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  • La démocratie et la guerre au XXIème siècle...

    Les éditions Hermann ont publié au mois de février 2012 un ouvrage collectif dirigé par Jean-Vincent Holeindre et  Geoffroy Murat et intitulé La démocratie et la guerre au XXIème siècle - De la paix démocratique aux guerres irrégulières. A consulter...

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    Au début du XXIe siècle, la guerre est à la fois absente et omniprésente dans les démocraties occidentales. Si la plupart des pays démocratiques ne vivent plus dans l’horizon de la guerre, les nouvelles formes de violence armée, comme le terrorisme et les conflits asymétriques en Afghanistan et en Irak, occupent l’espace médiatique et les discours politiques.
    Le but de ce livre est de faire le point sur les relations complexes qu’entretiennent la démocratie et la guerre dans la politique internationale au XXIe siècle. Peut-on dire, après Kant, que la démocratie est un régime politique facteur de paix ? Quels sont les effets de la guerre sur la politique intérieure en démocratie ? À l’âge des guerres irrégulières, comment les stratégies militaires des États démocratiques évoluent-elles ?
    Telles sont les principales questions posées dans un ouvrage qui réunit pour la première fois les meilleurs spécialistes français et étrangers, qu’ils soient philosophes et historiens, politistes et spécialistes de la guerre. Ce que met au jour l’étude des conflits actuels, c’est non seulement la part d’ombre des politiques démocratiques, mais aussi les mutations de la démocratie, confrontées à une mondialisation qui redistribue les cartes de la puissance.

    Avec les contributions de Jean Baechler, Pierre Manent, Michael Doyle, Pierre Hassner, Stéphane Audoin-Rouzeau, Gilles Bataillon, Alberto Valencia, Olivier Chopin, Ran Halévi, Bastien Irondelle, lieutenant colonel Jérôme de Lespinois, colonel Benoît Durieux, Gérard Chaliand, Azar Gat et Dario Battistella.

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  • Alain de Benoist répond aux "Fils de France"...

    Nous reproduisons ci-dessous les réponses données par Alain de Benoist aux questions de l'association "Fils de France". Cette association regroupe des Français de confession musulmane qui se réclame d'un islam français, « lequel est parfaitement à même de respecter les ancestrales valeurs françaises tout en prônant, non pas une “intégration”, concept aux contours flous, mais une “acculturation” à ce substrat national, façonné par deux mille ans d’histoire, quarante rois, deux empires et cinq républiques.»

    La charte de cette association est consultable ici.

     

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    À en croire la lecture de vos mémoires, vous êtes en meilleure compagnie avec Homère plutôt qu’avec celle de saint Thomas d’Aquin. Qu’en est-il de celle de Mohammed ?

    Disons que je n’ai pas fréquenté le troisième aussi assidûment que les deux premiers ! Mais on ne peut comparer que ce qui est comparable. Mohammed a été le fondateur d’une religion, ce qui n’a pas été le cas d’Homère ni de Thomas d’Aquin. Homère est l’auteur d’une œuvre poétique et littéraire immense, qui est à coup sûr l’un des fondements spirituels majeurs de la culture européenne dans ce qu’elle a de plus authentique. Rien à voir, là non plus, avec Mohammed, dont le Coran (29,48) nous dit qu’il était « illettré » (ummî) avant la révélation qu’il dit avoir connue.


    De même, vous émettez des réserves philosophiques quant à la religion catholique en tant qu’objet social public et donc, par là même, légitimement susceptible d’être sujet à la critique. Vos éventuelles réserves vis-à-vis de l’islam sont-elles de même nature ?

    Philosophiquement parlant, je n’appartiens pas à la tradition monothéiste. Dans de nombreux écrits, j’ai expliqué la nature de ce que vous appelez mes “réserves” à son endroit. Elles valent nécessairement pour toutes les religions qui se réclament d’un Dieu unique. Cela ne m’empêche pas d’être bien conscient, en même temps, des différences ou des spécificités qui existent entre elles. Ma critique, encore une fois, n’est pas dogmatique. C’est une critique intellectuelle et philosophique, que je fais en conscience, et qui représente l’aboutissement d’un itinéraire de pensée sur lequel je me suis également expliqué.

    Certains catholiques de tradition estiment que l’islam s’est bâti contre le catholicisme. Ne serait-ce pas plutôt le cas du messianisme des protestants américains, ayant donné naissance aux USA, seule nation au monde à ne pas entretenir de relations diplomatiques avec le Vatican ?

    L’islam en tant que religion ne s’est évidemment pas bâti contre le catholicisme (ni d’ailleurs contre le christianisme, les deux termes étant alors synonymes). Il prétend seulement parachever la révélation monothéiste. Le cas du protestantisme est tout à fait différent. Il représente une scission au sein du christianisme occidental, né d’une « protestation » contre Rome. C’est en quelque sorte une hérésie qui a réussi.

    Toujours à propos de certains catholiques de tradition, que vous inspire ceux qui estiment que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas », comme si de tous les chrétiens persécutés dans le monde, ceux de Palestine étaient les seuls à ne pas mériter leur commisération ?

    Ceux qui pensent que ce qui se passe à Jérusalem « ne les regarde pas » sont tout simplement des imbéciles, qu’on pourrait comparer aux plus obtus des know-nothing américains. Dans un monde globalisé, où tout retentit sur tout, il est évident que nous sommes tous concernés par ce qui passe en Palestine, et que nous le sommes d’autant plus que c’est aujourd’hui l’une des régions du monde où l’actualité est la plus fondamentalement décisive : l’avenir du monde dépend pour une large part de ce qui va se passer dans les années et les décennies qui viennent au Proche-Orient.

    Dans le cas des “catholiques de tradition”, leur attitude est d’autant plus surprenante qu’ils devraient être encore plus sensibles que les autres à ce qui se passe sur la terre où Jésus a vécu et a été crucifié. Ce sont par ailleurs des milieux qui prétendent défendre les « chrétiens menacés » partout dans le monde, mais que l’on n’entend guère lorsqu’il s’agit du sort des chrétiens de Palestine. Ignorent-ils qu’il y a des chrétiens arabes en Palestine ? Je crois plutôt qu’ils ne l’ignorent nullement, et qu’ils savent très bien que ces chrétiens-là sont parfaitement solidaires de la résistance palestinienne à l’occupation israélienne.

    Mais c’est là que le bât blesse. Leur sympathie de principe pour Israël, avouée ou inavouée, mais toujours paradoxale (quand on se souvient des prétentions historiques de l’Église à incarner le verus Israel), les rend indifférents aux souffrances des chrétiens de Palestine. Cela donne, si j’ose dire, la mesure de leur bonne foi.

    Dans vos mémoires, vous dénoncez ces gens, de gauche comme de droite, qui estiment qu’il y a des hommes en trop sur Terre. Les Français musulmans seraient-ils des Français de trop en France ?

    Il n’y a pas pour moi d’« hommes en trop sur la Terre ». Il n’y en aurait que si la croissance démographique excédait les ressources de la planète ! Mais ce n’est pas dans ce sens que le politologue Claude Lefort employait cette expression. Il faisait seulement allusion à cette idée, effectivement répandue à gauche comme à droite, selon laquelle tous les problèmes auxquels nous sommes confrontés résultent purement et simplement de l’existence de certaines catégories d’êtres humains. Il suffirait d’éliminer ces « hommes en trop » pour que la vie redevienne simple. C’est le phénomène classique du bouc émissaire.

    Pour moi, il n’y a pas de boucs émissaires. Les Français musulmans ne sont pas des « Français de trop en France », pour la simple raison qu’à mon sens, même si beaucoup affirment bruyamment le contraire, on peut très bien être musulman et français. On peut en revanche très bien considérer qu’il y a « trop d’immigrés » en France, en ce sens que l’immigration massive à laquelle nous avons assisté depuis trente ans excède désormais largement nos possibilités d’accueil, et qu’il en résulte toute une série de pathologies sociales dont les premières victimes sont les classes populaires.

    Quand l’immigration dépasse un certain seuil, elle devient inévitablement une colonisation, au sens premier du terme. J’ai toujours condamné le colonialisme, ce n’est pas pour accepter aujourd’hui une colonisation en sens inverse. Je ne condamne pas cette immigration trop massive par chauvinisme ou par xénophobie, mais parce que j’y vois un déracinement forcé dont le seul bénéficiaire est le patronat. L’immigration, c’est l’armée de réserve du capital.

    À en croire Emmanuel Todd, l’actuel système politico-médiatique, fondé sur une économie de marché devenue société de marché, a eu la peau de deux autres contre-systèmes fondés sur la transcendance, l’Église catholique et le Parti communiste. Et le seul qui résiste encore, c’est l’archaïsme musulman, le vocable d’archaïsme étant à prendre en son sens noble. D’où l’actuelle islamophobie de nos “élites”. Votre avis ?

    L’islamophobie qui submerge aujourd’hui l’Europe occidentale a des causes diverses. Elle résulte principalement d’une confusion, plus ou moins entretenue par certains, entre l’immigration, la religion musulmane, le monde musulman, l’islamisme, le “terrorisme islamique”, etc., alors que ce sont là des problèmes différents. Les réactions hostiles à l’immigration ont évidemment servi de détonateur, puisque la majorité des immigrés sont musulmans. Il n’en est pas moins évident qu’on peut être musulman sans être immigré, ou immigré sans être musulman.

    Si l’immigration se composait uniquement de bons catholiques originaires de l’Afrique subsaharienne, les problèmes seraient en outre exactement les mêmes. Quoi qu’il en soit, des représentations plus ou moins fantasmées de l’islam se sont dans ce contexte répandues un peu partout, souvent sous l’influence “d’islamologues” autoproclamés ou d’adeptes de la très américano-centrée théorie du Choc des civilisations. La façon dont, en France, la critique de l’immigration s’est progressivement muée en critique de « l’islamisation » est à cet égard significative. Dans les franges les plus convulsives de l’opinion, « l’islamisation » désigne tout simplement le fait que les musulmans puissent normalement pratiquer leur religion dans notre pays, alors que personne n’interprète comme « judaïsation » le fait que les juifs puissent pratiquer la leur.

    Cette islamophobie, qui ne touche malheureusement pas que les “élites”, traverse les différentes familles politiques, ce qui va me permettre de répondre plus précisément à votre question. L’une des critiques les plus constamment adressées à l’islam est en effet son “archaïsme” (ses pratiques “d’un autre âge”, ses valeurs “dépassées”, le rôle qu’il attribue au respect, à l’honneur, au chef de famille, au sacré, sa propension à l’endogamie, etc.). Ces critiques sont tout à fait naturelles de la part des adeptes de la théorie du progrès et des défenseurs d’une “modernité” qui a fait de la consommation et du marché, c’est-à-dire du matérialisme pratique, l’alpha et l’oméga de la vie sociale.

    Ce sont d’ailleurs exactement les mêmes critiques qu’ils adressaient autrefois aux communautés enracinées de “l’Ancien Régime”, aux valeurs prémodernes fondées sur l’éthique de l’honneur. Ce qui est plus surprenant, c’est de voir une certaine “droite de tradition” se rallier aujourd’hui bruyamment à cette critique dont son propre héritage a été la victime dans le passé. Ceux qui combattaient la laïcité à l’époque des lois sur la séparation de l’Église et de l’État se joignent au chœur des défenseurs du laïcisme “républicain”.

    Ceux qui exaltaient des valeurs traditionnelles déjà dénoncées comme “archaïques” (c’est-à-dire comme tenant leur autorité de l’ancienneté de la tradition) à l’époque des Lumières, se transforment en champions d’une modernité qui se félicite de s’être édifiée sur les ruines des sociétés traditionnelles et la liquidation méthodique des valeurs du passé. Spectacle sidérant. Ajoutons, sans entrer dans le détail (le sujet est immense), qu’il y aurait aussi beaucoup à dire sur la façon dont le “virilisme” des sociétés musulmanes heurte de plein fouet une société occidentale de plus en plus dominée par les valeurs féminines…

    Dans le même ordre d’idées, dès que l’islam est évoqué en France, c’est encore en termes de marché : viande hallal, lignes de vêtements islamiques pour femmes, voire horaires de piscine réservés à tels ou telles : comme si l’islam était devenu un marché comme les autres. Votre avis ?

    Je ne vois rien de choquant à ce que les musulmans souhaitent manger halal, exactement comme les juifs veulent manger kasher. Bien entendu, je trouve également normal que ceux qui ne veulent manger ni halal ni kasher aient la liberté de le faire. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, non parce que les musulmans veulent « islamiser » la France, mais parce que de bons Français propriétaires d’abattoirs trouvent plus économique de supprimer l’étourdissement des animaux en alléguant une demande de viande halal qui excède largement la réalité. Le haut niveau d’exigence des lois sur la cacherout a aussi pour résultat que les parties du corps des animaux tués selon le rite juif qui sont jugées impropres à la consommation pour des raisons religieuses, sont recyclées dans le circuit “classique”.

    D’une façon plus générale, je ne suis pas hostile à ce que les différentes communautés aient la capacité légale de pratiquer des rites ou des coutumes qui leur sont propres aussi longtemps que cette pratique ne porte pas atteinte à l’ordre public (c’est le cas par exemple de la circoncision, qui ne contrevient pas à l’ordre public, bien qu’en toute rigueur elle contredise les dispositions légales interdisant les mutilations corporelles sur autrui).

    Lorsque l’ordre public est en jeu, c’est la loi commune qui doit s’appliquer – ce qui implique évidemment que celle-ci soit acceptée et reconnue par tous. C’est ainsi que j’ai pris position contre l’interdiction du voile islamique pour les élèves des établissements scolaires, car j’estime que le port du voile ne porte pas atteinte à l’ordre public. Il n’en va pas de même de la burqah.

    Être pleinement français tout en vivant sa religion musulmane, cela apparaît impossible à nombre de gens de droite, mais aussi de gauche, qui sont les premiers à défendre le défunt empire colonial français qui, paradoxe, a fait alors de la France la première puissance musulmane au monde. Schizophrénie ?

    La France tolérait très bien l’islam lorsqu’il était pratiqué dans des pays qu’elle avait conquis, et dont les habitants étaient privés de tout droits politiques. Dans certains cas, elle voyait même dans la religion musulmane un facteur de “modération”. N’oubliez pas néanmoins les activités des congrégations missionnaires.

    À droite, l’idéal a longtemps été la « conversion des indigènes ». À gauche, la colonisation était exaltée comme un moyen pour les « races supérieures » d’aider des peuples « primitifs » à combler leur « retard » dans la marche en avant vers le « progrès ». C’est encore aujourd’hui le schéma de base de l’idéologie du « développement ».

    Dans tous les cas, ce qui était ou continue d’être nié, c’est l’altérité des cultures et la capacité d’autonomie des peuples. Si schizophrénie il y a, elle est dans l’esprit de ceux qui nous disent qu’il faut aimer les autres au motif qu’ils sont en fait les mêmes, c’est-à-dire que leur altérité n’est que contingente, transitoire, illusoire ou secondaire.

    D’ailleurs, si l’Algérie était demeurée française, ce n’est pas six, mais quarante millions de citoyens français de confession musulmane qui camperaient sur le territoire…

    On l’oublie en effet trop souvent. Mais on ne parlait guère de l’islam à l’époque de la guerre d’Algérie, ce qui est un paradoxe parmi d’autres.

    Lors des premières polémiques sur le voile, Bernard-Henri Lévy avait dit que tout cela deviendrait « soluble dans les jeans »… Chez les fils et filles de France, nous préférerions que cela le soit dans les terroirs, les vieilles pierres, les fromages et les chansons de Georges Brassens. Peut-être nous trouvez-vous trop optimistes ?

    Un peu trop, en effet. Pour l’excellente raison, déjà, que les Français dits “de souche” ne sont pas les derniers, aujourd’hui, à ne pas ou à ne plus se reconnaître dans ce qui a fait leur identité. On peut difficilement reprocher aux plus récents arrivés de ne pas être plus patriotes que des autochtones qui devraient l’être tout naturellement.

    Mais ce problème doit évidemment être replacé dans une perspective plus vaste. Quel sens peut avoir aujourd’hui la notion même “d’identité” ? Comment doit-elle être posée ? De quelles façons peut-elle être reconnue ? Pourquoi n’avons-nous plus la capacité de transmettre ? Ce sont quelques unes des questions auxquelles j’ai essayé de répondre dans mon livre intitulé Nous et les autres.

    Quant on parle des racines chrétiennes de la France, ne commet-on pas une erreur sémantique ? Car pour filer la métaphore horticole, les racines de la France sont historiquement païennes, le tronc chrétien et les branches juives et musulmanes…

    Tout à fait d’accord.

    De fait, le vocable de « judéo-chrétien » ne vous semble-t-il pas être un peu utilisé à tort et à travers ? Et n’est-il pas finalement une sorte d’oxymore, sachant qu’il y a bien plus de points communs entre chrétienté et islam qu’entre chrétienté et judaïsme ?

    Jésus, dans l’islam, est honoré comme un prophète de vérité. Dans le judaïsme orthodoxe, il est dénoncé comme un imposteur. Les passages qui le concernent dans le Talmud, que l’on a regroupés sous le nom de Toledot Yeshu, sont à cet égard tout à fait parlants.

    Durant les premiers siècles, les partisans de Jésus (nosrim, Nazoréens) étaient même les principaux destinataires d’une malédiction rituelle, la birkat ha-minim, qui était récitée régulièrement dans les synagogues et qui s’est perpétuée durant des siècles. Les chrétiens, bizarrement, ne semblent guère sensibles à ce contraste.

    Quant au vocable « judéo-chrétien », dont on fait en effet un usage très excessif aujourd’hui, son emploi ne se justifie que dans deux contextes bien précis. Un contexte théologique, lorsqu’il s’agit de qualifier des thématiques communes au christianisme et au judaïsme – qui sont aussi, bien souvent, des thématiques communes à l’islam. Et un contexte historique, qui renvoie au tout début du christianisme : les judéo-chrétiens sont ces disciples du Jésus d’origine pétrinienne ou jacobienne, dont j’ai déjà parlé, qui se refusent à suivre Paul lorsque celui-ci prétend que l’ancienne Loi est devenue caduque et que la religion nouvelle doit s’ouvrir à tous les hommes.

    Deux traditions sont importantes pour apprécier les développements du judéo-christianisme avant comme après 135. La première est la tradition relative à la mort de Jacques le Juste, lapidé à Jérusalem par des opposants à la branche chrétienne du judaïsme, dans les années 62-64. La seconde est la tradition relative à la migration à Pella de la communauté chrétienne de Jérusalem lors de la première révolte juive, dans les années 66-68.

    Dans une récente livraison de votre revue, Éléments, vous avez longuement interrogé un médiéviste italien, catholique de tradition qui, sur de longues pages, explique comment Orient et Occident, tout en se confrontant, se sont enrichis l’un l’autre. Sans tomber dans la nostalgie du passé, de telles alliances seraient-elles susceptible de renaître un jour, surtout lorsque l’on sait, à vous lire, que nous arrivons, non point à la fin du monde, mais à la fin d’un monde ?

    Mon ami Franco Cardini, médiéviste généralement considéré comme l’un des principaux historiens italiens contemporains, présente la particularité d’être à la fois un catholique de tradition et d’avoir constamment critiqué l’hostilité systématique à l’islam entretenue dans son milieu d’origine. Cardini, dans ses ouvrages, a multiplié les mises au point, rappelant notamment que les relations entre l’islam et la chrétienté ont été loin, dans l’histoire, de se ramener à une suite d’affrontements sans merci. Il a ainsi pris position contre les tenants d’une conception manichéenne de l’histoire, qui se font l’idée d’un « islam éternel », qui serait toujours et partout le même, et d’une « chrétienté » pareillement imaginaire, une idée sans rapport avec la réalité.

    Dernière question. Que vous inspire la Charte des Fils de France ?

    Beaucoup de sympathie, bien entendu. L’association Fils de France cherche à développer l’amour de la France chez nos concitoyens musulmans sans leur demander de renier leurs croyances, ni faire payer leur nécessaire adhésion à la « maison » commune de l’oubli de leurs racines particulières. C’est un vaste programme, aurait dit le Général ! Il ne sera pas facile à réaliser. Qui ne voit aujourd’hui les obstacles de toutes sortes qui peuvent empêcher d’y parvenir ? Camel Bechikh, le président de l’Association, ne manque pas en tout cas de courage, puisqu’il n’hésite pas à prôner l’arrêt des « vagues migratoires », tout en affirmant que « connaître la France, c’est l’aimer ». Je vois déjà les critiques dont il ne manquera pas d’être l’objet, tant de la part de certains chrétiens que de la part de certains musulmans. Je lui apporte, quant à moi, mon fraternel salut.

    Alain de Benoist, propos recueillis par Daoud Ertegun (12 juillet 2012)

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  • La nouvelle Grande Russie...

    Les éditions Ellipses viennent de publier La nouvelle grande Russie, un ouvrage de Xavier Moreau qui revient sur le formidable effort de redressement entrepris depuis 1998 par les dirigeants russes. Saint-Cyrien et ancien officier parachutiste, Xavier Moreau est un spécialiste des questions géopolitiques et a, par ailleurs, fondé une société de conseil en sûreté des affaires qui travaille essentiellement dans les pays de l'ex-Union soviétique.

     

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    "Ce manuel est une authentique analyse géopolitique du redressement politique et économique de la Russie pourtant héritière de l'Union soviétique, déroulant ses dates clés sur les vingt dernières années. Il entreprend avec originalité de faire comprendre au lecteur comment de superpuissance déclinante elle est devenue un acteur clé du monde multipolaire tel qu'il se dessine aujourd'hui et pour les années à venir. En reprenant à chaque date les mêmes rubriques de la collection « Les dates clés »(intérêt ; contexte ; document ; commentaire), l'auteur garantit au lecteur de ce manuel un outil lui laissant toute liberté dans la façon de l'utiliser pour augmenter ses connaissances et se forger une opinion sur l'épopée la plus dense et la plus surprenante de l'après-guerre froide ainsi qu'un commentaire particulier et original des étapes de la reconstruction de l'État russe."

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  • L'Europe meurt, et c'est tout...

    Nous avons cueilli sur le site Scriptoblog une réponse de Michel Drac à l'article de Marc Rousset, intitulé Vers une Union carolingienne. Michel Drac est l'animateur des éditions Le retour aux sources et est lui-même l'auteur de plusieurs essais percutants comme La Question raciale (Le retour aux sources, 2009) et Crise économique ou crise du sens ? (Le retour aux sources, 2010).

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    Réponse à Marc Rousset : l'Europe se meurt, et c'est tout

    L’Europe se dirige à terme vers une union carolingienne, nous dit monsieur Marc Rousset.

    Personnellement, je ne demande qu’à le croire.

    Autant l’empire thalassocratique anglo-saxon me répugne, autant le Saint Empire me convient.

    Je l’avoue : ce qui m’intéresse dans la France, c’est qu’elle fut la matrice de l’Europe. En réalité, quand je défends la France, je défends cette matrice. Le but, c’est de sauver l’Europe, c'est-à-dire l’idéalisme philosophique incarné dans le politique. Je l’ai écrit dans un petit bouquin commis il y a quelques années (Céfran). Je ne renie rien de ce que j’ai écrit.

    MAIS

    Mais le « petit » problème dans le propos de monsieur Rousset, c’est tout simplement que l’Europe ne prend pas du tout cette direction-là.

    A vrai dire, l’Europe ne prend aucune direction.

    Et la responsabilité de cet état de fait incombe principalement à l’actuel gouvernement allemand.

    Bien sûr, Hollande est un olibrius. Ou disons : il n’a que les moyens de se comporter en olibrius (l’homme en lui-même est une énigme). Son programme économique a été appuyé sur des prévisions de croissance probablement piochées dans un épisode de la saga des bisounours. En fait, il n’a aucun programme, et il le sait très bien. D’où, d’ailleurs, son activisme sur diverses questions sociétales (mariage homo, vel d’hiv, etc.). Pendant qu’on parle de ça, au moins, on ne lui demande pas ce qu’il veut faire concrètement sur le plan économique.

    C’est évident, je n’y reviens pas : les foireux du PS foirent, comme on pouvait s’y attendre. A vrai dire, nous avons été quelques centaines de milliers d’électeurs du FN à laisser passer le PS justement pour ça : pour qu’il nous débarrasse de Sarko et qu’ensuite, il foire. Ok, tout roule.

    Flamby a un peu inquiété les Allemands au début. Ils étaient habitués à un Président français qui dissimulait son absence de vision stratégique derrière un activisme frénétique, et faisait semblant d’être d’accord avec Merkel alors que celle-ci n’ayant en réalité pas de ligne, on ne peut évidemment pas partager une ligne qu’elle n’a pas. Ils ont été surpris par ce nouveau Président français qui, lui, dissimule son absence de vision stratégique derrière une immobilité suggérant la réflexion, et plus encore de découvrir qu’on pouvait finalement ne pas être d’accord avec une ligne que, de toute manière, Merkel n’a toujours pas.

    A présent, les Allemands ne s’inquiètent plus, ou disons plus beaucoup. Ils ont compris que le Français est là pour faire semblant d’avoir des idées, faire semblant de réindustrialiser le pays (alors qu’il ne peut rien en réalité), faire semblant d’être social, et même faire semblant de faire semblant, car à vrai dire on en est là, plus personne n’y croit, le roi est nu mais personne n’ose le dire tant que le roi lui-même ne l’avoue pas. Les Allemands, il faut le leur reconnaître, sont devenus assez bons dans le décodage de leurs voisins français. La pratique, sans doute.

    Mais les choses étant ce qu’elles sont, la très prévisible foirade Flamby n’a en réalité aucune importance. Au point où nous en sommes, la question est uniquement de savoir ce que l’Allemagne va décider. Car, étant la seule à pouvoir encore (provisoirement) payer, elle est de fait en situation de prendre les décisions pour le compte des autres.

    Or, la vérité est que l’Allemagne ne décide rien. Elle ne peut pas. La coalition Merkel est déchirée, sans qu’on arrive d’ailleurs à comprendre qui au juste défend quelle ligne. On dirait le choc mou de deux blocs informes : d’un côté ceux qui veulent faire sortir de la zone euro les pays les plus problématiques (Grèce, mais aussi à terme Espagne, Portugal, sans doute l’Irlande pour finir, voire l’Italie) ; de l’autre côté, ceux qui s’accrochent à la « monnaie unique » parce qu’elle est finalement la seule chose qui permet encore de se donner l’impression qu’on va quelque part. A en juger par la grande presse, la droite d’affaires (Die Welt) veut « faire le ménage » dans la zone euro, tandis que la classe politique, même de droite, est plus circonspecte. Mais allez savoir qui au juste veut quoi au sein du patronat allemand. C’est compliqué : si la zone euro explose, le Mark reconstitué va s’envoler, et l’Allemagne perdra son avantage compétitif intra-européen ; si elle n’explose pas, il faudra bel et bien allonger des sommes prodigieuses (peut-être 2 000 milliards d’euros) pour sauver en catastrophe l’Europe du sud. Dans les deux cas, ça fait mal.

    Montebourg est complètement à côté de la plaque lorsqu’il compare Merkel à Bismarck. A vrai dire, c’est même grotesque. Bismarck fut sans doute le plus grand homme d’Etat européen du XIX° siècle. Sous sa direction, la Prusse a fait un sans faute. La seule grosse erreur, l’annexion de l’Alsace-Lorraine : il était contre, elle lui a été imposée par Guillaume Ier. Sans faute pour le Junker Bismarck. Un géant.

    Merkel, par contre, est une naine.

    Elle n’est pas l’idiote que l’on raille sur le web à cause de vidéos sorties de leur contexte, où elle semble ne même pas savoir situer Berlin sur une carte. Evidemment. Ce n’est pas une imbécile. C’est même, sans aucun doute, quelqu’un d’un niveau sensiblement supérieur à la norme (atterrante) des politiciens actuels.

    Mais elle n’a tout simplement ni le charisme, ni la dimension, ni le caractère, ni l’ampleur de vue qui conviendrait à une personne dont dépend bel et bien, aujourd’hui, en théorie du moins, l’avenir de l’Europe. Elle se retrouve là où elle est parce que :

    Premièrement, ça arrangeait la CDU d’avoir à sa tête une ex-allemande de l’Est, mais pas trop : Merkel, née à l’ouest, fille de pasteur exerçant à l’est, opposante très discrète au système est-allemand, avait le profil ni-ni mou qui correspondait.

    Deuxièmement, formée à l’école RDA, c’est une apparatchik parfaitement adaptée au fonctionnement bureaucratique. Avec elle, le programme, c’est « pas de vagues » : rassurant. Elle en a donné de multiples illustrations lors de son parcours au sein de l’appareil CDU.

    Troisièmement, au moment de la guerre du Golfe, quand les Américains ont commencé à s’inquiéter sérieusement de l’orientation très, très « Ostpolitik » de Schröder, elle a eu l’intelligence tactique de se démarquer, se livrant à d’impressionnantes contorsions pour parvenir à ne pas condamner l’agression états-unienne sans rompre trop franchement avec l’opinion allemande.

    Quatrièmement, c’est une femme, et dans une Allemagne ravagée par le féminisme (comme le reste de l’Europe), c’est tendance.

    Cinquièmement, il faut le reconnaître, elle est extrêmement douée pour ménager en permanence la chèvre et le chou, dire juste ce qu’il faut pour rassurer le baby-boom pléthorique qui fait le gros de l’électorat allemand (âge moyen en Allemagne : 44 ans).

    Le tout pourrait faire un chancelier correct dans une période calme, où il s’agit surtout de ne pas faire de bêtise, et d’écouter attentivement ses conseillers pour laisser le temps aux classes dirigeantes d’incuber un consensus (la méthode allemande, depuis 1949).

    Mais cet ensemble de qualités devient un ensemble de défauts lorsqu’il faut décider. Merkel en est tout simplement incapable. Elle fait ce que le cours des choses l’amène à faire, c’est tout. Elle ne conduit pas sa politique, c’est sa politique qui la conduit. Une autruche la tête dans le sable, qui fait semblant de croire qu’on peut encore « sauver » l’euro, préserver les exportations allemandes sans renflouer des marchés qu’on a rendus insolvables – une absurdité.

    Une autruche et, avec elle, l’ensemble des classes dirigeantes allemandes : incapables de prendre une décision.

    Le résultat, c’est que le seul pays qui pourrait organiser sérieusement l’inévitable refonte de la zone euro… n’organise rien.

    Il est pourtant évident pour tout le monde, désormais, que l’Europe du sud ne peut pas avoir la même politique monétaire que l’Europe du nord.

    Le fédéralisme budgétaire n’y changera rien, parce qu’il s’agit là d’une impossibilité insurmontable.

    Ce serait possible si l’Allemagne acceptait, en gros, de transférer structurellement une fraction significative de son PIB. Mais le peuple allemand ne l’acceptera pas. Les Allemands de l’ouest ont payé pour leurs compatriotes de l’est, mais d’une part on a bien vu qu’ils n’avaient payé qu’avec réticence, et trop peu (le différentiel de niveau de vie reste important), et d’autre part il s’agissait d’Allemands. Peu nombreux en outre. La même chose n’est pas possible quand il s’agit de cent millions de méditerranéens.

    Ce serait possible aussi, à la rigueur, si l’Europe du sud importait soudainement les mécanismes qui expliquent la stabilité ordo-libérale de l’économie allemande. Mais cette importation est impossible, impossible en tout cas dans les délais brefs qu’exige la crise actuelle. Veut-on établir la cogestion en Grèce ? En Espagne ? Dans l’Italie du sud ? Mais c’est une vaste blague : la cogestion chez Don Corleone ! A un certain moment, il faudra tout de même comprendre que les structures sociales ne fonctionnent que si elles sont isomorphes avec les structures anthropologiques profondes. On ne transforme pas un Madrilène en Berlinois d’un coup de baguette magique. D’autant moins que le Madrilène est attaché à son mode de fonctionnement. Il a raison, d’ailleurs : comme n’importe qui, il doit persévérer dans son être. Sinon, il meurt. Le fait que son mode de fonctionnement soit, dans l’économie globalisée actuelle, moins performant que celui d’un Berlinois (et encore, ça se discute), ne le convaincra pas de renoncer à ce qu’il est.

    On dira : un protectionnisme européen changerait la donne. Il solidariserait spontanément l’Europe du nord et l’Europe du sud, les deux ayant forcément intérêt, dès lors, à étendre le marché continental – ce qui impliquerait sans doute, de la part des Allemands, un renoncement plus aisé à leur actuel modèle social, très régressif. Sans doute, mais : d’une part, ce protectionnisme n’est pas voulu par l’actuelle direction allemande ; en fait, c’est le contraire : c’est justement parce qu’elle ne pense pas l’Europe comme un espace protectionniste que l’Allemagne est obligée de la penser en référence à la monnaie unique. Et d’autre part, ce protectionnisme n’aurait aucun besoin de l’euro. Et s’il pousserait sans doute l’Allemagne à réviser son modèle social, rien ne garantit qu’il réduirait drastiquement le fossé qui sépare aujourd’hui les économies du sud et du nord, s’agissant des politiques monétaires optimales qu’elles appellent. Le modèle social-libéral allemand n’est pas la seule cause du différentiel de compétitivité qui s’est creusé depuis l’introduction de l’euro.

    En fait, les orientations actuelles du gouvernement allemand ne s’expliquent pas du tout par la volonté d’établir une Europe carolingienne. Elles ne font que traduire la tétanie qui s’est emparée de toutes les classes dirigeantes du continent. Elles sont en train, bien loin de solidariser les européens, de dresser les peuples de l’Europe du nord contre ceux de l’Europe du sud, où monte désormais une germanophobie à la fois compréhensible et, évidemment, stupide. Elles préparent tout simplement l’implosion économique de l’Europe, c’est tout. C’est d’ailleurs, du moins on peut le supposer, la raison profonde de l’insistance avec laquelle les Américains exigent de l’Allemagne qu’elle maintienne la zone euro, au moment précis où Wall Street et la City of London multiplient les attaques spéculatives.

    Il faut beaucoup d’imagination pour voir une étape vers une Europe carolingienne dans cette crispation presque puérile sur un projet, la monnaie unique, mal conçu parce que contraire aux réalités profondes de l’Europe. En fait, si, de l’absence de décisions qui caractérise les classes dirigeantes européennes, et allemandes en premier lieu, une Europe carolingienne doit sortir, ce sera que décidément, il fallait que ce fût, et quel chemin qu’on prît, on y serait parvenu.

    A un certain moment, il faut regarder les réalités en face. L’euro est un mauvais projet pour l’Europe. Il n’est pas ce dont notre continent a besoin. Il n’est d’ailleurs en rien inscrit dans les logiques relativement décentralisatrices propres à l’héritage politique carolingien. Il en est même le contraire : l’euro c’est l’unité par la centralisation et l’homogénéisation, forcée si nécessaire. On dirait une improbable synthèse entre ce que la France pouvait apporter de pire, son centralisme forcené, son tropisme niveleur, et ce que l’Allemagne pouvait, de son côté, apporter aussi de pire, son inclination irrationnelle pour la hiérarchisation à outrance, sa traditionnelle difficulté à penser la diversité sans l’accompagner d’une opposition quasi-théologique entre élus et réprouvés. Derrière les structures politiques, toujours, il y a un arrière-plan religieux : mélangez le pire du catholicisme gallican (ou de sa version laïcisée, le jacobinisme) et le pire du protestantisme germanique (et de sa traduction économique actuelle, l’inégalité « juste » instituée par l’ordo-libéralisme), vous aurez la zone euro. Prodige de l’euro : avoir cumulé les pathologies françaises et allemandes sans dégager le compromis dont l’Europe a besoin.

    Si une Europe carolingienne doit naître, elle le fera sur les ruines de la construction européenne actuelle, bruxelloise, technocratique, centralisatrice, bureaucratique, entièrement soumise aux intérêts du capital globalisé. Il y a plusieurs moyens d’arriver à cet objectif. Plusieurs scénarios de refonte de la zone euro sont envisageables. Mais pour l’instant, on ne prend aucun de ces chemins possibles.

    On suit la politique du chien crevé au fil de l’eau, on espère s’en sortir en allant toujours plus loin dans ce qui jusqu’ici n’a pas marché, parce qu’on se dit qu’au bout du bout, une cohérence se refera. La vérité, c’est que très probablement, on n’aura même pas le temps d’arriver à ce bout du bout pour voir ce qui s’y trouvait : toute la boutique sera par terre bien avant.

    Et, voilà le problème, on ne s’y sera pas préparé.

    Michel Drac (Scriptoblog, 25 juillet 2012)

     

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  • Le rouge et le gris...

    Les éditions Hors oeil ont publié en 2007 un livre-DVD intitulé Le Rouge et le Gris - Ernst Jünger dans la Grande Guerre et réalisé par François Lagarde et Lionel Broye. Le Rouge et le Gris est le titre que Jünger avait initialement envisagé de donner à Orages d'acier... A découvrir

     

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    "L'utopie est elle l'avatar d'une espérance illusoire selon laquelle toute guerre serait la dernière ? « Grande » fut qualifiée celle de 1914 qui n'était que l'avant-dernière, en attendant les suivantes, La Grande Guerre était bien la dernière d'un siècle où les soldats, en uniformes chamarrés et voyants, montaient encore à cheval, sabres au clair, au son des trompettes, avant de se fondre bientôt dans la grisaille vestimentaire et la gadoue des tranchées. Villages rasés, forêts ravagées, corps déchiquetés, monceaux d'obus et de ferraille, territoires lunaires, voilà ce que nous ont conté des écrivains qui allèrent aussi au feu : Erich Maria Remarque, Maurice Genevoix, Henri Barbusse, Fritz Von Unruh, Richard Aldington, Blaise Cendrars ; voilà ce que nous montrent, dans Le Rouge et le Gris (Livre DVD-Rom, réalisation de F. Lagarde et Lionel Broye, Hors Œil Editions), les innombrables photographies que François Lagarde a patiemment récoltées pendant dix ans sur tous les lieux où l'écrivain allemand Ernst Jünger fut quatorze fois blessé, reçut sa Croix pour le Mérite et mûrit secrètement son premier livre, Orages d'acier. C'est en suivant pas à pas cet itinéraire, en consultant des archives allemandes officielles ou familiales, des mairies, des historiens locaux, que le photographe, enquêteur obstiné, a pu composer un portrait inédit de cette Grande Guerre qui n'a pas tardé à passer de l'Histoire à la Légende. Du côté français, nous avions, certes, L'Illustration et Le Miroir, mais il nous manquait un autre aspect des champs de bataille. Le Rouge et le gris (premier titre d'Orages d'acier) nous révèle la face allemande de la guerre. Grâce à ces photos, collectées par François Lagarde avec la même passion qu'Ernst Jünger pour les coléoptères, nous pouvons réaliser ce que fut la vie quotidienne des fermes, des villages et de leurs habitants dans la tourmente. Suivre la guerre d'Ernst Jünger, c’est aussi accepter une vision différente, complémentaire, et jusqu'à maintenant inédite, d'un tragique épisode de notre Histoire.

    Un terme convient pour définir la Grande Guerre, c'est l'Héroïsme, ferment de la Légende. Les morts furent décrétés à jamais glorieux ; l'horreur, consacrée par la mémoire. Un quart de siècle plus tard, les noms de Birkenau, Buchenwald, Auschwitz, symboles de l'épouvante et de l'abjection, ont oblitéré ceux d'El Alamein, Stalingrad, Cassino ou Omaha Beach. L'Histoire de la « dernière » ne sera pas de sitôt transfigurée par la Légende. La guerre d'Ernst Jünger, telle que François Lagarde la recompose dans Le Rouge et le Gris, nous touche d'autant plus que, des deux côtés du Rhin, personne n'est plus là pour porter témoignage. Avant d'ouvrir cet émouvant et remarquable documentaire, il convient de lire la nécessaire préface par laquelle François Lagarde expose la genèse de son « aventure » dans le sillage d'un combattant, écrivain en puissance.

    Ce coffret comprend un DVD-Rom, Le Rouge et le Gris, Ernst Jünger dans la Grande Guerre, accompagné d'une préface de François Lagarde suivie d'un livret de photographies "Visite à Wilflingen". Le Rouge et le Gris se présente comme un film documentaire. Nous y entendons la voix du comédien Stéphane Laudier lisant des passages d'Orages d'acier. Nous découvrons l'ensemble des croquis d'Ernst Jünger extraits de ses carnets de guerre, associés à plus de 2000 photographies essentiellement allemandes.

    À travers les 20 chapitres d'Orages d'acier, une navigation constituée de cartes et diaporamas, permet une lecture des thématiques et séquences liées à la Grande Guerre et aux lieux traversés par Jünger. Dix ans de recherches furent nécessaires pour réunir ces photographies pour la plupart inédites et montrer le point de vue, méconnu, du vaincu."

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  • Une internationale des gangsters en col blanc ?...

    Nous reproduisons ci-dessous iun point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site Europe solidaire et consacré aux malversations d'ampleur mondiale commises par le système financier international...

     

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    L'internationale des gangsters à col blanc

    L'ONG Tax Justice Network a confié une étude sur les paradis fiscaux à un expert du domaine, James Henry, ancien chef économiste chez Mac Kinsey. Le contenu du rapport de ce dernier est progressivement remis à la presse. Il commence à susciter certains échos timides.


    Il n'y a pas de raisons sérieuses pour contester les éléments connus à ce jour du document, lesquels recoupent beaucoup d'informations obtenues par ailleurs de façon plus dispersée. Le journal britannique The Guardian vient d'en publier les premières conclusions. Il compare a juste titre les chiffres des sommes dissimulées à ceux des dettes publiques européennes , mises à la charge des contribuables européens dans le cadre du processus de rétablissement des équilibres budgétaires. Les sommes « évaporées » suffiraient à couvrir tous les déficits actuels. Or James Henry estime à seulement 10.000 dans le monde le nombre des super-riches bénéficiant de ces dissimulations.

    Selon le rapport, les 10 principales banques privées, dont UBS et Le Crédit Suisse pour la Confédération Helvétique, Goldman Sachs pour les Etats-Unis, ont contribué à dissimuler dans les pays qui garantissent le secret bancaire, Suisse et Iles Caïmans en premier lieu, une somme de 21 trillions de dollars (peut-être 25 ou 30). Il s'agit d'un montant égal au produit intérieur brut des Etats-Unis et du Japon réunis, les deux plus puissantes économies du monde. Un réseau efficace de banques privées, comptables, fonds d'investissement profite désormais de la levée des barrières douanières et réglementaires pour offrir aux privilégiés de ce monde les moyens d'échapper aux taxes et contrôles des Etats nationaux. Loin d'être « finis », comme l'avait affirmé Nicolas Sarkozy avec une rare impudence de la part d'un chef d'Etat, les paradis fiscaux ont vu les sommes abritées par eux multipliées par 4 ces cinq dernières années.

    Selon la Banque des Règlements Internationaux et le FMI, les sommes ayant échappé aux pays en développement seraient suffisantes pour payer les dettes que ces derniers ont contracté à l'égard du reste du monde. Les élites mondialisées de ces pays ont organisé ces fuites, avec la complicité des banques, au lieu de réinvestir leurs bénéfices dans leurs frontières d'origine.

    L'étude, qui ne prend pas en compte des actifs non financiers comme les biens immobiliers ou l'or, estime à 280 milliards de dollars le seul manque à gagner pour les Etats, en terme de revenus fiscaux. On doit ajouter, comme nous l'avions indiqué dans un précédent article, que les sommes ainsi détournées relèvent de processus dits d'évasions fiscales, sans être véritablement d'origine criminelles. Mais dans le même temps, les principales banques mondiales et leurs filiales dans les paradis fiscaux organisent l'accueil et le blanchiment des revenus des organisations mafieuses. L'enquête actuellement menées aux Etats-Unis concernant la banque britannique SHBC laisse deviner l'ampleur, sans comparaison avec celles de la dissimulation fiscale , des sommes d'origine criminelle transitant par cette banque, comme par ses homologues dans le monde.

    Certains s'étonnent que les gouvernements, qui n'ignorent rien de la réalité de ces comportements, continuent à ne pas lutter contre eux, autrement que par des mesures cosmétiques. Dans le même temps, au risque de pousser les populations à la révolte, comme en Grèce et bientôt en Espagne, ils continuent à réduire les dépenses publiques et sociales les plus nécessaires, et à relever les impôts. La France désormais socialiste s'est engagée dans un processus de ce type, sous la pression de ses voisins. Il est vrai que seule elle ne pourrait pas faire grand chose.

    Il serait cependant possible, au niveau de l'Union, que les gouvernements européens bloquent les failles réglementaires permettant aux multinationales et aux spéculateurs d'échapper à leurs charges. Il faudrait aussi intensifier les contrôles et les répressions au lieu de réduire les effectifs des services fiscaux et des tribunaux. Menées au niveau européen, ces politiques devraient être défendues dans le cadre de la coopération internationale auprès de pays comme les Etats-Unis qui prétendent souffrir des mêmes maux. Elles avaient certes été mentionnées au niveau du G20, qui avait prétendu lutter contrer les paradis fiscaux. Mais il ne faut pas se faire d'illusion. Aucun gouvernement ne prendra de mesures susceptibles de gêner en quoi que ce soit les intérêts de ses ressortissants les plus puissants.

    Ils n'ont plus peur de rien

    Tout laisse penser au contraire que les connivences depuis longtemps dénoncées par de rares économistes entre les intérêts financiers, les gouvernements et administrations publiques, les médias et l'internationale des super-riches se poursuivront indéfiniment. La crainte que tous ces gens pourraient éprouver face à d'éventuelles révoltes démocratiques ne résiste pas à l'analyse objective qu'ils font de leur situation. Comment les 90% des populations qui voient constamment maintenant leurs niveaux de vie se dégrader trouveraient-ils le courage et les ressources pour se révolter...d'autant plus que partout, y compris dans les « démocraties », se renforcent les moyens de coercition.

    Le politologue libéral américain Paul Craig Robert voit juste quand il estime que la chute de l'URSS à la fin du 20e siècle fut l'évènement majeur ayant autorisé le gouvernement américain et ses alliés à perdre toute prudence dans l'exploitation des populations. Le pouvoir soviétique n'avait plus guère de ressources, mais il pouvait encore, tant qu'il existait, polariser un minimum d'opposition au sein des pays capitalistes, et susciter de ce fait une certaine peur salutaire. A sa disparition, dit Paul Craig Roberts, les oligarchies occidentales ont considéré qu'elles avaient la voie libre pour mettre en coupe réglée les économies et les populations. On ne voit pas très bien ce qui pourrait aujourd'hui leur imposer plus de retenue.

    Sources
    * Tax Justice Network
    http://www.taxjustice.net/cms/front_content.php?idcat=148
    * The Guardian. Les élites mondiales ont dissimulé avec la complicité des banques 21.000 milliards de dollars dans les paradis fiscaux http://www.guardian.co.uk/business/2012/jul/21/global-elite-tax-offshore-economy 

    Jean Paul Baquiast (Europe solidaire, 25 juillet 2012)

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