Au sommaire :
- sur le site du quotidien Le Monde, la démographe Michèle Tribalat souligne le poids croissant de l'islam dans notre pays...
- sur Metamag, Julien Peyrie s'interroge sur le phénomène "Arnaud Montebourg"...
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Mettre au pas les marchés financiers !...
Dans cette chronique, mise en ligne sur Realpolitik.tv, Hervé Juvin revient sur la crise qui secoue les marchés financiers et souligne la necessité urgente de leur redonner une place subordonnée à l'économie réelle...
L'organisation des marchés au service de la... par realpolitiktv -
Mort pour l'Irlande !...
Les éditions Gallimard viennent de publier Le rêve du Celte, le dernier roman de Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature 2010, qui est consacré à Sir Roger Casement, ancien diplomate britannique devenu célèbre pour son combat contre le colonialisme et sa conversion à la cause du nationalisme irlandais. Arrêté quelques jours avant le déclenchement du soulèvement de Pâques 1916, alors qu'il avait établi des contacts avec le gouvernement allemand, il a été condamné à mort pour haute trahison et pendu le 3 août de la même année à la prison de Pentonville, à Londres.
"Le thème central de ce roman, conduit au rythme haletant des expéditions et des rencontres du protagoniste, est la dénonciation de la monstrueuse exploitation de l’homme par l’homme dans les forêts du Congo, alors propriété privée du roi Léopold II de Belgique, et dans l’Amazonie péruvienne, chasse gardée des comptoirs britanniques jusqu’au début du XXe siècle. Personnage controversé, intransigeant, peu commode, auteur d’un célèbre rapport sur l’Afrique qui porte son nom, l’aventurier et révolutionnaire irlandais Roger Casement (1864-1916) découvre au fil de ses voyages l’injustice sociale mais également les méfaits du colonialisme qu’il saura voir aussi dans son propre pays. Au rêve d’un monde sans colonies qui guidera son combat, viendra ainsi s’ajouter, comme son prolongement nécessaire, celui d’une Irlande indépendante. Tous les deux vont marquer la trajectoire de cet homme intègre et passionné dont l’action humanitaire deviendra vite une référence incontournable mais dont l’action politique le conduira à mourir tragiquement dans la disgrâce et l’oubli."
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L'émergence des guerres criminelles...
Nous reproduisons ici un article du criminologue Alain Bauer, cueilli sur le site du Nouvel Economiste et consacré à la montée en puissance des organisations criminelles dans le monde chaotique qui nous entoure.
L'émergence des guerres criminelles
Longtemps on a vu le criminel comme un individu singulier, parfois épaulé par un petit groupe (une bande, un gang, un posse…) qui, au rythme d’une carrière plus ou moins spectaculaire, construisait une légende ou un mythe. Chefs de gang, meurtriers en série ou de masse ont ainsi construit leur image au rythme du développement des moyens de communication. Quel média pourrait survivre sans sa (ses) page(s) de faits divers ?
Public, journalistes, et parfois policiers étaient eux- mêmes fascinés par ces “beaux voyous” et quelques road-movies plus ou moins imaginaires mais basés sur des faits réels, condensés dans le temps et dans l’espace.
Depuis la reconnaissance, un peu forcée, par Edgar Hoover de l’existence de la Mafia aux Etats-Unis, après le “raid d’Apalachin” fin 1957, le crime organisé a trouvé sa place. Mais pendant longtemps, il n’était identifié que par des chefs de file de familles, ayant développé des “business models” marqués par des opérations criminelles classiques (racket, prostitution, trafics) largement sous-estimées. L’industrialisation financière du crime a connu sa première étape marquante dans les années 80 par le siphonage des caisses d’épargne américaines (160 milliards de dollars) puis des banques hypothécaires japonaises (plus de 800 milliards de dollars détournés). Les organisations criminelles russes ne rateront pas les opportunités de la privatisation des années 90 en détournant près de 100 milliards de dollars. Les Mexicains prendront immédiatement la suite en prélevant près de 120 milliards durant la crise “Tequila” en 1994/1995. Puis le crime organisé thailandais en 1997, les Argentins en 1998, avant le retour de la crise des subprimes en 2009 qui cette fois-ci atteindra la planète entière.
Non seulement la mondialisation criminelle n’a pas attendu celle des Etats, mais elle les a atteints au cœur. De plus, considérant la faiblesse de certains Etats, les cartels criminels ont décidé de recréer des territoires qui ne sont plus limités à quelques jungles difficiles d’accès, comme ce fut le cas pour les FARC en Colombie ou du Triangle d’or birman.
Ainsi, depuis quelques années, les conflits entre cartels mexicains au nord du pays se sont traduits par des massacres dont la quantification dépasse désormais le bilan des conflits afghans etirakiens réunis. Dans certaines villes mexicaines, de véritables armées, équipées et en uniforme, tentent de prendre le contrôle des localités dans des batailles rangées. C’est d’ailleurs irrégulièrement le cas lors de confrontations avec les garde-frontières américains confrontés à des véhicules blindés des cartels.
Le 20 septembre dernier, l’un des cartels a ainsi “livré” en pleine ville de Boca del Rio une cargaison de 35 cadavres, la plupart torturés ou mutilés.
A Karachi, une ville de 20 millions d’habitants, la guerre se poursuit au quotidien et dépasse largement les opérations commandées par des talibans contre l’Etat pakistanais ou les Occidentaux.
La situation se dégrade au jour le jour au Guatémala, fief des Maras. La piraterie se développe à un rythme quasi exponentiel dans le golfe d’Aden et au large de la Somalie, gagnant des territoires maritimes de plus en plus étendus.Les autorités chinoises, souvent discrètes, ont ainsi annoncé publiquement avoir démantelé des triades fortement implantées et arrêté plusieurs milliers d’individus en raison de leurs activités criminelles.
Les actions de la criminalité organisée sont devenues de véritables opérations militaires, disposant de moyens de plus en plus modernes et capables de se confronter aux forces étatiques les plus structurées, et pas seulement dans des Etats échoués.
Il semble encore difficile à certains grands Etats d’admettre la réalité d’un monde chaotique qui se développe malgré eux. Les structures publiques rêvent encore d’un espace disparu où seules des superpuissances feraient régner un ordre supérieur, uniquement perturbé par quelques opérateurs criminels se contenant du tout-venant habituel. Il sera toujours temps de forger un concept médiatique pour traiter, après “l’hyperterrorisme”, de “l’hypercriminalité”. En attendant cette révélation tardive, le crime se développe. Il est devenu un acteur financier majeur. Il est en train de se construire un espace géopolitique impressionnant.
Le rôle des criminologues ne se limite pas à celui de Pythie désespérée ou de Cassandre désabusée. Avec mes collègues Xavier Raufer ou François Haut, dans ces colonnes et ailleurs, notre rôle est d’informer et d’alerter, y compris en tentant de sortir du conformisme ambiant. Nous ne prévoyons ou n’anticipons rien qui n’aurait, sur cette question, déjà eu lieu. Rien de ce qu’un esprit honnête ne puisse constater par lui-même. Le temps stratégique s’accélère au rythme d’Internet. Comme l’enracinement criminel un peu partout sur la planète.
Il serait temps de se rendre compte de la réalité. Au Mexique, au Pakistan, en Amérique centrale… Et ailleurs.Alain Bauer (Le nouvel Economiste, 30 septembre 2011)
1. Voir notamment son excellent Quelles guerres après Oussama ben Laden, Plon 2011.
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Mensonges et vérités de l'histoire...
Les éditions Studyrama, dans leur collection Kroniques, publient sous la direction de Guillaume Bernard et de Jean-Pierre Deschodt un ouvrage intitulé Mensonges et vérités de l'histoire, qui rassemblent des contributions d'historiens qui s'attaquent à ce qu'ils considèrent comme des mythes historiques... Stimulant !
"Cet ouvrage reprend et compile les titres déjà parus dans la collection Studyrama perspectives, Mythes et polémiques volumes 1 et 2, en les complétant par de nouveaux articles.
Rassembler des textes de personnes aux options philosophiques et politiques différentes, voilà l'objet de cet ouvrage qui ne prétend nullement défendre une " thèse ". Dans cet ouvrage, chaque contributeur est l'égal d'un bretteur, libre de ses coups et de ses propos. Loin d'être un manifeste, ce travail restitue la libre critique, parfois polémique, que chaque auteur entend exprimer en traitant du mythe, de la légende ou de l'énigme historique qu'il voulait discuter : le Suaire de Turin, la chute de l'Empire romain, le roi Arthur, l'an mil, les croisades, l'Inquisition, les templiers, Jeanne d'Arc, l'assassinat d'Henri IV, la révocation de l'édit de Nantes, le masque de fer, la Révolution, les guerres de Vendée, la colonisation, le parti communiste et la résistance, Pie XII, le sionisme, l'idée européenne, l'information..." -
Mort à crédit !...
Le nouveau numéro d'Eléments est en kiosque. il est aussi disponible sur le site de la revue. Vous pouvez lire ci-dessous l'éditorial de Robert de Herte, alias Alain de Benoist, consacré au système du crédit.
Mort à crédit
Ezra Pound, au chant XLV de ses célèbres Cantos : « Par usura n’ont les hommes maison de pierre saine / blocs lisses finement taillés scellés pour que / la frise couvre leur surface / per usura / n’ont les hommes paradis peint au mur de leurs églises […] Par usura péché contre nature [with usura sin against nature] / sera ton pain de chiffes encore plus rance / sera ton pain aussi sec que papier / sans blé de la montagne farine pure / per usura la ligne s’épaissit / per usura n’est plus de claire démarcation / les hommes n’ont plus de site pour leurs demeures / et le tailleur est privé de sa pierre / le tisserand de son métier […] Les cadavres banquettent / au signal d’usura [Corpses are set to banquet / at behest of usura] ».
Les excès du prêt à intérêt étaient condamnés à Rome, ainsi qu’en témoigne Caton selon qui, si l’on considère que les voleurs d’objets sacrés méritent une double peine, les usuriers en méritent une quadruple. Aristote, dans sa condamnation de la chrématistique, est plus radical encore. « L’art d’acquérir la richesse, écrit-il, est de deux espèces : l’une est sa forme mercantile et l’autre une dépendance de l’économie domestique ; cette dernière forme est nécessaire et louable, tandis que l’autre repose sur l’échéance et donne prise à de justes critiques, car elle n’a rien de naturel […] Dans ces conditions, ce qu’on déteste avec le plus de raison, c’est la pratique du prêt à intérêt parce que le gain qu’on en retire provient de la monnaie elle-même et ne répond plus à la fin qui a présidé à sa création. Car la monnaie a été inventée en vue de l’échange, tandis que l’intérêt multiplie la quantité de monnaie elle-même […] L’intérêt est une monnaie née d’une monnaie. Par conséquent, cette façon de gagner de l’argent est de toutes la plus contraire à la nature » (Politique).
Le mot « intérêt » désigne le revenu de l’argent (foenus ou usura en latin, tókos en grec). Il se rapporte à la façon dont l’argent « fait des petits ». Dès le haut Moyen Age, l’Eglise reprend à son compte la distinction qu’avait faite le droit romain pour le prêt de biens mobiliers : il y a des choses qui se consument par l’usage et des choses qui ne se consument pas, qu’on appelle commodatum. Exiger un paiement pour le commodat est contraire au bien commun, car l’argent est un bien qui ne se consume pas. Le prêt à intérêt sera condamné par le concile de Nicée sur la base des « Ecritures » – bien que la Bible ne le condamne précisément pas ! Au XIIe siècle, l’Eglise reprend à son compte la condamnation aristotélicienne de la chrématistique. Thomas d’Aquin condamne également le prêt à intérêt, avec quelques réserves mineures, au motif que « le temps n’appartient qu’à Dieu ». L’islam, plus sévère encore, ne fait même pas de distinction entre l’intérêt et l’usure.
La pratique du prêt à intérêt s’est pourtant développée progressivement, en liaison avec la montée de la classe bourgeoise et l’expansion des valeurs marchandes dont elle a fait l’instrument de son pouvoir. A partir du XVe siècle, les banques, les compagnies de commerce, puis les manufactures, peuvent rémunérer des fonds empruntés, sur dérogation du roi. Un tournant essentiel correspond à l’apparition du protestantisme, et plus précisément du calvinisme. Jean Calvin est le premier théologien à accepter la pratique du prêt à intérêt, qui se répand alors par le biais des réseaux bancaires. Avec la Révolution française, le prêt à intérêt devient entièrement libre, tandis que de nouvelles banques apparaissent en grand nombre, dotées de fonds considérables provenant surtout de la spéculation sur les biens nationaux. Le capitalisme prend alors son essor.
A l’origine, l’usure désigne simplement l’intérêt, indépendamment de son taux. Aujourd’hui, on appelle « usure » l’intérêt d’un montant abusif attribué à un prêt. Mais l’usure est aussi le procédé qui permet d’emprisonner l’emprunteur dans une dette qu’il ne peut plus rembourser, et à s’emparer des biens qui lui appartiennent, mais qu’il a accepté de donner en garantie. C’est très exactement ce que nous voyons se passer aujourd’hui à l’échelle planétaire.
Le crédit permet de consommer l’avenir dès le moment présent. Il repose sur l’utilisation d’une somme virtuelle que l’on actualise en lui attribuant un prix, l’intérêt. Sa généralisation fait perdre de vue le principe élémentaire selon lequel on doit limiter ses dépenses au niveau de ses ressources, car on ne peut perpétuellement vivre au-dessus de ses moyens. L’essor du capitalisme financier a favorisé cette pratique : certains jours, les marchés échangent l’équivalent de dix fois le PIB mondial, ce qui montre l’ampleur de la déconnection avec l’économie réelle. Lorsque le système de crédit devient une pièce centrale du dispositif du Capital, on rentre dans un cercle vicieux, l’arrêt du crédit risquant de se traduire par un effondrement généralisé du système bancaire. C’est en brandissant la menace d’un tel chaos que les banques ont réussi à se faire constamment aider des Etats.
La généralisation de l’accession au crédit, qui implique celle du prêt à intérêt, a été l’un des outils privilégiés de l’expansion du capitalisme et de la mise en place de la société de consommation après la guerre. En s’endettant massivement, les ménages européens et américains ont incontestablement contribué, entre 1948 et 1973, à la prospérité de l’époque des « Trente Glorieuses ». Les choses ont changé lorsque le crédit hypothécaire a pris le dessus sur les autres formes de crédit. « Le mécanisme de recours à une hypothèque comme gage réel des emprunts représente infiniment plus, rappelle Jean-Luc Gréau, qu’une technique commode de garantie des sommes prêtées, car il bouleverse le cadre logique d’attribution, d’évaluation et de détention des crédits accordés […] Le risque mesuré cède la place à un pari que l’on prend sur la faculté que l’on aura, en cas de défaillance du débiteur, de faire jouer l’hypothèque et de saisir le bien pour le revendre à des conditions acceptables ». C’est cette manipulation d’hypothèques transformées en actifs financiers, jointe à la multiplication des défauts de paiement d’emprunteurs incapables de rembourser leurs dettes, qui a abouti à la crise de l’automne 2008. On voit l’opération se répéter aujourd’hui, aux dépens des Etats souverains, avec la crise de la dette publique.
C’est donc bien au grand retour du système de l’usure que nous sommes en train d’assister. Ce que Keynes appelait un « régime de créanciers » correspond à la définition moderne de l’usure. Les procédés usuraires se retrouvent dans la manière dont les marchés financiers et les banques peuvent faire main basse sur les actifs réels des Etats endettés, en s’emparant de leurs avoirs au titre des intérêts d’une dette dont le principal constitue une montagne d’argent virtuel qui ne pourra jamais être remboursé. Actionnaires et créanciers sont les Shylock de notre temps.
Mais il en est de l’endettement comme de la croissance matérielle : ni l’un ni l’autre ne peuvent se prolonger à l’infini. « L’Europe commise à la finance, écrit Frédéric Lordon, est sur le point de périr par la finance ». C’est ce que nous avons écrit nous-mêmes depuis longtemps : le système de l’argent périra par l’argent.
Robert de HERTE (Eléments n°141, octobre-décembre 2011)