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ploutocratie

  • L’affaire McKinsey, un scandale si prévisible...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Rodolph Cart, cueilli sur le site de la revue Éléments dans lequel il évoque, au travers du scandale de l'emprise de la société de conseil McKinsey sur l'état macronien, le remplacement de la démocratie par une ploutocratie...

     

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    L’affaire McKinsey, un scandale si prévisible

    Alors que certains commencent à parler de « scandale d’État » ou d’une « affaire McKinsey », l’omniprésence des cabinets de conseil, dans la gouvernance macroniste, soulève des questions légitimes. Par un système d’optimisation fiscale, le Sénat relève, après commission d’enquête, que McKinsey n’aurait payé aucun impôt en France depuis une dizaine d’années. Plus grave, le rapport du Sénat révèle, sous le quinquennat Macron, un doublement des dépenses pour les cabinets de conseil. Présents partout dans nos politiques publiques dont les plus sensibles (défense, santé, éducation), à telle enseigne que le gouvernement semble avoir instauré une véritable « consultocratie ». Or, cette collusion du public-privé ne repose-t-elle pas la question de notre système politique ? Cette croyance absolue dans le privé n’est-elle pas la marque d’une idéologie plus profonde ?

    Un premier constat nous vient dans cette affaire : l’État pourrait assumer ces missions. Tout l’enjeu de ce scandale repose dans l’affrontement – à bas bruit – entre les fonctionnaires et les cabinets de conseil. La chose est d’autant plus alarmante que le gouvernement semble, après de nombreux exemples, consentir à favoriser l’avis du privé contre le public. Le credo « Ce sera toujours mieux dans le privé » semble s’être installé aux plus hautes sphères du pouvoir. Mais cela doit-il nous surprendre ? Pas si sûr.

    L’absence d’un véritable État

    La pensée de l’État fut pendant longtemps, des Grecs jusqu’à Hobbes et Bodin, au centre de l’esprit politique européen. Après son apparition à la Renaissance et son absolutisation au XVIIe siècle, l’influence du libéralisme semble l’avoir fait entrer dans une instance de neutralisation. Sa transformation actuelle tendrait vers l’« État total » selon Carl Schmitt, le grand théoricien du politique. Total dans le sens d’un hyperétatisme qui le porterait à intervenir dans toutes les domaines de notre vie sociale. L’identification entre État et société n’est pas loin ; et cela constituerait, de manière paradoxale, son affaiblissement et son incapacité à demeurer une institution purement politique.

    Toute une partie critique de l’État se trompe quand elle voit dans les penseurs étatistes des apologistes béats de l’État. Ces penseurs étatistes, au contraire, sont des adversaires de la pensée du « toujours plus d’État », et seraient plutôt les défenseurs d’un « État politiquement fort » qui ne « disperserait pas son crédit dans les activités non politiques », selon Julien Freund, disciple de Carl Schmitt. Sa fusion-confusion avec la société l’empêcherait de jouer pleinement son rôle, et le réduirait à utiliser ses compétences dans des domaines qu’il ne peut assumer. Freund ajoute que cela participerait d’une volonté de « saper l’autorité étatique par en dessous, bien qu’elle apparaisse en surface omnipotente ».

    Walther Rathenau, ministre sous la République de Weimar, disait que notre destin n’est plus dans la politique mais dans l’économie. Il n’était ni le premier ni le dernier à dire cela. De fait, la doctrine libérale de l’État a renforcé ce postulat en faisant prédominer les déterminants économiques pour résoudre les questions politiques. C’est justement cet argument qu’avancent les cabinets de conseil. Se présentant comme « neutres », proposant des réponses dénuées d’idéologies, ils préconisent une dépolitisation des sujets politiques et glorifient l’imposture de la neutralité axiologique des réponses économiques.

    Les cabinets de conseil contre le peuple

    Depuis les guerres de religions du XVIe siècle, la triade du peuple-État-espace ne supporte la moindre interférence. Le pouvoir est direct entre le peuple et l’État bien qu’ils restent distincts. Mais le libéralisme, en fondant État et société, brisa cette séparation et fit apparaître de nouveau la doctrine de la potestas indirecta, le pouvoir indirect, en l’occurrence le respect du droit, remettant en cause cette unité. N’agissant pas directement par la voie du commandement, l’influence de cette doctrine sur le politique a fait de ses thuriféraires les vrais « maîtres », peu importe qu’ils ne soient pas élus.

    Qu’est-ce ici le libéralisme ? C’est la prolifération de ces pouvoirs indirects qui faussent l’image du politique et détruisent son image d’autorité. Ces pouvoirs indirects plongent un peuple dans l’inexistence politique. Ils sont le signe qu’un peuple n’a plus « la force ou la volonté de se maintenir dans la sphère du politique », selon l’expression de Schmitt. S’il agit au nom de la légalité – et non plus de la souveraineté –, l’État perd sa légitimité et son droit de demander un devoir d’obéissance envers le peuple.

    Concept-clé de l’État moderne, la souveraineté est indissociable de la pensée de l’État. « Est souverain, dit Schmitt, celui qui décide lors d’une situation exceptionnelle ». Le fait que le gouvernement ait délégué, dans des situations de crises, son pouvoir de décision à des pouvoirs indirects ne témoigne que du refus par l’État de remplir ces charges politiques. Hostile à la notion de souveraineté, de nation et de non-ingérence dans les affaires de l’État, la doctrine libérale promeut cet impérialisme du droit (Kelsen) et de l’économie par des organisations privées.

    Raison pour laquelle les démocraties libérales sont incapables de répondre à des situations exceptionnelles ; or, l’exception qui ne devait être qu’une perturbation devient dans ces conditions un état de fait. Ainsi, ce n’est plus l’État qui est souverain, mais bien l’entité (juridique, économique, etc.) qui lui dicte sa décision. Tant que l’État refusera de prendre une décision par lui-même, il acceptera que d’autres forces le fassent à sa place et le soumettent à leurs normes.

    Le résultat d’une privatisation sans limite

    Le fait marquant de la société moderne fut donc la différenciation entre les prérogatives publiques et les initiatives privées. Cette séparation fut si constitutive de la modernité que les juristes ont pu parler de summa divisio. Guillaume Travers l’appelle une déchirure, et rappelle que cette séparation – typiquement moderne, on le redit – tourne résolument le dos à l’ancien ordre du monde qui était un ordre communautaire orienté par la recherche du bien commun. Non seulement cette déchirure (public-privé) se désintéresse du bien commun, mais en outre elle aboutit à l’appropriation de la chose publique par une poignée de personnes n’agissant que par intérêts privés.

    Le propre des sociétés liquides dans lesquelles nous vivons est néanmoins de brouiller de plus en plus la distinction public-privé s’atténuant. Voilà le prix d’une économie ouverte et mondialisée où le « devenir privé » du monde suit une pente dangereuse pour les peuples. Dans ce contexte, ces cabinets incarnent l’avant-garde d’une sorte de gouvernement mondial n’appliquant qu’une seule et même idéologie qu’est l’économisme. Fondés sur l’abstraction généralisée et l’indifférenciation pour leurs clients, ces cabinets, à la clientèle mondiale, distillent les mêmes conseils et cela qu’importe l’État auquel ils s’adressent.

    Les infrastructures, le droit, les forces de l’ordre et le gouvernement restent en place, mais seulement pour garantir la circulation des flux, des échanges, des contrats et de la sécurité du commerce. Des structures privées se chargent alors de la prise en main du politique, mais aussi des domaines que l’État continue de « contrôler » – théorie de l’État total – tout en déléguant ces missions de service public à des entreprises. Ce bouleversement par le haut (décision politique) et par le bas (services réalisés par le privé) fait dire à Guillaume Travers que nous sommes en face d’un authentique « gouvernement des intermédiaires ».

    La logique de la gouvernance

    Une gestion public-privé des affaires politiques semble donc incarner la gouvernance Macron. Pour bien cerner le macronisme, il faut comprendre ce qu’est la gouvernance. Elle est un mode de gestion des affaires complexes dans lequel les acteurs principaux (publics comme privés) se déploient sur le même plan – à l’horizontale, sinon à égalité. Aussi, elle implique que les affaires publiques nécessitent un traitement semblable aux affaires privées.

    Abolissant la distinction public-privé, l’État ne doit plus être qu’un agent régulateur. Cela est justifié par la croyance libérale en un phénomène de mécanisme d’auto-ajustement apparenté à celui du marché. Rappelons aussi que les acteurs des dispositifs de gouvernance se recrutent principalement par cooptation et par proximité idéologique. Quand on constate le pantouflage des fonctionnaires et des proches de LREM avec les cabinets, la chose nous paraît encore une fois vérifiée.

    Chose importante : le processus de décision de la gouvernance est toujours révocable et provisoire. Les décisions ne sont plus le produit d’un débat ou d’une délibération, mais bien de négociation entre « égaux » – ce que sont le client et le prestataire de services. La gouvernance se rapproche de la tradition jurisprudentielle illustrée par la Common Law. Cette dernière délaisse les lois votées au profit des normes négociées. Damant le pion à la démocratie populaire, cette « démocratie sectorielle » promeut une logique de cooptation qui s’adapte parfaitement à une « découpe » du bien commun en secteurs, en clientèles, en marchés, chacun régi par ses propres intérêts.

    Produits du néo-institutionnalisme, les relations sociales et politiques entre l’État et les citoyens doivent s’interpréter selon des termes strictement économiques. La privatisation des services publics doit déboucher sur une libéralisation complète des activités de production et d’échange afin d’installer l’économie de marché. Les cabinets, en appliquant cette doctrine de consultation et de décision concertée post-régalienne, ne sont que les agents privés de cette gouvernance économique mondiale. Quand les grandes institutions (FMI, Banque mondiale, OMC) se chargent d’édifier les normes négociées à l’échelle planétaire.

    La primauté de la norme négociée sur la loi démocratiquement votée entérine la supériorité du pouvoir des juges (qui se substituent au pouvoir du législateur). Ce repositionnement à l’horizontale, la prédominance de l’économie et la concertation entre des acteurs publics et privés témoignent du danger que représente la gouvernance macroniste pour la France. Car ce à quoi on assiste, c’est au remplacement de la démocratie par une ploutocratie. À nous de réagir au plus vite.

    Rodolph Cart (Site de la revue Éléments, 1er avril 2022)

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  • Les Gilets Jaunes, une page d'histoire française...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jean-Paul Baquiast, cueilli sur le site Europe solidaire et consacré à la révolte des Gilets jaunes. Jean-Paul Baquiast anime également le site d'information techno-scientifique Automates intelligents.

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    Les Gilets Jaunes. Une page d'histoire française

    En France, les Pouvoirs, pouvoirs publics et média, présentent le mouvement des Gilets Jaunes (GJ) comme la protestation d'un certain nombre de représentants des classes moyennes « modestes » - selon l'expression ayant cours désormais.

    Ceux ci, selon le discours gouvernement actuel, ont vu leurs revenus diminués par la hausse de certaines taxes, la baisse des prestations sociales au nom d'économies nécessaires et l'extension du sous-emploi imposé par la numérisation de la société. Il suffirait qu'Emmanuel Macron revienne sur certaines des mesures de rigueur que son gouvernement avait prises pour que tout rentre dans l'ordre.

    Cela ne semble pas être le cas à la fin de l'année 2018. Le nombre des GJ manifestant actuellement aurait sensiblement baissé, si l'on en croit des statistiques officielles. Les statisticiens n'ignorent pas cependant que celles-ci sont plus au service de la politique gouvernementale que de la vérité. Il est donc légitime de penser que ce nombre est resté stable, même si les manifestations se sont davantage dispersées, ce qui rend les comptages plus difficiles. L'avenir dira ce qu'il en sera. Mais on peut douter que le mouvement s'éteigne.

    Ceci n'aurait rien d'étonnant si l'on admettait que les GJ n'expriment pas seulement des revendications catégorielles, mais traduisent l'étendue de la crise multiforme qui avait affecté la France depuis plusieurs années, sinon plusieurs décennies, et que les Pouvoirs se refusent à voir. Ils s'y refusent parce que l'oligarchie qui gouverne la France dans le cadre des institutions politiques, ne veut absolument pas reconnaître que dans les décennies précédentes, la structure industrielle et scientifique était tirée par des grands programmes nationaux, par l'Espace, le Ferroviaire de haut niveau, l'énergie nucléaire, les industries de Défense.

    Un pays volontairement désindustrialisé

    La vague de libéralisation, le désengagement de l'État imposé par des majorités dites libérales, la concurrence acceptée, notamment au niveau européen, en provenance de pays soumis directement au capitalisme financier américain, ont fait progressivement disparaître cette base industrielle et de recherche. Ceci se constate par le déclin des études scientifiques, jusqu'à la disparition de l'enseignement obligatoire des mathématiques.

    Face à l'expansion apparemment sans limites des technologies de la communication et de l'information, qui se traduit par le phénomène désormais bien connu des GAFAS américaines et de leur pouvoir sans aucune restriction étatique, la France se montre incapable de lutter, essentiellement parce que ces GAFAS ne supportent pratiquement aucun impôt sur un chiffre d'affaires en France de plus en plus important. La conception des logiciels demeure encore active, mais comme il s'agit souvent de produits francophones, leur marché est de plus en plus réduit face à l'explosion des logiciels anglophones.

    Le pays est donc désindustrialisé, privatisé, et victime de chômage. Ceci n'empêche pas l'Union européenne de continuer à exiger de plus en plus de privatisation, de désindustrialisation et de restriction budgétaire au prétexte de lutte contre un déficit qui dans les pays non-européens n'est que la contrepartie momentanée des investissements productifs.

    Inutile d'ajouter que les extrêmement petites minorités constituant en France l'oligarchie disposent de toute tolérance administrative pour frauder l'impôt ou s'y évader dans les paradis fiscaux.

    Un régime ploutocratique

    La réalité du pouvoir en France n'est plus celui d'un pouvoir démocratique, mais d'un pouvoir ploutocratique (le pouvoir par les riches et les puissants), les médias étant là pour dissimuler le phénomène en distrayant l'opinion par une attention exclusive au mode de vie luxueux des « élites » oligarchiques, hommes et femmes.

    Personne ne fait valoir qu'en Russie et surtout en Chine, pays eux-aussi soumis aux exigences de l'économie numérique, des gouvernements décidés à intervenir pour mobiliser les ressources nationales le font avec de plus en plus de succès. Mais ils sont discrédités aux yeux des travailleurs français et surtout de ce qu'ils ont conservé de syndicats, comme des dictatures militaires ou policières.

    Depuis des années, le mécontentement populaire se fait entendre dans la rue, sans être écouté. Les grandes manifestation contre la loi El Khomri, puis contre l'abolition du droit du travail et du droit à la retraite, ont été massives, importantes, suivies. Mais aucune n'a eu de conséquences, que ce soit sous Chirac, Hollande et aujourd'hui Macron.

    Toutes les offensives contre le peuple rappelées ci-dessus sont comprises par les militants les plus conscients des GJ. L'oligarchie leur répète qu'aucune autre solution que les siennes ne sont possibles. Par un triomphe de la conscience collective, qui reste à expliquer en termes sociologiques, sans se concerter, sans chefs, ils ont réussi à effrayer l'oligarchie. Les politiques aux ordres ne savent que faire, sauf envoyer la police pour bloquer les manifestations et susciter des casseurs étrangement tolérés pour déconsidérer le mouvement des G.J.

    Les Gilets Jaunes et la fluidité

    Face aux répressions quasi-militaires, les interpellations et incarcérations de plus en plus nombreuses, que rien ne devrait justifier, les GJ ont suivi la bonne stratégie, la fluidité. Fluidité du mouvement lui-même, fluidité des actions, fluidité des déplacements, fluidité des revendications, fluidité de la pensée. Face à cette fluidité, le gouvernement, le système, l'oligarchie, semblent figés dans le monde d'avant.

    Les GJ sont une fierté pour la démocratie, redonnent confiance en l'humanité et au peuple français qui a toujours su dans l'histoire des derniers siècles se révolter contre des pouvoirs exorbitants, tolérés passivement ailleurs. Leur exemple commence à s'étendre, en Europe et ailleurs, y compris semble-t-il aux Etats-Unis. Peut-être dira-t-on qu'ils sont en train d'écrire une page d'histoire.

    Jean-Paul Baquiast (Europe solidaire, 24 décembre 2018)

     

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  • Vers une authentique renaissance de la cité...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patrice-Hans Perrier cueilli sur De Defensa et consacré aux conditions d'une renaissance de la cité. L'auteur est journaliste au Québec.

     

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    Vers une authentique renaissance de la cité

    À l’heure de l’ubiquité des échanges numériques, dans un contexte où les conventions culturelles sont battues en brèche, la cité se meurt faute d’oxygène. Il ne demeure qu’un vague agrégat d’intérêts disparates mettant en scène des acteurs qui meublent l’espace civique comme des potiches. La médiation n’est plus le lot des clercs d’autrefois : les grands prêtres du spectacle médiatique arbitrent aux différents qui ne manquent de se multiplier alors que le « vivre ensemble » n’est plus qu’une vague chimère. Il convient de rassembler les gens autour d’événements construits comme autant de célébration vides de sens, le temps de célébrer une fête païenne ou chrétienne travestie en journée de la consommation, le temps d’une fugace fuite en avant.

    Rituels de la cité confisqués par Hollywood

    Les médias, comme l’ancien bréviaire de nos pères et mères, scandent le temps de la liturgie d’une société de la consommation qui a chassé tous les rituels qui marquaient d’une pierre blanche les fondations de la cité. Il n’y a presque plus de naissances, encore moins de baptêmes à célébrer; alors pourquoi ne pas se concentrer sur la naissance des stars du monde du spectacle qui, à l’instar des certains astres fugaces, ne font que passer le temps de nous distraire de nous-mêmes. Les récoltes se font rares : toujours moins de fêtes paysannes destinées à célébrer la corne d’abondance des produits d’un terroir laissé en friche entre les mains des promoteurs immobiliers. Plus personne ne se joint à la cohorte des foules venues assister au mouillage d’une embarcation qui transportera les pêcheurs vers le large. Chacun de son côté, prostré devant son site pornographique, pourquoi prendre la peine de rencontrer des partenaires afin de tisser des relations qui culmineront par un mariage ? Une autre célébration qui disparaît de la carte … sauf pour les vedettes d’Hollywood qui célèbrent de nouvelles épousailles au moment de changer leur garde-robe, entre deux saisons de tournage. Plus de baptêmes, presque plus de mariages et jusqu’aux enterrements de nos aïeux qui sont proscrits par cette société narcissique qui refuse de célébrer les moments charnières qui permettaient à la cité de se retrouver au gré de rituels qui survivaient à l’effondrement des empires.

    Oubliez les personnages historiques, les Saints et les autres symboles qui étoffaient la Geste de la nation. Il n’y a plus rien à célébrer, hormis les potins des stars d’Hollywood qui respirent à notre place. Nous vivons par procuration au gré d’une représentation mimétique qui n’est qu’un théâtre du simulacre, puisque le temps de la cité s’est arrêté. Il s’agit d’une authentique glaciation de la vie humaine, dans un contexte où la programmation du monde inorganique vient de réussir un véritable coup d’état envers les « très riches heures » de nos antiques sociétés.

    La résistance et la reconstruction

    Véritable libre-penseur, philosophe avant la lettre, Hannah Arendt s’est penchée sur la catastrophe d’une postmodernité qui semble être le tombeau d’une humanité privée de son terreau. C’est avec La Condition de l’homme moderne, publié en 1958, qu’elle marque un grand coup en nous faisant prendre conscience de l’avancée de ce totalitarisme technocrate qui menace jusqu’à la raison d’être de toute société humaine. Disciple de Martin Heidegger, Arendt se penche, comme les fées du berceau, sur les modalités de l’AGIR qui fondent l’existence dans le creuset de l’humaine condition. Heidegger, le dernier des hellénistes classiques, célèbre la pensée de ces présocratiques qui avaient, déjà, mis en garde l’humanité contre les puissances démoniaques d’un hubris laissé à lui-même. Manifestement en porte-à-faux face à l’idéalisme hégélien, Arendt ambitionne de jeter les bases d’une « anthropologie politique » susceptible de nous aider à détricoter la condition humaine. Paul Ricoeur n’affirme-t-il pas qu’ « il faut lire Condition de l’homme moderne comme le livre de la résistance et de la reconstruction ». Mais, résister à quoi et comment reconstruire, serait-on tentés d’ajouter ?

    Arendt travaille d’arrache-pied sur les fondamentaux de cette vita activa qui permet à l’humanité de se perpétuer à travers le temps et l’espace. Rejetant toutes conceptions essentialistes qui représenteraient la nature de l’homme en faisant abstraction de son vécu en société; elle ne tombe pas, non plus, dans le piège d’un déterminisme qui, à l’instar de notre actuelle théorie du genre, stipulerait que l’homme est un être conditionné par son milieu ou par une représentation culturelle. C’est en accomplissant ses œuvres que l’homme permet à son être de se manifester. L’Homo faber agit sur son environnement, se projette dans son vécu et protège une liberté qui est tout sauf une vue de l’esprit. Déjà, son mentor, Heidegger, avait compris que le totalitarisme de la société techniciste menaçait de ravir à l’humanité jusqu’au souvenir d’une liberté perdue à force d’être coupé de toutes les racines de l’anthropos. Arendt télescope sa pensée du côté de la polis athénienne du Ve siècle avant notre ère. C’est au cœur de l’antique cité grecque qu’ont été forgées les bornes qui séparaient le domaine privé et le domaine public, alors que l’oikos – la maisonnée – était un lieu sacré, inviolable, distinct des débats qui présidaient aux destinées de la polis.

    Un foyer familial violé

    Notre modernité tardive, avec son machiavélisme froid, a détruit la maisonnée de nos pères et mères pour y substituer une agora concentrationnaire qui menace toute forme d’intimité. Véritables ilotes, sans attaches, ni liens filiaux, les consommateurs laissent le soin à une caste de politicards de présider aux destinées d’une polis pervertie par les forces du grand Capital. À contrario, les patriotes de l’antique cité grecque participaient à la magistrature d’un pouvoir qui n’avait pas été confisqué par des métèques, c’est-à-dire des forces extérieures à la cité. La polis représente, in fine, la prise de la parole au sein d’une agora qui rassemble tous les citoyens libres qui composent cette authentique société. L’oikos représente le lieu de l’intimité familiale, un espace en soustraction vis-à-vis de la polis, véritable matrice de la naissance et du travail nécessaire à la survie biologique. En outre, l’espace familiale est le lit d’une tradition propre à une lignée qui tentera de s’illustrer au cœur des débats qui président aux destinées de la cité. La cellule familiale, de l’aveu de Arendt, représente « un lieu que l’on possède pour s’y cacher ». Voilà pourquoi l’oikos est inviolable, malgré le fait que ses membres fassent partie de cette cité qui représente l’espace des échanges humains. Le vivre-ensemble n’est possible qu’au gré de la symétrie démocratique, d’une participation de tous aux affaires courantes de la polis, alors que l’intimité familiale, l’oikos, permet au citoyen de se ressourcer auprès des membres de son clan.

    Les penseurs de la lucidité postmoderne, de Arendt à Francis Cousin, en passant par Guy Debord, posent un diagnostic incontournable sur nos sociétés moribondes à l’heure de l’ubiquité des médias tout-puissants. Le propre d’un univers concentrationnaire c’est d’éliminer la distinction entre l’intime et le public, pour que plus personne ne soit en mesure de prendre la parole et d’apporter sa pierre à l’édification d’une société épanouissante. Pendant que les politiciens professionnels monopolisent l’espace public, les consommateurs se réfugient dans un cocon préfabriqué – cocooning – qui n’a rien à voir avec une cellule familiale puisque l’état s’occupe de règlementer toutes les facettes de la vie de couple, prenant en charge les enfants et règlementant jusqu’aux usages domestiques pour finir par prendre en charge l’intimité de chacun. L’état totalitaire postmoderne viole les citoyens qui sont devenus des esclaves par consentement.

    Paradoxalement, Arendt et consorts ont, dans un premier temps, excité la curiosité de cette gauche soixante-huitarde qui ambitionnait de révolutionner les rapports en société. De nos jours, ce sont les nouveaux conservateurs – combattant le néolibéralisme sous toutes ses formes – qui s’emparent de cette pensée féconde afin d’être en mesure de se forger des outils de combat effectifs et pérennes. Puisque le néolibéralisme ambitionne de briser toutes les frontières du langage humain, laissant au langage machine le soin de baliser l’espace transactionnel pour le plus grand profit des flux informatiques. La circulation de l’INFORMATION ne supporte aucune prise de parole au sein d’une agora qui a été transformée en parquet par les marchands du temple. C’est le Capital qui prend la parole à travers ses médias autorisés, lesquels permettent à la caste des politicards de venir y donner leur représentation factice.

    Restaurer l’intimité du foyer

    Ceux et celles qui se réclament du patriotisme ont très bien compris qu’il est minuit moins cinq. Dans un contexte où l’argent liquide sera bientôt retiré de la circulation et à une époque où les citoyens n’ont plus aucun mot à dire sur les destinées de leur cité moribonde, un nombre croissant de résistants est conscient qu’il devient urgent de préserver ce qui reste de la cellule familiale. Puisqu’à défaut de participer aux affaires de la polis, le néo-citoyen peut se donner les moyens de restaurer l’intégrité de son milieu de vie immédiat, tout en tissant des liens de proximité et d’entraide avec d’autres résistants face à cette impitoyable centrifugeuse que constitue le grand Capital prédateur. Il semblerait que les maîtres de la Banque soient des émules de Platon, cet ancêtre de la Maçonnerie spéculative qui percevait le philosophe comme un être supérieur à celui qui s’occupait de la chose politique. D’ailleurs, la cité utopique préconisée par Platon devrait, dans le Meilleur des mondes, être dirigée par une caste de philosophes-rois. Cette pensée délétère inaugure un distinguo entre la praxis et la theoria, dans un contexte où le commun des mortels est ravalé au rang d’un animal laborans, véritable esclave au service d’une élite de prédateurs qui, seule, a le droit de présider aux affaires et aux destinées de la cité.

    Si, à l’époque de la cité hellénique classique, seuls les citoyens libres avaient le droit de participer aux affaires de la cité – les femmes et les esclaves en étant interdits d’office – il n’empêche qu’une part substantielle du corps social avait « droit de cité ». De nos jours, seuls les professionnels de la politique – et leurs auxiliaires des médias – agissent comme représentants de ceux qui ont véritablement « droit de cité ». Le subterfuge est cynique puisque les payeurs de taxes sont ponctionnés par une caste de prévaricateurs faisant semblant de représenter la piétaille qui travaille ou qui chôme, c’est selon. La cité ayant été confisquée par les agent du Capital, le génos – tradition familiale basée sur l’occupation du territoire par une population donnée – sera liquidé au moyen de l’augmentation continue des flux d’immigrants, de l’augmentation vertigineuse des prix de l’immobilier et de la destruction des fondations pérennes de la famille. Privé de son oikos et n’ayant plus aucun droit de parole effectif au sein des affaires de la cité, le consommateur de la postmodernité n’est définitivement plus un citoyen. De fait, les femmes et les esclaves mâles se disputent au beau milieu des restes fumants de cette polis détruite par les nouveaux citoyens de l’hyperclasse technocratique.

    La perte du monde commun

    Jean-Claude Poizat, dans son opuscule intitulé « Hannah Arendt – une introduction », ne coupe pas les cheveux en quatre lorsqu’il affirme que « … la modernité nous renvoie à l’expérience de la perte du monde commun. Or, au-delà de la dimension historique, cette expérience porte atteinte à deux conditions fondamentales de l’existence humaine : l’appartenance au monde et la pluralité ». En effet, il faut être en mesure de préserver nos liens de filiation – l’intimité de la cellule familiale – si l’on souhaite pouvoir participer aux destinées d’une cité qui, normalement, représente le DIA-LOGOS en action. D’où l’importance pour l’Imperium d’éradiquer toutes traces de cultures authentiques, ce qui inclut le langage et ses manifestations. Le philosophe et théologien Paul Ricoeur, à travers ses études sur l’altérité – ou rapport à la différence – estime que le propre du totalitarisme absolu c’est d’abolir toutes les bornes qui agissaient comme des sas permettant de préserver l’intimité de l’être, condition essentielle d’une authentique communication. Le monde commun c’est l’espace public où il est possible de partager un part de soi avec autrui, de faire connaissance et de nouer des liens féconds et durables. Le civisme représentant, donc, une prise de conscience citoyenne qui, seule, permet de bâtir les fondations d’une cité qui ne soit pas concentrationnaire.

    On parle du « commun des mortels », afin d’identifier ceux et celles qui composent les fondations de la cité. La plèbe ne représente pas un agrégat d’esclaves incultes; à contrario ce terme réfère à l’humus, c’est-à-dire ceux qui cultivent la terre. Le monde commun c’est l’espace où les patriciens – oublions la confrontation entre patriarcat et matriarcat – peuvent se rencontrer afin de partager les fruits de la terre et de présider aux affaires courantes de la polis. L’homme postmoderne « hors-sol », coupé de ses racines, est comparables à un ilote corvéable à merci puisqu’il ne participe plus d’un génos effectif. Son identité lui est conférée par son numéro d’assurance sociale et sa marge de crédit. Hors du lexicon informatique, l’humanoïde ne représente plus rien : sa liberté est déterminée par son pouvoir d’achat et rien d’autre. À tout moment, la Banque peut lui couper les vivres et le déposséder de cette identité factice qui lui permettait de nouer des liens transactionnels avec d’autres consommateurs aliénés comme lui.

    Le droit de parole

    Tout le monde parle, tout le temps, sur son portable et les internautes éructent des commentaires disgracieux sur les médias sociaux qui ne sont que des perchoirs à perroquets. Ce babil incessant trahit l’énorme angoisse qui pèse sur le monde actuel, dans un contexte où les citoyens ne participent plus aux débats politiques. Même la classe politique ne préside plus vraiment aux destinées de la polis; elle se contente de jouer sa partition au beau milieu d’une agora qui a été transformée en amphithéâtre médiatique. La classe politique donne le la, alors que les commentateurs et autres chroniqueurs de l’air du temps improvisent à partir de cette partita pipée. Les consommateurs se chargent de faire circuler les racontars du jour, tout en les ponctuant avec force éructations. La machine à rumeur s’emballe et, au même moment, les donneurs d’ordres passent leurs commandes sur les parquets des grandes places boursières. C’est le Capital qui tient le crachoir.

    Jean-Pierre Vernant, dans « Les origines de la pensée grecque », souligne que « le système de la polis, c’est d’abord une extraordinaire prééminence de la parole sur tous les autres instruments du pouvoir ». C’est ce qui explique l’importance accordée au fait de « tenir parole » chez les peuples primitifs. « Donner sa parole » signifie que le locuteur implique toute sa personne dans son discours et qu’il ne sert point d’obscurs intérêts qui agissent par procuration. L’orateur de la Grèce antique prend la parole afin d’apporter sa pierre à l’édification d’une polis qui ne peut se concevoir sans la participation effective de ses constituants, les citoyens.

    Concluons sur ce passage de Jean-Claude Poizat qui nous rappelle que « l’égalité de tous les citoyens devant la loi se mue en participation effective à toutes les magistratures du pouvoir. Un tel régime politique implique, en particulier, que l’action politique des citoyens soit une action sans modèle et en quelque sorte improvisée, par opposition au travail productif qui est une activité réservée au spécialiste et qui requiert un savoir particulier – comme c’est le cas chez l’artisan ». Il n’y a pas à dire, la caste politicienne ne sert à rien, sinon qu’à ponctionner les finances publiques et à tenir lieu d’interface qui brouille la communication au profit d’un Capital qui a tout loisir de mener ses projets à terme. Étienne Chouard, économiste et politologue iconoclaste, a parfaitement raison de proposer d’élargir le spectre de la participation citoyenne aux affaires de la cité; ce qui pourrait, in fine, conduire à une marginalisation de la classe politique telle que nous la connaissons.

    Le commun des mortels – tous les hommes et les femmes qui participent à « l’être du monde » – ne doit plus accepter cette démocratie représentative qui n’est qu’un des rouages de la grande machination du monde de la « politique spectaculaire », pour paraphraser Guy Debord, notre mentor. Ce n’est plus la rue qu’il faut occuper : la plèbe devrait revêtir ses plus beaux atours et investir l’espace du Parlement. Le dèmos c’est l’ensemble des citoyens qui devraient, normalement, faire partie de l’assemblée patricienne du « grand peuple ». Le kratos – ou pouvoir effectif sur les affaires de la cité – ayant été confisqué par la ploutocratie – ceux qui détiennent les richesses et qui représentent le plousios –, il y a urgence que les forces vives de la nation prennent en main les rênes de cette démocratie qui n’est plus qu’un simulacre fétide. À contrario des stars et des ploutocrates, soyons humbles comme l’humus afin de nous réconcilier les uns avec les autres et d’être en mesure de renouer avec le radical de notre humaine condition. Nos racines profondes.

    Patrice-Hans Perrier (De Defensa, 5 novembre 2017)

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  • Retour sur un assassinat politique...

    Les éditions Delga viennent de publier un essai historique de Michael Parenti intitulé L'assassinat de Jules César - Une histoire populaire de l'ancienne Rome. Historien et politologue italo-américain, Michael Parenti est l'auteur de plusieurs essais traduits en français dont L'horreur impériale : Les États-Unis et l'hégémonie mondiale (Aden, 2004).

     

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    " Pourquoi une coterie de sénateurs romains a-t-elle assassiné un des leurs, un aristocrate et dirigeant renommé, Jules César ? L’opinion qui domine parmi les historiens, aussi bien les anciens que les modernes, est que les sénateurs avaient l’intention de restaurer les libertés républicaines en supprimant un usurpateur despotique. Dans ce livre, je présente une autre explication : les sénateurs aristocrates ont tué César parce qu’ils le percevaient comme un diri- geant populaire qui menaçait leurs intérêts et privilèges.

    Le péché de César ne fut pas de renverser la Constitution romaine, constitution non écrite, mais de desserrer l’emprise autoritaire que l’oligarchie exerçait sur elle. Pire encore, il a utilisé le pouvoir d’État pour accorder des prestations limitées aux petits fermiers, aux débiteurs et au prolétariat urbain, aux frais de la riche minorité. Peu importe que ces réformes se soient avérées limitées, les oligarques ne le lui ont pas pardonné. César connut ainsi le même sort que d’autres réformateurs romains avant lui.

    Voici donc une histoire de latifundia et d’escadrons de la mort, de maîtres et d’esclaves, de patriarches et de femmes subordonnées, de capitalistes auto-enrichis et de provinces pillées, de marchands de sommeil et d’émeutiers urbains. Voici la lutte entre quelques ploutocrates et la multitude des indigents, des privilégiés contre le prolétariat, mettant en vedette des politiciens corrompus et des élections motivées par l’argent et l’assassinat politique des dirigeants populaires. Je laisse au lecteur le soin de décider si tout cela peut entrer en résonance avec le caractère de notre époque. "

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  • « La boursouflure de l’art dit contemporain est d’origine psycho-patho-sociologique »...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Nicole Esterolle, cueilli sur Le Comptoir et consacré à l'art dit contemporain. Nicole Esterolle a récemment publié un essai intitulé La bouffonnerie de l'art contemporain (Jean-Cyrille Godefroy, 2015).

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    Nicole Esterolle : « La boursouflure de l’art dit contemporain est d’origine psycho-patho-sociologique »

    Après plusieurs années de chroniques féroces témoignant d’une saine pédagogie de l’humour orienté contre l’art contemporain, sa coterie, ses codes et ses inepties, Nicole Esterolle faisait paraitre à la fin du printemps l’essai La Bouffonnerie de l’art contemporain. Nous l’avons donc interrogée, pour compléter ou synthétiser le propos de ce très recommandable essai qui, qu’on en accepte le propos ou qu’on le trouve excessif, a le mérite d’engager au débat sur l’art d’aujourd’hui. Un art qui, en particulier en France, semble ressembler à une institutionnalisation des positions et attitudes qui furent autrefois les audaces des avant-gardes et n’apparaissent aujourd’hui que comme un académisme stérilisant.

    Dénoncer l’art contemporain : pourquoi ?

    Le Comptoir : Afin d’éviter tout malentendu, commençons par un éclairage. Vous avez exprimé votre intérêt pour de nombreux artistes présents, dont les noms sont cités çà et là dans votre livre et vos chroniques. Quand vous parlez d’art contemporain, de quoi parlez-vous au juste ?

    Nicole Esterolle : Il y a des centaines d’artistes d’aujourd’hui – donc contemporains – que je connais, dont j’aime le travail et que je défends sous ma vraie identité. Il m’est arrivé en effet d’en citer quelques-uns dans mes chroniques de Nicole. Ces artistes-là sont ceux de l’intériorité sensible, de la mise en forme, du savoir-peindre et/ou dessiner, du plaisir de l’inattendu, du mystère : tous les ingrédients qui constituent pour moi la vraie substance artistique.

    Et puis il y a l’aberration historique des dits “contemporains”, c’est-à-dire ceux qui se sont attribués abusivement ce qualificatif ; ceux pour qui  « les attitudes sont bêtement devenues formes »[i] ; ceux de la posture, de l’extériorité spectaculaire ; ceux de la subversion et du non-sens convenus et subventionnés ; ceux de la « processualité discursive »[ii] ; ceux de la rhétorique de plus en plus délirante ; ceux dont l’énormité du discours pallie le vide intérieur, mais surtout génère de la médiatisation, du buzz, de la visibilité et du pognon au bout de l’embrouille.

    Lire la suite sur Le Comptoir
    [Monsieur Domenico Joze, qui a réalisé l'entretien avec Nicole Esterolle et qui ne souhaite pas voir son travail figurer sur un site mal-pensant, nous a demandé de le retirer. Vous pouvez donc découvrir la suite de cet entretien sur le site Le Comptoir.

    Monsieur,
    Vous avez en effet "reproduit" l'entretien, mais sans demander l'autorisation à l'auteur.
    Or, il s'avère que je ne souhaite pas que mon travail apparaisse sur votre site.
    Je vous saurais donc gré ou bien de le retirer tout-à-fait, ou bien de n'en laisser que l'introduction avec renvoi vers le site Comptoir.org.
    Merci pour votre compréhension.

    DJ

    Écrit par : DJ | 16/10/2015

    Cher Monsieur,

    Je suis heureux de découvrir que vous lisez mon modeste blog.
    J'ai, comme vous l'avez remarqué, pris la liberté de reproduire votre entretien avec Nicole Esterolle. N'étant ni un journaliste ni un intellectuel (précaire), je n'ai pas le temps de solliciter des autorisations. Je reproduis et je cite mes sources. Viril mais correct...
    De ce fait, vos questions à cette auteur se retrouvent sur un site gravement mal-pensant et mal famé et cette promiscuité vous met dans une situation difficile, je le conçois. On a vite fait, de nos jours, d'être dénoncé par le premier Bruno Roger-Petit venu comme rouge-brun, tel le Michéa ou le Onfray moyen. Je reconnais que vous ne pouviez pas prendre ce risque grave. Il faut soigner son e-réputation, comme on dit chez les bobos, et surtout préserver l'avenir. La fréquentation des comptoirs n'a qu'un temps !...
    Je modifie donc mon site...
    Cordialement, tout de même

    Écrit par : Métapo Infos | 16/10/2015 ]

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  • Les riches...

    Vous pouvez lire ci-dessous un point de vue incisif cueilli sur le blog A moy que chault ! et consacré aux riches...

     

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    Les riches

    L'ectoplasme ghostbusterien Hollande, lorsqu'il n'était pas encore président des ruines de la République, avait déclaré « qu'il n'aimait pas les riches », oubliant au passage qu'il en était un pour les trois quarts de la population française et que ce n'était pas non plus très sympa pour son futur ministre des soumissions extérieures, Laurent Fabius.

    Cette déclaration idiote, et surtout indécente dans la bouche de quelqu'un qui touche sans doute chaque mois près de 20 fois le Smig, avait alors suscité l'ire hystérique et revancharde de toute la bourgeoisie de droite – celle qui avait si bruyamment éjaculé après l'avènement du bling bling sarkozyste – s'empressant de dénoncer « l'hypocrite pudeur » de la France vis à vis de l'argent, sa « défiance maladive » à l'encontre des millionnaires et son dramatique « retard » vis à vis des Etats-Unis, merveilleux pays où les « money makers » sont célébrés comme des héros de l'Iliade et où chacun étale son salaire après à peine deux minutes de conversation.

    Pourtant, moi non plus je n'aime pas les riches. Non pas parce qu'ils sont riches mais parce qu'ils ont voulu le devenir, qu'ils ont un jour décidé de faire de l'accumulation de l'avoir le but et l'horizon indépassable de leur existence et ne jugent celle des autres qu'en fonction de la taille, actuelle ou potentielle, de la « surface économique » de ceux-ci.

    Je n'aime pas les riches parce qu'ils finissent d'enterrer les valeurs aristocratiques de don et de désintéressement et qu'ils vénèrent et louent les préceptes marchands que l'Europe, durant tous les siècles où elle a été flamboyante et hautement civilisée, a méprisé et maintenu au rang de domesticité.

    Je n'aime pas les riches parce que, contrairement à ce qu'ils ne cessent d'affirmer, leurs fortunes ne sont jamais propres et honnêtes, car il est mensonger d'affirmer qu'aujourd'hui on peut gagner beaucoup d'argent par son travail et son goût d'entreprendre (ce qui serait évidemment respectable). C'est par la rapacité, la spoliation, la spéculation et l'exploitation que l'on parvient à cette richesse insane et dilapidée en coruscantes vulgarités.

    Je n'aime pas les riches parce que ce n'est plus, depuis bien longtemps, le mérite et le talent qui fondent leur abondance mais la filouterie, la prévarication, l'endogamie, le népotisme et l'absence de scrupules.

    Je n'aime pas les riches parce que leur inutile et leur superflu se nourrit de la privation de l'essentiel pour tant d'autres.

    Je n'aime pas les riches parce leurs qualités et leurs forces, parfois remarquables, ne sont jamais mis au service du collectif et de l'intérêt général ou de quoi que ce soit de plus grand et de plus haut que leurs insatiables appétits humains.

    Je n'aime pas les riches parce que depuis qu'ils ont pris l'ascendant sur les prêtres, les poètes et les soldats, le monde est plus laid, plus lourd, plus sordide et plus vain.

    Je n'aime pas les riches parce que je suis chrétien et catholique et que, contrairement à eux, je garde les oreilles ouvertes à la messe.

    Je n'aime pas les riches parce qu'ils vivent dans la peur de ne plus l'être et sont prêts à toutes les horreurs, toutes les bassesses et tous les crimes pour éviter cela.

    Je n'aime pas les riches car ce sont toujours eux qui mènent aux guerres, qu'elles soient chaudes ou froides.

    (A moy que chault ! , 24 octobre 2013)

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