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Entretiens - Page 167

  • La France est-elle sur le déclin ?...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec Hervé Juvin, réalisé le 8 octobre 2015 par Élise Blaise pour TV Libertés, dans lequel il aborde la question de l'hyperpuissance américaine et du déclin de la France. Essayiste, Hervé Juvin a récemment publié Le Mur de l'Ouest n'est pas tombé (Pierre-Guillaume de Roux, 2015).

     

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  • « Une occasion historique de clarifier les termes du débat politique » ...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec François-Xavier Bellamy publié dans le Figaro et cueilli sur son site personnel, dans lequel il évoque la question du libéralisme.

    Agrégé de philosophie, François-Xavier Bellamy a publié Les déshérités ou l'urgence de transmettre (Plon, 2014).

     

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    « Une occasion historique de clarifier les termes du débat politique »

    Emmanuel Macron affirme que « le libéralisme est de gauche ». S’agit-il d’une captation idéologique ou d’une mise au point philosophique ?

    Ce n’est clairement pas une captation idéologique, puisqu’il y a une vraie tradition libérale de gauche ; mais c’est une mise au point, en ce sens qu’Emmanuel Macron valide par là le déplacement des plaques tectoniques du débat intellectuel et politique entamé avec la chute du mur de Berlin. Dans un monde bipolaire, le libéralisme était anti-communiste, et donc de droite. Aujourd’hui, après avoir porté des réformes de société très libérales sans les assumer comme telles, la gauche au gouvernement accepte enfin de revendiquer un libéralisme cohérent.

    Comment définir ce libéralisme de gauche ? S’agit-il du développement des droits individuels ?

    On pourrait définir ce libéralisme de gauche par la volonté de déconstruire tout ce qui précède le choix des individus. Dans un entretien au Nouvel Obs, Manuel Valls présentait comme l’objectif final d’une politique de gauche « l’émancipation de l’individu. » Emmanuel Macron le rejoint, par exemple lorsque qu’il critique le concept de « tabou. » Sous ce nom, la gauche dénonce tous les interdits qu’elle veut briser ; il s’agit donc de défaire les héritages culturels, familiaux, spirituels, et même naturels, dans lesquels elle ne voit, selon les mots de Vincent Peillon à l’Assemblée nationale, que des déterminismes auxquels il convient d’arracher l’individu. C’est tout le sens d’un certain usage du concept de laïcité.

    Une part de la droite semble partager cette vision…

    De ce fait cette conception de la liberté a largement irrigué le paysage politique, et la droite s’est longtemps soumise à cette entreprise de déconstruction qui se présentait comme un progrès.

    La mandature Hollande peut-elle être qualifiée de libérale ?

    On peut dire qu’elle aura été marquée par la contradiction qui a longtemps marqué la gauche française, cette tension entre un libéralisme sociétal affirmé et la multiplication des freins à l’initiative individuelle en matière économique. Avec 57% du PIB consacré à la dépense publique, la France est aujourd’hui encore très loin du libéralisme global qu’Emmanuel Macron appelle de ses vœux…

    Si la gauche est libérale, que peut être la droite ?

    Le piège serait pour la droite de se crisper maintenant dans un conservatisme étroit, au motif que la gauche revendique la liberté. La situation actuelle offre une chance historique de clarifier les termes même du débat public. Ce que la gauche nous propose, quand elle nous parle de liberté, c’est, dans tous les domaines, l’atomisation individualiste ; et derrière la revendication de « droits » nouveaux, l’égoïsme décomplexé. Pour Emmanuel Macron, « tous les jeunes doivent rêver d’être milliardaires » ; proposons d’autres rêves à la génération qui vient, des rêves qui donnent toute sa consistance à l’idée de liberté ! La droite doit se saisir de ce travail, et, au lieu de la solitude du consommateur, proposer une société d’acteurs libres, engagés et responsables.

    Certains libéraux affirment que le libéralisme est forcément révolutionnaire et qu’il est antinomique avec toute forme de conservation.  Existe –t-il une perspective « libérale-conservatrice » ?

    La vraie révolution aujourd’hui consiste sans aucun doute à reconnaître, dans la crise d’adolescence collective que nous semblons traverser, que notre liberté n’est pas immédiate, et qu’elle suppose l’humilité qui reconnaît et reçoit l’enracinement qui la fait croître. La liberté se nourrit d’un héritage, d’une langue, d’une éthique, dont le discrédit – qui a pourtant été opéré depuis cinquante ans au nom de l’émancipation individuelle – ne peut mener qu’à une aliénation définitive.

    La liberté de penser, d’agir, de juger ne sont pas des productions spontanées ; elles sont le résultat du travail patient de la culture. Dans la folie de sa déconstruction, où nous croyons trouver notre affranchissement,  nous ne faisons que permettre la standardisation à grande échelle des comportements, des opinions, et des personnes. Inspirée par ce libéralisme individualiste, une mondialisation débridée rejoint les idéologies les plus coercitives pour produire de l’uniformité, de l’indifférenciation et de l’indifférence à grande échelle.

    Le clivage droite/gauche est-il encore pertinent ?

    La cohérence retrouvée de la gauche redonne à la droite sa pleine nécessité. La liberté au nom de laquelle une grande partie de la gauche revendique aujourd’hui la PMA, la GPA, l’euthanasie ou le suicide assisté se veut totale et irresponsable. La droite doit maintenant, en renouant avec son héritage intellectuel, montrer combien il est nécessaire de préserver les conditions éthiques d’une société authentiquement humaine, et pour cela de recevoir et de transmettre l’héritage culturel qui peut seul fonder notre avenir. Ainsi sera refondée pour les individus la perspective de relations réelles, par lesquelles ils puissent échapper à la solitude de l’intérêt pour vivre l’expérience d’une liberté totale, parce que responsable.

    Que vous inspire le poids intellectuel et médiatique grandissant d’une gauche non libérale  dont témoigne notamment le phénomène Michel Onfray ?

    Dans cette recomposition idéologique, au-delà de toutes les étiquettes, il faut évidemment s’attendre à des convergences nouvelles.

    Le but ultime du libéralisme est-il la disparation de la politique ?

    Le libéralisme, en effet, a été dans l’histoire ce que Schmitt appelait « le mouvement ultime de dépolitisation et de neutralisation » de la société. En ce sens, les réformes sociétales de la gauche libérale, tout comme la vision économique défendue par Emmanuel Macron, tendent en même temps à la dérégulation, et à la déconstruction de l’Etat ramené au rôle de gestionnaire technique des interactions sociales. Mais il est clair, là encore, qu’il ne peut y avoir de liberté véritable sans qu’elle soit sous-tendue par une loi commune, dont l’ordre protège, éclaire et consolide les choix individuels.  Quand la politique fait défaut – et c’est l’honneur d’une partie de la gauche de n’avoir cessé de le rappeler, c’est toujours le plus faible et le plus fragile dans la société qui en paie le prix.

    François-Xavier Bellamy, propos recueillis par Vincent Tremolet de Villers (Le Figaro, 30 septembre 2015)

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  • La revue Eléments fait sa mue...

    Vous pouvez ci-dessous découvrir un entretien avec François Bousquet, rédacteur en chef adjoint d'Éléments, réalisé le 21 septembre 2015 par Martial Bild et Olivier Frèrejacques pour TV Libertés à l'occasion de la sortie de la nouvelle formule de cette revue.

     

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  • « Ce n’est pas la proximité qui rend populaire, c’est la hauteur et la grandeur » ...

    Nous reproduisons ci-dessous entretien avec Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré à François Hollande et à la désacralisation du politique...

     

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    « François Hollande aurait fait un très bon marchand des quatre-saisons »

    C’est devenu un gag récurrent : chaque nouveau Président parvient à nous faire regretter son prédécesseur. Avec François Hollande, on a atteint le fond, non ?

    Contrairement aux commentateurs qui le couvrent d’injures (se défouler en éructant est le meilleur moyen de faire savoir qu’on n’a rien à dire), je ne parviens pas à détester François Hollande. Je me désole de le voir occuper le poste qui est le sien, mais sur le personnage lui-même, je n’ai rien à dire. Il aurait sans doute pu faire un convenable receveur des postes, un directeur de succursale d’une société d’assurances, un marchand des quatre saisons. En tant que premier secrétaire du PS, il n’a pas été pire qu’un autre : dans les magouilles et les petites blagues, il a toujours été à son affaire. Le seul problème est que ce personnage insignifiant est président de la République.

    Depuis Pompidou, Mitterrand excepté, la fonction de chef de l’État n’a cessé de se dégrader. Il n’y a plus de chefs, et il n’y a guère plus d’État. La comparaison est certes facile, mais on imagine évidemment mal le général de Gaulle aller faire du jogging en suant à grosses gouttes sous un tee-shirt aux armes de la police new-yorkaise, ou partant en scooter pour aller rejoindre sous la couette une pom-pom girl du show-business. Un chef de l’État doit avoir conscience qu’il n’est pas seulement lui-même, mais qu’il incarne une fonction. Qu’il se discrédite lui-même passe encore, qu’il rabaisse sa fonction est impardonnable. L’homme et sa fonction sont deux choses différentes, et c’est la fonction qui doit l’emporter.

    Cela pose la question de savoir ce que l’on est en droit d’attendre de la part d’un chef de l’État.

    Dans ce domaine, qu’on soit en monarchie ou en république, on en revient toujours à ErnstKantorowicz et à sa célèbre thèse sur Les Deux Corps du roi. Bien sûr, on n’attend plus du chef de l’État qu’il guérisse les écrouelles, mais au moins qu’il soit conscient de ce qu’il incarne, à savoir cette fonction souveraine qui le met en position de diriger une nation, c’est-à-dire un peuple singularisé par son histoire. Quand on incarne une telle fonction, on ne va pas parler à la télévision dans des émissions de « divertissement », on ne joue pas au « type sympa » et on apprend à nouer sa cravate ! On respecte la fonction qu’on incarne, et on s’applique à la faire respecter. Or, le pouvoir n’est respecté que s’il garde une dimension de sacralité. Même dans une république laïque, même dans une société sortie de la religion, il reste une appétence pour le sacré, d’abord parce que tous les grands thèmes politiques modernes sont d’anciens thèmes religieux qui ont été rabattus sur la sphère profane, ensuite parce que les hommes obéissent à tout sauf à des choix rationnels. La sacralité du pouvoir est, au même titre que le suffrage populaire, le fondement de la légitimité.

    Mais cette dégradation est allée significativement de pair avec le déclin du politique. Cerné par l’économie, par la morale des droits de l’homme, par les diktats de l’expertocratie, le politique décline. Et c’est l’impolitique qui règne. François Hollande n’est pas seulement un homme inculte, qui n’est même pas capable d’articuler une phrase en français correct, c’est un homme qui ignore aussi ce qu’est la politique. Il l’ignore parce que les notions de mythe collectif, de marche du monde, de sens historique, lui sont étrangères. Tout comme ses prédécesseurs, il ne sait pas que la politique est tragique. Ou plutôt qu’elle l’était. Car la politique est aujourd’hui devenue comique. La grande erreur des politiques est de croire qu’ils seront d’autant plus populaires qu’ils apparaîtront « comme tout le monde », alors que c’est exactement l’inverse. Ce n’est pas la proximité qui rend populaire, c’est la hauteur et la grandeur. Ce n’est même pas d’être aimé, c’est d’être admiré. Pour être admiré, il faut faire de grandes choses. Et pour faire de grandes choses, il faut être en surplomb.

    C’est-à-dire ?

    Dans l’entretien exclusif qu’il vient d’accorder à la revue Éléments, Patrick Buisson dit à merveille ce dont il s’agit quand il se moque de « Hollande disant : si le chômage ne recule pas, je ne me représenterai pas. La belle affaire ! Il montre par là qu’il n’a rien compris à ce qu’est la puissance politique du mythe dans l’Histoire […] Les mythes sont les agents de l’Histoire, ils font l’élection. Pas l’économie. »

    Régis Debray rappelait récemment que « la conscience historique, c’est l’essence de toute grande politique ». Mais cette notion même de grande politique est totalement étrangère à la classe politique au pouvoir, qui ne connaît que la météorologie électorale, la politicaille et les « petites phrases » qui font du buzz, et qui ne raisonne plus qu’en termes de « communication » et d’« image » parce qu’elle croit qu’on peut remplacer l’autorité par la séduction. « Chacun sait, ajoutait Debray, que nos décideurs ne décident plus rien, que nos élus n’ont plus de prise sur le cours des choses, que l’art de gouverner consiste à faire semblant […] La fin du politique est ce qui fait époque en Europe. » La politique, ce n’est pas la discussion sur les 35 heures ou sur le statut des fonctionnaires, ce n’est même pas la croissance ou le chômage. La politique, c’est le regard perçant et l’esprit de décision, les grands projets collectifs, le sens du moment historique, la claire perception d’un sujet historique. La politique, ce n’est pas l’avenir, c’est le destin. Allez parler de « destin d’un peuple » à François Hollande ! Tous les hommes politiques sont aujourd’hui des intermittents du spectacle.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 15 octobre 2015)

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  • « La boursouflure de l’art dit contemporain est d’origine psycho-patho-sociologique »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Nicole Esterolle, cueilli sur Le Comptoir et consacré à l'art dit contemporain. Nicole Esterolle a récemment publié un essai intitulé La bouffonnerie de l'art contemporain (Jean-Cyrille Godefroy, 2015).

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    Nicole Esterolle : « La boursouflure de l’art dit contemporain est d’origine psycho-patho-sociologique »

    Après plusieurs années de chroniques féroces témoignant d’une saine pédagogie de l’humour orienté contre l’art contemporain, sa coterie, ses codes et ses inepties, Nicole Esterolle faisait paraitre à la fin du printemps l’essai La Bouffonnerie de l’art contemporain. Nous l’avons donc interrogée, pour compléter ou synthétiser le propos de ce très recommandable essai qui, qu’on en accepte le propos ou qu’on le trouve excessif, a le mérite d’engager au débat sur l’art d’aujourd’hui. Un art qui, en particulier en France, semble ressembler à une institutionnalisation des positions et attitudes qui furent autrefois les audaces des avant-gardes et n’apparaissent aujourd’hui que comme un académisme stérilisant.

    Dénoncer l’art contemporain : pourquoi ?

    Le Comptoir : Afin d’éviter tout malentendu, commençons par un éclairage. Vous avez exprimé votre intérêt pour de nombreux artistes présents, dont les noms sont cités çà et là dans votre livre et vos chroniques. Quand vous parlez d’art contemporain, de quoi parlez-vous au juste ?

    Nicole Esterolle : Il y a des centaines d’artistes d’aujourd’hui – donc contemporains – que je connais, dont j’aime le travail et que je défends sous ma vraie identité. Il m’est arrivé en effet d’en citer quelques-uns dans mes chroniques de Nicole. Ces artistes-là sont ceux de l’intériorité sensible, de la mise en forme, du savoir-peindre et/ou dessiner, du plaisir de l’inattendu, du mystère : tous les ingrédients qui constituent pour moi la vraie substance artistique.

    Et puis il y a l’aberration historique des dits “contemporains”, c’est-à-dire ceux qui se sont attribués abusivement ce qualificatif ; ceux pour qui  « les attitudes sont bêtement devenues formes »[i] ; ceux de la posture, de l’extériorité spectaculaire ; ceux de la subversion et du non-sens convenus et subventionnés ; ceux de la « processualité discursive »[ii] ; ceux de la rhétorique de plus en plus délirante ; ceux dont l’énormité du discours pallie le vide intérieur, mais surtout génère de la médiatisation, du buzz, de la visibilité et du pognon au bout de l’embrouille.

    Lire la suite sur Le Comptoir
    [Monsieur Domenico Joze, qui a réalisé l'entretien avec Nicole Esterolle et qui ne souhaite pas voir son travail figurer sur un site mal-pensant, nous a demandé de le retirer. Vous pouvez donc découvrir la suite de cet entretien sur le site Le Comptoir.

    Monsieur,
    Vous avez en effet "reproduit" l'entretien, mais sans demander l'autorisation à l'auteur.
    Or, il s'avère que je ne souhaite pas que mon travail apparaisse sur votre site.
    Je vous saurais donc gré ou bien de le retirer tout-à-fait, ou bien de n'en laisser que l'introduction avec renvoi vers le site Comptoir.org.
    Merci pour votre compréhension.

    DJ

    Écrit par : DJ | 16/10/2015

    Cher Monsieur,

    Je suis heureux de découvrir que vous lisez mon modeste blog.
    J'ai, comme vous l'avez remarqué, pris la liberté de reproduire votre entretien avec Nicole Esterolle. N'étant ni un journaliste ni un intellectuel (précaire), je n'ai pas le temps de solliciter des autorisations. Je reproduis et je cite mes sources. Viril mais correct...
    De ce fait, vos questions à cette auteur se retrouvent sur un site gravement mal-pensant et mal famé et cette promiscuité vous met dans une situation difficile, je le conçois. On a vite fait, de nos jours, d'être dénoncé par le premier Bruno Roger-Petit venu comme rouge-brun, tel le Michéa ou le Onfray moyen. Je reconnais que vous ne pouviez pas prendre ce risque grave. Il faut soigner son e-réputation, comme on dit chez les bobos, et surtout préserver l'avenir. La fréquentation des comptoirs n'a qu'un temps !...
    Je modifie donc mon site...
    Cordialement, tout de même

    Écrit par : Métapo Infos | 16/10/2015 ]

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  • Quand les portes du Camps des Saints sont ouvertes...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un entretien donné par Jean Raspail au magazine Le Point au sujet de son roman, Le Camps des Saints, publié en 1973 mais qui semble être la préfiguration prophétique de la crise migratoire que nous vivons...

     

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    Jean Raspail : "Que les migrants se débrouillent"

    Le Point.fr : On vous doit Le Camp des saints, un livre paru en 1972 narrant l'arrivée massive de migrants sur les côtes de la Méditerranée que certains, à l'extrême droite, considèrent, plus encore depuis la crise des réfugiés, comme visionnaire… Qu'est-ce que cela vous inspire ?

    Jean Raspail : Cette crise des migrants met surtout fin à trente ans d'insultes et de calomnies contre ma personne. J'ai été traité de fasciste pour ce roman considéré comme un livre raciste…

    L'êtes-vous, raciste ?

    Non, pas du tout ! On ne peut pas avoir voyagé toute sa vie, être membre de la Société des explorateurs français, avoir rencontré je ne sais combien de peuplades en voie de disparition, et être raciste. Cela me paraît difficile. Lors de sa parution en 1972, le livre a énormément choqué, et pour cause. Il y a eu une période, notamment sous le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, où s'exerçait un véritable terrorisme intellectuel contre les écrivains de droite.

    Un « terrorisme intellectuel », déjà ?

    Oui. On m'a insulté, traîné dans la boue, puis cela s'est doucement tassé. Car, peu à peu, on s'est mis à vivre la situation que je décris dans ce livre. Un certain nombre d'intellectuels, y compris de gauche, ont reconnu qu'il y avait du vrai dans ce que j'annonçais. Bertrand Poirot-Delpech, qui m'avait descendu dans Le Monde à la sortie du livre, a déclaré dans un article paru dans le même journal, en 1998, que j'avais finalement raison. Maintenant, c'est fini.

    Le Camp des saints inspire également le rejet, tout comme l'évocation de votre nom…

    Parmi les irréductibles anti-Raspail, il ne reste guère plus que Laurent Joffrin (patron de Libération, NDLR). Lui, il n'y a rien à faire, il continue à me cracher dessus, c'est plus fort que lui. Mais mon ami Denis Tillinac se charge de lui répondre. Je ne suis pas revanchard. Je suis désormais à ma juste place.

    Si ce livre n'est pas raciste, comment le qualifieriez-vous ?

    C'est un livre étonnant.

    Étonnant ?

    Ce livre est né étrangement. Avant lui, j'avais écrit des livres de voyages et des romans sans grand succès. J'étais dans le Midi, un jour de 1972, chez une tante de ma femme, près de Saint-Raphaël, à Vallauris. J'avais un bureau avec une vue sur la mer et je me suis dit : « Et s'ils arrivent ? » Ce « ils » n'était d'abord pas défini. Puis j'imaginais que le tiers-monde se précipiterait dans ce pays béni qu'est la France. C'est un livre surprenant. Il a été long à écrire, mais il est venu tout seul. J'arrêtais le soir, je reprenais le lendemain matin sans savoir où j'allais. Il y a une inspiration dans ce livre qui est étrangère à moi-même. Je ne dis pas qu'elle est divine, mais étrange.

    Il est une chose que vous n'aviez pas anticipée, c'est le rejet suscité par ce livre dès sa parution…

    Quand mon éditeur Robert Laffont, un homme apolitique, a lu le manuscrit, il a été très enthousiasmé et n'a pas trouvé une virgule à changer. D'ailleurs, je n'ai rien changé.

    C'est un livre qui aurait été possible aujourd'hui ?

    Au départ, Le Camp des saints n'a pas marché. Pendant au moins cinq ou six ans, il a stagné. Il s'est peu vendu. Après trois ans, brusquement, le chiffre des ventes a augmenté. Le succès est venu par le bouche-à-oreille et grâce à la promotion qu'en ont faite des écrivains de droite. Jusqu'au jour où, en 2001, un bateau de réfugiés kurdes s'est échoué à Boulouris, près de Saint-Raphaël, à quelques mètres du bureau où j'ai écrit Le Camp des saints ! Cette affaire a fait un foin terrible dans la région. Du coup, on a reparlé de mon livre et il a touché un large public. C'était le début d'une arrivée maritime de gens d'ailleurs. Je suis un peu honteux, car lorsqu'il y a une vague importante de migrants, on le réimprime. Il est consubstantiel de ce qui se passe.

    Est-ce un livre politique ?

    Peut-être un peu, oui. Le dernier carré de fidèles et de combattants est composé de patriotes, attachés à l'identité et au terroir. Ils s'insurgent contre la fraternité générale et le métissage…

    Vous vous défendez d'être d'extrême droite, mais votre livre à valeur de tract dans certaines mouvances xénophobes. Vous le déplorez ?

    Vous parlez de l'extrême de l'extrême droite ! C'est possible que ce livre soit instrumentalisé et il peut y avoir, parfois, des excès de langage. Je n'y peux rien. Par ailleurs, je ne vais pas sur Internet, je ne suis pas entré dans le XXIe siècle, je ne sais donc pas ce qu'on y dit. Personnellement, je suis à droite, et cela ne me gêne pas de le dire. Je suis même de « droite-droite ».

    C'est-à-dire ?

    Disons plus à droite que Juppé. Je suis d'abord un homme libre, jamais inféodé à un parti. Je patrouille aux lisières.

    Vous votez ?

    Pas toujours, je suis royaliste. Je vote au dernier tour de la présidentielle. Je ne vote pas à gauche, c'est une certitude.

    Avez-vous songé à écrire une suite au Camp des saints ?

    Il est certain qu'il y en aura une, mais elle ne sera pas de moi. Est-ce qu'elle arrivera avant le grand bouleversement général ? Je n'en suis pas sûr.

    Dans votre livre, vous évoquez le caractère « féroce » des migrants. Or, on constate aujourd'hui que ceux qui arrivent de Syrie ou d'ailleurs n'ont pas le couteau entre les dents…

    Ce qui se passe actuellement n'est pas important, c'est anecdotique, car nous n'en sommes qu'au début. En ce moment, tout le monde s'exprime sur le sujet, il y a des milliers de spécialistes de la question des migrants, c'est un chaos de commentaires. Aucun ne se place dans les 35 ans qui viennent. La situation que nous vivons est moindre à côté de ce qui nous attend en 2050. Il y aura 9 milliards d'individus sur terre. L'Afrique est passée de 100 millions à un milliard d'habitants en un siècle, et peut-être le double en 2050. Est-ce que le monde sera vivable ? La surpopulation et les guerres de religion rendront la situation délicate. C'est alors que se produira l'envahissement, qui sera inéluctable. Les migrants viendront en grande partie de l'Afrique, du Moyen-Orient et des confins de l'Asie…

    Faut-il combattre le mal à la racine et bombarder les points stratégiques de Daesh, comme vient de le faire la France ?

    C'est leur problème, pas le nôtre. Cela ne nous concerne pas. Qu'avons-nous été faire dans cette histoire ? Pourquoi voulons-nous jouer un rôle ? Qu'ils se débrouillent ! Nous nous sommes jadis retirés de ces régions, pourquoi y revenir ?

    Et que fait-on lorsque des ordres d'attentat contre la France sont passés depuis la Syrie ?

    On bloque. On empêche les entrées sur le territoire français. Les politiques n'ont aucune solution à ce problème. C'est comme la dette, on la refile à nos petits enfants. Il reviendra à nos petits-enfants de gérer ce problème de migration massive.

    L'Église catholique n'est pas du tout sur cette longueur d'onde. Elle invite les fidèles à faire preuve de générosité…

    J'ai écrit que la charité chrétienne souffrira un peu devant les réponses à apporter face à l'afflux de migrants. Il faudra se durcir le cœur et supprimer en soi toute sorte de compassion. Sinon quoi, nos pays seront submergés.

    Refuser l'accueil de tous, y compris des chrétiens d'Orient ?

    Éventuellement, car ils sont les plus proches des Occidentaux de par leur religion. C'est pourquoi beaucoup de Français souhaitent les accueillir. La France, ce pays sans aucune croyance religieuse, prouve que le fond de la civilisation occidentale est un fond chrétien. Les gens, même s'ils ne vont plus à la messe et ne pratiquent pas, réagissent selon ce fond chrétien.

    Jean Raspail, propos recueillis par Saïd Mahrane (Le Point, 29 septembre 2015)

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