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  • Art Contemporain, manipulation et géopolitique...

    Les éditions Eyrolles ont publié voici quelques mois un essai d'Aude de Kerros intitulé Art Contemporain, manipulation et géopolitique - Chronique d'une domination économique et culturelle. Graveur et peintre, l'auteur mène depuis près de trente ans une réflexion critique sur l'art contemporain et a déjà publié de nombreux articles et plusieurs essais comme L'art caché - Les dissidents de l'art contemporain (Eyrolles, 2007), Sacré art contemporain - Evêques, inspecteurs et commissaires (Jean-Cyrille Godefroy, 2012), 1983-2013 Années noires de la peinture (Pierre-Guillaume de Roux, 2013) et L'imposture de l'art contemporain - Une utopie financière (Eyrolles, 2015).

     

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    " Le XXIe siècle a fait de l'Art contemporain un marqueur de puissance, mesurant le degré d'émancipation d'un pays, son pouvoir d'attraction et sa place dans le monde. Etudiant en profondeur le rôle des différents acteurs (artistes, collectionneurs et musées), Aude de Kerros analyse l'évolution des liens entre arts plastiques et géopolitique, de 1945 à nos jours. Elle décrit notamment avec précision les événements marquants de la dernière décennie et leurs conséquences : la mondialisation des transactions, la transparence du marché de l'art - dévoilé par les nouvelles technologies de l'information -, l'entrée sur le marché du monde non occidental, toutes choses troublant l'ordre établi et défiant les prédictions d'une uniformisation pacifique et rentable de l'art par le monde occidental. Cet ouvrage très documenté produit une réflexion vivante : il souligne l'évolution des méthodes d'influence des différentes puissances tout en décrivant la construction du système international de l'art, parvenu au contrôle complet du marché, mais aussi le processus de son dépérissement, dû à l'enfermement. Comment résister à la permanence des civilisations et à leur capacité d'adaptation, en même temps qu'à la révolution technologique qui permet l'émergence d'autres connections ? C'est d'un nouveau monde de l'art dont il est question, aux contours inédits. "

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  • "Whitewashing" et "blackwashing"...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gabriel Robin, cueilli sur le site de L'Incorrect et consacré à l'introduction d'acteurs de couleur dans des films ou des séries où ils n'auraient logiquement pas leur place...

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    Marguerite d'Anjou, femme d'Henri VI, jouée par l'actrice d'origine nigérienne Sophie Okonedo dans la série de la BBC, The Hollow Crown

     

    Whitewashing et blackwashing

    Le whitewashing ? Derrière ce néologisme anglais barbare se cache une expression politique venue du militantisme diversitaire américain. Dans une tribune publiée sur Challenges, Laure Croiset appelait à en finir avec cette vieille pratique hollywoodienne qu’elle définissait comme le fait de « faire jouer par des acteurs blancs des personnages de couleur ».

    À y regarder de plus près, on constate pourtant que ce phénomène qui suscite l’hystérie des social justice warriors américains ne fonctionne que dans un sens. Des groupes sont d’ailleurs très actifs en la matière. Ainsi de racebending.comqui surveille les studios américains et leur adresse des courriers appelant à la vigilance et à l’instauration de quotas dans leurs films. Netflix a notamment été la cible des amateurs de mangas après avoir occidentalisé le casting de l’adaptation live du manga Death Note, censé se dérouler au Japon.

    Il n’y avait pourtant ici rien de particulièrement choquant, l’histoire étant intégralement transportée aux Etats-Unis. L’œuvre originelle n’était donc pas trahie, puisqu’il s’agissait d’une transposition. Cela se produit d’ailleurs couramment à Hollywood sans que des cris d’orfraie ne soient poussées. Bienvenue chez les Chtis a été par exemple adapté dans le monde entier, de même que Les Infiltrés de Scorsese sont une adaptation dans le milieu irlandais de Boston de l’Infernal Affairs hongkongais narrant l’infiltration d’une triade par un policier.

    L’indignation marche à sens unique. L’appropriation culturelle ne peut être que celle de l’Occident copieur, voleur et manipulateur. Essayons pourtant, dans un contexte délirant et quasi psychiatrique, de distinguer les cas-types et de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. Le premier cas est celui des films historiques et des grands mythes appartenant à des ensembles ethnoculturels bien déterminés. Pour ces cas, il n’y a pas de doute possible. Il serait totalement absurde et infondé de prendre des figurants Taïwanais pour un film sur la Guerre de Cent Ans ou bien encore des Italiens pour jouer des villageois dans un film sur le shogunat Tokugawa.
    C’est du bon sens. De la même façon, adapter un conte traditionnel africain ou la mythologie grecque sans les contextualiser fera courir le risque de l’anachronisme et de la perte de sens des récits en question. Des histoires bien réelles et de grands mythes sont pourtant régulièrement décontextualisés et truffés d’anachronismes sans que personne n’y trouve rien à redire : les légendes arthuriennes, l’Iliade (qui compte des personnages africains bien réels, tels que l’Ethiopien Memnon), Jules César et même des vikings dans certaines productions de la BBC.

    Le deuxième cas de figure est celui du conte universel. La belle et la bête ou les Fables de La Fontaine ont ainsi existé sous diverses latitudes et à différentes époques. Ces histoires peuvent faire l’objet de films avec des référents culturels variés sans que la cohérence et la pertinence de leur portée universelle ne soient mises à mal. Enfin, dernier cas, qui nous intéresse ici : les univers fantaisistes se déroulant dans un passé fictif. Ils sont de deux sortes : parodiques et ancrés dans un contexte réaliste. Le film Princess Bride, Kaamelott ou les aventures des Monty Python sont des parodies. Tout est permis dans ce cas.
    En revanche, l’univers du Sorceleur créé Andrzej Sapkowski ne rentre pas dans ces critères. Il est clairement inscrit dans la Pologne médiévale, comme cela est indiqué dans les romans et comme les jeux-vidéos le montraient. Pourquoi alors l’adaptation par Netflix montre-t-elle des acteurs de tous les horizons, au mépris de l’histoire ? Dès le premier épisode, les habitants d’une petite ville semblent avoir été choisis pour représenter un village Potemkine pensé par une sociologue à cheveux bleus de l’université Evergreen. Pas une ethnie ne manque : Asiatiques, Indiens, Africains ou encore Orientaux…

    C’est aussi absurde qu’artificiel. La volonté de la production d’injecter grossièrement des acteurs issus de la diversité pour coller aux standards Netflix saute aux yeux. Il s’agit de propagande grossière. On me rétorquera que The Witcher est un univers de fiction. Soit. Tout comme le Wakanda de Black Panther créé dans les années 1970 par un auteur de comic américain ou les contes de Kirikou… Ce qui choquerait dans ces cas ne dérange personne dans l’autre. Du reste, les aventures de Black Panther se déroule à notre époque. Le Wakanda doit avoir une politique migratoire sacrément efficace ! Les campagnes fictives polono-ukrainiennes de The Witcher ont plus d’immigration que les campagnes polono-ukrainiennes contemporaines ?

    Cette irruption permanente du faux travaille à raconter le monde tel qu’on voudrait qu’il soit et non tel qu’il est. Le but est que la fiction imprègne progressivement et sournoisement la réalité. Game of thrones avait un casting présentant des acteurs de divers horizons ethniques. Ce n’était pas choquant parce que l’histoire le permettait, présentant de grands ports marchands où se croisent des voyageurs du monde entier et des tribus inspirées des Mongols, des villes d’apparence orientales ou encore des Îles avec des populations africaines. Dans The Witcher, c’est simplement la volonté de Netflix de complaire à une minorité agissante et bruyante qui aura guidé le choix du casting et non la cohérence de l’œuvre. Emprunter cette voie appauvrira progressivement l’art, la culture et le cinéma.

    Gabriel Robin (L'Incorrect, 21 décembre 2019)

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