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  • Le chemin des solitudes...

    Les éditions Jacob Duvernet ont récemment publié 24 - Le chemin des solitudes, un roman de Merri. Ce pseudonyme cache-t-il un agent de la DGSE ? On peut le penser puisque ce roman bénéficie d'une préface d'Alain Juillet, lui-même ancien de ce service au sein duquel il a assumé les fonctions de directeur du renseignement.

     

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    "Qui est 24 ?
    L'un de ces soldats de fortune qui propose ses services aux plus offrants ? Une sorte d'aventurier moderne envoyé sur des théâtres d'opération où les troupes régulières n'ont pas le droit de cité ? Ou tout simplement un soldat parmi tant d'autres pour qui servir a encore un sens...
    Dans ce récit palpitant, Merri nous plonge au coeur de la tourmente, sur les traces de ces hommes qui ont choisi lanonymat : 24, 09, et les autres. L'action est leur unique salut, leur seule raison d'être. Héros malgré eux, pétris de foi et de désenchantement, ils se meuvent dans un monde dans lequel ils ne se reconnaissent pas. Seuls comptent l'« Entité », le « clan » encore et toujours. Et puis, bien sûr, il y a « Elle », cette femme tant aimée et pourtant inaccessible.
    Capables de réciter la prière des parachutistes ou de fredonner la chanson The End des Doors, ces hommes manient aussi bien l'humour que la langue de bois, le glock l'arme fidèle que l'autodérision, après quelques verres de trop...
    Dans la vie de 24 et de ces hommes, il y a peu de place pour une existence sereine, car la voie escarpée qu'ils empruntent, celle où rôdent l'indifférence et la peine est sans retour. C'est le chemin des solitudes."

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  • Millénium : une si moderne trilogie...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Beauvillé, publié sur Causeur et consacré à Millénium, ce pseudo-polar nordique, indigeste et politiquement correct, de Stieg Larsson, qui fait déjà l'objet de deux adaptations cinématographiques...

     

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    Millénium : une si moderne trilogie

    La trilogie Millénium, œuvre du suédois Stieg Larsson, dont l’adaptation cinématographique par David Fincher est sortie en janvier, restera l’un des grands phénomènes d’édition des années 2000. Les raisons premières de cet engouement ont été largement établies : titres intrigants, qualité intrinsèque du récit policier, suspens prenant, personnages attachants, halo de mystère entourant l’auteur mort après avoir livré son ultime manuscrit, etc.

    Argent facile

    Mais allons un peu plus loin. Tâchons de comprendre comment la saga Millénium a pu entrer en résonance avec notre époque. Il apparaît en effet que la trilogie Millénium aborde en filigrane un certain nombre de thèmes situés au cœur des préoccupations contemporaines.
    Millénium a beaucoup plu aux journalistes . Et pour cause ! Mickael Blomkvist, le héros de la saga, est à lui seul une sorte d’idéal du métier : patron d’un journal d’investigation engagé contre les puissants, il est un jour grassement payé et logé par un millionnaire, Henrik Vanger, pour enquêter, en toute liberté, sur la disparition non-élucidée de la petite-nièce du magnat. En ces temps de précarité dramatique et de bouleversements du métier, la situation de Blomkvist a de quoi faire rêver plus d’un pigiste en galère ! Comme Blomkvist, l’autre héros de l’histoire, Lisbeth Salander, connaît un heureux destin financier. Son emploi en freelance dans une société de sécurité et d’espionnage lui assure des revenus réguliers jusqu’à ce qu’elle décroche le « jackpot », la fortune de l’homme d’affaire Wennerström détournée grâce à ses compétences en piratage informatique.

    Que ce soit pour Salander ou pour Blomkvist, un gros gain d’argent vient ainsi délivrer les protagonistes du souci de « travailler pour vivre ». Dans les deux cas, la fortune survient de manière miraculeuse, par un mécénat ou un acte de délinquance informatique.
    Que nous disent ces facilités financières décrites par Millénium ? Que l’on est vraiment libre et indépendant que si l’on roule sur l’or. Que l’aisance n’est liée à aucune forme d’effort particulier (mais à un talent presque inné, une façon d’être plutôt qu’une façon de faire), que la fortune peut résulter du hasard des circonstances, voire du viol caractérisé des lois par une personne présentée comme une victime de la société (Salander). En définitive, que l’argent facilement obtenu, par tout moyen, est enviable comme condition de la liberté individuelle… et de la vérité, puisque c’est au terme de son enquête subventionnée que Blomkvist fait la lumière sur l’histoire de la famille Vanger. Dans Millénium, roman bling-bling, gagner beaucoup et vite, c’est moralement bien, peu importe les moyens.

    Mickael Blomkvist a une vie sexuelle riche, faite de conquêtes multiples (Cécilia Vanger, Harriet Vanger, Lisbeth) et d’une relation suivie en la personne d’Erika Berger, son associée et collègue du journal Millénium, qui campe ce que l’on peut appeler sa « fuck friend ». A ce titre, le personnage de Blomkvist personnifie un deuxième fantasme, celui du quadra « séducteur malgré lui » qui tombe les petites jeunes en manque de figure paternelle et dont les collègues sont secrètement éprises. Une figure romanesque digne des plus belles pages de Biba, Cosmo, et autres merveilles iconoclastes de la presse féminine… De son côté, la bisexualité assumée de Lisbeth Salander lui ouvre les portes de nombreuses expériences, hétéro (avec Mickael Blomkvist, avec le jeune George Bland aux Caraïbes) ou homo (avec Myriam Wu), en une liberté totale guidée par l’instinct et l’instant.

    Des méchants très méchants

    En regard des deux figures attachantes, riches, libres, engagées et sexy du journaliste et de la hackeuse, les méchants de l’histoire font pâle figure. Dans le premier tome, icônes des anciens ordres patriarcaux, « les hommes qui n’aimaient pas les femmes » sont des homosexuels refoulés, des sadiques machos dominateurs qui abusent de leur position sociale (tuteur de jeune délinquante ou riche père de famille) pour assouvir de bas instincts misogynes et incestueux. Dans le second tome, les ennemis sont des bikers buveurs de bière et néo-nazis. Le troisième tome m’est, je l’avoue, tombé des mains. Figures du Mal, usées jusqu’à la corde, degré zéro de la création scénaristique, mais procédés inspirés par l’engagement personnel de l’auteur Stieg Larsson de son vivant. Entendons-nous bien : il n’est pas question ici de souhaiter lire ou voir des œuvres qui présentent l’extrémisme de droite comme une idéologie sympathique. Mais bien de déplorer le manque d’imagination des esprits créateurs quand il s’agit d’imaginer un mal absolu. Quel pire méchant peut-on trouver que des nazis pédophiles ? Des extra-terrestres cannibales nazis pédophiles peut-être… Amis auteurs et scénaristes, encore un effort !

    Millénium, sous une apparence iconoclaste et innovante, reste donc un parfait roman de l’époque.

    Pierre de Beauvillé (Causeur, 22 janvier 2012)

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  • Le vide stratégique...

    Les éditions du CNRS publient cette semaine un essai de Philippe Baumard intitulé Le vide stratégique. Professeur et chercheur à Polytechnique, Philippe Baumard est l'auteur de plusieurs essais consacré à la stratégie, à l'information et à la prospective.

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    "Affolement des marchés, des médias, des responsables politiques, réactions aveugles, emballements des dettes souveraines, spéculations financières, révolte des peuples et répressions : et si la succession des crises et des impasses où elles semblent nous conduire résultaient d’un vide stratégique ?

    Produit d’une lente construction qui, depuis la Guerre froide, a remplacé l’art de la stratégie par celui de la seule tactique, le vide stratégique est aujourd’hui la conséquence d’une information surabondante, d’un culte exagéré du calcul, de la dictature de l’immédiat. Il crée des situations où les modèles, comme les idéologies, se révèlent incapables d’expliquer, de comprendre et de prédire ce qui survient.

    Après avoir rappelé les évolutions de la pensée stratégique, de Sun Zi et des strategoi athéniens à Clausewitz et Galula, l’auteur montre comment la disparition du stratégique au début du XXIe siècle empêche de penser le futur pour se limiter au seul contrôle du présent. Synonyme d’ignorance, de défaillance et d’absence de discernement, le vide stratégique est devenu une source extraordinaire de profits pour la grande criminalité, les sociétés militaires privées, les trafiquants, les intermédiaires financiers. Ce monde qui a perdu sa capacité à définir et à expliquer l’état des choses n’a, paradoxalement, jamais créé autant de richesses. Ni autant de pauvreté...

    Un essai qui sonne comme un avertissement."

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  • L'insolence des anarchistes de droite...

    Nous reproduisons ci-dessous un article de Dominique Venner, publié dans Spectacle du Monde (décembre 2011) et consacré aux anarchistes de droite, dans lequel il évoque la figure de l'écrivain A.D.G. et celle de Jean-Patrick Manchette, qu'on peut indubitablement faire rentrer dans la sous-catégorie des anarchistes de droite de gauche !...

     

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    L'insolence des anarchistes de droite

    Les anarchistes de droite me semblent la contribution française la plus authentique et la plus talentueuse à une certaine rébellion insolente de l’esprit européen face à la « modernité », autrement dit l’hypocrisie bourgeoise de gauche et de droite. Leur saint patron pourrait être Barbey d’Aurévilly (Les Diaboliques), à moins que ce ne soit Molière (Tartuffe). Caractéristique dominante : en politique, ils n’appartiennent jamais à la droite modérée et honnissent les politiciens défenseurs du portefeuille et de la morale. C’est pourquoi l’on rencontre dans leur cohorte indocile des écrivains que l’on pourrait dire de gauche, comme Marcel Aymé, ou qu’il serait impossible d’étiqueter, comme Jean Anouilh. Ils ont en commun un talent railleur et un goût du panache dont témoignent Antoine Blondin (Monsieur Jadis), Roger Nimier (Le Hussard bleu), Jean Dutourd (Les Taxis de la Marne) ou Jean Cau (Croquis de mémoire). A la façon de Georges Bernanos, ils se sont souvent querellés avec leurs maîtres à penser. On les retrouve encore, hautins, farceurs et féroces, derrière la caméra de Georges Lautner (Les Tontons flingueurs ou Le Professionnel), avec les dialogues de Michel Audiard, qui est à lui seul un archétype.

    Deux parmi ces anarchistes de la plume ont dominé en leur temps le roman noir. Sous un régime d’épais conformisme, ils firent de leurs romans sombres ou rigolards les ultimes refuges de la liberté de penser. Ces deux-là ont été dans les années 1980 les pères du nouveau polar français. On les a dit enfants de Mai 68. L’un par la main gauche, l’autre par la  main droite. Passant au crible le monde hautement immoral dans lequel il leur fallait vivre, ils ont tiré à vue sur les pantins et parfois même sur leur copains.

    À quelques années de distances, tous les deux sont nés un 19 décembre. L’un s’appelait Jean-Patrick Manchette. Il avait commencé comme traducteur de polars américains. Pour l’état civil, l’autre était Alain Fournier, un nom un peu difficile à porter quand on veut faire carrière en littérature. Il choisit donc un pseudonyme qui avait le mérite de la nouveauté : ADG. Ces initiales ne voulaient strictement rien dire, mais elles étaient faciles à mémoriser.

    En 1971, sans se connaître, Manchette et son cadet ADG ont publié leur premier roman dans la Série Noire. Ce fut comme une petite révolution. D’emblée, ils venaient de donner un terrible coup de vieux à tout un pan du polar à la française. Fini les truands corses et les durs de Pigalle. Fini le code de l’honneur à la Gabin. Avec eux, le roman noir se projetait dans les tortueux méandres de la nouvelle République. L’un traitait son affaire sur le mode ténébreux, et l’autre dans un registre ironique. Impossible après eux d’écrire comme avant. On dit qu’ils avaient pris des leçons chez Chandler ou Hammett. Mais ils n’avaient surtout pas oublié de lire Céline, Michel Audiard et peut-être aussi Paul Morand. Ecriture sèche, efficace comme une rafale bien expédiée. Plus riche en trouvailles et en calembours chez ADG, plus aride chez Manchette.

    Né en 1942, mort en 1996, Jean-Patrick Manchette publia en 1971 L’affaire N’Gustro directement inspirée de l’affaire Ben Barka (opposant marocain enlevé et liquidé en 1965 avec la complicité active du pouvoir et des basses polices). Sa connaissance des milieux gauchistes de sa folle jeunesse accoucha d’un tableau véridique et impitoyable. Féministes freudiennes et nymphos, intellos débiles et militants paumés. Une galerie complète des laissés pour compte de Mai 68, auxquels Manchette ajoutait quelques portraits hilarants de révolutionnaires tropicaux. Le personnage le moins antipathique était le tueur, ancien de l’OAS, qui se foutait complètement des fantasmes de ses complices occasionnels. C’était un cynique plutôt fréquentable, mais il n’était pas de taille face aux grands requins qui tiraient les ficelles. Il fut donc dévoré.

    Ce premier roman, comme tous ceux qu’écrivit Manchette, était d’un pessimisme intégral. Il y démontait la mécanique du monde réel. Derrière le décor, régnaient les trois divinités de l’époque : le fric, le sexe et le pouvoir.

    Au fil de ses propres polars, ADG montra qu’il était lui aussi un auteur au parfum, appréciant les allusions historiques musclées. Tour cela dans un style bien identifiable, charpenté de calembours, écrivant « ouisquie » comme Jacques Perret, l’auteur inoubliable et provisoirement oublié de Bande à part.

    Si l’on ne devait lire d’ADG qu’un seul roman, ce serait Pour venger Pépère (Gallimard), un petit chef d’œuvre. Sous une forme ramassée, la palette adégienne y est la plus gouailleuse. Perfection en tout, scénario rond comme un œuf, ironie décapante, brin de poésie légère, irrespect pour les « valeurs » avariées d’une époque corrompue.

    L’histoire est celle d’une magnifique vengeance qui a pour cadre la Touraine, patrie de l’auteur. On y voit Maître Pascal Delcroix, jeune avocat costaud et désargenté, se lancer dans une petite guerre téméraire contre les puissants barons de la politique locale. Hormis sa belle inconscience, il a pour soutien un copain nommé « Machin », journaliste droitier d’origine russe, passablement porté sur la bouteille, et « droit comme un tirebouchon ». On s’initie au passage à la dégustation de quelques crus de Touraine, le petit blanc clair et odorant de Montlouis, ou le Turquant coulant comme velours.

    Point de départ, l’assassinat fortuit du grand-père de l’avocat. Un grand-père comme on voudrait tous en avoir, ouvrier retraité et communiste à la mode de 1870, aimant le son du clairon et plus encore la pêche au gardon. Fier et pas dégonflé avec çà, ce qui lui vaut d’être tué par des malfrats dûment protégés. A partir de là on entre dans le vif du sujet, c’est à dire dans le ventre puant d’un système faisandé, face nocturne d’un pays jadis noble et galant, dont une certaine Sophie, blonde et gracieuse jeunes fille, semble comme le dernier jardin ensoleillé. Rien de lugubre pourtant, contrairement aux romans de Manchettes. Au contraire, grâce à une insolence joyeuse et un mépris libérateur.

    Au lendemain de sa mort (1er novembre 2004), ADG fit un retour inattendu avec J’ai déjà donné, roman salué par toute la critique. Héritier de quelques siècles de gouaille gauloise, insolente et frondeuse, ADG avait planté entre-temps dans la panse d’une république peu recommandable les banderilles les plus jubilatoires de l’anarchisme de droite.

    Dominique Venner (Spectacle du monde, décembre 2011)

    Note

    Alain Fournier, dit ADG (1947-2004), un pseudonyme choisi à partir des initiales de son tout premier nom de plume, Alain Dreux-Gallou. Une oeuvre jubilatoire plein d ‘irrespect contre les “valeurs” avariées d’une époque corrompue.

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  • Le mythe de la bonne guerre...

    Les éditions Aden viennent de rééditer Le mythe de la bonne guerre, un ouvrage de l'historien belgo-canadien Jacques R. Pauwels consacré à la participation des Etats-Unis à la deuxième guerre mondiale sur le théâtre européen. Un livre qui écorne quelque peu le mythe, construit par la propagande américaine, du libérateur pur, amical et désintéressé...

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    "L’irruption des États-Unis dans la Deuxième Guerre mondiale doit-elle être considérée comme une croisade contre la barbarie nazie, la lutte du Bien contre le Mal ? Jacques Pauwels, historien canadien, brise le mythe.
    À ses yeux, les Américains étaient, en effet, loin d’être inintéressés par les ressources économiques et la dimension géostratégique des régions qu’ils allaient libérer.
    Ils débarquèrent donc avec une idéologie, des vues politiques, une conception des rapports sociaux à préserver et, bien entendu, avec l’idée qu’il fallait assurer les intérêt de leurs entreprises et du capitalisme américain. La crainte de l’expansion communiste et le désir d’en limiter les effets ne furent évidemment pas étrangers à cette philosophie interventionniste.
    Ce livre brise l’image d’Épinal du libérateur américain venant mourir sur les plages de Normandie dans un but uniquement philanthropique.
    Une contre-histoire de la Deuxième Guerre mondiale qui modifie radicalement notre vision du XXe siècle et offre un nouveau regard sur l’époque actuelle."


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  • Costa Concordia : un naufrage symbolique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré au naufrage, chargé de sens , du Costa Concordia...

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    Costa Concordia : un naufrage symbolique

    Les anciens Romains croyaient aux présages. Le naufrage inattendu du navire de croisière Costa Concordia dans la nuit du vendredi 13 janvier n’en est-il pas un ?

    Disneyland flottant

    Que sont ces bateaux de « croisière » sinon de gigantesques casinos flottants, symboles de la démesure et du bling-bling contemporains ?

    Le Costa Concordia était une sorte d’autobus à 15 ponts qui faisait le tour de la Méditerranée. Une croisière à l’américaine : à bord, on bronze, on mange, on boit, on s’amuse et surtout on dépense son argent 24 heures sur 24. Car il faut rentabiliser au maximum l’investissement ! C’est pour cette raison que ces bateaux sont devenus de véritables villes flottantes : plus les passagers sont nombreux, plus grands sont les profits ! Les passagers se comptent désormais par milliers à bord de ces Disneyland flottants.
    Quand les passagers débarquent quelque part, c’est pour visiter en troupeau les curiosités locales ; pour ne pas se perdre dans la foule, chaque croisiériste porte d’ailleurs un badge de couleur, en fonction de sa « bordée ». C’est l’âge de la « culture » de masse et du divertissement standardisé et programmé ! Adieu le charme des navires d’antan : place au commerce.

    Dans ces gigantesques bateaux tout est automatique, tout est informatisé, tout est tracé par GPS. Un chef-d’œuvre de technique et de sécurité !

    Le Titanic était aussi un chef d’œuvre de technologie pour l’époque : mais il a coulé tragiquement en 1912, d’une façon imprévisible. Et avec lui la Belle Epoque, qui va bientôt disparaître dans les tranchées de la Grande Guerre et dans la révolution bolchevique de 1917.

    Le naufrage du Costa Concordia n’est-il pas, lui aussi, symbole de celui d’une époque ?

    Le naufrage du meilleur des mondes

    Le Costa Concordia était à l’image de la société occidentale contemporaine : un « meilleur des mondes » pour ceux qui peuvent payer, tout plein d’illuminations et de strass.
    Mais au premier choc tout ce paysage à la Potemkine s’effondre et le capitaine disparaît.
    Le choc provient de quelques rochers qui ne figuraient pas sur les cartes. Pas de chance : le pilote automatique était débranché. Adieu la sécurité technologique ! Et puis le commandant semble avoir voulu passer trop près de la côte. Car dans le meilleur des mondes, les hommes ne réagissent jamais comme les experts l’avaient planifié…

    Le commandant aurait quitté prématurément le navire au mépris de toutes règles et traditions. Les traditions maritimes se perdent !
    Mais faut-il vraiment parler de commandant au cas d’espèce ? Le mot hôtelier serait sans doute plus approprié, car ces « bateaux » sont en réalité des hôtels flottants, avec des centaines de cabines climatisées, dotées de minibars et de télévisions par satellite, et de nombreux restaurants. Ah oui, bien sûr, il y a la télévision dans les cabines : vous ne voudriez tout de même pas que les « croisiéristes » profitent de la croisière pour lire ou pour regarder la mer !

    Le cosmopolitisme à l’œuvre

    Le Costa Concordia était aussi une ville cosmopolite : outre les passagers, le millier d’hommes d’équipage étaientt de 40 nationalités différentes. Comme en Seine-Saint-Denis ! Sans doute un bon moyen de diminuer les charges salariales pour les armateurs, qui sont les vrais bénéficiaires du système. Mais, hélas, les rescapés disent que ces marins – dont beaucoup étaient asiatiques – ne parlaient ni italien ni anglais. Dans cette Tour de Babel flottante on ne se comprenait pas !

    Ce n’était pas trop grave quand il s’agissait de verser des cocktails ou de faire les chambres. C’est devenu un problème quand il a fallu manœuvrer dans un navire en perdition, utiliser les chaloupes ou rassurer les passagers gagnés par la panique. Comme quoi la « diversité » n’est pas un avantage, ni en mer ni à terre.

    La chute

    Tout le monde a vu les images de ce navire échoué, couché sur le flanc.
    Quelle triste représentation de l’effondrement proche d’une société réduite au spectacle, aux loisirs et au culte du Veau d’or ! Quel triste spectacle que cette mosaïque d’hommes et de femmes, agglutinés les uns aux autres, dans leurs gilets de sauvetage réglementaires, mais qui ne se comprennent plus et qui découvrent que leur « paradis » devient un enfer liquide ! Mais les armateurs, eux, ne s’estiment pas responsables du désastre. Ils sont bien au chaud et au sec. Vraiment cette situation ne vous rappelle rien ?

    Les Européens sont comme les passagers du Costa Concordia si mal nommé : ils attendent qu’un vrai commandant se préoccupe enfin de les mener à bon port, plutôt que de s’occuper des profits des commanditaires.

    Michel Geoffroy (Polémia, 18 janvier 2012)

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