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tourisme

  • Tristes campagnes...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un essai de Bernard Charbonneau intitulé Tristes campagnes. Écologiste avant l'heure, compagnon intellectuel de Jacques Ellul, Bernard Charbonneau est également considéré comme un des précurseurs de la décroissance. Il est notamment l'auteur d'essais comme L'Etat (R&N, 2020) ou Le système et le chaos (R&N, 2022).

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    " « On pleure les Indiens des autres, mais on tue les siens », constate Bernard Charbonneau alors que l’on anéantit nos campagnes, dans la souffrance contenue, avec la froideur administrative d’un plan de réforme pour l’agriculture européenne. Face à la rationalisation de la production, la concentration des terres, le développement de zones pavillonnaires et de complexes touristiques, les paysans sont priés de s’adapter. Les sociétés locales disparaissent, emportées par l’essor d’une banlieue uniforme et d’une industrie totale. On parle de progrès technique, mais il s’agit d’un ethnocide. "

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  • Désastres touristiques...

    Les éditions L'échappée viennent de publier un essai d'Henri Mora intitulé Désastres touristiques - Effets politiques, sociaux et environnementaux d’une industrie dévorante. Henri Mora participe à De tout bois. Revue de lutte contre le Center Parcs de Roybon et au collectif Center Parcs : ni ici, ni ailleurs.

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    " Activités des plus polluantes dans un contexte où la « transition écologique » est continuellement invoquée, le tourisme et sa complice l’aviation bénéficient pourtant d’un soutien inconditionnel des institutions, des mondes économique et culturel, ainsi que de certaines forces sociales et environnementalistes. Car qui serait prêt à se défaire de la première industrie mondiale et à renoncer à l’hypermobilité ?
    Né avec le capitalisme industriel, le tourisme a pris un essor fulgurant dans les années 1950. Dans un monde de production et de consommation de masse, il s’est imposé de manière évidente, et a contribué à élargir la sphère marchande à de nombreux domaines tout en s’intégrant complètement au quotidien. Ce processus de touristification tous azimuts participe de la mise en production du monde. Manager des territoires pour les rendre plus attractifs que d’autres fait des ravages : émissions de gaz à effets de serre et nombreux dégâts environnementaux, artificialisation de la nature, surfréquentation, altération des rapports humains, folklorisation, construction de grands projets inutiles, hausse des prix de l’immobilier, etc.
    Contre ce tourisme dévastateur, considéré comme un pilier de la croissance, la critique, portée notamment par ce livre, ne peut que s’en prendre plus globalement à l’économie marchande, au puissant imaginaire qu’elle véhicule et aux modes de vie qu’elle induit. "

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  • L’épopée touristique des covidiens en bermuda...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à la farce du tourisme sanitairement correct pour covidiens normalisés. Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

     

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    L’épopée touristique des covidiens en bermuda

    On s’était habitué à ce que les Occidentaux, décervelés par des décennies de manipulation mentale, se soumettent passivement aux mots d’ordre du système marchand, mais, avec la vague de covidisation des âmes et surtout en période estivale, nous pouvons dire que nous touchons le fond. De même que l’on s’était accoutumé à ce que les braves citoyens de l’Europe de Bruxelles sacrifient leur identité et leur mémoire, leur fierté nationale sur l’autel du confort matériel, de l’idéologie de la repentance, des lubies du sanding et de la consommation ostensible, un pas en avant est franchi avec le spectacle à la fois absurde et grotesque du tourisme covidien normalisé. En effet, nous sommes loin des grandes migrations touristiques saisonnières de « l’ancienne normalité », des grandes vagues charterisées de transmutations globales de troupeaux de touristes fébriles sur les rivages lointains des pâturages hôteliers de masse. Cependant, dans un état d’urgence sanitaire, on assiste au spectacle des vagues touristiques covidiennes à la fois dosées, sanitairement sélectionnées et contrôlées, découvrant combien les covidiens occidentaux sont dépendants de quelques jours de plage, atteints d’une véritable addict-holidays épidémiologiquement suivie. On peut tout nous supprimer : liberté d’expression, de rassemblement, de sortir, de s’embrasser, de protester, du lien social, du vivre-ensemble, mais quelques jours de vacances, ça, non ! Plutôt crever ! Bref, nous sommes en pleine crise de caprice hédoniste aiguë ! Les vacances, le tourisme, deviennent alors cet horizon indépassable du mental occidental moyen covidianisé. On est prêt à braver le péril épidémiologique pour le prix d’un selfie sur la plage, qu’on mettra sur Instagram pour faire baver les copains. Pour ce faire, on prend soin de choisir sa destination, si possible un pays corona free en plus d’être gay friendly, en s’armant des nouvelles applications Covid-19 pour smartphone qui nous permettent de détecter à la plage le vilain contaminé lambda en maillot de bain, affalé sur sa bouée, et de le balancer à la police épidémiologique. On met sa serviette et son parasol si possible loin d’une éventuelle maison de retraite pleine de vieux pestiférés et le plus près d’une tente sanitaire à test rapide. Le tout consiste à suivre les corridors sanitaires touristiques organisés et se bronzer à la plage, tout en suivant les nouvelles à la minute près pour remballer en panique à la première alerte rouge, direction le retour au pays au cas où les expertocrates rétabliraient la quarantaine du jour au lendemain. Bref, reposez-vous au soleil, mais en sursis, toujours à l’affût d’une nouvelle vague subite de contamination, et soyez toujours prêt sur les starting-blocks au cas où…

    Bulles touristiques et destinations sécuritaires

    Bien sûr, à ce petit jeu se prêtent de « grandes politiques » et des stratégies sanitaires touristiques fumeuses, les fameuses « tourism policy measures covid-19 » de pays paupérisés par la crise sanitaire et touristique, qui sont là pour organiser, drainer, gérer et orienter tous ces covidiens en culotte courtes, apeurés et désœuvrés à la recherche de havres désinfectés. Alors on a recours à toute la panoplie des mesures, les fameux « greens corridors », les corridors touristiques, la « clusterisation » de territoires épidémiologiquement sécurisés et les fameuses « bulles touristiques » pour y stocker le maximum de touristes socialement distanciés… D’autres mesures géniales devraient voir le jour, comme le passeport immunitaire ou comme des bulles ou box en Plexiglas à installer sur les plage d’Italie, autour des familles de baigneurs.

    La destination sécuritaire n’a plus la même connotation négative et devient salutaire et ludique. Le voyage ne rime plus avec le dépaysement mais avec sécurité, la destination sécuritaire du voyageur covidien, n’ayant plus la même connotation négative, devient salutaire et ludique. Bref, afin de jouir de quelques jours au soleil et sous contrôle, c’est un peu le parcours du combattant, le chemin de croix du covidien touriste, à la recherche des lieux saints de villégiatures estivales et bon marché, une véritable épopée, un peu comme celle de Gilgamesh à l’assaut des Aquaparc, celle des Argonautes à la recherche de la toison « corona free ». Il s’agit bien d’un eudémonisme de masse épidémiologiquement assisté, une compensation concédée par l’expertocratie sanitaro-politique, une mesure de relaxation avant le déclenchement imminent de la seconde vague en automne, ce qui coïncide très bien avec la reprise du marché du travail. On est en plein dans le règne non pas de la bulle fondatrice civilisationnelle évoquée par P. Sloterdijk mais bien la surexpansion égotique de la bulle du désir refoulé, un sursis accordé aux covidiens frustrés par le confinement et les mesures de quarantaine, une forme de bonheur éphémère sous perfusion. Car, attention, rien n’est définitif et irréversible, cette petite concession, ce temps de relaxe peut ne pas se répéter, et c’est pourquoi il faut donner mauvaise conscience. L’idéologie covidianiste est profondément eschatologique : les humains à l’âge d’or vivaient tout, comme le relatent les mythes fondateurs, dans un état originel de bonheur et de liberté, mais ils ont été chassés de ce paradis à la suite de la consommation du fruit de l’arbre de la connaissance. Ce récit transposé à l’instant covidien explique pourquoi les citoyens doivent respecter scrupuleusement les rituels, les injonctions sanitaires, ne pas transgresser les règles de bonne conduite (port du masque, distance physique, etc.), et surtout ne pas pécher en critiquant, ne pas s’insurger mais se soumettre sous peine de se voir châtiés par la punition, la seconde vague, ou le lockdown total, le monstre effrayant de tout covidien qui se respecte. À l’ère du loisir de la société de l’abondance et de la gratuité se substitue la société covidienne du loisir anxiogène en sursis et de la précaution. On est loin de la signification originelle du loisir, en grec skholè, en latin, otium, où liberté et temps libre coïncident. Le loisir à l’ère covidienne correspond à une faveur, un luxe à risque, un temps virtuellement libre puisqu’il est prescrit par les informations, les gestes barrières, des rituels sanitaires, la distanciation physique, les prescriptions sécuritaires sanitaires. Certains covidiens, plus hardis, revendiquent même le droit d’être contaminés et de mourir en bermuda, héroïquement, dans le nirvana du déconfinement, en apothéose, au rythme d’une beach party ou échoué, cramé par les ultraviolets comme une baleine de supermarché… Bien sûr, en passant, comme dans un voyage initiatique à trottinette électrique, on n’oubliera pas d’aller vénérer, par les cultes hygiénistes du panthéon coronarien, des dieux asymptomatiques de l’immunité et des déesses mères du masque et du désinfectant, de consulter les oracles de l’anticorps, la pythie du sérum magique, et surtout d’honorer les héros et vestales du personnel soignant.

    Le prix de l’évasion

    Comment ne pas évoquer l’analogie de cette réalité covidienne avec les romans dystopiques, comme Globalia de Jean-Christophe Ruffin, qui trace les contours d’un monde futur, un État mondial avec des villes-bulles s’étalant sur l’hémisphère nord, dans lequel les citoyens dociles jouissant de la sécurité et du bien-être matériel, vivent dans des cités sous des dômes permettant une température idéale en permanence. À l’extérieur des zones sécurisées, s’étendent des non-zones mystérieuses et dangereuses. On retrouve un scénario semblable dans le roman Un bonheur insoutenable (titre original : This Perfect Day) d’Ira Levin, dans lequel l’humanité (désignée sous le nom de Famille), unifiée, est régie par une méga-intelligence artificielle, un ordinateur caché sous les Alpes : UniOrd ou Uni, qui contrôle tout, oriente, autorise ou non les mariages et la procréation. Dans ce monde idéal, où la volonté humaine semble avoir disparu, et où la pluie n’existe plus, certains membres de la Famille se révoltent et souhaitent rejoindre les « incurables » qui se réfugient sur des îles non contrôlées par l’ordinateur. Cet horizon dystopique de villes-bulles sécurisées et aseptisées n’est pas si lointain, car à l’heure covidienne de l’état d’exception médicalement assisté, nous sommes déjà tous « bullisés » et « googlisés ». En effet, l’idée de bulle touristique vient renforcer le dispositif biopolitique de surveillance généralisée, déjà présent sous la forme de bulles numériques, informationnelles et ludiques (smartphone, réseaux sociaux, Instagram, etc..) omniprésentes, qui sont constitutives de notre réalité sociale quotidienne.

    L’évasion, la fuite, le déconfinement total est-il possible ? Y a-t-il une possibilité rédemptrice de « l’île », d’insulation humaine dans ce huis clos global ? À quel prix le bonheur individuel ? La réponse pourrait se trouver dans le destin de Patrick McGoohan alias John Drake dans la série TV Le Prisonnier, confiné dans un lieu, « le village », dont on ne pouvait s’échapper. Celui qui essayait de s’en évader était aussitôt rattrapé par une énorme bulle qui servait de police interne. Ayant sacrifié la liberté au nom de la sécurité et du petit bonheur médicalement concédé, les covidiens deviennent prisonniers de leur propre bulle, celle du désir anxiogène et narcissique, une sorte de servitude consentie ayant neutralisé toute forme de velléités de fugue et d’émancipation.

    Jure Georges Vujic (Polémia, 02 septembre 2020)

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  • Pandémie: le prix d’un monde sans limites ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Thibault Isabel cueilli sur le site de L'Inactuelle et consacré à la pandémie de coronavirus. Docteur ès lettres, rédacteur en chef pendant plusieurs années de la revue Krisis, Thibault Isabel a publié plusieurs essais ou recueils d'articles comme Le champ des possibles (La Méduse, 2005), La fin de siècle du cinéma américain (La Méduse, 2006) , Le paradoxe de la civilisation (La Méduse, 2010), Pierre-Joseph Proudhon, l'anarchie sans le désordre (Autrement, 2017) et dernièrement Manuel de sagesse païenne (Le Passeur, 2020).

     

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    Pandémie: le prix d’un monde sans limites

    Le jeudi 27 février, alors que l’Italie s’apprêtait à décréter l’interdiction de tous les rassemblements publics et la fermeture de toutes ses écoles dans plusieurs régions, les autorités transalpines incitaient encore malgré tout les ressortissants étrangers à fréquenter sans crainte leur industrie touristique. En dépit de cinq-cents cas déjà déclarés d’infection au nouveau coronavirus, Luigi Di Maio déclarait avec aplomb : « Nos enfants vont à l’école. Si nos enfants vont à l’école, alors les touristes et les entrepreneurs peuvent également venir. » On connaît la suite.

    Il faut dire que le tourisme pèse 13% du PIB italien et que l’obsession contemporaine pour la croissance s’accommode mal d’un tel manque à gagner. Quand on est un homme d’Etat responsable, on se doit de préserver coûte que coûte l’économie. A quel prix, donc ? La contamination des touristes assez naïfs pour croire ce que les gouvernants leur racontent.

    De la crise sanitaire à la crise économique.

    En France, comme partout en Europe, l’attitude est sensiblement la même. Le plan de communication du gouvernement d’Edouard Philippe vise à souffler le chaud et le froid pour satisfaire ceux qui sont effrayés par la prolifération du virus autant que ceux qui font mine de continuer à vivre normalement. Mais, sur le fond, tout a été planifié d’abord pour limiter l’impact économique de la crise sanitaire. On laisse les frontières toutes grandes ouvertes, on tente même d’interdire le droit de retrait aux employés des secteurs non vitaux, comme le tourisme, et on limite les tests de dépistage afin de ne pas provoquer de « psychose ».

    Les personnels hospitaliers ont de quoi se plaindre : plusieurs d’entre eux ont été contaminés après avoir soigné des cas de pneumonie sans précaution, parce que la consigne avait été donnée en haut-lieu de ne pas dépister les patients tant que le virus ne circulait pas sur le territoire. Pourtant, il circulait. Tout circule dans une économie mondialisée de libre-échange.

    Il n’est pas question de sous-estimer l’impact économique potentiel du coronavirus. Quand on voit l’onde de choc planétaire que provoque le moindre ralentissement des flux dans une zone circonscrite du globe, on n’ose imaginer l’effet d’une paralysie massive de la production et de la consommation à l’échelle des cinq continents, pour une durée probable de plusieurs mois. La crise économique qui nous attend fera peut-être davantage de morts que le virus lui-même.

    Une maladie des flux.

    Reste qu’il est difficile de sacrifier l’endiguement de la crise sanitaire au nom du risque de crise économique. Selon les experts, si rien n’était fait pour contrôler la pandémie, elle pourrait toucher à terme entre 30% et 50% de la population mondiale. Avec un taux de létalité évalué à 2%, il serait pour le moins cynique de comparer la situation à une simple grippe. Les beaux esprits disent que le coronavirus touche en premier lieu les personnes âgées ou fragilisées, dont l’espérance de vie résiduelle est de toute façon faible. Mais nous parlons statistiquement ici d’au moins 50 millions d’êtres humains, comportant une proportion non négligeable d’individus en parfaite santé. La majeure partie d’entre eux ne seront sauvés que parce que les Etats ne restent pas sans rien faire, et parce que la Chine a eu le courage de sacrifier son économie pour mettre une province entière à l’arrêt.

    Le coronavirus est une maladie des flux. Le siècle qui vient de s’écouler a d’ailleurs connu davantage de pandémies que n’importe quel siècle passé. La peste noire du XIVe siècle fut sans doute déjà importée d’Orient par les Mongols à l’occasion d’importants mouvements de troupes, dans un contexte de guerres coloniales contre l’Empire génois, et donc dans le cadre d’un premier mouvement de mondialisation. La grippe espagnole de 1918-1919 fut elle aussi transportée par les armées en marche à la fin du premier conflit mondial de l’histoire de l’humanité. Il n’y a plus besoin de guerres aujourd’hui pour intensifier les risques de contamination ; le commerce s’en charge très bien, y compris en temps de paix militaire.

    Ici-bas, tout a toujours un prix. Tout excès conduit à une compensation mortifère dans le sens opposé. La mondialisation des échanges et la société d’hyper-communication aboutissent donc sporadiquement à des situations de crise où les échanges doivent brutalement s’interrompre pour rétablir l’équilibre. C’est ce que nous sommes en train de vivre. Le prix à payer de la mondialisation a pour nom « pandémie ». Celle que nous connaissons ne sera pas la dernière. Quand on constate les ravages causés par la variole jusqu’au XIXe siècle (30% de taux de létalité), imagine-t-on quel cataclysme provoquerait l’apparition d’une maladie du même genre à notre époque ?

    Les dangers d’une mondialisation sans limite.

    Il est devenu moins onéreux de faire fabriquer nos médicaments en Chine plutôt qu’en France, et de voyager à l’autre bout de la planète plutôt qu’à deux cents kilomètres de chez nous. L’écosystème n’est pas fait pour soutenir une telle intensité de déplacements. Les conséquences s’en font sentir en termes de pollution atmosphérique, mais aussi en termes viraux – et même à vrai dire en termes de déséquilibres économiques, sociaux, culturels. L’humain est devenu un animal hors de contrôle, un animal parasitaire, pour la simple raison qu’il n’est plus encastré dans un milieu, mais qu’il s’affranchit de toute forme de limites. Le fantasme du progrès illimité et de la croissance folle est en train de nous conduire dans un abîme, sous l’effet d’un vaste mouvement de régulation naturelle qui tentera de compenser notre prolifération déraisonnable. La nature n’est pas toute-puissante face à la démesure humaine, mais elle a des moyens pour se défendre. Le premier coup de semonce vient de nous être envoyé.

    L’entendrons-nous ? Rien n’est moins sûr. Il est plaisant d’acheter ses médicaments à bon marché – sans se soucier des conditions de travail des Chinois – ou de participer tous les ans au carnaval de Venise. C’est une belle vie, dont nous aurons tous du mal à nous priver. Mais nos aïeux n’étaient pas malheureux pour autant. L’heure est venue de faire la part des choses entre les progrès techniques réellement utiles au bonheur de l’humanité – il y en a beaucoup – et ceux futiles dont nous pourrions nous passer.

    Vers un retour de l’ordre naturel.

    Dans ce monde de flux illimités, de communications permanentes et d’échanges généralisés, les pandémies nous obligent, l’espace de quelques mois, à vivre dans la distance, le confinement et la solitude. Nous subissons un mouvement de balancier en sens inverse, donc. Mais qui peut dire que ce n’est pas au fond notre lot quotidien ? Bien que les sociétés modernes laissent tout circuler, l’anonymat urbain n’a jamais été aussi grand. Bien que nos smartphones nous connectent avec le monde, nous ne savons plus comment s’appelle notre voisin. La pandémie ne fait que révéler l’envers des temps modernes : l’isolement. Le juste milieu implique que nous rapprenions le sens du voisinage. L’économie en circuit court, la vie citoyenne locale, l’action associative, l’enracinement familial : ces valeurs nous protègent de l’anonymat, tout en nous dissuadant de céder aux chimères d’un monde sans limites.

    De tout temps, c’est vrai, les hommes ont voyagé. Le voyage n’en était pas moins autrefois un long chemin initiatique à travers le monde, réservé aux plus curieux d’entre nous. Lorsqu’on inventa les congés payés, avant-guerre, on n’avait pas en tête de faire exploser son empreinte carbone en trajets aériens low-cost. Quelle diversité de paysages avons-nous encore à découvrir, quand nous sommes parqués dans des clubs de vacances en Egypte ou des paquebots au large de San Francisco et du Japon ?

    Nous avons voulu la mondialisation ; nous avons eu en même temps l’individualisme, le réchauffement climatique, le dumping social, la standardisation culturelle, le mercantilisme, la guerre pour les parts de marché, le terrorisme, l’élevage industriel ou la dévastation des sols surexploités – et nous avons maintenant aussi le SARS-CoV-2. Cette cure forcée de quarantaine va nous contraindre à méditer, comme des moines en ascèse, sur le monde que nous sommes en train de créer. Dans des conditions dramatiques, malheureusement. Malgré les mesures prophylactiques et les progrès de la technique médicale, nous allons perdre des proches. Certains d’entre nous ne serons plus là pour tirer le bilan, qui devrait pourtant d’ores et déjà couler de source. Tout a une logique. L’ordre naturel des choses finit par reprendre ses droits. Et il y a toujours un prix à payer.

    Thibault Isabel (L'Inactuelle, 9 mars 2020)

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  • Tombeau pour une touriste innocente...

    Vous pouvez écouter ci-dessous le poème de Philippe Muray, Tombeau pour une touriste innocente, dit par son auteur sur un accompagnement musical...

     

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  • Critique de la déraison touristique...

    Nous vous signalons la parutions aux éditions L'échappée d'un essai de Rodolphe Christin intitulé L'usure du monde - Critique de la déraison  touristique. Sociologue et anthropologue, Rodolphe Christin est déjà l'auteur d'un Manuel de l'antitourisme (Yago, 2010) et a, par ailleurs dirigé l'ouvrage  Le tourisme : émancipation ou contrôle social (Croquant, 2011).

     

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    La puissance d’enchantement de l’industrie touristique repose sur sa capacité à faire oublier son caractère précisément industriel, par conséquent soumis aux règles d’un productivisme et d’un consumérisme sans frontières. Afin d’étendre le marché, la massification du désir touristique s’appuie sur la diffusion d’un puissant imaginaire dans lequel la mobilité est devenue le modèle comportemental dominant. On a vendu partout l’« évasion » et créé des infrastructures dédiées à cet effet, sans voir que ce processus de commercialisation détruisait la dimension symbolique du voyage. 

    Au service de la consommation du monde, le tourisme suppose, non seulement une sensibilité particulière, mais aussi une réalité organisée autour de lieux modélisés selon des principes gestionnaires. 

    Désinvesti de son territoire d’origine, le touriste nourrit l’espoir confus de trouver ailleurs ce qui lui manque chez lui : le goût de vivre une existence conviviale sur un territoire encore chargé de sens et de vie. Mais par sa présence même, il détruit ce qu’il est venu chercher.

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