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  • Antidote au culte de la performance...

    Les éditions Gallimard viennent de publier dans leur collection Tracts un court essai d'Olivier Hamant intitulé Antidote au culte de la performance - La robustesse du vivant.

    Biologiste, Olivier Hamant est chercheur à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) et est l'auteur de La troisième voie du vivant (Odile Jacob, 2022).

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    " « La nature menacée devient menaçante : notre excès de contrôle nous a fait perdre le contrôle. Il va maintenant falloir vivre dans un monde fluctuant, c’est-à-dire inventer la civilisation de la robustesse, contre la performance. » Olivier Hamant

    Face aux bouleversements du monde en cours et à venir, le développement durable, entre géo-ingénierie contreproductive et tout-électrique mal pensé, crée de nombreux futurs obsolètes. Émergent alors les contremodèles de la décroissance et de la sobriété heureuse, nettement mieux alignés avec le monde qui vient. Mais la frugalité peut-elle réellement mobiliser ? Ne risque-t-elle pas non plus de se réduire à d’autres formes d’optimisation ? Et si, pour être sobre et durable, il fallait d’abord questionner une valeur nettement plus profonde : l’efficacité. Le monde très fluctuant qui vient appelle un changement de civilisation. Ce chemin demande surtout de valoriser nos points faibles et inverse toutes les recettes. "

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  • Le droit au cœur de la domination économique...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous un point de vue d'Olivier Maison Rouge, cueilli sur le Journal de l'économie et consacré à l'utilisation du droit comme arme de guerre économique...

     

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    Le droit au cœur de la domination économique

    « Il est évident que la mondialisation économique, mais aussi sociale et intellectuelle, formate le droit, non seulement le droit international, mais aussi les droits internes. » (1)

    En cela, le droit est effectivement devenu un des instruments de l’affrontement économique global. Il se retrouve sous forme de normes, sanctions, embargos, et plus largement permet à la puissance émettrice d’asseoir sa domination envers les pays vassaux.

    D’une manière générale, il n’est pas interdit d’affirmer que le droit d’un état soumis n’est autre que la loi du vainqueur. Historiquement, le Code civil français de 1804 s’est étendu au continent européen avec l’avancée des armées napoléoniennes (2). Il en fut de même, le siècle suivant, avec l’expansion coloniale française dans les pays d’Afrique.

    À l’heure de la mondialisation et de la compétition économique, le droit, qui est une dimension non négligeable en matière de conquête des marchés et de dépendance économique, ne doit donc pas être considéré comme un simple instrument non efficient. Au contraire, il est nécessaire d’affirmer la place du droit, notamment en matière de rayonnement et d’accroissement de puissance économique. Le droit, dans son essence même, sert d’étalon et de norme aux entreprises humaines et aux activités commerciales.

    DROIT ROMANO-GERMANIQUE CONTRE COMMON LAW

    Si l’antagonisme n’est pas toujours aussi ténu dans les faits, on peut néanmoins aisément dégager les lignes d’affrontement, l’opposition reposant essentiellement sur la hiérarchie des normes.

    Traditionnellement, on distingue les deux approches dans le rapport à la Loi :

    Il est couramment admis que le droit romano-germanique (ou « continental ») affirme la primauté de la Loi sur la volonté des parties que l’on retrouve cantonnée dans le contrat qui n’est que la loi des parties. Plus largement, la loi est perçue comme l’expression de la volonté générale, raison pour laquelle le droit continental lui confère une valeur absolue.

    A contrario, le common law anglo-saxon, fait prévaloir le Contrat, comme affirmation de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté des parties. Par conséquent, le juge ne peut défaire ce que les cocontractants ont voulu, tandis que le droit continental souffre davantage l’immixtion du juge dans le contrat, au nom de l’ordre public.

    Mais la ligne de démarcation juridique ne s’arrête pas à cette seule opposition hiérarchique. Ayant évoqué le rôle de juge, précisément, en matière procédurale, les règles diffèrent largement. Ainsi, en droit continental, le procès est mené sur le mode dit « inquisitoire », ce qui laisse toute faculté au magistrat pour conduire et organiser les débats. Il est maître du déroulement de l’audience et juge du choix des pièces et du mode opératoire de constitution de la preuve.

    En droit coutumier, si le juge n’est pas moins un acteur du procès, la justice étant nommée « accusatoire » leurs avocats – prennent l’initiative de la direction des débats. De même, la jurisprudence a une valeur supérieure, à l’instar de l’absence de constitution écrite du Royaume-Uni, souvent citée à titre d’exemple.

    INTERDÉPENDANCE OU INFÉODATION ?

    Cette comparaison systémique serait sans incidence si, effectivement, elle ne se traduisait pas par la conquête de parts de marché du droit.

    À cet égard, on peut souligner l’importance de la notation annuelle établie par la fondation Doing Business, déclassant volontairement les pays de droit continental (affirmant que le common law offre davantage de garantie et de sécurité juridique des actes)(3).

    Cette bataille n’est pas neutre sur le terrain de la globalisation des échanges, dans la mesure où le droit est partie prenante dans la traduction des relations commerciales. Et ce faisant, à l’échelle globale, le common law s’affirme comme la pratique usuelle incontournable, voire comme un modèle indépassable du monde des affaires, au détriment du droit continental.

    Ainsi, il est patent de relever que :
    « La capacité des entreprises à exporter dépend en grande partie du cadre juridique qui les contraint dans le pays d’importation et dans lequel elles déploient localement leurs initiatives ;
    Pour exporter du droit, il faut d’abord exporter des professionnels : dans les années 70, les Anglais ont favorisé l’exportation de leurs juristes, notamment les avocats des banques britanniques, ce qui explique qu’aujourd’hui le droit financier international soit largement d’inspiration anglo-saxonne. » (4)

    En effet, autre phénomène visible et révélateur, la présence et l’implantation des cabinets anglo-saxons dans les pays de droit civil, qui se traduit dans les faits par l’extension et la revendication des normes et pratiques issues du common law.

    Cette soumission au droit anglo-saxon s’est trouvée renforcée dans le cadre des procédures dites extraterritoriales, par lesquelles les autorités judiciaires américaines se sont déclarées compétences pour l’application de lois anglo-saxonnes, à l’égard d’entreprises et/ou d’opérations étrangères ne présentant aucun lien de rattachement direct avec les États-Unis. De fait, en vertu d’un impérialisme juridique, les États-Unis se sont vus non seulement gendarme, mais aussi juge du monde.

    La réalité est que les entreprises, et notamment les directions juridiques, œuvrant dans un monde des affaires façonné par des préceptes américains (financiers, commerciaux, juridiques, etc), elles s’alignent sur les canons ainsi édictés, les rendant au final vulnérables à l’égard de législations étrangères auxquelles elles se soumettent naïvement.

    CHERCHER L’AUTONOMIE STRATÉGIQUE

    Le défi actuel qui appartient aux Européens réside donc dans l’affirmation du droit continental à l’égard des règles juridiques étrangères.

    Il convient donc de chercher un nouveau point d’équilibre pour éviter que l’influence du droit civil ne s’affaiblisse davantage, au bénéfice du common law. L’ambition est alors d’appuyer à l’international le rayonnement du droit civil, en lien notamment avec le développement de la francophonie.

    Dans cet esprit de reconquête, deux actions parfaitement complémentaires ont d’ores et déjà été initiées, et qu’il convient de saluer :

    La Fondation pour le droit continental a été instituée en 2007, précisément pour :
    « Faire valoir au plan international les qualités des droits écrits codifiés dans le souci de maintenir un équilibre entre les systèmes juridiques (…),
    Etablir une solidarité entre les juristes de droit continental pour mener des actions communes de promotion de ce droit,
    Mettre en œuvre une stratégie d’influence juridique au plan international dans l’intérêt des entreprises du droit continental,
    Valoriser, au plan international, l’expertise des professions du droit,
    Contribuer, par la formation, à l’ouverture internationale des juristes de droit continental. »
    Selon la Fondation pour le droit de continental, les pays représentant environ 60% du PIB ont d’ores et déjà adopté un mode référentiel relevant du droit civil ou approchant. Ceci doit nous conduire à rester optimistes.

    En parallèle, il appartient aux juristes de réinvestir les institutions internationales créatrices et prescriptives de normes et de règles, telles que l’OMC, l’OCDE, OMS, l’OIT, ... bien qu’elles soient actuellement déclinantes.

    L’enjeu fondamental est désormais d’apprécier les grandes évolutions géopolitiques et systémiques qui vont peser durant plusieurs décennies, en matière de pôle décisionnel et de centre d’impulsion économique mondiale. Or, à cet égard, ayant énoncé en propos liminaire que le droit n’est autre que la loi du vainqueur, on peut se satisfaire de voir que les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) ont globalement adopté un système juridique de droit écrit (cela vaut notamment en droit constitutionnel, droit de la propriété intellectuelle, droit civil …). Nul n’ignore que ces pays portent actuellement atteinte à l’hégémonie économique des pays anglo-saxons et ont depuis lors fait basculer le monde dans un système multipolaire.

    Dès lors, la compétition est engagée en matière de prééminence de la norme juridique et la France doit trouver à faire valoir son savoir-faire.

    Olivier de Maison Rouge (Journal de l'économie, 6 septembre 2023)


    Notes :
    [1] du MARAIS Bertrand, « Guerre du droit, Paris brûle-t-il ? », in l’ENA hors les murs, octobre 2014, n°445
    [2] Ce qui lui vaut d’être aujourd’hui dénommé « droit continental »
    [3] Ibid.
    [4] http://thomastoby2012.com/la-guerre-des-droits-une-guerre-économique 16 juillet 2012
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  • Vaincre en mer au XXIe siècle...

    Les éditions des Équateurs viennent de publier un essai de Thibault Lavernhe et de François-Olivier Corman intitulé Vaincre en mer au XXIe siècle - La tactique au cinquième âge du combat naval.

    Officier de marine, Thibault Lavernhe a commandé un patrouilleur et une frégate furtive. Il est aujourd'hui commandant en  second du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle. Il a publié une trentaine d'articles de  réflexion et d'analyse sur des sujets navals dans plusieurs revues et est membre du comité de  rédaction de la revue Défense Nationale.  Également officier de marine, François-Olivier Corman a commandé un bâtiment-école et un aviso. Auteur de plusieurs articles sur le fait  naval, il a publié le livre Innovation et stratégie navale (Nuvis, 2021).

     

    Lavernhe-Corman_Vaincre en mer au XXIe siècle.jpg

     

    " À l'heure où le combat naval entre marines de guerre redevient une « hypothèse de travail » plausible, force est de constater qu'il n'existe aucun ouvrage récent pour en cerner les enjeux tactiques, alors même que le besoin d'investissement intellectuel dans ce domaine n'a jamais été aussi pressant. C'est à cette tâche, à la fois théorique et pratique, que deux officiers de marine s'attèlent. Théoriciens, ils identifient un cinquième âge de la conflictualité navale qui succède, sans les effacer totalement, aux âges de la voile, du canon, de l'avion et du missile. Cet âge, c'est celui de la robotique, irrigué par le numérique, où les machines remplacent toujours plus les hommes. Praticiens du combat naval, ils démêlent les invariants et les inflexions de la guerre sur mer, en puisant largement dans l'histoire navale universelle et en rappelant nombre d'épisodes parfois oubliés. Les deux auteurs délivrent ainsi un traité de tactique navale générale, nourri par l'histoire, adapté au présent des flottes de guerre modernes et résolument tourné vers l'avenir de la conflictualité en mer. Un ouvrage terriblement d'actualité, aussi bien pour les passionnés de géopolitique que pour les lecteurs curieux de comprendre comment les enjeux navals et maritimes d'aujourd'hui sont au centre de enjeux militaires de demain. "

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  • Le pessimisme et l'action...

    Vous pouvez découvrir ci-dessous une nouvelle vidéo d'Ego Non dans laquelle il évoque la pensée de Georges Sorel au travers de son célèbre livre Réflexions sur la violence (La Nouvelle Librairie, 2023) ainsi que de l'essai que lui a consacré Rodolphe Cart, Georges Sorel - Le révolutionnaire conservateur (La Nouvelle Librairie, 2023).

     

                                                 

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  • Julius Evola et le Groupe d'Ur...

    Les éditions Ars Magna viennent de publier un ouvrage collectif intitulé Julius Evola et la dimension magique du Groupe d'Ur.

     

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    " Fondé au milieu des années 1920, le Groupe d’Ur – qui s’exprima via les revues Ur (1927-1928) et Krur (1929) – rassembla autour de Julius Evola des individus appartenant à divers courants ésotériques (pythagorisme, paganisme italique, anthroposophie, etc.) unis par une volonté : agir sur le réel grâce à une pratique magique.

    Julius Evola et la dimension magique du Groupe d’Ur est le premier ouvrage publié en France qui étudie de manière universitaire ce surprenant phénomène. On y découvrira les liens entre Julius Evola et la « sataniste » Maria de Naglowska ; on s’étonnera que les membres du groupe, organisés en un égrégore, aient pu espérer influencer psychiquement Mussolini ; on sera surpris par l’influence importante qu’eurent en son sein des disciples de maîtres spirituels fort peu traditionnels comme Rudolf Steiner et Giuliano Kremmerz, etc. "

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  • Il y a 100 ans, mourait Vilfredo Pareto...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Winfried Knörzer  consacré à Vilfredo Pareto, cueilli sur le site d'Euro-Synergies, qui en a assuré la traduction, et initialement publié dans sa version originale sur le site de la revue allemande Sezession.

     

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    Il y a 100 ans, mourait Vilfredo Pareto. Winfried Knörzer nous rappelle l'importance de son oeuvre

    Vilfredo Pareto (1848 - 1923) est un classique de l'économie politique et de la sociologie. Comme c'est souvent le cas avec les classiques, Pareto est souvent mentionné, mais rarement lu.

    Les manuels d'histoire de la sociologie traitent de lui de manière obligatoire, mais la traduction française de son œuvre principale, Trattato di sociologia generale, qui se limitait de toute façon aux chapitres les plus importants, est épuisée depuis des décennies. Seul un recueil d'articles sélectionnés est actuellement disponible en Allemagne. Les efforts méritoires de Gottfried Eisermann dans les années 1960 pour faire connaître Pareto dans notre pays sont tombés à l'eau.

    Pareto est encore populaire aujourd'hui grâce à l'une de ses nombreuses contributions à la théorie de l'utilité - la règle dite 80 : 20 (principe de Pareto). Exemple : si vous nettoyez une pièce encombrée de déchets, vous avez déjà mis de l'ordre à 80% avec 20% de l'effort total ; pour ranger les objets restants de manière judicieuse, un effort toujours plus important est nécessaire.

    Les hypothèses de base de la théorie de l'utilité ont également influencé les travaux sociologiques ultérieurs de Pareto. Pour analyser les actions des personnes, il ne faut pas partir d'un homo oeconomicus construit de manière abstraite, qui s'oriente sur le marché uniquement en fonction du rapport entre l'offre et la demande, mais il faut observer les actions qui ont réellement lieu et essayer de comprendre leurs motivations. La notion d'utilité fait elle-même le lien entre l'économie et la sociologie ; il ne s'agit pas d'une donnée rationnelle, car l'"utilité" dépend du contexte.

    Si l'on se penche sur le portrait intellectuel de Pareto, les zones d'ombre et de lumière apparaissent dans un contraste saisissant. Il a été ingénieur pendant vingt ans et a donc été particulièrement influencé par l'esprit positiviste de son époque. Les sciences naturelles étaient son modèle, c'est pourquoi il s'est toujours efforcé d'appliquer leur modèle de connaissance aux sciences sociales.

    En tant que positiviste, il pensait qu'il était possible de découvrir une vérité objective en se débarrassant des préjugés de la doctrine dominante et de ses propres préjugés. Mais c'est précisément cette croyance qui l'a conduit au-delà du positivisme, puisqu'elle l'a amené à pousser la recherche de la vérité jusqu'à ses ultimes conséquences. Il a en effet découvert que l'action humaine était bien moins déterminée par la raison que ne le prétendait la science. Chaque ligne de son œuvre témoigne de son étonnement et parfois de son indignation face au fait que le monde n'est pas aussi raisonnable qu'il devrait l'être. Cette prise de conscience a eu deux conséquences : d'une part, elle lui a permis d'acquérir une vision du monde sans illusion et sans jugement de valeur, ce qui lui a permis de mettre à nu, par l'interprétation, les motivations qui sous-tendent les phénomènes sociaux. Cet art de l'interprétation fait la force de Pareto.

    D'autre part, il a tenté d'extraire du chaos varié des actions non rationnelles un ordre analysable rationnellement sous la forme d'un système. Avec cette approche, il est cependant retombé derrière le positivisme, dans une taxinomie baroque avec des classifications confuses et des déductions abstruses.

    Ce n'est pas grâce à sa théorie, mais en dépit de celle-ci, que Pareto est parvenu à ses conclusions révolutionnaires sur le fonctionnement des processus sociaux. Le système sociologique de Pareto est en quelque sorte la dérivation de ses connaissances intuitives. La faiblesse de la construction du système de Pareto apparaît déjà dans l'un de ses éléments centraux : la définition des résidus. Même les interprètes les plus bienveillants ont reproché à cette définition son manque de cohérence. Les résidus sont des complexes idéaux de motivation, souvent appelés simplement instincts par Pareto. Pareto interprète l'action sociale en la ramenant aux résidus qui la sous-tendent. Seuls les deux premiers résidus d'un groupe de six ont acquis une notoriété générale.

    Le contenu de "l'instinct de combinaison" est relativement précis : il comprend une attitude progressive, la recherche de la nouveauté, l'audace, l'utilisation de la ruse et de la persuasion dans les relations humaines et de l'imagination dans le travail créatif. Cette disposition mentale s'incarne dans les idéaux-types du spéculateur en économie et du renard en politique. Ce résidu passe au premier plan dans les époques hautement civilisées. Lorsque ce type est parvenu au leadership, il règne par consensus.

    La deuxième catégorie s'intitule "Persistance des agrégats". Elle est incarnée par les types du rentier et du lion. Le retraité vit de ses économies, de ses avantages, de ses privilèges ou d'autres revenus fixes et est donc réticent au changement ; il est passif et anxieux. Le Lion tire sa confiance en lui de sa force et de son agressivité ; il domine par la violence.

    Cependant, les dispositions mentales des deux types s'excluent mutuellement : On ne peut pas être à la fois passif et agressif, prendre le pouvoir par la force et avoir peur du changement.

    Malgré ce manque de précision définitionnelle, le génie de Pareto apparaît toutefois ici, car en distinguant ces deux types, il a anticipé presque mot pour mot celui de David Goodhart entre les "somewheres" et les "anywheres" : «Dans la première catégorie se trouvent les "enracinés", dans la seconde les "déracinés"».

    Pareto a acquis une importance durable grâce à sa théorie des élites, dont l'originalité réside avant tout dans l'analyse de la circulation des élites. L'idée de la circulation des élites découle nécessairement des hypothèses théoriques de base de Pareto :

    1) ce sont principalement les instincts qui déterminent l'action ;

    2) chaque grand groupe délimitable, y compris la classe dirigeante, est composé de personnes ayant la même constitution instinctive ;

    3) comme la constitution instinctive et donc le type d'homme de la classe dominante ne peuvent pas changer, la classe dominante ne peut changer que si le type d'homme jusqu'ici dominant est remplacé par un autre.

    Au début de chaque nouveau cycle, il y a la violence. Un groupe d'individus agressifs (résidu de la "persistance des agrégats") s'est emparé du pouvoir par la conquête ou la révolution. La domination ne peut toutefois pas être maintenue durablement par l'utilisation de la violence nue. Elle doit être légitimée et se fonder sur le consentement de ceux qui sont soumis à la domination. Dans le même temps, l'économie commence à prospérer grâce à la paix civile et à la sécurité juridique.

    Ces deux évolutions, l'établissement d'un consensus et la croissance économique, favorisent l'émergence d'un type d'homme caractérisé non pas par l'agressivité mais par l'intelligence (résidu de "l'instinct des combinaisons"). Les productions de discours et de biens gagnent en importance, et avec elles le type d'homme qui exerce ces activités. Celui-ci accède donc à la classe supérieure, mais est encore exclu de la domination politique proprement dite. Il existe donc dans la classe supérieure deux fractions distinctes : l'une dominante (les établis, qui règnent par l'épée) et l'autre dominée (les ascendants, dont le pouvoir repose sur leur force mentale ou leur richesse).

    C'est maintenant qu'il faut décider si l'évolution future sera pacifique ou violente. Elle est pacifique lorsque certains membres de la faction dominante, particulièrement incompétents, quittent la société et que des membres de la faction dominée prennent la place laissée vacante par cooptation. La révolution survient lorsque la faction dominante se ferme complètement et, surtout, lorsqu'elle tente de maîtriser la situation par la carotte et le bâton.

    Dans cette phase, la faction dominée se fait le porte-parole des couches dominées, inférieures. Elle utilise l'agressivité, la colère et la force numérique des classes inférieures comme instrument pour parvenir elle-même à la domination. Une fois cet objectif atteint, l'alliance est rompue et le Maure, qui a fait son devoir, est apaisé par quelques cadeaux et phrases. Les classes inférieures n'accèdent jamais au pouvoir en tant que telles, mais seulement la petite partie, l'élite, qui a déjà accédé à la classe supérieure.

    La véritable lutte des classes ne se produit jamais que dans l'affrontement entre la fraction dominante et la fraction dominée au sein de la classe dirigeante.

    Pareto a été courtisé par Mussolini dans la dernière année de sa vie, ce qui l'a exposé au soupçon de sympathie avec le fascisme. Mais : Pareto n'est ni de droite ni de gauche, mais un analyste de la société devenu cynique et incorruptible.

    Il semble être de gauche parce qu'il dénonce impitoyablement les agissements des classes dirigeantes et leur exploitation du peuple.

    Il semble être de droite parce qu'il méprise la faiblesse des décadents hypercivilisés qui reculent devant tout usage de la violence, et parce qu'il se moque de l'hypocrisie humaniste.

    Winfried Knörzer (Euro-Synergies, 1er septembre 2023)

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