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  • « Pour Rousseau, la raison ne peut se passer du renfort de la passion pour faire émerger la vertu »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist à Monde & Vie, et cueilli sur le site de la revue Éléments, dans lequel il évoque les idées développées dans son essai Un autre Rousseau - Lumières et contre-Lumières ( Fayard, 2025).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

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    « Pour Rousseau, la raison ne peut se passer du renfort de la passion pour faire émerger la vertu »

    MONDE&VIE. Vous soulignez le rôle de grand opposant tenu par votre héros au milieu des Lumières françaises, qui la plupart du temps sont résolument athées (de Diderot à D’Holbach). Lui prononce, au contraire, que l’on doit s’éloigner des grandes métropoles et retrouver Dieu dans la nature. Voltaire, qui pourtant n’était pas tout à fait athée, n’a jamais pu supporter ce Rousseau-là…

    ALAIN DE BENOIST : Il le présentait même comme le « Judas de la confrérie » ! Voltaire représente tout ce que Rousseau déteste : la civilisation dans ce qu’elle a de plus opposé à la vraie culture, le rationalisme prétentieux, le primat des artifices, le souci de paraître, le goût de la dérision, l’ironie qui se croit supérieure et l’impiété. Rousseau, lui, condamne l’athéisme, coupable à ses yeux de favoriser la déliaison sociale, et en tient plutôt pour une religion qui sacraliserait en quelque sorte le patriotisme.

    Les commentateurs ont toujours été très partagés sur ce que Rousseau entend par « religion civile », les uns y voyant l’institution d’une sorte de théisme d’État, les autres un simple moyen de mettre la religion au service du politique (c’est l’hypothèse la plus souvent retenue) ou encore de neutraliser politiquement les effets délétères d’un « fanatisme » qui a pris historiquement la forme de la « religion du prêtre », d’autres enfin la volonté de reconnaître que la religion est une « force agissante » dont on ne saurait se passer. Ce qui est certain, c’est que Rousseau, lorsqu’il parle d’instaurer une religion du citoyen, ne plaide nullement pour une « Église nationale » dans l’esprit du gallicanisme ou de l’Église anglicane, formule qui le séduit mais qu’il juge irréaliste. Ce qu’il pense plutôt, c’est que la raison ne peut se passer du renfort de la passion pour faire émerger la vertu. La religion motive, et elle peut aussi motiver le patriotisme. Pour Rousseau, la croyance en une vie après la mort est requise pour la vertu du citoyen : aucun État ne pourrait demander à ses citoyens de sacrifier leur vie pour défendre leur patrie s’ils n’avaient foi en une vie après la mort. La nécessaire autonomie du politique n’implique donc pas chez lui la mise à l’écart du religieux. C’est ce qu’il explique longuement au chapitre 8 du livre IV du Contrat social, mais aussi dans ses textes sur la Pologne et la Corse, où il explique que les citoyens seront d’autant plus patriotes qu’ils auront été formés à regarder la patrie comme digne d’un culte. Cette affirmation a de toute évidence pour modèle la cité antique.

    Ce qui pose problème à Rousseau, c’est d’abord l’universalisme chrétien, qui peut être un prétexte à l’effacement des frontières (étant d’emblée universel, l’amour chrétien peut difficilement former communauté), et ensuite que la religion chrétienne est avant tout tournée vers « les choses du ciel » : « Loin d’attacher les cœurs des citoyens à l’État, écrit-il, elle les en détache comme de toutes les choses de la terre : je ne connais rien de plus contraire à l’esprit social ». Enfin, Rousseau s’inquiète des conséquences de l’existence d’un pouvoir religieux distinct du pouvoir politique : promouvoir à la fois l’autorité de l’Église et celle du prince revient à créer une situation où l’une et l’autre ne pourront que rivaliser entre elles et entrer en conflit. Rousseau constate qu’il en a résulté un « perpétuel conflit de juridiction qui a rendu toute bonne politie impossible dans les États chrétiens ». Son reproche est donc essentiellement politique.

    MONDE&VIE. Beaucoup de penseurs de la chose politique ont décidé depuis longtemps de laisser Jean-Jacques Rousseau dans leur bibliothèque, tant les sujets sur lesquels intervient le Vicaire savoyard sont nombreux, sont actuels et, vus de lui, souvent dérangeants. Et vous, en exhumant le penseur politique immense qu’il fut, vous faites l’inverse de ces chercheurs fatigués. Que trouvez-vous dans Rousseau, philosophe politique aujourd’hui, que vous ne trouvez pas ailleurs ?

    ALAIN DE BENOIST : Si je m’intéresse à Rousseau, ce n’est pas parce que je trouve chez lui des choses que je ne « trouve pas ailleurs », mais parce que l’historien des idées que je suis est en désaccord avec la façon dont il est le plus souvent représenté. Pour dire les choses simplement, Rousseau, loin d’être un philosophe des Lumières, est bien plutôt selon moi un anti-Lumières. Bien entendu, sa critique des Lumières n’est pas celle de Joseph de Maistre ou de Donoso Cortés, mais il suffit de le lire pour en constater l’actualité.

    Rousseau, d’abord, n’est pas un progressiste. Allant jusqu’à dire que « l’aversion des nouveautés est toujours fondée », il est au contraire hanté par la décadence qu’il pense observer autour de lui. Loin d’annoncer des lendemains qui chantent, il est un admirateur inconditionnel de l’Antiquité grecque et romaine : « Quand on lit l’histoire ancienne, on se croit transporté dans un autre univers, et parmi d’autres êtres ». « Les anciens politiques, ajoute-t-il, parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d’argent ». C’est la raison pour laquelle il est en désaccord absolu avec les physiocrates, qui sont en train de jeter les bases de l’économie classique libérale qui domine encore aujourd’hui. Et c’est aussi la raison pour laquelle il ne cesse de plaider pour la subordination de l’économique au politique. Bien avant Maurras, il en tient pour le « politique d’abord ». Alors que Condorcet assure qu’une bonne Constitution est valable en tous temps et en tous lieux, il pense que la Constitution de chaque peuple doit être rédigée en fonction de la spécificité de ce peuple. On pourrait multiplier les exemples. Je ne fais ici que survoler un sujet que je développe longuement dans mon livre.

    MONDE&VIE. Vous venez de publier un numéro de votre revue annuelle, « Nouvelle École », sur Karl Marx. Le rapprochement entre Rousseau et Marx est tentant. On trouve d’ailleurs sous votre plume cette petite phrase à propos de Jean-Jacques : « On pourrait faire un parallèle avec Marx que des générations d’hommes de droite ont voué aux gémonies sans jamais l’avoir lu » (p. 184). On pourrait dire qu’il y a Marx lu par Lénine et Marx lu très positivement par le très cher catholique Michel Henry… Et il y a Rousseau lu par Robespierre et Rousseau lu par Louis de Bonald, ce contre-révolutionnaire qui, dites-vous dans votre ouvrage, a une dette envers Rousseau. Ou encore Rousseau lu, aux origines du romantisme français par Châteaubriand, qui renonce à en faire la critique.

    ALAIN DE BENOIST : La comparaison avec le « Marx lu par Lénine » et le « Marx lu positivement par le très catholique Michel Henry » est tout à fait juste. Dans son grand livre sur Marx, Michel Henry ajoute qu’on pourrait définir le marxisme comme la somme des contresens que l’on a écrits sur Marx. « Je n’ai jamais été marxiste ! » disait Marx.  Il faut en effet distinguer Marx et le marxisme, et voir en même temps qu’il n’y a pas « un » marxisme, mais une quantité de marxismes qui ne se laissent nullement ramener à l’unité. Quant au « marxisme-léninisme », pour ne rien dire du « matérialisme dialectique », pure invention de Lénine en 1908, ce n’est qu’une falsification. « La pensée de Marx ne fait pas partie de l’histoire du marxisme », rappelait la philosophe italien Costanzo Preve. On pourrait tout aussi bien dire que la pensée de Rousseau ne fait pas partie de l’histoire du rousseauisme…

    Un autre point en commun entre Marx et Rousseau est qu’ils sont sans doute les deux philosophes qui, au cours de l’histoire, ont été les plus diffamés, vilipendés et voués aux gémonies. Et avec des procédés quasiment identiques. On a multiplié envers eux les attaques ad hominem et, surtout, on les a rendus responsables de tout. Rousseau serait le père de la Terreur, Marx l’ancêtre du Goulag. C’est une façon de voir à la fois anachronique et téléologique. La vérité est que nous ignorons complètement comment l’un et l’autre auraient réagi au spectacle de ce dont on a voulu si généreusement leur faire endosser la paternité. Que Robespierre se soit réclamé de Rousseau, que ce soit à l’époque révolutionnaire que l’on a transféré les cendres de Rousseau au Panthéon, ne nous dit rien de la valeur de vérité de cette revendication. A l’inverse, le jurisconsulte Joseph de Bernardi (1751-1824), qui avait été arrêté en 1793 pour ses opinions monarchistes, s’affirmait persuadé « que l’âme sensible et vertueuse de Rousseau qui, dit-on, n’eût pas voulu d’une Révolution souillée par une seule goutte de sang, aurait versé des larmes amères sur le 2 septembre, la loi des suspects ou des otages, les proscriptions privées ou en masse et tous les assassinats arbitraires qui ont dévasté ou ensanglanté le sol de la France ».

    Là encore, relisons Rousseau , lui qui ajoute que « dans un État où le gouvernement et les lois ont déjà leur assiette, il faut éviter autant qu’il se peut de rien innover. Les avantages des lois nouvelles sont toujours moins sûrs que les dangers n’en sont grands » ? Lui qui, opposant par avance une fin de non-recevoir aux révolutionnaires qui se réclameraient abusivement de lui, écrivait à propos de lui-même : « On s’est obstiné à voir un promoteur de bouleversements et de troubles dans l’homme au monde qui porte un plus vrai respect aux lois et aux constitutions nationales, et qui a le plus d’aversion pour les révolutions, et pour les ligueurs de toute espèce qui le lui rendent bien » (Rousseau juge de Jean-Jacques). La radicalité de Rousseau n’était pas politique, mais philosophique.

    MONDE&VIE. Votre livre sur Rousseau a ceci de particulier que c’est aussi un livre sur les gens de droite qui, depuis plus de deux cents ans, ont lu le Promeneur solitaire. Et sont en partie responsables de la figure historique de Jean-Jacques, souvent très éloignée du personnage réel… Parmi les sympathisants, sans surprise, on trouve Barrès qui en dit du bien dans ses « Carnets », on trouve Péguy et on trouve Victor Delbos, catholique et kantien, qui appelle Rousseau « le Barrès du XVIIIe siècle ». Parmi les adversaires irréductibles : Maurras, Maritain et Mauriac, les catholiques de l’ordre peut-être ?

    ALAIN DE BENOIST : Maurras, Maritain et Mauriac peuvent sans doute être qualifiés de « catholiques de l’ordre ». Mais Barrès et Péguy prônaient-ils le désordre ? Dans le chapitre assez substantiel que je consacre à l’anti-rousseauisme des droites françaises, j’observe en fait que la plupart des adversaires de Rousseau le jugent à partir de formules toutes faites répétées comme des mantras : « l’état de nature », le « contrat social », « l’homme naturellement bon corrompu par la société », la « volonté générale », etc. Quand on va y voir de plus près, on constate que l’« état de nature » dont parle Rousseau n’est qu’une hypothèse expérimentale permettant d’examiner à nouveau frais le rapport entre la liberté et l’obligation sociale, que son « contrat social », qui ne fait pas naître la société d’un choix rationnel des individus, est d’une nature bien différente du contrat social chez Locke, qui trouve son ressort dans la recherche de l’intérêt ou de l’utilité des agents, comme de celui de Hobbes, qui repose sur le désir d’échapper à la lutte de tous contre tous. Contrairement à ce que l’on croit généralement, il ne prône pas non plus le « retour à l’état de nature ». L’égalité dont il parle est une égalité strictement politique. Quant à la « bonté naturelle » elle n’est pas chez lui une qualité mais une propension, qui renvoie avant tout au lien social, à la capacité de l’homme d’être heureux sans causer de malheur aux autres.

    Dans un passage bien connu, Rousseau parle sans équivoque de l’état de nature de l’homme comme d’« un état qui n’existe plus, qui n’a peut-être point existé, qui probablement n’existera jamais ». En admettant que l’état de nature « n’a peut-être point existé », il montre bien que c’est sur une hypothèse utile à sa démonstration qu’il entend s’appuyer, non sur un fait avéré. La plupart des critiques que l’on adresse à Rousseau à propos de l’état de nature s’effondrent d’elles-mêmes dès que l’on comprend que l’état de nature n’est pas pour lui une période historique, mais un modèle théorique.

    MONDE&VIE. N’êtes-vous pas surpris de trouver Proudhon et Edouard Berth, auquel me semble-t-il vous avez consacré un livre, « Le socialisme héroïque », parmi les adversaires de Rousseau ? En fait, même s’il existe d’autres lectures, il ne suffit pas d’être de gauche pour être rousseauiste, tout comme il ne suffit pas d’être de droite pour être anti-rousseauiste. Ni droite ni gauche, que reste-t-il à la politique de Rousseau ? Quels principes métapolitiques ? L’écologie ?

    ALAIN DE BENOIST : L’anti-rousseauisme de Proudhon et d’Edouard Berth ne sont chez eux que la conséquence de leur hostilité au romantisme. Vous noterez néanmoins que Georges Sorel, que Berth admirait plus encore que Proudhon, ne partageait pas cet avis. En 1907, il reprochait même à Jules Lemaître de ne pas reconnaître « le rôle du génie qui a le plus fortement marqué de son empreinte notre littérature depuis Corneille ». « Jean-Jacques, ajoutait-il, n’est pas plus responsable d’ineptes imitations que Raphaël n’est responsable du style académique ».

    En qualifiant Rousseau de « conservateur révolutionnaire », j’ai voulu dire qu’il était un moderne antimoderne. Cela le distingue évidemment des contre-révolutionnaires, et je comprends très bien que certains ne supportent pas qu’il ait défendu la souveraineté du peuple. Rousseau n’est évidemment pas un tenant de l’Ancien Régime. C’est un démocrate, mais un démocrate antilibéral, qui annonce la montée de ce qu’on appelle aujourd’hui la « démocratie illibérale ». Sa grande obsession est de faire en sorte que, dans la société, les intérêts particuliers, les intérêts des partis et des factions, ne l’emportent pas sur l’intérêt général et le bien commun. C’est la raison pour laquelle il parle sans cesse de la nation, de la vertu civique et de la patrie. Certes, il a une conception moderne de la patrie (je pense évidemment ici au grand livre de Jean de Viguerie sur Les deux patries), mais c’est aussi ce qui fait son actualité. Le débat qu’il engage pour savoir si l’homme doit d’abord être un homme ou être un citoyen rebondit même de nos jours avec une force singulière. La réponse de Rousseau n’est pas douteuse : « « Il faut opter entre faire un homme ou un citoyen : car on ne peut faire à la fois l’un et l’autre ». La liberté individuelle, pour lui, n’est pas le fait du privé, elle s’affirme dans la sphère publique, où l’individu se mue en citoyen. Ce qui compte, ce ne sont pas les droits de l’homme, mais les droits du citoyen.

    Vous me permettrez de conclure avec cette citation : « Toute société partielle, quand elle est étroite et bien unie, s’aliène de la grande. Tout patriote est dur aux étrangers ; ils ne sont qu’hommes, ils ne sont rien à ses yeux. Cet inconvénient est inévitable, mais il est faible. L’essentiel est d’être bon aux gens avec qui l’on vit […] Défiez-vous de ces Cosmopolites qui vont chercher au loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux ».

    Alain de Benoist (Site de la revue Éléments, 30 juillet 2025)

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  • Alain de Benoist : « Rousseau s’oppose à angle droit aux thèses des Lumières »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Alain de Benoist au Journal du Dimanche pour évoquer son dernier essai intitulé Un autre Rousseau - Lumières et contre-Lumières (Fayard, 2025).

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

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    « Rousseau s’oppose à angle droit aux thèses des Lumières, il ne croit pas au progrès et est même hanté par la décadence »

    JDD. La publication de votre nouveau livre chez Fayard relance les controverses autour de votre œuvre. Estimez-vous avoir été victime d’une forme de censure ?

    ALAIN DE BENOIST : Il n’y a jamais eu de « controverses », mais plutôt tentative d’ostracisme et de marginalisation. Dans le monde actuel, il suffit de couper l’accès aux micros et aux haut-parleurs pour condamner à la mort sociale. Comme je suis un adversaire de l’idéologie dominante, je ne m’en afflige pas outre-mesure : après tout, c’est le prix de la liberté. Mais il est vrai que j’ai parfois la nostalgie des règles de l’ancienne disputatio, où l’on commençait par exposer honnêtement les idées de ses adversaires avant de tenter de les réfuter. J’ai publié une centaine de livres et des milliers d’articles dans le domaine de la philosophie politique et de l’histoire des idées, je n’ai pas souvenir de la moindre tentative de réfutation. Dans un climat de soupçon général, entretenu par l’extrémisation et l’hystérisation des rapports sociaux, le « débat » ne porte plus sur ce que l’on dit, mais sur ce que l’on voudrait vous faire dire – et que l’on ne dit pas !

    JDD. Regrettez-vous de ne pas avoir eu plus d’influence sur le jeu politique ?

    ALAIN DE BENOIST : Certains m’ont crédité de « stratégies » compliquées, ce que je trouve un peu risible. Pour un intellectuel, la meilleure stratégie est de n’en avoir aucune, c’est-à-dire de dire ce qu’il pense. Ce sont les hommes politiques qui ont des stratégies. Or, je n’ai jamais été un acteur de la vie politique, seulement un observateur. De façon plus générale, je crois que les partis politiques sont très peu réceptifs aux idées, non seulement parce qu’un grand nombre d’hommes politiques sont incultes en matière idéologique, philosophique ou théorique, mais parce que seules les intéressent les idées qu’ils peuvent instrumentaliser. Les politiques veulent rassembler, les idées divisent.

    JDD. Pourquoi avoir voulu, dans ce nouveau livre, réhabiliter Rousseau ?

    ALAIN DE BENOIST : Je n’ai pas tant cherché à le réhabiliter qu’à en proposer une nouvelle lecture. Comme bien d’autres auteurs, Jean-Jacques Rousseau est surtout lu aujourd’hui d’une manière anachronique, sans restituer sa pensée dans le contexte de son temps. L’anti-rousseauisme se résume trop souvent à des critiques ad hominem, assorties de formules toutes faites qu’on répète comme des mantras : « l’homme naturellement bon », « le bon sauvage », etc. Quand on va y voir plus près, on s’aperçoit que Rousseau a dit tout autre chose que ce que l’on dit de lui.

    JDD. Le principal reproche fait à Rousseau est d’être l’inspirateur de la Révolution française. Vous vous élevez contre cette idée.

    ALAIN DE BENOIST : La Révolution française n’a pas été un « bloc ». Ses grands inspirateurs ont été les philosophes des Lumières, Rousseau n’arrive que bien après. Or, Rousseau s’oppose à angle droit aux thèses des Lumières. D’abord, il ne croit pas au progrès. Il est même hanté par la décadence. Il pense que l’homme n’a cessé de se dénaturer depuis l’Antiquité, qu’il admire profondément. « Les anciens politiques, écrit-il, parlaient sans cesse de mœurs et de. Vertu ; les nôtres de parlent que de commerce et d’argent ». Que s’est-il passé ? Telle est la question à laquelle il entend répondre. D’autre part, il n’aime pas les échanges commerciaux, ni l’économie. Alors que les Lumières pensent que l’économie est par définition le lieu de la liberté et que la nature même de l’homme le porte vers les transactions et les échanges qui lui permettent de satisfaire son meilleur intérêt, Rousseau défend au contraire le primat du politique. Réagissant contre l’universalisme d’un Condorcet, il soutient que les institutions doivent être adaptées au caractère spécifique des nations et des peuples, comme en témoignent ses projets de Constitution pour la Pologne et pour la Corse. Dans le même esprit, il oppose le peuple des campagnes aux grandes villes où ne règne que le désir de paraître et l’amour-propre, dont il fait le contraire de l’amour de soi : « Le meilleur mobile d’un gouvernement est l’amour de la patrie, et cet amour se cultive dans les champs ». Considérant la « société générale du genre humain » comme une illusion, il met aussi en garde contre « ces prétendus Cosmopolites, qui se vantent d’aimer tout le monde pour avoir le droit de n’aimer personne ». L’homme en soi, l’homme abstrait, n’existe pas à ses yeux : « Il faut opter entre faire un homme ou un citoyen, car on ne peut faire à la fois l’un et l’autre ».  C’est cet autre Rousseau que j’ai voulu faire apparaître.

    JDD. Néanmoins, contre Hobbes, Rousseau considère que c’est non pas à l’état de nature, mais dans la société de son temps que chacun est l’ennemi de ses semblables, expliquez-vous. Est-ce à dire qu’il suffirait d’éradiquer la société pour susciter une humanité régénérée et une société parfaite ?

    ALAIN DE BENOIST : L’« état de nature » dont parle Rousseau n’est à ses yeux qu’une hypothèse utile à sa démonstration : il va jusqu’à dire qu’il est fort possible qu’il n’ait « point existé ». Son contrat social, qui vise à concilier la liberté et l’obligation sociale, diffère totalement du contrat social de Locke, fondé sur l’intérêt, ou du contrat social de Hobbes, qui n’est qu’un moyen d’échapper à une « guerre de tous contre tous » qui, en réalité, s’est généralisée dans les sociétés modernes. Quant à l’idée d’un « homme nouveau », elle n’est pas nouvelle. On la trouve déjà chez saint Paul ! Ce qui compte pour Rousseau, c’est de faire primer le bien commun sur les intérêts particuliers, idée qui contredit également tout ce que pensent les Lumières, pour lesquelles les nations et les peuples ne sont que des agrégats hasardeux d’individus.

    JDD. Plus encore qu’une critique antilibérale, ce livre n’est-il pas une critique de la droite réactionnaire et conservatrice ?

    ALAIN DE BENOIST : La droite contre-révolutionnaire ne peut pas adhérer à Rousseau, parce qu’elle s’oppose à la modernité au nom d’un passé qu’elle espère ressusciter. C’était notamment la position de Joseph de Maistre. Rousseau, lui, est un moderne qui critique la modernité de l’intérieur. Il défend avec force le principe de la souveraineté populaire, que rejettent évidemment les contre-révolutionnaires. Mais sa défense du peuple, dont il dit, comme Carl Schmitt, qu’il doit être politiquement présent à lui-même, le met aussi en porte à faux avec les partis de la gauche actuelle, qui ont abandonné le social pour le sociétal et ont depuis longtemps accepté les principes de la société de marché, ce qui les a amenés à trahir les intérêts des travailleurs. L’œuvre de Rousseau condamne par avance cette gauche qui se moque de la patrie et milite pour la suppression des frontières : « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux » ! Jean-Claude Michéa dit à peu près la même chose aujourd’hui. On peut aussi penser aux « socialistes patriotes » qu’aimait à évoquer Bernanos.

    JDD. Vous dressez le portrait d’un penseur inclassable, vous voyez-vous en lui ?

    ALAIN DE BENOIST : Ceux qui me trouvent inclassable raisonnent en fonction des étiquettes. Ils vivent dans un monde en noir et blanc qui ignore les couleurs. Tout leur paraît « confus » quand on brouille leurs repères. Autrefois, beaucoup d’homme de droite avaient aussi une culture de gauche, et beaucoup d’hommes de gauche avaient aussi une culture de droite. Je trouve dommage que ce ne soit plus le cas. Personnellement, j’aime les démarches transversales. Au fond, seuls les inclassables sont intéressants. Les autres ne sont que des disques rayés !

    Alain de Benoist, propos recueillis par Aziliz Le Corre (Journal du dimanche, 17 mai 2025)

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  • Un autre Rousseau...

    Les éditions Fayard viennent de publier un essai d'Alain de Benoist intitulé Un autre Rousseau - Lumières et contre-Lumières, avec une contre-préface de Michel Onfray.

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021), L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021), L'exil intérieur (La Nouvelle Librairie, 2022), Nous et les autres - L'identité sans fantasme (Rocher, 2023) et, dernièrement, Martin Buber, théoricien de la réciprocité (Via Romana, 2023).

     

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    " Inclassable Rousseau… Fut-il un penseur des Lumières ? L’un de leurs critiques ? Voire leur premier opposant systématique ? L’auteur du Contrat social n’a cessé d’être convoqué au tribunal de l’Histoire, par la droite contre-révolutionnaire, qui lui reproche d’avoir « engendré la Révolution », ou par les libéraux, qui font de lui l’ancêtre du totalitarisme.
    Qu’il ait été un précurseur est incontestable. Il est l’un des premiers à théoriser la question sociale et la sociologie critique, à démystifier les prétendues « lois naturelles » de l’économie politique. Mais la République de la vertu qu’il prône repose sur des principes contraires à ceux des philosophes de l’époque. Opposant culture et civilisation, se méfiant de la raison, il récuse l’optimisme de la pensée du progrès, qu’il ne croit pas inévitable ni même souhaitable…
    Dans sa contre-préface inédite au présent ouvrage, Michel Onfray ajoute à ce débat passionnant : le Genevois est celui qui fit « tomber la guillotine sur le cou de la pensée judéo-chrétienne occidentale trente ans avant que Louis XVI ne fasse les frais de la veuve jacobine »…
    Alors, Rousseau révolutionnaire conservateur ? Il est temps de rouvrir le dossier. "

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  • Ce n’est pas toujours la faute à Rousseau !...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean Montalte, cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré à Rousseau.

    Pour aller plus loin dans ces réflexions on pourra se reporter :

    - à un article d'Alain de Benoist, intitulé «Relire Rousseau ? », publié dans la revue Études et recherches (n°7, 1989) ;

    - au dossier de la revue Éléments (n°143, avril 2012) consacré à Rousseau;

    - ou encore à un article d'Alain de Benoist , intitulé «Rousseau contre les Lumières », publié dans le numéro de Nouvelle École de l'année 2016.

     

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    Ce n’est pas toujours la faute à Rousseau !

    Littérature et politique. Maurras, à la fois penseur politique et critique littéraire, associait ces deux disciplines pour les fondre dans un même processus de pensée visant à dégager les lignes de force qui innervent le monde moderne. Dans son texte à la fois court et dense consacré à la Révolution et au Romantisme, il s’emploie à montrer l’étroite solidarité de la décadence littéraire et de la décadence politique. Il écrit, à rebours de Taine qui attribuait à l’esprit classique l’élaboration de l’esprit révolutionnaire : « Romantisme et Révolution ressemblent à des tiges, distinctes en apparence, qui sortent de même racine. » Sa critique porte principalement sur trois auteurs, à savoir Rousseau, Chateaubriand – faux allié de l’Ancien Régime, anarchiste authentique, toujours selon Maurras – et Victor Hugo, qui sema la zizanie en divinisant le mot, véritable invitation à la déclamation stérile, ignorante des chaînes logiques, garde-fous qu’impose l’esprit classique. Je vais me borner à examiner quelques aspects de la doctrine de Rousseau, eu égard aux griefs qui lui sont traditionnellement adressés. Il ne s’agit pas ici de soutenir que Maurras avait intégralement tort dans sa critique, mais d’apporter quelques nuances et contrepoints.

    Rousseau, le mauvais sauvage

    Parlant du rôle de Rousseau dans la Révolution, c’est-à-dire dans la subversion, Maurras écrit : « La gloire de la France et l’hégémonie de Paris furent employées à répandre les divagations d’un furieux. Ce sauvage, ce demi-homme, cette espèce de faune trempé de la fange natale, avait plu par le paradoxe et la gageure de son appareil primitif. » En somme, Rousseau est un barbare et il vient secouer le joug de la civilisation pour la faire régresser, critiquant les arts, les lettres, la tradition, le passé, la société, les institutions, la religion – « La profession de foi du vicaire savoyard » se passe bien d’une quelconque médiation ecclésiale –, et la morale hétéronome, qui ne jaillit pas directement de la conscience subjective, leçon que Kant retiendra à sa manière quelque peu rigide, sous la forme de l’impératif catégorique.

    Pour neutraliser les aspects corrosifs de la pensée de Rousseau, il fut de bon ton de considérer en lui le seul artiste. Le style de Rousseau est, certes, enchanteur. Il ne faudrait pourtant pas se laisser abuser par son éclat au point de masquer les qualités spécifiquement intellectuelles, qui, au-delà des habiles paradoxes dont il a le secret, font de Rousseau un dialecticien plus subtil qu’il n’y paraît. La finesse et la complexité de sa pensée ne sont pas celles d’un seul sensitif, d’un primitif mal dégrossi qui n’aurait su se dégager du « bourbier barbare » dont l’art de la dialectique a justement pour tâche, selon Platon, de nous extirper. Quant à faire de lui l’ennemi de toute civilisation, l’apôtre du bon sauvage, il n’est pas inutile de rappeler ce texte décisif où l’auteur évoque le passage de l’état de nature à l’état social, tiré du Contrat social, tant les préjugés ont la vie dure : « Quoiqu’il se prive dans cet état civil de plusieurs avantages qu’il tienne de la nature, il en regagne de si grands, ses facultés s’exercent et se développent, ses idées s’étendent, ses sentiments s’ennoblissent, son âme tout entière s’élève à tel point que si les abus de cette nouvelle condition ne le dégradaient souvent au-dessous de celle dont il est sorti, il devrait bénir sans cesse l’instant heureux qui l’en arracha pour jamais, et qui, d’un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme. »

    Pour conclure sur ce point, Ernst Cassirer écrit dans son ouvrage Le problème Jean-Jacques Rousseau : « On s’est obstiné à l’accuser de vouloir détruire les sciences, les arts, les théâtres, les académies et replonger l’univers dans sa première barbarie, et il a toujours insisté au contraire sur la conservation des institutions existantes, soutenant que leur destruction ne ferait qu’ôter les palliatifs en laissant les vices et substituer le brigandage à la corruption. »

    Il faut cependant noter qu’il fut le premier à transporter la question classique de la théodicée, à savoir la présence du mal en dépit de la toute puissance et de l’infinie bonté de Dieu, dans le domaine social. En effet, niant que le mal tirât son origine de Dieu ou de l’homme, ce qui est l’alternative traditionnellement posée, il les dédouane tous deux pour accabler la société seule. Ce qui laisse une brèche ouverte à une critique de la société en tant que telle, jusque dans sa légitimité à exister. De là à en faire l’ancêtre des social justice warriors, c’est une audace herméneutique dont nous nous dispenserons. Il n’en reste pas moins que cette critique n’est pas le dernier mot de Rousseau sur cette question et que, s’il prête le flanc à des interprétations anarchisantes, c’est à condition d’occulter une part essentielle de sa pensée.

    La maître et ses (faux) disciples

    Goethe a cette fameuse formule : « Avec Voltaire un monde finit, avec Rousseau, un monde commence. » Rousseau, ayant conscience d’avoir pour tâche d’édifier sur les ruines éboulées à venir d’un monde qui chancelle, déroute par l’originalité de sa pensée. Ernst Cassirer, encore : « En morale, en politique, en religion, en littérature comme en philosophie, Rousseau renie et brise les formes inscrites qu’il y découvre – au risque de laisser le monde sombrer à nouveau dans l’état originaire et informel, l’état de “nature”, et ainsi de le livrer en un certain sens au chaos. Mais c’est au sein de ce chaos, qu’il invoque, que s’affermit sa propre force créatrice. »

    C’est ici que je risquerais une analogie avec la peinture de Tuner qui nous offrait une nouvelle vision du monde à l’ère romantique, dont l’apparent chaos n’était que le reflet d’une nouvelle naissance à son stade inchoatif. John Ruskin l’exprime en toute clarté par ces mots : « Au point de vue technique, toute la puissance de la peinture repose dans notre capacité à retrouver cet état que l’on pourrait nommer l’innocence de l’oeil, c’est une sorte de vision enfantine qui perçoit les taches colorées en tant que telles sans saisir leur signification – tout comme un aveugle les verrait si la vue lui était soudainement rendue. » Au fond, tout grand artiste devrait avoir pour ambition de nous faire assister à la naissance du monde. Et Rousseau fut l’exact contemporain de la gestation d’un nouveau monde. Quoi d’étonnant à ce que l’expression de sa pensée prenne des apparences embrouillées, contradictoires et chaotiques ? C’est une pensée en mouvement, une odyssée dans un monde dont les assises sont en passe d’être ébranlées, où le couchant se distingue malaisément du levant, comme dans tout crépuscule. Rousseau, malgré les tares d’humanité qu’il a lui-même documentées, était conscient de la nécessité d’une refondation. S’il a finalement échoué, et c’est la thèse du grand historien de la philosophie Alexis Philonenko, il n’en a pas moins contribué à exposer les forces contradictoires qui se livreraient bataille au cœur de la sensibilité moderne. Un travail de synthèse intellectuelle qui résorberait ces contradictions est toujours à accomplir. Un Hegel, un Musil n’y ont pas suffi et nous sommes toujours tributaires des apories soulevées par l’auteur de l’Émile, tant elles collent si bien à l’esprit moderne lui-même, dont nous n’avons pas loisir de nous déprendre si facilement, quand bien même le désir en serait vif.

    Il lui est souvent attribué des fautes qui incombent uniquement à leurs auteurs directs : d’avoir inspiré tour à tour le régime de la Terreur, d’être l’inspirateur des hippies et des libertaires ; pour d’autres d’avoir formulé avant l’heure une doctrine fasciste d’absorption de l’individu par l’État, d’avoir prôné une éducation laxiste, véritable forgerie en série d’enfants rois. Rousseau n’a-t-il pas écrit : « Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable ? C’est de l’accoutumer à tout obtenir » ?

    Chesterton disait que le monde moderne était rempli de vertus chrétiennes devenues folles, le monde post-moderne est, lui, rempli de vertus modernes devenues débiles. Rendons grâce à Rousseau, entre autres mérites, d’avoir condamné par avance les fraudes idéologiques qui prétendent nous en imposer : « Défiez-vous de ces cosmopolites qui vont chercher loin dans leurs livres des devoirs qu’ils dédaignent de remplir autour d’eux. Tel philosophe aime les Tartares, pour être dispensé d’aimer ses voisins. »

    Jean Montalte (Site de la revue Éléments, 21 février 2024)

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  • Périclès ou la démocratie athénienne à l'épreuve du grand homme...

    Les éditions Dunod viennent de rééditer dans leur collection de poche une étude biographique de Vincent Azoulay intitulée Périclès - La démocratie athénienne à l'épreuve du grand homme. Directeur d'études à l'EHESS, Vincent Azoulay dirige la rédaction des Annales.

     

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    " Dans la culture occidentale, Périclès a le rare privilège de donner son nom à un « Siècle », incarnant l’apogée politique et culturel du monde grec. Pour autant, faut-il croire l’historien Thucydide lorsqu’il soutient, à propos d’Athènes : « C’était, de nom, une démocratie, mais, en fait, le premier citoyen exerçait le pouvoir » ? Périclès régna-t-il en souverain sur des masses consentantes ou ne fut-il qu’une marionnette actionnée par le peuple ? De Thucydide à Plutarque, de Voltaire à Rousseau, de Grote à Duruy, les auteurs anciens et modernes se sont interrogés sur les relations nouées entre le stratège et la communauté athénienne. Périclès, chef tout-puissant ou simple ventriloque des aspirations populaires ? Telle est l’énigme que cette enquête historique et historiographique s’emploie à résoudre. "

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  • L'art d'écrire de Machiavel...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un essai de Philippe Bénéton intitulé Niccolò Massimo - Essai sur l'art d'écrire de Machiavel. Agrégé de sciences politiques et professeur à l'université de Rennes, Philippe Bénéton est l'auteur de deux essais importants,  Les Fers de l'opinion (PUF, 2000) et Le dérèglement moral de l'Occident (Cerf, 2017). Il a également rédigé quatre entrées pour le Dictionnaire du conservatisme (Cerf, 2017).

     

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    " Les lecteurs de Machiavel forment une troupe nombreuse où se mêlent les philosophes et les rois, les empereurs et les tyrans. Le Prince est de toutes les oeuvres de la pensée politique la seule qui ait durablement accroché l'intérêt des hommes de gouvernement : Charles-Quint en avait fait un de ses livres de chevet, Frédéric II s'efforça de le réfuter, Napoléon voulut qu'il fût dans ses bibliothèques successives, Mussolini en écrivit une préface. Staline l'annota. Hitler dit l'avoir lu et relu. Du côté des écrivains et philosophes, la liste est longue et prestigieuse : Bodin, Bacon, Marlowe, Spinoza, Montesquieu, Rousseau, Hegel, Nietzsche... Mais qu'y a-t-il donc dans ce livre ambigu, écrit avec brio et semé de contradictions ? Pour tenter d'y voir clair, Philippe Bénéton mène une vaste enquête sur l'art d'écrire du Florentin : des explications de texte serrées, une analyse systématique des sources, la confrontation du témoin Machiavel avec l'histoire de son temps. D'étape en étape, les brouillards se dissipent. Machiavel apparaît comme un maître dans l'art de la rhétorique. Quant à son intention profonde, il s'avère qu'elle n'est guère au diapason de ce que dit la doxa contemporaine. Il y avait une énigme Machiavel : voilà sa solution machiavélique. "

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