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Entretiens - Page 61

  • De l’art d’abuser d’autrui ou de « baiser son prochain »...

    Le 5 janvier 2022, Thomas Arrighi recevait Dany-Robert Dufour, dans l'émission «Sputnik donne la parole» pour évoquer avec lui la domination et la manipulation de masses par le biais de «psycho-pouvoirs». Philosophe, Dany-Robert Dufour est l'auteur de nombreux essais comme Le Divin Marché (Denoël, 2007), Le Délire occidental (Pocket, 2018) ou dernièrement Le Dr. Mabuse et ses doubles ou l'art d'abuser autrui (Actes Sud, 2021).

     

                                              

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  • Une gauche française bourgeoise et antisociale...

    Le 10 janvier 2022, Martial Bild recevait, sur TV libertés, Xavier Moreau, animateur de Stratpol, pour évoquer la gauche française. Saint-Cyrien, ancien officier parachutiste et spécialiste des questions géopolitiques, Xavier Moreau est l'auteur de La nouvelle grande Russie (Ellipses, 2012), de Ukraine - Pourquoi la France s'est trompée (Rocher, 2015) et dernièrement du Livre noir de la gauche française (Stratpol, 2021).

     

                                           

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  • Pourquoi tant de haine contre la Russie ?...

    Le 20 décembre 2021, Olivier Pichon recevait sur TV libertés, dans l'émission Politique & Eco, Jacques sapir, pour évoquer l'économie russe.

    Économiste hétérodoxe, directeur d’études à l’EHESS, expert de l’économie russe, Jacques Sapir a publié de nombreux essais comme La fin de l'euro-libéralisme (Seuil, 2006), La démondialisation (Seuil, 2011) ou Souveraineté - Démocratie - Laïcité (Michalon, 2016).

     

                                              

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  • Droite, gauche, extrême centre et présidentielle...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jean-Yves Le Gallou, cueilli sur Polémia et consacré aux perspectives politiques de ce début d'année.

    Ancien haut-fonctionnaire et homme politique, président de la Fondation Polémia, Jean-Yves Le Gallou a, notamment, publié La tyrannie médiatique (Via Romana, 2013),  Immigration : la catastrophe - Que faire ? (Via Romana, 2016), Européen d'abord - Essai sur la préférence de civilisation (Via Romana, 2018) et Manuel de lutte contre la diabolisation (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    Droite, gauche, extrême centre et présidentielle. Entretien avec Jean-Yves Le Gallou

     

    Gauche, droite, « extrême centre » et Révolution française

    Guillaume de Tanoüarn : Les notions de droite et de gauche ont-elles encore un sens, après le passage d’Emmanuel Macron au pouvoir ?

    Jean-Yves Le Gallou : Emmanuel Macron c’est un peu l’extrême centre, l’extrémisme politiquement correct. Il porte massivement toutes les valeurs ou non valeurs de gauche assorties d’un libéralisme économique de façade. Il n’a en rien diminué le poids des impôts et des charges. En revanche, il a contribué à la destruction de l’Etat et à la vente des actifs français comme Alstom Energie, bradé à General Electric dans un accord fait par des banques d’affaire qui sont parmi les premiers soutiens financiers de la campagne d’Emmanuel Macron. Ce dernier apparaît comme un liquidateur du patrimoine français au service d’une superclasse mondiale qui l’a adoubé et choisi entre autres parce qu’il est membre de la French-American Foundation, du forum de Davos et du groupe Bilderberg.

    Guillaume de Tanoüarn : Diriez-vous que la France qui a inventé la Révolution française est un pays foncièrement à gauche ?

    Jean-Yves Le Gallou : C’est avec la Révolution Française, qu’apparaît le placement gauche/droite des élus dans les hémicycles et c’est vrai que depuis ce moment, on peut avoir l’impression que l’histoire est un glissement à gauche continu. Il y eut des assemblées de droite : en 1918 la chambre bleue horizon, en 1968 face aux événements de Mai 68, en réaction au joli mois de Mai de cette année-là. En 1986, aussi, par réaction au mitterrandisme, la droite est largement majoritaire à l’Assemblée. Dans ces trois cas, on constate plus ou moins la même chose : les chambres se trouvent frappées d’impuissance et contraintes de facto à renier les préférences de leurs électeurs. En matière de trahison de la droite, en 86, malgré son succès électoral et une première cohabitation, Chirac renonce à son programme sur l’immigration et l’insécurité, à la suite de l’exploitation de la mort de Malik Oussekine. En 1968 déjà, la chambre introuvable pourtant peuplée de gaullistes intransigeants et de réactionnaires authentiques avait cautionné tous les abandons : réforme de l’éducation nationale, de la souveraineté monétaire, lois liberticides, réforme du code civile autour de la famille etc.

    Guillaume de Tanoüarn : Le politiquement correct est-il d’origine française ?
    Jean-Yves Le Gallou : Il y a deux éléments qui permettent de répondre par l’affirmative à votre question : les lois liberticides et la propagande antiraciste ont commencé à s’implanter en France, avant de se répandre sur le reste de l’Europe. Quant au wokisme qui nous revient d’Amérique, on peut dire qu’il s’est formé, entre autres, à partir de ce que les Américains nomment la French Theory, ce grand courant de pensée où s’épanouissent les premiers déconstructeurs de Simone de Beauvoir à Michel Foucault et à Jacques Derrida..

    Guillaume de Tanoüarn : La gauche a-t-elle encore une existence politique aujourd’hui en dehors de son action culturelle ?

    Jean-Yves Le Gallou : D’un point de vue démocratique le pouvoir que la gauche exerce sur la société française est absolument insupportable. La gauche, aujourd’hui, écolos compris, représente à peine le quart du corps électoral mais elle contrôle la quasi-totalité du système médiatique et exerce sa férule sur le corps judiciaire. Quant au monde associatif, de gauche, il vit sous perfusion de subvention publique. Le paradoxe c’est que moins la gauche a d’existence politique plus elle existe en termes idéologiques. Pour reprendre l’expression de Guillaume Bernard, Il y a un mouvement dextrogyre dans l’opinion, c’est incontestable et de ce point de vue la gauche aujourd’hui n’est plus une force électorale. Mais demeure un mouvement sinistrogyre, en particulier chez les prescripteurs d’opinion. Pourquoi on n’en finit pas si facilement avec la gauche ? Pourquoi garde-t-elle une audience chez les intellectuels, même lorsqu’elle perd le peuple ? La gauche, en définitive, ce sont les Lumières : rationalisme, individualisme, progressisme et ruptures de tradition. Beaucoup d’analystes, dont tout récemment Michel Geoffroy dans le livre qui justement porte ce titre, sentent venir le crépuscule des Lumières, mais les révolutions culturelles, ou en l’occurrence les contre-révolutions culturelles, quand elles ne sont pas programmées par un pouvoir totalitaire sont beaucoup plus lentes à advenir que les évolutions politiques.

    Guillaume de Tanoüarn : Qu’est-ce qu’un gouvernement de droite?

    Jean-Yves Le Gallou : On peut citer quelques caractéristiques d’un gouvernement qui se dit de droite et d’abord la priorité du domaine régalien sur les domaines économiques et sociaux. On trouve aussi parmi les valeurs de droite le respect du patrimoine. La défense des traditions ne signifie pas le recroquevillement sur le passé. Elle signifie une défense et illustration de la transmission qui nourrit des innovations : « Nous sommes des nains sur les épaules de géants » comme on disait au Moyen-Age. La droite, c’est aussi la défense des libertés contre toutes les tendances centrifuges de l’étatisme. A l’Iliade, on résume cela en un mot : LIS : ce qui signifie : Libertés (au pluriel) Identité Souveraineté (à la fois souveraineté des peuples et souveraineté des nations).

     

    Éric Zemmour : diviser ou mieux gagner ?

    Guillaume de Tanoüarn : On reproche à Eric Zemmour ici ou là de diviser le camp national. Quel est son apport spécifique. Ne réside-t-il pas justement dans la défense de la civilisation chrétienne ?

    Jean-Yves Le Gallou : Dans cette campagne électorale, l’apport de Zemmour est immense. Il a redonné de l’intérêt à une campagne qui s’annonçait atone. Il a replacé au cœur du débat la question de l’identité et de ce que nous appelons, nous, la défense de la civilisation européenne et chrétienne. Je pense même que les « marinistes » devraient être infiniment reconnaissants de la candidature de ce nouveau venu en politique. Il a remis les thèmes immigration et insécurité dans le débat ; il a réveillé Marine Le Pen qui a été plutôt efficace ces derniers mois. Je me permets cum grano salis de citer un vieux proverbe africain : « Quand le lion court dans la savane l’antilope se remet à courir ».

    Guillaume de Tanoüarn : Y aurait-il un rapport entre Zemmour et Bruno Mégret, le fondateur du MNR ?

    Jean-Yves Le Gallou : Sur le plan des convictions, on trouverait j’en suis sûr beaucoup de points communs, mais les circonstances de la candidature de Zemmour à la Présidentielle sont radicalement différentes. Même s’il avait un passé RPR, Mégret venait de l’intérieur du FN. En revanche Eric Zemmour, aujourd’hui, vient de l’intérieur du système, c’est un atout important. Il y a aussi de grandes différences entre les deux personnalités : Mégret paraît plutôt réservé et introverti. Zemmour est beaucoup plus extraverti, et selon certains même parfois trop. Le moment aussi est différent : lors de la scission de Mégret, il n’y avait ni chaine d’information continue, ni médias alternatifs, ni Internet. L’équilibre des forces médiatiques a changé. Les médias mainstream restent très puissants mais ils ont perdu le monopole qu’ils avaient en 1999.

    Guillaume de Tanoüarn : Peut-on dire que la dite extrême droite en France est née de la trahison des droites ?

    Jean-Yves Le Gallou : Extrême droite n’est pas un terme de science politique mais de polémique politique qui désigne tous ceux qui refusent le politiquement correct sur les valeurs. Tout anticonformisme est, a été ou sera qualifié d’extrême droite. Dans les années 80, il y avait un problème croissant aux yeux des Français : le problème de l’immigration. En même temps c’était un problème interdit et donc un point aveugle du débat politique. Au début du Club de l’Horloge, Raymond Marcellin ancien ministre de l’Intérieur de 1968 à 1974, réputé homme de droite, sécuritaire, nous avait dit : « Surtout ne parlez pas d’immigration ». C’était un conseil de sagesse, pour qui voulait faire carrière, que nous n’avons pas suivi ; c’était pourtant l’époque d’Enoch Powel, le leader conservateur, dont le grand discours sur l’immigration avait ruiné la carrière. Les gens soucieux de paraître convenable avait prévu de ne pas parler d’immigration. Le génie politique de Jean-Pierre Stirbois et de Jean-Marie Le Pen fut de s’affranchir de ce tabou. Et c’est le fait qu’ils s’en soient affranchis qui a permis le développement du FN. Le Parti de Jean-Marie Le Pen a occupé l’espace politique que le RPR avait abandonné, par conformisme et crainte de la dénonciation. Pour revenir à votre question : qu’est-ce que l’Extrême-droite ? On désigne de cette façon dépréciative non pas un extrémisme, mais la droite qui a osé enfreindre les tabous, inventés par la gauche.

     

    Années 80

    Guillaume de Tanoüarn : Des tabous qui tournent beaucoup, dès les années 80, autour de l’immigration ?

    Jean-Yves Le Gallou : Je me permets de vous raconter une petite histoire personnelle, pour que vous compreniez l’atmosphère de cette époque. En 1985, j’avais publié chez Albin Michel La préférence nationale, un livre d’analyse, de diagnostic et de propositions sur l’immigration, un livre d’ailleurs qui reste ou redevient d’actualité. J’avais à l’époque longuement rencontré Alain Peyrefitte, ancien ministre du Général et président du comité éditorial du Figaro. Il m’a fait une explication de gravure qui a été décisive dans mon orientation postérieure : « Ce que vous dites dans ce livre est juste, ce que vous proposé est nécessaire mais nous (RPR) nous ne pourrons pas le faire. Les centristes, les gens comme Simone Veil, (qui venait de conduire la liste RPR UDF aux Européennes), ne nous le permettraient pas ». A l’époque cette conversation m’avait convaincu qu’arrivé au pouvoir le RPR dirigé par Chirac ne ferait pas les réformes nécessaire et c’est pour cela que j’ai rejoint Jean-Marie Le Pen. Ultime confirmation dans ce chemin, pour moi : l’opération culturelle conduite auprès des maires et des adjoints à la culture avec Aude de Kerros et d’autres venait d’être torpillée par le RPR.

    Guillaume de Tanoüarn : Le gaullisme est-il de droite ?

    Jean-Yves Le Gallou : Le gaullisme se veut ni de droite ni de gauche en ce sens qu’il cherche à rassembler les classes populaires et les classes bourgeoises sur la base d’un patriotisme partagé. De Gaulle fut parfois ambigu mais sa formation intellectuelle d’origine subit la double inspiration de Barrès et de Maurras, et l’influence des penseurs de la Révolution conservatrice allemande qu’il découvre pendant sa captivité en 1917 selon les travaux de François-Georges Dreyfus. C’est aussi l’homme qui définit la France comme un pays de race blanche de civilisation gallo romaine et de religion chrétienne. On trouve déjà cette longue période, souvent citée aujourd’hui par les hommes politiques et les journalistes, dans les Mémoires d’espoir. On en retrouve un verbatim dans le C’était De Gaulle de Peyrefitte.

    Guillaume de Tanoüarn : Le RPR, au début des années 80, sous Mitterrand, est-il un mouvement qui a un programme d’extrême-droite ?

    Jean-Yves Le Gallou : Dans les années 70- 80, Chirac occupait un créneau de droite souverainiste anti-immigration. Il était couramment surnommé « Facho Chirac ». Ses communicants, notamment sa fille Claude, l’ont convaincu de mettre de l’eau dans son gros rouge, pour se faire accepter par le système et par les médias. Ce qu’il a fait allant jusqu’à établir une muraille de Chine entre le FN et le RPR : il assurait ainsi pour 40 ans l’hégémonie de la gauche sur le paysage politique français. C’est cette hégémonie qui est mise en cause aujourd’hui. Ce que Zemmour tente de briser en attaquant frontalement les pouvoirs judiciaires, médiatiques et associatifs et en tentant de briser le cordon sanitaire entre la droite classique et l’extrême droite. Il est assez significatif que dans la cartographie de ses soutiens, le Monde souligne la présence de gens venus des deux rives.

     

    Regard sur la présidentielle

    Guillaume de Tanoüarn : Aujourd’hui que représente Valérie Pécresse, parmi les droites ? Le tandem Ciotti-Pécresse a-t-il un avenir selon vous ?

    Jean-Yves Le Gallou : Valérie Pécresse est surnommée par les mauvaises langues Valérie traitresse. Si elle a des convictions à géométrie variable, elle a un ancrage atlantiste extrêmement fort. Elle a fréquenté la French-American Foundation et le groupe Bilderberg comme Macron. Son mari Jérôme Pécresse qu’elle met en scène dans le cadre de sa campagne, est l’un des hauts dirigeants d’Alstom. Il a collaboré au raid de General Electric sur cette entreprise française. Si Valérie Pécresse devait succéder à Macron, cela signifierait que l’Etat profond américain garderait ses quartiers à l’Elysée. Quant à Ciotti il joue le rôle de Pasqua, rabatteur pour Chirac. Ce sera un Pasqua au petit pied, rabatteur électoral de Pécresse, mais lui-même non sans talent.

    Guillaume de Tanoüarn : Que faut-il penser de la division de la droite de conviction, droite que l’on trouve au RN, à Reconquête et chez les LR ? Est-elle définitive ?

    Jean-Yves Le Gallou : Il faut distinguer deux figures politiques différentes l’une de l’autre. Entre RN et Reconquête, rien n’interdira des alliances au deuxième tour ou pour les législatives. Il suffira que chacun des partenaires se montre un peu raisonnable. En revanche la stratégie de LR est de rester adoubé par le système, ce qui interdit toute entente avec ceux qui sont diabolisés : les électeurs modérés se laissent trop souvent dicter leur loi par les médias diabolisateurs.

    Guillaume de Tanoüarn : Vous soutenez Eric Zemmour alors qu’un homme de terrain comme Robert Ménard ne cache pas sa préférence pour Marine Le Pen. Qu’est-ce qu’apporte Zemmour à la présente campagne ?

    Jean-Yves Le Gallou : Si j’avais des chats à confier je choisirais Marine. Ce qu’apporte Zemmour ? De la vie, de la fraicheur, de la vérité. Il a mis les pieds dans le plat. Assez drôlement, Ménard a un comportement que l’on peut rapprocher de celui de Jean-Marie Le Pen dans cette campagne : un coup j’encourage Zemmour ; un coup je renouvelle mon soutien à Marine Le Pen. C’est aussi une manière de rester dans l’angle des caméras. Quand les sondages montent pour Zemmour, il soutient Zemmour. Quand ils montent pour Marine, il soutient Marine. Ça ne porte pas à conséquences.

    Guillaume de Tanoüarn : Le vrai pouvoir n’est-il pas le pouvoir des juges plutôt que le pouvoir des politiques ?

    Jean-Yves Le Gallou : La vraie question, dirais-je, est de rendre le pouvoir à l’exécutif présidentiel. Le pouvoir est aujourd’hui accaparé par des juges sans aucune légitimité démocratique. Le pouvoir des juges s’est construit autour du dogme de l’Etat de droit censé défendre les libertés. Mais en validant la quasi-totalité des dispositions liberticides de la dictature sanitaire, le Conseil constitutionnel et le Conseil d’Etat ont montré qu’ils ne défendaient en rien les libertés des Français. Les seules libertés qu’ils défendent étant celles des étrangers, des clandestins, des délinquants, et des lobbies minoritaires, la majorité des Français n’a rien à en attendre. Leur légitimité judiciaire est sans fondement.

    Jean-Yves Le Gallou, propos recueillis par l’abbé Guillaume de Tanoüarn (Polémia, 8 janvier 2022)

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  • Bernard Lugan dit tout !...

    Dans ce nouveau numéro d’Orages de papier, réalisé par TV Libertés en partenariat avec la Nouvelle Librairie , François Bousquet évoque avec Bernard Lugan ses truculentes Nouvelles incorrectes d’une Afrique disparue (La Nouvelle Librairie, 2021).

    Historien et africaniste, Bernard Lugan a publié de nombreux ouvrages, dont Histoire de l'Afrique (Ellipses, 2009), Atlas historique de l'Afrique (Rocher, 2018), Esclavage, l'histoire à l'endroit (L'Afrique réelle, 2020) et dernièrement Pour répondre aux « décoloniaux », aux islamo-gauchistes et aux terroristes de la repentance (L'Afrique réelle, 2021).

     

                                               

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  • Le covid-19 ou le choc de dépolitisation...

    Nous reproduisons ci-dessous l'analyse, donnée par Jérôme Saint-Marie au Figaro Vox, des événements politiques et sociaux de l'année écoulée à la lumière de l'élection présidentielle qui vient.

    Spécialiste de l'opinion publique, fondateur de la société d'études et de conseil Polling Vox, Jérôme Sainte-Marie enseigne à l'université Paris-Dauphine et est l'auteur de Bloc contre bloc - La dynamique du Macronisme (Cerf, 2019) et de Bloc populaire - Une subversion électorale inachevée (Cerf, 2021).

     

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    Jérôme Sainte-Marie : «Le Covid-19 aura produit un choc de dépolitisation»

    LE FIGARO. - Pré-campagne présidentielle, instauration du passe sanitaire, reprise de l'épidémie avec le variant Omicron… L'année qui s'écoule a été dense. Selon vous, quel événement a le plus bouleversé la France en 2021 ? En quoi ?

    Jérôme SAINTE-MARIE. - À l'évidence, la crise sanitaire a marqué 2021, mais dans la continuation de l'année précédente et de manière finalement banalisée. S'il s'agit de citer un événement emblématique de ce qu'est la France aujourd'hui et qui aura eu un impact significatif sur notre humeur collective, je retiendrais plutôt la crise dite des sous-marins australiens, c’est-à-dire la rupture d'une promesse d'achat présentée comme le contrat du siècle. Il me semble que cette annonce le 15 septembre dernier a cristallisé les doutes, pour ne pas dire l'angoisse existentielle, ressentie par nombre de nos compatriotes. Cet échec n'est bien sûr pas seulement commercial, il illustre un affaiblissement de la position du pays sur la scène mondiale et fait écho au processus de désindustrialisation dénoncé par toute la classe politique ou presque. Derrière la perte financière immédiate pour Naval Group se profile une forme de déclassement du pays, sentiment bien réel, qu'il soit justifié ou non, et lourd de conséquences électorales. Cet événement survenu en 2021 n'est pas en soi un tournant par son intensité, mais par la résonance qu'il trouve dans d'autres revers de l'industrie de pointe française, on songe ici l'affaire Alstom, il me paraît effectivement de nature à impressionner durablement l'opinion publique.

    La mise en place du passe sanitaire a vu naître un mouvement anti-passe, mélange hétérogène de protestataires du type «gilets jaunes» et membres de classes moyennes. Ce fait illustre-t-il l'archipélisation de notre société comme l'a théorisé Jérôme Fourquet ? Comment analysez-vous ce phénomène ?

    Comme vous le notez, il existe une différence profonde entre le phénomène des «gilets jaunes» d'une part et les mobilisations anti-passe d'autre part, même si dans les deux cas les observateurs ont pu être surpris par leur intensité. Il y a trois ans, les rassemblements et les occupations de ronds-points étaient très marqués dans leur sociologie, avec une évidente sur-représentation des travailleurs modestes du privé, salariés ou indépendants. À l'été 2021, les manifestations étaient beaucoup plus interclassistes, ce qui est d'ailleurs très logique puisque celles-ci ne se fondaient pas sur un enjeu de pouvoir d'achat mais sur une cause presque immatérielle. Je ne vois pas très bien cependant comment cela pourrait correspondre à une hypothétique «archipélisation» : il y a toujours eu des mobilisations portant sur des enjeux diversifiés, et au mi-temps des années 1980, par exemple, on pouvait assister à quelques semaines de distance à des manifestations portant sur la querelle scolaire comme à des mouvements d'opposition à la restructuration de la sidérurgie. La France est un pays où l'on manifeste énormément et à tous propos, ce n'est pas nouveau. La polarisation sociale constitue une réalité sur laquelle chacun s'accorde, me semble-t-il, sans que cela n'empêche que l'on puisse se rassembler sur des thèmes transversaux, comme celui des libertés individuelles.

    Peut-il être de grande portée lors de la présidentielle ? Dans quelle mesure ?

    Derrière le rideau des manifestations et des polémiques sur le passe sanitaire, ces dernières très présentes dans les médias comme sur les réseaux sociaux, le fait politique majeur porté par la crise sanitaire me paraît être la dévitalisation du débat public. Après l'intense actualité sociale des deux premières années du quinquennat, les Français sont placés dans une situation artificielle d'atomisation, chacun étant renvoyé à sa santé et à celle de ses proches, à son corps et, si l'on peut dire, à sa peau.

    L'abstention massive lors des scrutins intermédiaires doit beaucoup à ce climat aberrant. La place prise par les échanges sur la qualité des vaccins, l'évolution des courbes de contamination, la pertinence de telle ou telle mesure de santé publique, avec un degré de précision qu'illustre la dernière intervention télévisée du Premier ministre, est bien sûre légitime, mais elle induit une distraction de l'opinion par rapport aux grands enjeux d'avenir du pays. Il reste peu de temps avant le grand rendez-vous démocratique des Français, en avril prochain, pour restaurer la hiérarchie des débats. Le Covid-19 aura produit un choc de dépolitisation.

    Ces manifestations, peu soutenues par la majorité de la population, ont-elles renforcé Emmanuel Macron ?

    Sur le strict plan de l'opinion publique et de sa mesure, la pandémie a abouti en quelques mois à un net redressement de la cote de popularité de l'exécutif. Nous étions il y a deux ans en pleine confrontation entre partisans et adversaires de la réforme des retraites menée par le gouvernement d'Édouard Philippe. Depuis, le niveau du soutien au président de la République a augmenté d'une dizaine de points. Emmanuel Macron n'est pas populaire au sens qu'une majorité de Français en aurait une bonne opinion dans l'exercice de ses fonctions, mais il l'est bien davantage que ne le furent ses deux prédécesseurs, François Hollande et auparavant Nicolas Sarkozy, à ce stade de leur mandat. Le chef de l'État a su apparaître auprès de nombreux Français comme le garant du versement des salaires et des pensions, se prévalant à tort ou à raison d'avoir sur drainer vers la France une part du plan de relance européen. Candidat de la réforme en 2017, il sera devenu le président des garanties. Quand bien même s'agirait-il d'une illusion, cela demeure un bel atout électoral.

    Sur le plan politique, la percée d'Éric Zemmour dans les sondages a rebattu les cartes : le duel annoncé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est désormais incertain…

    Le phénomène Zemmour à la fin de l'été s'apparente à une déflagration d'opinion. Pour trouver un équivalent, il faut curieusement évoquer la vive ascension de Jean-Luc Mélenchon dans les sondages d'intention de vote à partir de la mi-mars 2017, l'amenant en cinq semaines à près de 20%. On notera aussitôt la particularité de la percée d'Éric Zemmour, intervenue à un moment où les opinions demeurent très volatiles et où le citoyen n'est pas encore vraiment dans la position de l'électeur. On a d'ailleurs constaté depuis un tassement des intentions de vote. D'une part Marine Le Pen a su stabiliser son socle électoral, à la tonalité populaire marquée, d'autre part la droite classique a réussi son processus de désignation du candidat à la présidentielle. La poussée des intentions de vote en faveur de Valérie Pécresse est un autre indicateur de la fluidité des rapports de force virtuels, ceux mesurés par les sondages, tant que l'offre électorale n'est pas stabilisée ni les Français massivement intéressés par le suivi de la campagne, ce qui intervient généralement à deux ou trois mois du scrutin présidentiel. Il demeure que pour l'heure la candidature d'Éric Zemmour rend la situation de Marine Le Pen plus délicate, sans causer le moindre tort à Emmanuel Macron : dans les sondages actuels, celui-ci passe désormais le premier tour en première position et l'emporte au tour décisif, de manière particulièrement confortable lorsqu'il est opposé au polémiste.

    Le bloc élitaire qui s'est formé autour d'Emmanuel Macron en 2017, se divise-t-il désormais entre Macron et Zemmour ?

    Le bloc élitaire n'existe au sens strict qu'autour d'Emmanuel Macron, dans la mesure où il est formé par une idéologie progressiste se défiant du clivage entre la gauche et la droite. Il est porté par un projet libéral et europhile, dans l'acceptation de la mondialisation sous toutes ses formes. Le profil sociologique du vote Macron en 2017 comme des intentions de vote pour 2022 est avant tout marqué par une forte adhésion de la classe managériale et d'une partie des retraités. Ce n'est pas équivalent pour les intentions de vote en faveur d'Éric Zemmour, au profil relativement interclassiste mais orientées à droite. Présenté comme un atout par le candidat, cela peut constituer également à terme une faiblesse, dans le contexte de polarisation que connaît la société française, sauf à considérer que les considérations matérielles ne compteraient pour rien dans le vote. Emmanuel Macron n'a pas ce problème puisqu'il a su maintenir une vraie cohérence entre la sociologie de ses soutiens, l'adéquation de son idéologie à celle-ci, et la composition de ses équipes, où se sont fondues des personnalités issues de la gauche comme de la droite.

    Autre fait d'importance : la gauche semble toujours incapable d'accéder au second tour malgré la multiplication des candidatures à droite. Peut-elle encore espérer rassembler le «bloc populaire» ? Quel regard portez-vous sur une éventuelle candidature de Christiane Taubira ?

    Tant de choses ont été dites à juste titre sur les difficultés de la gauche que je soulignerais plutôt deux réalités plus appréciables pour elle. Tout d'abord le score cumulé des candidats qui s'en réclament s'établit à un niveau proche de celui de 2017, c’est-à-dire un peu plus du quart des électeurs. Songeons que ce n'est pas très éloigné de celui de la droite si l'on ne prend en compte que les candidats qui s'y rattachent explicitement. Pourquoi un tel maintien, pas toujours perçu ? Sans doute parce que la gauche conserve un socle sociologique qui est à la fois une garantie et une limite : celui de la dépense publique, dont les fonctionnaires constituent le noyau dur. Les facteurs culturels comptent, bien entendu, mais cette dimension prosaïque autant qu'essentielle, l'origine des revenus, conservent une importance majeure dans le choix politique. Du coup, la gauche peut toujours affectionner le mot «populaire», elle ne peut prétendre à constituer un bloc populaire, ayant notamment bien du mal à convaincre les travailleurs du privé.

    Mal à l'aise face au mouvement des «gilets jaunes», contradictoire dans sa relation à la mondialisation, la gauche se survit à travers l'exaltation de valeurs et de positions souvent bien éloignées du point d'équilibre de la société française. L'aura qui dans cette mouvance entoure Christiane Taubira illustre bien cette fuite en avant idéologique, modeste compensation à son confinement sociologique.

    Jérôme Saint-Marie, propos recueillis par Ronan Planchon (Figaro Vox, 31 décembre 2021)

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