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hygiénisme

  • Hôtel Beauregard...

    Les éditions de La Nouvelle Librairie viennent de publier un nouveau roman de Thomas Clavel intitulé Hôtel Beauregard. Écrivain, chroniqueur et professeur de français, Thomas Clavel est déjà l'auteur d'un recueil de nouvelles, Les Vocations infernales (L'Harmattan, 2019) et d'un roman, Un traître mot (La Nouvelle Librairie, 2020).

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    " L’enfer serait-il pavé de bonnes intentions sanitaires ? Et l’hygiénisme furieux, le dernier avatar de la cancel culture ? Telles sont les questions que soulève Hôtel Beauregard.

    Une étrange épidémie fait planer la menace d’une cinquième vague. Sur les réseaux sociaux, la célèbre blogueuse Nahama, « ambassadrice de l’hygiène publique », traque sans relâche les dissidents : à l’aide de sa communauté de followeurs zélés, elle dresse des bûchers virtuels, cloue au pilori les « anti-masques », dénonce les hérétiques de la religion sanitaire.

    Axelle, jeune chercheuse en biologie marine, discrète et sans histoire, va faire les frais de cette hystérie délatrice. Son crime ? Avoir posé, lors d’une photo de groupe, à visage découvert ! La voici aussitôt désignée à la vindicte numérique. Commence alors une irrésistible descente aux enfers, aux allures de chasse aux sorcières…

    Dans un récit tour à tour drôle, cruel, tendre, bouleversant, l’auteur nous plonge dans les abysses du cyberharcèlement, peuplés de monstres numériques. "

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  • Bienséance à la mode : solution ou problème ?...

    Nous reproduisons ci-dessous une tribune de Xavier Raufer, cuellie sur le site du nouvel Économiste et consacrée aux effets paradoxaux du "politiquement correct"...

     

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    Bienséance à la mode : solution ou problème ?

    La criminologie éclairée exige une large base : le crime n’est-il pas l’un des phénomènes sociaux les plus complexes et intraitables ? Voilà pourquoi elle doit s’intéresser à ce qui jouxte, provoque ou explique le crime, et aux réactions sur celui-ci des idéologies, modes, etc.

    Or qui regarde lucidement le crime évoluer dans la société de l’information, constate vite d’étranges, massives et analogues aberrations. C’est cela que nous montrons ici, pour diverses causes célèbres de la bienséance médiatique : racisme, féminisme, “fascisme”, obésité. Notons que tout cela touche au crime et/ou au pénal : il est donc légitime qu’un criminologue s’y intéresse et signale là-dessus ses étonnements.

    Racisme : Sur les assassinats d’hommes noirs aux États-Unis, éruption des médias bienséants (d’autant, sans doute, qu’ils sont à la botte de plutôt glauques milliardaires, moralisante compensation genre Tartuffe).

    Voyons les faits. Dans la population américaine, les 6 % d’hommes noirs fournissent 40 % des victimes d’homicides. En 2015, 36 Noirs américains désarmés ont été abattus par des policiers. Deux tiers de ces cas relèvent d’une possible (et criminelle) pulsion raciste. Sur les assassinats d’hommes noirs, les dernières données datent de 2014 : il y en a eu 2 451. Dont 2 205 (90 %) commis par d’autres hommes noirs (90 % du total).

    Homicides racistes : 1 % (24 sur 2 401) ; guerre de gangs : 90 %. Aujourd’hui encore, (sondage Pew, août 2015), 73 % des Noirs américains considèrent le racisme comme un “grave problème” - alors que clairement, côté crime, leur drame majeur est communautaire. Comment réduire un phénomène aussi tragique, en censurant 90 % de ce qui le génère ?

    Féminisme : depuis un quart de siècle, le féminisme enflamme l’Amérique. Parité ! Égalité ! Fin du sexisme et des discriminations. Or si la cause des femmes progresse, si de grands progrès sont accomplis, pourquoi les suicides féminins explosent-ils aux États-Unis ? D’abord chez les toutes jeunes filles, les mieux à même, à l’aube de leur vie, de jouir de ces progrès (+ 200% de suicides de 1999 à 2014 ; chez les garçons d’âge comparable, + 37%). Idem chez les femmes de 45 à 64 ans : + 63% de suicides, de 1999 à 2014.

    Obésité (tant provoquée par la malbouffe que la justice y soupçonne une sorte d’empoisonnement de masse). Depuis 1965, l’hygiénisme américain exige, sur tout paquet et emballage, l’inscription de Nutrition Facts avertissant le public des dangers des aliments ; inscriptions obligatoires depuis 1990 et le Nutrition Labeling and Education Act. Or selon le Center for Disease Control, le nombre d’obèse triple quasiment de 1980 à 2014 (de 14 à 38 % de la population adulte)
    Antifascisme : depuis la décennie 1980, en France, un bruyant courant antifasciste annonce le retour “des heures les plus sombres de notre histoire”. Fort bien - mais simultanément, l’objet de leur ire passe de 5 % à plus de 25 % des intentions de vote. Cependant, les “antifas” s’acharnent, en une obstination semblable à celle de la mouche contre la vitre.

    Pourquoi ? Pour le criminologue, toutes ces démarches contre-productives s’expliquent par la philosophie. On crie au racisme (crime indéniable), mais les assassinats de Noirs ravagent tant et plus les États-Unis. On combat pour des femmes - qui se suicident plus. On promeut l’hygiénisme ET l’obésité explose. L’antifascisme virulent voit le “fascisme” progresser.

    Le motif philosophique ce tout cela ? Lisons attentivement : “Ce qui agit de manière réactive pose d’abord ce à quoi il s’oppose et reste donc tributaire de ce qu’il s’imagine avoir révoqué”. Cette sage observation est de Martin Heidegger, philosophe que les “anti” feraient mieux de lire, au lieu de l’injurier.

    Xavier Raufer (Le nouvel Économiste, 9 juin 2016)

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  • Logique hygiéniste et État maternel...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire, dans lequel il évoque l'empire du Bien et son idéologie...

     

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    Gare à la logique hygiéniste imposée par l’État maternel thérapeutique !

    Vous venez de publier aux Éditions Pierre-Guillaume de Roux « Les démons du bien » , essai dont la première partie se veut une critique radicale de la tyrannie des bons sentiments. A quoi attribuez-vous l’émergence de ce néo-cléricalisme ?

    À l’esprit du temps. Mais l’esprit du temps n’est jamais que la résultante d’une tendance de fond. À partir du XVIIIe siècle, la montée sociale de la classe bourgeoise a simultanément marginalisé les valeurs aristocratiques et les valeurs populaires, en les remplaçant par ce que Tocqueville appelait les passions « débilitantes » : utilitarisme, narcissisme et triomphe de l’esprit de calcul. La vogue de l’idéologie des droits de l’homme a, de son côté, permis à l’égoïsme de se draper dans un discours « humanitaire » dont la niaiserie est le trait dominant. L’accélération sociale et la montée de l’insignifiance ont fait le reste.

    L’un des traits caractéristiques de « l’empire du bien » est cet envahissement du champ politique par le lacrymal et le compassionnel qui fait qu’à la moindre catastrophe ayant une portée médiatique, les ministres se précipitent désormais pour exprimer leur « émotion ». C’est également révélateur de la submersion de la sphère publique par le privé. La vie politique bascule du côté d’une « société civile » appelée à participer à la « gouvernance » par des « demandes citoyennes » qui n’ont plus le moindre rapport avec l’exercice politique de la citoyenneté. Il est désormais beaucoup mieux vu (et aussi plus rentable) d’être une victime qu’un héros.

    Parallèlement, la marchandisation de la santé va de pair avec la médicalisation de l’existence, c’est-à-dire avec un hygiénisme dogmatique qui se traduit par une surveillance toujours plus grande des modes de vie. Elle prescrit socialement des conduites normalisées, cherchant ainsi à domestiquer toutes les façons d’être qui se dérobent aux impératifs de surveillance, de transparence et de rationalité. On assiste à l’instrumentalisation de la vie humaine au travers d’une logique hygiéniste imposée par l’État maternel thérapeutique.

    L’évolution du langage est également significative. On préfère parler désormais de « fractures sociales » – aussi accidentelles en somme que les fractures du tibia – que de véritables conflits sociaux. Il n’y a plus d’exploités, dont l’aliénation renvoie directement au système capitaliste, mais des « déshérités », des « exclus », des « défavorisés », des « plus démunis », tous également victimes de « handicaps » ou de « discriminations ». La notion de « lutte contre-toutes-les-discriminations » a d’ailleurs elle-même remplacé celle de « lutte contre les inégalités », qui évoquait encore la lutte des classes. Dans 1984, George Orwell expliquait très bien que le but de la « novlangue » est « de restreindre les limites de la pensée » : « À la fin, nous rendrons impossible le crime par la pensée, car il n’y aura plus de mots pour l’exprimer. » Le politiquement correct fonctionne comme la « novlangue » orwellienne. L’usage de mots détournés de leur sens, de termes dévoyés, de néologismes biaisés ressortit de la plus classique des techniques d’ahurissement. Pour désarmer la pensée critique, il faut sidérer les consciences et ahurir les esprits.

    Les médias ne cessent de dénoncer la menace de l’« ordre moral », tout en nous faisant en permanence la morale. Paradoxe ?

    C’est tout simplement qu’une morale en a remplacé une autre. L’ancienne morale prescrivait des règles individuelles de comportement : la société était censée se porter mieux si les individus qui la composaient agissaient bien. La nouvelle morale veut moraliser la société elle-même. L’ancienne morale disait aux gens ce qu’ils devaient faire, la nouvelle morale décrit ce que la société doit devenir. Ce ne sont plus les individus qui doivent se conduire de façon droite, mais la société qui doit être rendue plus « juste ». L’ancienne morale était ordonnée au bien, tandis que la nouvelle est ordonnée au juste. Alors même qu’elles prétendent rester « neutres » quant au choix des valeurs, c’est à cette nouvelle morale, fondée sur le devoir-être (le monde doit devenir autre chose que ce qu’il a été jusqu’ici), qu’adhèrent les sociétés modernes. Nietzsche aurait parlé de « moraline ».

    L’essentiel de votre livre porte sur la théorie du genre, dont tout le monde parle en ce moment. Vous avez été l’un des premiers intellectuels à en faire une critique argumentée. Une fois de plus, à quoi attribuer ce phénomène venu des USA ? Et d’abord, de quoi s’agit-il exactement ?

    La théorie du genre est une théorie qui prétend déconnecter radicalement l’identité sexuelle du sexe biologique. Le sexe, remplacé par le « genre » (gender), serait une pure construction sociale. Cette théorie repose sur un postulat de « neutralité » de l’appartenance sexuelle à la naissance : il suffirait d’élever un garçon comme une fille pour en faire une femme, ou d’élever une fille comme un garçon pour en faire un homme. Ceux qui sont d’un avis différent sont accusés de propager des « stéréotypes » (on oublie qu’un stéréotype n’est jamais qu’une vérité empirique abusivement généralisée). Cette théorie a pour effet de confondre les deux sexes et de rendre plus difficile à chacun d’eux d’assumer son identité.

    La théorie du genre est en fait insoutenable. Non seulement son postulat d’une « neutralité sexuelle » originelle ne correspond pas à la réalité, mais on constate que l’appartenance sexuée favorise dès la plus petite enfance, avant tout conditionnement, des comportements spécifiques à chaque sexe. Cela ne signifie pas que les constructions sociales ne jouent aucun rôle dans la définition de l’identité sexuelle, mais que ces constructions sociales se développent toujours à partir d’une base anatomique et physiologique. La théorie du genre confond par ailleurs le sexe biologique, le genre (masculin ou féminin), l’orientation sexuelle et ce qu’on pourrait appeler le sexe psychologique (le fait qu’un certain nombre de femmes ont des traits de caractère masculins, et un certain nombre d’hommes des traits de caractère féminins). Reposant sur l’idée qu’on peut se créer soi-même à partir de rien, elle relève en fin de compte d’un simple fantasme d’auto-engendrement. Il faut pourtant la prendre très au sérieux. Dans les années qui viennent, c’est en référence à elle que l’on va voir se multiplier à l’infini les accusations de « sexisme ».

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 13 janvier 2014)

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  • Les démons du Bien...

    Les éditions Pierre-Guillaume de Roux viennent de publier Les démons du Bien, le nouvel essai d'Alain de Benoist. Essayiste et philosophe, directeur des revues Krisis et Nouvelle Ecole, Alain de Benoist a récemment publié Edouard Berth ou le socialisme héroïque (Pardès, 2013), une biographie de l'intellectuel non-conformiste Edouard Berth. Il a par ailleurs publié en 2012 Mémoire vive (De Fallois, 2012).

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    " Les démons du bien ? C’est d’abord le nouvel ordre moral qui, sous prétexte de créer une « société plus juste », a entrepris de normer les conduites des citoyens, désormais soumis à l’hygiénisme dispensé par un État « maternel » qui cherche à mettre en place une société de surveillance totale. C’est aussi la « bêtification contemporaine » qui rabat le politique sur la sphère privée, promeut l’inculture patronnée par la raison marchande, et aboutit à instaurer le degré zéro de la vie sociale.

    C’est enfin l’idéologie du genre qui, fondée sur un fantasme d’auto-engendrement, prétend que la différence des sexes n’est qu’une illusion. Que devient alors la « différence des différences » (Michel Schneider), cette dualité des sexes sans laquelle il ne saurait y avoir de construction de soi ? Elle s’efface dans un vaste mouvement de mélangisme généralisé abolissant d’un même mouvement le masculin et le féminin. L’idéologie du genre, c’est le grand retour du cache-sexe. Le rêve d’une postmodernité post-sexuelle où, faute d’avoir créé une société sans classes, on aurait une société sans sexes. Une société où la « libération du désir » signifierait, non plus qu’il faut libérer le désir, mais qu’il faut s’en libérer. Un rêve d’indistinction, un rêve de mort. "

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  • Hygiène et vertu...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue sympathique de Jean-Paul Brighelli, cueilli sur son blog Bonnet d'âne et consacré à l'hygiénisme vertuiste qui sévit dans l'Empire du bien... Agrégé de lettres modernes, Jean-Paul Brighelli est l'auteur de plusieurs essais sur l'école. Il a récemment publié La société pornographique (François Bourin, 2012).

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    Hygiène et vertu

    Ainsi donc, les coureurs cyclistes des années 1990 se dopaient — tu parles d’une nouvelle ! On a soigneusement conservé leurs mictions pour les analyser vingt ans plus tard, et Jalabert est pris par la patrouille des touche-pipi.
    Le mois dernier, les analyses d’Armstrong et autres gros bras révélaient que les grands champions ne fonctionnaient pas à l’eau claire — on a sanctionné l’Américain (bien fait pour lui, il est… américain), mais on n’a pas osé pousser la logique jusqu’au bout et destituer les cinquante coureurs arrivés à ses basques (parce que franchement, rayer Armstrong des registres et garder Ullrich…), qui ne fonctionnaient pas non plus à l’eau minérale. Demi-mesure : on aurait dû les décapiter sur les Champs-Elysées, où ils sprintaient en se moquant du pauv’ peuple et des journalistes qui, bien sûr, n’étaient absolument pas au courant de la fable du peloton.
    Pendant que l’on stigmatise le cyclisme, on évite de se poser la moindre question sur le type de carburant que les joueurs de foot s’injectent dans les veines. C’est qu’il y a beaucoup d’argent dans le foot (un cycliste professionnel « ordinaire » gagne à peine plus qu’un prof débutant — autant dire que dalle), et que la vertu sportive exigée est inversement proportionnelle aux sommes en jeu. En vingt ans, on a épinglé un ou deux joueurs de tennis. Aucun golfeur (si, si, on se dope aux béta-bloquants dans les sports de précision), aucun joueur de base-ball, aucun boxeur, aucun…
    Soyons clairs : on savait dès les années 1900 que le Tour demande des efforts inhumains (« Vous êtes des assassins ! », hurlaient les frères Pélissier, qui se chargeaient à l’époque en cocaïne, au témoignage d’Albert Londres, aux organisateurs en 1924 — voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Pélissier). Que personne ne roule à cette allure sur 3500 kilomètres sans composer avec la nature. Qu’aucun sportif, jamais, n’est parvenu au sommet sans passer des arrangements avec les règlements — pas plus les athlètes grecs d’Olympie que les champions d’aujourd’hui.
    Et les guerriers (le sport n’est jamais que de la guerre édulcorée, n’est-ce pas…) n’ont jamais non plus craché sur un petit cordial avant de monter à l’assaut — Douaumont, c’était autre chose que le Galibier ou le Ventoux (eh, lecteur de passage, tu as déjà essayé d’escalader le Ventoux via Bédoin ou Malaucène à la seule force de tes petits mollets de coq en moins de deux heures ? Charly Gaul le faisait en 1958 en une heure et des broutilles, mais en combien de temps l’ont gravi Armstrong et Pantani en 2000…).
    Sans parler des tonnes de Viagra absorbées avant de grimper Madame — ah, mais ça, paraît-il, ce n’est pas de la triche, c’est l’art d’aider la Nature, n’est-ce pas… Pourtant, on devrait l’interdire, si l’on tient compte que l’on meurt aussi bien sur les côtes de la créature qu’en grimpant le Ventoux en 1967.
    Nous sommes entrés dans une ère vertueuse qui me fait gerber. Je ne fume pas, la fumée des autres me gêne parfois, j’ai horreur d’embrasser les cendriers froids, mais j’ai la politesse de ne pas le leur dire. Les envoyer grelotter sur les trottoirs en plein hiver est une vexation immonde. L’ostracisme général lancé en direction des nicotineurs n’est jamais qu’une façon de se dédouaner des bénéfices considérables encaissés par l’Etat — en taxes acquittées et pensions non versées à des fumeurs heureusement décédés, en moyenne, à l’heure du départ à la retraite (si, si, c’est le calcul qui a été fait pour légitimer la perpétuation de la vente : le tabac, qui pour l’essentiel tue après cinquante ans, quand on a déjà l’essentiel de sa carrière derrière soi, rapporte plus qu’il ne coûte en soins médicaux). Assez curieusement, ce sont les substituts de tabac que l’on veut faire interdire aujourd’hui, au nom d’un principe de précaution que l’on n’a jamais imposé ni à Marlboro ni à Gitanes — cherchez l’erreur. Une façon aussi pour les non-fumeurs d’exhiber leur vertu. Ah, comme ils doivent se sentir meilleurs… La santé est l’antichambre de la sainteté.
    Le chantage à la santé explose. Mangez bio (en fait, il y a un gigantesque marché du bio sur lequel se sont lancés les Allemands bien avant nous), roulez à pied (si je puis m’exprimer ainsi), achetez des produits issus du commerce équitable (si vous vous imaginez que les paysans du Chiapas voient la couleur de votre argent, c’est que vous êtes vraiment des bobos gogos), calculez le bilan carbone de chaque produit acheté, et votez EELV — là, c’est le sommet — en jouant avec le PS un tango bien à vous (un pied dedans, un pied dehors). Réduisez le déficit de la Sécu. La vertu écolo parle par impératifs puissamment catégoriques.
    Non que j’aie adopté le slogan de Churchill (« No sport ! ») ni que je consente de bon gré à bouffer de la merde. Mais la vertu décrétée, l’hygiène obligatoire, m’amènent à penser que nous sommes entrés dans un fascisme de la santé par conformité qui me donne une légère nausée. Ces oukases perpétuels sont le plus mauvais héritage de la vertu robespierriste — avec à la clé le même goût pour la terreur. M’étonne guère que Meirieu soit écolo, tiens !
    La vertu n’est pas, contrairement à ce que pensait Montesquieu, la clé du gouvernement républicain — qui n’a jamais été aussi grand qu’avec à sa tête des hommes qui s’embarrassaient peu de morale, voyez Clémenceau ou Roosevelt, ou même Mitterrand, qui ne fut jamais un exemple de vertu, ni privée, ni publique. La vertu est l’outrance de la République. Ce puritanisme est le symptôme des temps de crise. On hait sa famille, comme disait Gide, lorsqu’on entend l’appel du large — mais le large, aujourd’hui, est houleux. Alors, repliement sur la cellule primitive, la grotte, le terrier. L’écolo rêve d’être un lapin. Tous aux abris. Division binaire entre le sain et le malsain, le vertueux et le vicieux, le bien et le mal, le carnivore et le végétarien, le libertin et le curé. Rousseau c’est bien, et Céline est le mal. Capote obligatoire entre pucelles et puceaux, et macrobiotique imposée. Haro sur le steack, à moins qu’il ne soit de soja. L’antispécisme fait des ravages, le végétarisme aussi. On nous menace de cancers divers (pour un peu, les croisés de la santé à tout prix nous les souhaiteraient, pour nous faire les pieds — creuse ta tombe avec tes dents en te délectant d’une entrecôte aimablement persillée, hé, assassin…). On cherche à nous culpabiliser sur le sucre, sur le sel, le fumé, le grillé, — ou la quantité. Riz complet pour tout le monde ! Arrosé au Robinetus Simplex, parce que les alcools élevés en barriques de bois contiennent eux aussi des poisons innommables, et que le bilan carbone des eaux minérales en bouteilles plastiques est lamentable. Et si j’ai envie de regarder les bulles dans mon verre ? Mais non, Perrier ou Dom Pérignon, c’est fou.
    J’ai très envie d’écrire un petit livre qui réhabiliterait la viande, la bidoche, la barbaque, histoire de répondre au No steack d’Aymeric Caron. Un livre qui dirait le plaisir d’écraser entre ses dents les cellules ingénieusement attendries en mûrissoirs, saisies sur des braises adéquates, recouvertes d’une croûte caramélisée voluptueuse (merci à Maillard qui le premier a décrit cette réaction !), gorgées de sang et d’Histoire — car déguster un steack (voir Barthes sur le sujet) renvoie à une chronologie et à une culture bien plus que millénaires. La viande était l’aliment de base des gladiateurs romains, le mets de choix des Grecs qui ne sacrifiaient aux Dieux que l’odeur des festins, tout comme le gigot de pré-salé était le carburant majeur (avec les saumons qui remontaient alors le Couesnon) des ouvriers qui rebâtissaient le Mont Saint-Michel avec Corroyer en 1878.
    Mais le steack, c’est le plaisir, et le plaisir sera macrobiotique ou ne sera pas. D’ailleurs, il vaut mieux qu’il ne soit pas — le plaisir est suspect.
    Une jeunesse nourrie (intentionnellement ?) aux McDo et autres substances molles est la cible de choix de cette culpabilisation systématique. Le mou marque la récession vers l’infantile. Mâcher sera bientôt une activité anachronique : après les dents de sagesse, ce sont désormais les canines qui disparaissent — ou que l’on fait sauter pour que les incisives aient un peu de place dans les mâchoires étroitisées du troisième millénaire.
    Amis de Cro-Magnon et de Néandertal, ressaisissez-vous ! Réclamez le droit à la bidoche, à l’amour sans entraves, au cigare-cognac-Lagavulin ! Réclamez l’érotisme débridé des années 70, le non-conformisme, le droit de ne pas aimer Marc Lévy ni Anna Gavalda ! Battez-vous pour une école élitiste, la seule à fabriquer de l’égalité sur la base des talents, alors que l’égalitarisme est le garant des inégalités de naissance. Aspirez à un président anormal mais efficace ! Prenez le contrepied, allumez des contrefeux, formulez des contre-propositions — et mangez de la vraie viande.

    Jean-Paul Brighelli (Bonnet d'âne, 4 juillet 2013)

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  • La vie sous vide...

    Nous reproduisons ci-dessous un excellent point de vue de Romaric Sangars, cueilli sur Causeur et consacré à l'hygiénisme puritain qui s'est abattu sur la société. Romaric Sangars anime avec Olivier Maulin le Cercle Cosaque.

     

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    La vie sous vide

    Le génial et sphérique Chesterton exposait déjà parfaitement, il y a plus d’un siècle, comment l’hygiénisme est au fond une morale de malade, de grabataire, puisque l’obsession de préserver sa santé n’intéresse que celui qui l’a fragile, l’homme sain, au contraire, s’occupant surtout de savoir où jeter sa force. Or comment ne pas remarquer que le Nouvel Ordre Moral est tout entier un hygiénisme appliqué à toutes les sphères de l’existence ? Préserver absolument la santé physique de la population en l’empêchant de boire, de conduire ou de fumer ; préserver toujours les délicates sensibilités des cohortes victimaires : à tous les degrés, nous vivons dans une atmosphère désinfectée. Comme à l’hôpital et à la morgue.
    L’homme moderne, qui a une mentalité de vieillard atteint d’Alzheimer, oublie toujours les premières des évidences : il s’imagine avoir renversé des interdits sans voir qu’il n’a fait, comme ses ancêtres avant lui, que les déplacer en fonction de son nouveau sens du sacré. Son sacré, c’est la marchandise, y conformant ses mœurs, il promeut l’échange maximal des corps sur un mode contractuel et hygiénique. Selon ces nouvelles données, on a enjoint à ma génération, non pas de ne pas baiser hors mariage, mais de ne pas baiser hors capote. « Sortez couverts ! » ânonnaient benoîtement, avec un sourire complice égrillard, les G.O. du Nouvel Ordre Moral, dès que nous eûmes atteint l’âge de foutre. Cette antienne m’écœure encore. Dire qu’on a osé seriner une telle phrase à des jeunes gens dont les lointains ancêtres défiaient nus les légions romaines… Si le mot était autorisé, j’oserais dire qu’on mesure à ça le déclin d’une race. Mais il ne l’est pas.
    L’« amour sans risque », le « safe sex » – autant salir la langue anglaise puisque le puritanisme est l’une des tares qu’elle a divulguées – voici l’idéal visé. On dirait un oxymore. Comme si l’amour n’était pas précisément le risque majeur qu’un individu est sommé de courir pour donner quelque prix à son existence. Qu’on s’entende, je n’encourage nullement l’irresponsabilité ou la propagation concertée du SIDA. Je note simplement qu’en ayant extrait du sexe sa faculté à donner la mort ou la vie, on en a désamorcé la charge. Je remarque au passage qu’avoir mis sous cellophane la puissance phallique ne peut pas demeurer sans conséquences symboliques graves. Je m’insurge contre le fait que, formellement, on ait encouragé une jeunesse, non pas à prendre des risques dignes de sa grandeur possible, mais à n’en prendre aucun comme si tout était déjà joué sans elle, et au prétexte de régenter sa vie amoureuse.
    La capote est un symptôme, je n’en nie pas l’utilité, je récuse la morale que cette peau de latex véhicule. Les papes et les barebackers ont ceci en commun qu’ils ont enfreint l’ultime tabou en relativisant la condom solution, c’est-à-dire la solution marchande à la problématique sexuelle. « Nous voulons que le sexe continue à prendre le risque de vie ! », clamaient les premiers, « Nous voulons que le sexe continue à prendre le risque de mort… », murmuraient les seconds. « Ce n’est pas rentable du point de vue de la consommation, c’est dangereux et ce n’est pas contrôlé ! », répliquaient traumatisés, furieux, une torche à la main, les Justes homologués. Mais la capote n’était qu’une fenêtre de tir, il faut analyser la mitraille qu’elle permet de déverser, dérouler jusqu’au bout ce que l’idéologie tente de faire passer par ce biais avec autant de vaseline. Forcer le totem à parler. « Faire mine de vendre du cul pour mieux dégoûter du risque », voilà ce qu’il dit, le totem, voilà ce qu’il a dans le réservoir. Or qui supprime le risque, supprime la responsabilité, c’est-à-dire la liberté souveraine. Et l’on se retrouve avec une morale d’esclave certifiée aux normes.
    Un athlète qui ne boit pas ce soir parce que demain il doit vaincre, cultive sa force en vue d’un acte précis. Un avorton post-moderne, lui, ne préserve sa santé qu’en tant que capital, pour elle-même, pour sa jouissance et son confort d’être atrophié, il aménage au mieux sa cellule. Et cette mentalité timorée, avaricieuse, frigide, elle ne se contente pas d’attaquer les individus, elle avorte également le débat public. Le cache que l’ancienne morale plaçait sur la question sexuelle a été déplacé par la nouvelle sur la question raciale. C’est toujours la hantise des origines, mais qui travaille autrement. Les enfants ne naissent plus dans les choux, ils naissent « citoyens du monde ». Si ça vous amuse… L’ennui, c’est que l’obsession anti-raciste a reconfiguré tout le champ de la parole. À partir des traumas compréhensibles des Noirs ou des Juifs, tout le monde a fini par se sentir stigmatisé pour un oui ou pour un non.
    Morale de névrosés, et encore morale d’esclave. Autrefois on se vantait des prouesses de ses ancêtres, pas de leurs humiliations. Ces dernières, on avait même tendance à vouloir les oublier au plus vite plutôt que d’exhiber partout ses plaies en vue de culpabiliser l’adversaire, ou le simple voisin. Résultat : il devient impossible d’avoir un débat franc et loyal au bal des pleureuses. Tout propos est inconvenant. La moindre apostrophe est obscène. Il est loin le temps où l’on s’injuriait pour le plaisir d’aiguiser la langue, où l’on pousser facilement au duel et où, le bras en écharpe, il arrivait qu’on trinque ensuite avec son adversaire. C’est que la liberté et la responsabilité qu’elle implique, voilà qui entraînait assez naturellement une forme de désinvolture supérieure. L’homme libre a les moyens de se l’autoriser. Seul le zombie se crispe à la première égratignure.
    Il a tort le zombie, parce que de toute manière, il est déjà mort. Et cette morale de la préservation n’est que l’éthique des cadavres, le prophète nazaréen nous avait pourtant prévenu : « Celui qui veut garder sa vie la perdra ! » Mais nous, nous voulons la retrouver cette vie alors, après avoir vomi votre moraline, comme disait Rimbaud : « Ô Justes, nous chierons dans vos ventres de grès ! »

    Romaric Sangars (Causeur, 16 juin 2013)

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