, il fallut commencer par y créer des voies de communication et notamment une voie ferrée reliant l’estuaire du Congo (Matadi), à la partie navigable du fleuve. En 1898, au bout de neuf années d’efforts surhumains, les 390 kilomètres de la ligne Matadi-Léopoldville furent achevés, mais 1800 travailleurs noirs et 132 cadres et contremaîtres blancs étaient morts durant les travaux. Rapportées aux effectifs engagés, les pertes des Blancs étaient 10 fois supérieures à celles des Noirs.

    En 1908, le Congo, propriété personnelle du roi Léopold II, fut repris par la Belgique. De 1908 à 1950, les dépenses engagées par Bruxelles dans sa colonie furent de 259 millions de francs-or et durant la même période, le Congo rapporta 24 millions de francs-or à l’Etat belge[1]. La Belgique n’a donc pas bâti sa richesse sur le Congo, même si des Belges y ont fait fortune, et parfois de colossales fortunes, mais ce n’est pas la même chose.

    3) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement en partant d’une réalité qui était que tout devait être fait à partir du néant. En matière d’éducation, la France et la Grande Bretagne saupoudrèrent leurs colonies d’Afrique sud-saharienne tandis que la Belgique choisit de procéder par étapes et de commencer par bien développer le primaire, puis le secondaire et enfin seulement le supérieur. Mais, pour que ce plan puisse être efficace, il lui fallait une certaine durée. Or, il fut interrompu par une indépendance précipitée et alors qu’il fallait à la Belgique au moins encore deux décennies pour le mener à son terme. Si le roi des Belges doit exprimer des « regrets », c’est donc d’avoir décolonisé trop tôt, trop vite, précipitamment, sous la pression de l’émotionnel … comme aujourd’hui !!!

    Alors, certes, et il serait historiquement mensonger de le nier, il y eut effectivement une période sombre au Congo avec une authentique politique d’exploitation fondée sur le travail forcé dénoncée dès 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». Ce fut l’époque de la Fondation de la Couronne à laquelle le roi Léopold attribua environ 1/10° de la superficie de tout le Congo et qui perçut les revenus domaniaux des concessions. Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années qui, de plus, ne concerna que le 1/10° de l’immense Congo. A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur.

    Voilà pourquoi les « regrets » du roi des Belges qui sont aussi injustifiés qu’injustifiables, sont d’abord et avant tout une véritable insulte à l’Histoire. Mais également une insulte à la mémoire de ceux qui donnèrent leur vie pour combattre les esclavagistes. A la mémoire de ces fonctionnaires et de ces colons qui firent que dans le Congo belge les populations mangeaient à leur faim, étaient soignées et connaissaient la paix… A l’époque, les habitants du Kivu et de l’Ituri n’étaient ainsi pas massacrés comme aujourd’hui par des bandes armées… Une insulte à la mémoire de ceux qui firent que les services publics fonctionnaient, que les  voies de communication créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports étaient entretenues. Quant au réseau routier, il était exceptionnellement dense, des pistes permettant de traverser le pays d’ouest en est et du nord au sud en toutes saisons. Après l’indépendance, ces voies de communication disparurent, littéralement « mangées » par la brousse ou par la forêt.

    Bernard Lugan (Blog de Bernard Lugan, 8 juin 2022)

     

    Notes :

    Pour en savoir plus, voir mon Histoire de l’Afrique des origines à nos jours pages 552-555 et 705-715

    [1] Stengers, J., (1957) « Combien le Congo a- t-il coûté à la Belgique ? » Académie Royale des Sciences Coloniales, T.XI, fasc 1, 1957, 354 pages.

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