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  • L'accord du plus fort...

    Les éditions Max Milo viennent de publier TAFTA - L'accord du plus fort, un essai de Thomas Porcher et Frédéric Farah. Les deux auteurs sont professeurs d'économie. L'ouvrage est très court et constitue une première sensibilisation à la question. Pour aller plus loin, et c'est indispensable, les lecteurs pourront se tourner vers le nouvel essai d'Alain de Benoist intitulé Le traité transatlantique et autres menaces, qui parait le 15 janvier 2015 aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

     

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    " Aujourd’hui à Bruxelles et aux États-Unis, se joue la signature d’un traité qui risque de changer radicalement la vie de centaines de millions de citoyens américains et européens.
    Son nom, TAFTA. Son but, abaisser le plus possible les barrières du commerce – notamment les normes – entre nos deux continents pour faciliter les échanges.
    Les négociations ont déjà commencé et portent sur des règlementations concernant l’ensemble de notre vie (alimentation, santé, droits sociaux,…). Pourtant, elles se font sans nous, sans nos élus, mais avec des représentants des multinationales.
    Ce livre présente les enjeux de TAFTA et en identifie les risques potentiels, afin que les citoyens s’approprient ces questions et exigent un vrai débat démocratique. "

     

     

     

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  • Michel Houellebecq, le miroir de notre époque ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Solange Bied-Charreton, cueilli sur Figaro Vox et consacré au sens de l’œuvre de Michel Houellebecq. Ecrivain et chroniqueuse, Solange Bied-Charreton a publié en 2013, chez Stock, un excellent roman intitulé Nous sommes jeunes et fiers, dont nous ne pouvons que vous recommander la lecture.

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    Michel Houellebecq, le miroir de notre époque

    «C'est un esprit d'une sécheresse supérieure parmi les Secs, une intelligence toute en surface, n'ayant ni sentiment, ni passion, ni enthousiasme, ni idéal, ni aperçu, ni réflexion, ni profondeur, et d'un talent presque physique, comme celui, par exemple, du gaufreur ou du dessinateur à l'emporte-pièce, ou encore celui de l'enlumineur de cartes de géographie.» D'aucuns jugeraient que ces mots, écrits par Jules Barbey à propos de Flaubert, pourraient s'appliquer au romancier Houellebecq, dont la plus grande faute et la plus grande adresse sont d'avoir su endosser le rôle du «peintre de la vie moderne». L'expression baudelairienne s'étend jusqu'à la littérature romanesque, car c'est la visée même du romancier réaliste, qui entend rendre compte des mœurs de son temps, des tensions historiques, esthétiques et sociales de l'espace qu'il traverse.

    Romancier «important» pour certains, «génie» pour d'autres, «faussaire» pour quelques-uns, Michel Houellebecq est au centre de ce qu'il reste du paysage littéraire français. Il y mérite sa place, plus que beaucoup de ses congénères. Cela ne nous renseigne pas directement sur le talent de l'écrivain, davantage sur l'état de cette littérature, dévastée depuis un demi-siècle par le Nouveau Roman, l'autofiction, l'émotion, la psychanalyse ou tout cela ensemble (l'idéal est toujours de s'illustrer dans ces champs respectifs par un seul ouvrage). Ainsi, il reste précisément trop peu de romanciers réalistes, trop peu de romanciers tout court, pour que nous ignorions le nom de Houellebecq, qui en est un.

    Que fait Michel Houellebecq? Il peint ce qu'il voit, ce qu'il a sous les yeux. Souvent, il anticipe, alors il utilise le réel pour l'aggraver légèrement. Du libéralisme sexuel dans Extension du domaine de la lutte à l'effacement de l'identité française dans Soumission, des manipulations sur le vivant à la muséification des vieilles nations, en passant par l'échec de l'idéologie soixante-huitarde dans Les Particules élémentaires, il a simplement montré, depuis une vingtaine d'années, tout ce que notre regard capte chaque jour, quand ce n'est pas seulement la menace qui pèse sur notre société. C'est un reportage souvent cru et parfois trivial. Il y est question d'argent, de sexe, d'entreprises et de dépression, de résidences et de télévision. Si ce n'est pas du génie, c'est pourtant essentiel, tant il est essentiel qu'un écrivain s'échine à nous montrer ce que nous ne voyons plus, parce que nous le voyons trop.

    Romancier sans compassion, car «descripteur» à la suite de Flaubert, toujours lui, dont Sainte-Beuve affirmait qu'il tenait «la plume comme d'autres un scalpel», ce digne héritier sans joie tend un miroir très froid à l'Occident. Il montre mais il ne dit pas. Beaucoup aimeraient le faire dire, mais ce n'est pas ce qu'il fait. Michel Houellebecq n'est pas un essayiste. Et même lorsque nous avons l'impression qu'il produit un discours, ce n'est pas lui qui le prononce, c'est son personnage. Et ce discours s'insère dans la forme romanesque. Davantage contemplateur que contempteur du nihilisme contemporain, Houellebecq ne donne pas son avis. On a toujours tort de prêter une opinion à un fabuliste.

    Des controverses découlent de ce statut particulier, hors du monde. Notre romancier est-il pour ou contre les conversions à l'Islam en France? Pour ou contre le tourisme sexuel? Où le situer? La défiance du commun pour le statut de l'artiste n'est pas nouvelle. Plus largement, la métaphore permise par l'art est toujours regardée d'un mauvais œil. «Les femmes n'ont pas les cheveux mauves», déplorent les Verdurin devant la peinture d'Elstir, chez Proust. Dans le cas du réalisme, nous sommes sous le coup de la double contrainte: c'est l'art, mais l'art du réel. Nous devenons schizophrène: c'est vrai mais c'est faux. C'est dit mais c'est raconté. C'est Houellebecq comme personnage, dans La Carte et le territoire, mais c'est Houellebecq qui écrit.

    Où est l'art? On a accusé Houellebecq d'avoir recopié des notices de Wikipedia et de les avoir insérées dans La Carte et le territoire. Ce «collage», ready-made scriptural, justifié comme procédé littéraire, pose néanmoins la question de la littérarité de l'œuvre de Houellebecq et vient en souligner la profonde carence prosodique, la tragique platitude. A trop vouloir rendre le réel il serait à craindre d'en être le fruit plus que le descripteur. Mais une écriture blanche, clinique et qui fait l'économie d'un raffinage stylistique est aussi un parti pris. Houellebecq est un produit du temps: écrivain de l'après-mort du roman, il arrive à la suite de sa déconstruction, il danse sur les ruines.

    Michel Houellebecq est le nom de l'époque. Plus précisément, le nom de la littérature de l'époque. Mais cette époque n'aime pas la littérature, elle préfère ce qui est utile et rentable: que Michel Houellebecq soit son plus grand romancier en dit beaucoup sur elle et sur ses démissions. Sur sa capacité à mépriser le Beau, sur sa fascination pour la technique, son absence de transcendance, ses succès et ses vanités, son très grand désespoir.

    Solange Bied-Charreton (Figaro Vox, 6 janvier 2015)

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  • Inferno ou la dévastation de Hambourg en 1943...

    Les éditions Perrin publient cette semaine Inferno - La dévastation de Hambourg 1943, un essai historique de l'historien britannique Keith Lowe. L'auteur a déjà publié L'Europe barbare 1945-1950 (Perrin, 2013).

     

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    " Juillet 1943, la plus terrible opération aérienne de la Seconde Guerre mondiale en Europe est lancée. En quelques jours, les avions anglo-américains larguent 9 000 tonnes de bombes sur Hambourg ; plus de 40 000 civils trouvent la mort. Les autres luttent pour survivre au milieu des ruines et des cadavres, dans une ville rasée par la première tempête de feu de l'histoire de l'humanité. En Europe continentale, la destruction de Hambourg doit être considérée comme un tournant : elle a eu lieu dix-huit mois avant celle de Dresde, à une période où presque toute l'Allemagne faisait encore confiance au Führer et ne doutait pas de la victoire finale.
    A travers le récit magistral de cet apocalyptique mois de juillet – tant du point de vue des Alliés que de celui des Allemands, militaires et civils –, Keith Lowe questionne l'utilité et l'efficacité des bombardements massifs sur les villes d'Allemagne, avant d'expliquer leurs conséquences pour les Hambourgeois, notamment grâce à l'apport de sources intimes, journaux et correspondances. Il livre ainsi l'histoire globale d'une destruction sans précédent annonçant l'âge nucléaire et Hiroshima, tout en interrogeant la légitimité du bombardement stratégique et la capacité des humains à déclencher et à survivre à l'enfer. "

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  • Géopolitique de l'espionnage...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Dan Schiller, cueilli sur le site du Monde diplomatique et consacré à la géopolitique de la surveillance sur les réseaux numériques. L'auteur est professeur en sciences de l'information à l'université de l'Illinois, aux Etats-Unis.

     

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    Géopolitique de l'espionnage

    Les révélations sur les programmes d’espionnage menés par l’Agence nationale pour la sécurité (National Security Agency, NSA) ont entraîné « des changements fondamentaux et irréversibles dans beaucoup de pays et quantité de domaines (1) », souligne Glenn Greenwald, le journaliste du Guardian qui a rendu publiques les informations confidentielles que lui a fournies M. Edward Snowden. A l’automne 2013, la chancelière allemande Angela Merkel et la présidente du Brésil Dilma Rousseff se sont opposées à M. Barack Obama en condamnant les atteintes à la vie privée dont les Etats-Unis s’étaient rendus coupables — et dont elles avaient personnellement été victimes. L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) a adopté à l’unanimité une résolution reconnaissant comme un droit humain la protection des données privées sur Internet. Et, en juin 2014, le ministère de la justice américain, répondant à l’Union européenne, a promis de soumettre au Congrès une proposition de loi élargissant aux citoyens européens certains dispositifs de protection de la vie privée dont bénéficient les citoyens américains.

    Mais, pour pleinement apprécier l’étendue du retentissement international de l’affaire Snowden, il faut élargir la focale au-delà des infractions commises contre le droit, et examiner l’impact que ces révélations ont sur les forces économiques et politiques mondiales, structurées autour des Etats-Unis.

    Tout d’abord, l’espionnage — l’une des fonctions de la NSA — fait partie intégrante du pouvoir militaire américain. Depuis 2010, le directeur de la NSA est également chargé des opérations numériques offensives, en tant que commandant du Cyber Command de l’armée : les deux organismes relèvent du ministère de la défense. « Les Etats-Unis pourraient utiliser des cyberarmes (...) dans le cadre d’opérations militaires ordinaires, au même titre que des missiles de croisière ou des drones », explique dans le New York Times (20 juin 2014) l’amiral Michael S. Rogers, récemment nommé à ce double poste.

    Ensuite, ce dispositif militaire s’inscrit dans un cadre bien plus large, celui des alliances stratégiques nouées par les Etats-Unis. Depuis 1948, l’accord United Kingdom-United States Communications Intelligence Agreement (Ukusa) constitue le cœur des programmes de surveillance des communications mondiales. Dans ce traité, les Etats-Unis sont nommés « partie première » (first party) et la NSA est spécifiquement reconnue comme la « partie principale » (dominant party). Le Royaume-Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande représentent les « parties secondaires » (second parties). Chacun de ces pays, outre qu’il s’engage à assurer la surveillance des communications dans une région donnée, à partager ses infrastructures avec les Etats-Unis et à mener des opérations communes avec eux, peut accéder aux renseignements collectés selon des modalités fixées par Washington (2).

    Les pays de l’Ukusa — les five eyes cinq yeux »), comme on les appelle parfois — collaboraient dans le cadre de la guerre froide. L’Union soviétique représentait le principal adversaire. Mais, face aux avancées des mouvements anticoloniaux, anti-impérialistes et même anticapitalistes en Asie, en Afrique et en Amérique latine, les Etats-Unis ont étendu leurs capacités de collecte de renseignement à l’échelle mondiale. Les alliances ayant fondé ce système dépassent donc largement le cercle des premiers signataires. Par exemple, à l’est et à l’ouest de l’Union soviétique, le Japon et l’Allemagne comptent parmi les « parties tierces » (third parties) du traité. On notera que, à la suite des révélations de M. Snowden, Mme Merkel a demandé aux Etats-Unis de partager les renseignements dont ils disposent avec l’Allemagne, selon des conditions similaires à celles dont bénéficient les « parties secondaires ». L’administration Obama lui a opposé une fin de non-recevoir.

    L’industrie privée du renseignement public

    Au fil du temps, les membres ayant le statut de « parties tierces » ont évolué ; mais tous disposent d’un accès restreint aux renseignements collectés. Ce fut, pendant un temps, le cas de l’Iran, bien situé pour observer le sud de l’Union soviétique. Après la révolution de 1979, les Etats-Unis durent trouver une solution de remplacement. Ils institutionnalisèrent alors leurs liens avec la République populaire de Chine, avec laquelle les relations s’étaient améliorées depuis la visite secrète de M.Henry Kissinger en avril 1970. La province du Xinjiang apparaissait comme un endroit commode pour espionner les Russes : Deng Xiaoping, le grand artisan de l’ouverture de la Chine à l’économie de marché, autorisa la Central Intelligence Agency (CIA) à construire deux postes de surveillance, à condition qu’ils soient tenus par des techniciens chinois. Opérationnels à partir de 1981, ils fonctionnèrent au moins jusqu’au milieu des années 1990.

    Puisque aucun Etat ne possède de réseau d’espionnage aussi étendu que celui des Etats-Unis, l’argument selon lequel « tous les pays font la même chose » ne tient pas la route. Des satellites, dans les années 1950, jusqu’aux infrastructures numériques, les Etats-Unis ont modernisé leurs systèmes de surveillance globale à plusieurs reprises. Toutefois, depuis le début des années 1990 et la chute des régimes communistes, la surveillance a aussi changé de fonction. Elle vise toujours à combattre les menaces, actuelles ou futures, qui pèsent sur une économie mondiale construite autour des intérêts américains. Mais ces menaces se sont diversifiées : acteurs non étatiques, pays moins développés bien déterminés à se faire une meilleure place dans l’économie mondiale ou, au contraire, pays désireux de s’engager sur d’autres voies de développement ; et — c’est essentiel — autres pays capitalistes développés.

    Pour clarifier ce déplacement stratégique, il faut souligner un aspect économique du système de renseignement américain directement lié au capitalisme numérique. Ces dernières décennies ont vu se développer une industrie de la cyberguerre, de la collecte et de l’analyse de données, qui n’a de comptes à rendre à personne et dont fait partie l’ancien employeur de M. Snowden, l’entreprise Booz Allen Hamilton. En d’autres termes, avec les privatisations massives, l’« externalisation du renseignement » s’est banalisée. Ainsi, ce qui était de longue date une fonction régalienne est devenu une vaste entreprise menée conjointement par l’Etat et les milieux d’affaires. Comme l’a démontré M. Snowden, le complexe de surveillance américain est désormais rattaché au cœur de l’industrie du Net.

    Il y a de solides raisons de penser que des entreprises de la Silicon Valley ont participé de façon systématique, et pour la plupart sur un mode confraternel, à certains volets d’une opération top secret de la NSA baptisée « Enduring Security Framework », ou Cadre de sécurité durable (3). En 1989 déjà, un expert des communications militaires se félicitait des « liens étroits entretenus par les compagnies américaines (...) avec les hautes instances de la sécurité nationale américaine », parce que les compagnies en question « facilitaient l’accès de la NSA au trafic international » (4). Vingt-cinq ans plus tard, cette relation structurelle demeure. Bien que les intérêts de ces entreprises ne se confondent vraisemblablement pas avec ceux du gouvernement américain, les principales compagnies informatiques constituent des partenaires indispensables pour Washington. « La majorité des entreprises qui permettent depuis longtemps à l’Agence d’être à la pointe de la technologie et d’avoir une portée globale travaillent encore avec elle », a ainsi reconnu le directeur de la NSA en juin 2014 dans le New York Times.

    Contre toute évidence, Google, Facebook et consorts nient leur implication et feignent l’indignation. Une réaction logique : ces entreprises ont bâti leur fortune sur l’espionnage à grande échelle dans un but commercial — pour leur propre compte comme pour celui de leurs soutiens financiers, les grandes agences de publicité et de marketing.

    La collecte, massive et concertée, de données par les grandes entreprises n’est pas un fait naturel. Il a fallu la rendre possible, notamment en transformant l’architecture initiale d’Internet. Dans les années 1990, alors que le World Wide Web commençait tout juste à s’immiscer dans la vie sociale et culturelle, les entreprises informatiques et les publicitaires ont fait du lobbying auprès de l’administration Clinton pour réduire la protection de la vie privée au strict minimum. Ainsi, ils ont pu modifier le Net de façon à surveiller ses utilisateurs à des fins commerciales. Rejetant les initiatives de protection des données, fussent-elles timides, réseaux sociaux, moteurs de recherche, fournisseurs d’accès et publicitaires continuent d’exiger une intégration plus poussée de la surveillance commerciale à Internet — c’est la raison pour laquelle ils promeuvent le passage à l’informatique « en nuage » (cloud service computing). Quelques milliers d’entreprises géantes ont acquis le pouvoir d’accaparer les informations de la population du monde entier, du berceau à la tombe, à toute heure de la journée. Comme l’explique le chercheur Evgeny Morozov, les stratégies de profit de ces entreprises reposent explicitement sur les données de leurs utilisateurs. Elles constituent, selon les mots du fondateur de WikiLeaks, M. Julian Assange, des « moteurs de surveillance (5) ».

    Ces stratégies de profit deviennent la base du développement du capitalisme numérique. La dynamique d’appropriation des données personnelles électroniques se renforce puissamment sous l’effet d’une double pression, économique et politique. Pour cette raison même, elle s’expose à une double vulnérabilité, mise en lumière par les révélations de M. Snowden.

    En mai 2014, la Cour européenne de justice a estimé que les individus avaient le droit de demander le retrait des résultats de recherches renvoyant à des données personnelles « inadéquates, dénuées de pertinence ou obsolètes ». Dans les quatre jours qui ont suivi ce jugement, Google a reçu quarante et une mille requêtes fondées sur ce « droit à l’oubli ». Plus révélateur encore, en juin 2014, 87 % des quinze mille personnes interrogées dans quinze pays par le cabinet de relations publiques Edelman Berland se sont accordées à dire que la loi devrait « interdire aux entreprises d’acheter et de vendre des données sans le consentement » des personnes concernées. Les mêmes sondés considéraient que la principale menace pesant sur la protection de la vie privée sur Internet résidait dans le fait que les entreprises pouvaient « utiliser, échanger ou vendre à [leur] insu [leurs] données personnelles pour en retirer un gain financier ». Pour endiguer le mécontentement, la Maison Blanche a publié un rapport recommandant aux entreprises de limiter l’usage qu’elles font des données de leurs clients. Malgré cela, l’administration Obama demeure inébranlable dans son soutien aux multinationales : « Les big data seront un moteur historique du progrès (6) », a martelé un communiqué officiel en juin 2014.

    Revivifier la contestation

    Le rejet de la domination des intérêts économiques et étatiques américains sur le capitalisme numérique n’est pas seulement perceptible dans les sondages d’opinion. Pour ceux qui cherchent depuis longtemps à croiser le fer avec les compagnies américaines, les révélations de M.Snowden constituent une aubaine inespérée. En témoigne l’extraordinaire « Lettre ouverte à Eric Schmidt » (président-directeur général de Google) écrite par l’un des plus gros éditeurs européens, M. Mathias Döpfner, du groupe Axel Springer. Il y accuse Google, qui détient 60 % du marché de la publicité en ligne en Allemagne, de vouloir devenir un « super-Etat numérique » n’ayant plus de comptes à rendre à personne. En expliquant que l’Europe reste une force « sclérosée » dans ce domaine essentiel, M. Döpfner cherche bien sûr à promouvoir les intérêts des entreprises allemandes (Frankfurter Allgemeine Feuilleton, 17 avril 2014).

    La stagnation chronique de l’économie mondiale exacerbe encore la bataille menée par les grandes entreprises et l’Etat pour accaparer les profits. D’un côté, les fournisseurs d’accès à Internet et les grandes entreprises forment la garde prétorienne d’un capitalisme numérique centré sur les Etats-Unis. A elle seule, la société Microsoft utilise plus d’un million d’ordinateurs dans plus de quarante pays pour fournir ses services à partir d’une centaine de centres de données. Android et IOS, les systèmes d’exploitation respectifs de Google et d’Apple, équipaient à eux deux 96 % des smartphones vendus dans le monde au deuxième trimestre 2014. De l’autre côté, l’Europe affiche de piètres performances : elle ne domine plus le marché des téléphones portables, et Galileo, son projet de géolocalisation par satellite, connaît de nombreux déboires et retards.

    Le capitalisme numérique fondé sur Internet impressionne par son ampleur, son dynamisme et ses perspectives de profit, comme le montrent non pas seulement l’industrie directement liée à Internet, mais des domaines aussi différents que la construction automobile, les services médicaux, l’éducation et la finance. Quelles entreprises, implantées dans quelles régions, accapareront les profits afférents ?

    Sur ce plan, l’affaire Snowden agit comme un élément perturbateur, puisqu’elle revivifie la contestation de la cyberdomination américaine. Dans les semaines qui ont suivi les premières révélations, les spéculations sont allées bon train quant à l’influence qu’auraient les documents publiés par M. Snowden sur les ventes internationales des compagnies américaines de nouvelles technologies. En mai 2014, le président-directeur général de l’équipementier informatique Cisco a par exemple écrit au président Obama pour l’avertir du fait que le scandale de la NSA minait « la confiance dans notre industrie et dans la capacité des sociétés technologiques à vendre leurs produits dans le monde » (Financial Times, 19 mai 2014).

    Pour les entreprises informatiques, la menace provenant du monde politique se précise. Certains Etats, invoquant les révélations de M. Snowden, réorientent leur politique économique. Le Brésil et l’Allemagne envisagent la possibilité de n’autoriser que les fournisseurs nationaux à conserver les données de leurs citoyens — une mesure déjà en vigueur en Russie. En juin dernier, le gouvernement allemand a mis un terme au contrat qui l’unissait de longue date à la compagnie américaine Verizon, au profit de Deutsche Telekom. Un dirigeant chrétien-démocrate a déclaré pour sa part que le personnel politique et diplomatique allemand ferait mieux de revenir à la machine à écrire pour tous les documents sensibles. Le Brésil et l’Union européenne, qui prévoient de construire un nouveau réseau de télécommunications sous-marin pour que leurs communications intercontinentales n’aient plus à dépendre des infrastructures américaines, ont confié cette tâche à des entreprises brésilienne et espagnole. De la même façon, Brasília a évoqué l’abandon d’Outlook, le service de messagerie de Microsoft, au profit d’un système utilisant des centres de données implantés sur son territoire.

    Bataille pour la régulation d’Internet

    Cet automne, les représailles économiques contre les entreprises informatiques américaines se poursuivent. L’Allemagne a interdit l’application de partage de taxis Uber ; en Chine, le gouvernement a expliqué que les équipements et services informatiques américains représentaient une menace pour la sécurité nationale et demandé aux entreprises d’Etat de ne plus y recourir.

    Pris à contre-pied, les géants américains du numérique ne se contentent pas d’une offensive de relations publiques. Ils réorganisent leurs activités pour montrer à leurs clients qu’ils respectent les législations locales en matière de protection des données. IBM prévoit ainsi d’investir 1 milliard de dollars pour bâtir des centres de données à l’étranger, dans l’espoir de rassurer ses clients inquiets de l’espionnage américain. Il n’est pas certain que cela suffise à apaiser les craintes, alors que Washington demande à Microsoft de transmettre les courriers électroniques stockés sur ses serveurs installés en Irlande...

    Mais que l’on ne s’y trompe pas : le but des autorités américaines demeure l’élargissement des avantages offerts à leurs multinationales informatiques. En mai 2014, le ministre de la justice américain a porté plainte contre cinq officiers de l’armée chinoise pour cyberespionnage commercial, en arguant que la Chine se livrait à des tactiques de concurrence ouvertement illégales. Toutefois, et de manière significative, le Financial Times a révélé que cette plainte déposée par les champions de l’espionnage suscitait l’émoi dans l’industrie allemande, « où l’on s’inquiète de vols de la propriété intellectuelle » (22 mai 2014). Etait-ce l’effet que les responsables américains cherchaient à produire ?

    Pourquoi les Etats-Unis ont-ils attendu ce moment précis pour passer à l’action ? Depuis des années, ils accusent la Chine de lancer des cyberattaques contre leurs entreprises — alors qu’eux-mêmes piratent les routeurs et l’équipement Internet d’une compagnie chinoise concurrente, Huawei... Une motivation, d’ordre politique, transparaît : en cette année d’élections de mi-mandat, l’exécutif démocrate entend faire de la Chine un prédateur qui détruit les emplois américains en pillant la propriété intellectuelle. Et, dans le même temps, cette mise en cause publique de Pékin souligne subtilement qu’entre alliés le statu quo — un capitalisme numérique dominé par les Etats-Unis — reste la meilleure option.

    Nous touchons là au cœur du problème. Selon ses dires, M. Snowden espérait que ses révélations « seraient un appui nécessaire pour bâtir un Internet plus égalitaire (7) ». Il voulait non seulement déclencher un débat sur la surveillance et le droit à la vie privée, mais aussi influencer la controverse sur les déséquilibres inhérents à l’infrastructure d’Internet.

    Dans sa construction même, Internet a toujours avantagé les Etats-Unis. Une opposition, internationale mais sporadique, s’est fait entendre dès les années 1990. Elle s’est intensifiée entre 2003 et 2005, lors des sommets mondiaux sur la société de l’information, puis de nouveau en 2012, lors d’une rencontre multilatérale organisée par l’Union internationale des télécommunications. Les révélations de M.Snowden exacerbent ce conflit sur la « gouvernance mondiale d’Internet » (8). Elles affaiblissent la « capacité de Washington à orienter le débat sur l’avenir d’Internet », explique le Financial Times, citant un ancien responsable du gouvernement américain pour qui « les Etats-Unis n’ont plus l’autorité morale leur permettant de parler d’un Internet libre et ouvert » (21 avril 2014).

    Après que la présidente Rousseff eut condamné les infractions commises par la NSA devant l’Assemblée générale de l’ONU en septembre 2013, le Brésil a annoncé la tenue d’une rencontre internationale pour examiner les politiques institutionnelles définies par les Etats-Unis concernant Internet : le « NETmundial, réunion multipartite mondiale sur la gouvernance d’Internet », s’est tenu à São Palo en avril 2014 et a réuni pas moins de cent quatre-vingts participants, des représentants de gouvernements, des entreprises et des associations.

    Les Etats-Unis ont tenté de contrecarrer cette initiative : quelques semaines avant le rassemblement, ils ont promis, non sans poser plusieurs conditions importantes, d’abandonner leur rôle de supervision formelle de l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (Icann), l’organisme qui administre certaines des fonctions vitales du réseau. L’opération a réussi. A l’issue du NETmundial, la Software and Information Industry Association (SIIA), établie aux Etats-Unis, s’est félicitée : « Les propos tenus sur la surveillance sont restés mesurés », et « cette rencontre n’a pas donné la part belle à ceux qui privilégient un contrôle intergouvernemental d’Internet, c’est-à-dire placé sous l’égide des Nations unies (9) ».

    En dernière analyse, ce sont les conflits économico-géopolitiques et les réalignements naissants qui ont déterminé l’issue de la rencontre de São Paulo. Si le Brésil a rejoint le giron américain, la Russie ainsi que Cuba ont refusé de signer la résolution finale et souligné que le discours des Etats-Unis sur la « liberté d’Internet » sonnait désormais creux ; la délégation indienne s’est déclarée insatisfaite, ajoutant qu’elle ne donnerait son accord qu’après consultation de son gouvernement ; et la Chine est revenue à la charge, dénonçant la « cyberhégémonie » américaine (China Daily, 21 mai 2014). Cette opinion gagne du terrain. A la suite du NETmundial, le groupe des 77 plus la Chine a appelé les entités intergouvernementales à « discuter et examiner l’usage des technologies de l’information et de la communication pour s’assurer de leur entière conformité au droit international (10) », et exigé que soit mis un terme à la surveillance de masse extraterritoriale.

    Ainsi, le conflit structurel sur la forme et la domination du capitalisme numérique s’accentue. Bien que la coalition disparate liguée contre le pouvoir et les grandes entreprises de la Silicon Valley ait pris une certaine ampleur, ces derniers restent déterminés à préserver leur hégémonie mondiale. Selon M. Kissinger, avocat notoire de la suprématie des Etats-Unis, les Américains doivent se demander : que cherchons-nous à empêcher, quel qu’en soit le prix, et tout seuls si nécessaire ? Que devons-nous chercher à accomplir, fût-ce en dehors de tout cadre multilatéral ? Fort heureusement, les Etats, les multinationales et leurs zélateurs ne constituent pas les seuls acteurs politiques. Soyons reconnaissants à M. Snowden de nous l’avoir rappelé.

    Dan Schiller (Le Monde diplomatique, novembre 2014)

     

    Notes :

    (1) Glenn Greenwald, Nulle part où se cacher, JC Lattès, Paris, 2014.

    (2) Cf. Jeffrey T. Richelson et Desmond Ball, The Ties That Bind : Intelligence Cooperation Between the Ukusa Countries, Allen & Unwin, Boston, 1985, et Jeffrey T. Richelson, The US Intelligence Community, Westview, Boulder, 2008. Lire Philippe Rivière, « Le système Echelon », Le Monde diplomatique, juillet 1999.

    (3) Cf. Barton Gellman et Laura Poitras, « Codename Prism : Secret government program mines data from nine US Internet companies, including photographs, emails and more », The Washington Post, 6 juin 2013 ; Jason Leopold, « Emails reveal close Google relationship with NSA », Al Jazeera America, 6 mai 2014 ; et Andrew Clement, « NSA surveillance : Exploring the geographies of Internet interception » (PDF), conférence à l’université Humboldt, Berlin, 6 mars 2014.

    (4) Ashton B. Carter, « Telecommunications policy and US national security », dans Robert W. Crandall et Kenneth Flamm (sous la dir. de), Changing the Rules, Brookings, Washington, DC, 1989.

    (5) Lire Evgeny Morozov, « De l’utopie numérique au choc social », Le Monde diplomatique, août 2014. Cf. Julian Assange, Cypherpunks : Freedom and the Future of the Internet, OR Books, New York, 2012.

    (6) « Big data : Seizing opportunities, preserving values » (PDF), Maison Blanche, Washington, DC, mai 2014.

    (7) Cité par Glenn Greenwald, op. cit.

    (8) Lire « Qui gouvernera Internet ? », Le Monde diplomatique, février 2013.

    (10) « Declaration of Santa Cruz : For a new world order for living well », 17 juin 2014. Créé en 1964, le groupe des 77 réunit au sein de l’Organisation des Nations unies des pays en développement soucieux de promouvoir des intérêts économico-diplomatiques communs.

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  • Soumission ?...

    " Ce livre m'a foutu la gerbe. " Ali Baddou (Canal plus, 5 janvier 2015)

    " Tout se passe comme si Houellebecq ne tenait pas à nous faire aimer le monde qui vient." Pierre Bérard, Houellebecq ou les vacances du dernier homme (Eléments n°103, décembre 2001)

    Soumission, le nouveau roman de Michel Houellebecq, publié aux éditions Flammarion, sera en librairie le mercredi 7 janvier. Il est précédé depuis plus d'un mois par une rumeur de scandale liée à son thème un tantinet urticant : la conversion à l'islam d'un professeur de faculté sur fond de victoire du candidat d'un parti musulman à l'élection présidentielle de 2022. Provocation, nihilisme, désespérance ? Au lecteur de se faire son opinion...

     

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    " A la fin du second mandat de François Hollande, alors que s'opposent au deuxième tour Marine Le Pen et une alliance des partis de tous bords et du candidat de la Fraternité musulmane, la question se pose d'un système influencé par un Islam qui gagne du terrain sur le front politique et intellectuel. François, professeur à Paris III, se retrouve confronté à la transformation de son université. "

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  • Sur le militarisme américain...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur Europe solidaire et consacré au dispositif militaire déployé par les Etas-Unis dans le monde en ce début d'année 2015...

     

     

     

    Le militarisme américain dans le monde

    Le budget militaire américain pour l'armée et les opérations militaires représente 661.29 milliards de dollars en 2014, soit plus de 1.8 milliard de $ par jour ou près de 21.000 $ par seconde. Cela représente 17.3 % du budget américain et plus de 4% du PIB, ce qui en fait le premier budget militaire du monde.

    Qui finance ce budget? En principe, ce sont les contribuables américains et ceux des pays alliés. En fait, ce sont surtout ces mêmes alliés et le reste du monde, dans le cadre du système décrit par le livre de Pierre Jovanovic, 666. La banque fédérale de réserve émet des dollars pour acheter les bons du trésor destiné à couvrir les dépenses de l'Etat. Mais ce sont les épargnants du reste du monde qui achètent ces bons du trésor en dollar, n'ayant pas jusqu'à ce jour de perspectives permettant de placer en toute sécurité leur épargne. Jusqu'à quand durera ce système de Ponzi? Il s'agit d'une autre question.

    En décembre 2014 le président Obama a envoyé une lettre au speaker de la Chambre, John Boehner, précisant les les théatres d'opérations et les forces correspondant à ce budget militaire (1).

    Cette information correspond à une obligation faite au président, depuis 1973 et le retrait du Viet-Nam, d'informer le Congrès du déploiement des forces américaines engagées dans des opérations combattantes (War Powers Resolution (Public Law 93-148). On notera que ce décompte n'inclut pas les différents opérations, officielles et plus souvent « covert », assurées par la CIA, un grand nombre d'ONG travaillant pour elle et d'autres agences, ainsi que les très nombreux mercenaires militaires financés sur des budgets inconnus, même des parlementaires. Ce sont de tels mercenaires qui, pour le compte des Etats-Unis, mènent aujourd'hui la guerre en Ukraine contre les « séparatistes ».

    La lettre d'Obama mentionne un nombre d'opérations bien supérieur à celles connues du grand public, en Afghanistan et dans le conflit Iraq-Syrie. Le décompte inclut en effet le déploiement de troupes américaines dans des zones dites « non combat » ainsi que les manœuvres communes avec les alliées des Etats-Unis, au sein de l'Otan ou dans le Pacifique. A tous moments, de telles zones de non combat peuvent se transformer en zones de combat, ce que le Congrès, les médias et le public ne découvrent qu'avec retard.

    La carte jointe montre les différentes zones où sont déployés les moyens militaires américains (source WSWS). Elle ne comprend pas les pays du continent américain proprement dit, l'Amérique du Nord et les Amériques centrale et du Sud. Celles-ci relèvent des Northern et Southern Commands, Pour le reste du monde, trois « commandements » sont en charge, l'Africa Command, le Central Command et le Pacific Command. Nous n'examinerons ici que les opérations et implantations relevant du Central Command au Moyen-Orient. Mais le même exercice s'imposerait dans les zones Europe, Afrique et Asie où sont déployés des forces américaines de plus en plus importantes.

    Le Moyen Orient

    Le document de la Maison Blanche indique que, dans cette partie du monde, c'est la « guerre globale contre la terreur » présentée comme conduite par Al Qaida, que justifie les opérations américaines. Un examen de détail montre qu'il n'en est rien. Ainsi une partie des opérations conduites au Moyen-Orient visent en fait à combattre Bashar al Assad en Syrie, considéré comme un allié de la Russie. La présence américaine vise aussi à contenir l'influence de l'Iran, également considérée comme alliée de la Russie, tout en évitant que Bagdad ne se rapproche de l'Iran.

    En Afghanistan malgré l'annonce d'un retrait officiel, plus de 10.000 agents militaires et civils relevant de l'US Central Command semblent destinés à y rester un temps indéterminé. Dans ce cadre, les troupes américaines continuent à emprisonner et « interroger » un grand nombre de prisonniers provenant des Etats voisins, dont le tort semble-t-il n'est pas de servir Al Qaida mais de s'opposer aux visées économiques américaines dans la zone.

    Les 3.100 hommes déployées dans le cadre de la coalition internationale censée lutter contre Daesh conduisent certes des opérations terrestres et aériennes semblant avoir eu une certaine efficacité, ce dont personne ne se plaindra. Mais comme toujours en ce cas, ils mènent des opérations « covert » sur demande de la Turquie, des Etats du Golfe et sans doute d'Isral. Au Yemen, les interventions américaines se déployant dans un Etat ayant perdu toute autorité visent à protéger et étendre les intérêts américains. Il n'est pas exclu que ceci ne débouche sur une vraie guerre civile. En Jordanie, prétendument à la demande du Roi Abdullah, totalement manipulé, l'armée américaine a mis en place des missiles Patriot, des moyens aériens et 1.700 hommes. Quel ennemi potentiel visent exactement ces moyens?

    En ce qui concerne la présence de l'US Army dans les Etats pétroliers du Golfe, elle est beaucoup plus massive et en place depuis longtemps: 2.500 hommes au Qatar, ainsi qu'une base aérienne, le quartier général de la 5e flotte à Bahreïn, 2.500 militaires dans la base d'Eskan en Arabie saoudite. L'aviation et la marine de guerre américaines utilisent aussi des bases à Oman et dans les Emirats. Comme il ne s'agit pas officiellement de zones de combat, le document remis par Obama au Congrès ne mentionne pas ces moyens. Enfin plusieurs centaines d'hommes sont basés dans le Sinaï, avec l'accord d'Israël et semble-t-il de l'Egypte.

    On imagine la réaction belliqueuse des Etats Unis si la Russie avait mis en place le 10e de ces moyens dans des régions qui intéressent tout autant, sinon plus, ses intérêts vitaux que ceux des Etats-Unis.

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 3 janvier 2015)

    Note :

    1) Letter from the President -- Six Month Consolidated War Powers Resolution Report
    http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2014/12/11/letter-president-six-month-consolidated-war-powers-resolution-report

     

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