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guerre juste

  • La question de la guerre juste...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Pierre de Lauzun cueilli sur Geopragma et consacré à la question de la guerre juste. Membre fondateur de Geopragma, Pierre de Lauzun a fait carrière dans la banque et la finance.

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    Qu’une guerre est juste ou pas s’apprécie dans le temps et cela peut changer avec les faits : Ukraine, Gaza

    Venant après la guerre d’Ukraine, la guerre à Gaza a remis sur le devant de la scène la question de la guerre juste. Mais la plupart des réactions se caractérisent par une dominante extrêmement émotionnelle, certes compréhensible, mais qui envoie les uns et les autres dans des directions complétement divergentes, et ne donne pas de repères pour le jugement. Par ailleurs, il n’est que très rarement fait référence à la réflexion sur ce qu’on peut qualifier de guerre juste. Celle-ci est pourtant une aide précieuse pour le jugement et pour l’action. Et pour échapper aux manipulations à prétexte moralisant.

    Mais il est un point important qui est encore plus négligé : la possibilité que ce jugement puisse évoluer dans le temps, en fonction du déroulement des opérations d’une part, de l’évolution des buts de guerre réels de l’autre. Le fait qu’une guerre soit considérée juste au départ, par exemple en réponse à une agression caractérisée, n’implique pas que les décisions prises ultérieurement le soient aussi. Et il faut savoir reconnaître quand le déroulé des combats et conséquemment l’évolution des enjeux changent les données du raisonnement initial.

    Les données du débat

    Rappelons que la justesse d’une guerre ne se limite pas à la justesse de la cause défendue, mais aussi à la haute probabilité du succès des opérations, et à la conviction raisonnablement établie que la situation résultante sera sensiblement meilleure que ce qu’elle aurait été sinon. Tous facteurs de considération réaliste qui sont par nature évolutifs. En ce sens donc, réalisme et moralité ne s’opposent pas : bien au contraire ils se combinent étroitement.

    En particulier, comme je l’ai souligné par ailleurs, la guerre une fois déclenchée a sa logique : qui dit guerre dit choc de deux volontés en sens contraire, dont la solution est recherchée dans la violence réciproque. Par définition, cela suppose que l’une au moins des deux parties considère que ce recours à la force a un sens pour elle, et que l’autre soit ait la même perception, soit préfère résister à la première plutôt que céder. La clef de la sortie de l’état de guerre est dès lors principalement dans la guerre elle-même et son résultat sur le terrain. Mais comme la guerre est hautement consommatrice de ressources, puisque son principe est la destruction, elle a en elle-même un facteur majeur de terminaison : elle ne peut durer indéfiniment. Le rapport de forces sur le terrain peut d’abord aboutir à la victoire d’une des deux parties… Alternativement, on a une situation non conclusive, mais qui ne peut durer indéfiniment. A un moment donc les opérations s’arrêtent… Mais tant que ces facteurs de terminaison n’ont pas opéré suffisamment, la guerre continue… Arrêter prématurément signifierait en effet pour celui qui va dans ce sens non seulement que tous ses efforts antérieurs ont été vains, pertes humaines et coûts matériels en premier lieu, mais surtout cela reviendrait à accepter une forme de défaite avant qu’elle soit acquise ; or il avait par hypothèse décidé de se battre. Dès lors il continue, et l’adversaire de même. C’est là que les bonnes volontés, attachées à la paix, sont déçues – un peu naïvement. Leurs appels à une cessation des hostilités, si possible sans gagnant ni perdant, tombent alors presque toujours sur des oreilles sourdes. Du moins tant que la logique même du déroulement de la guerre n’y conduise.

    La guerre d’Ukraine

    Prenons la guerre en Ukraine. Sans remonter aux origines, il paraît clair que la résistance ukrainienne à l’invasion russe était une guerre juste. Corrélativement, il était justifié pour les Européens et les Américains de vouloir éviter une déferlante russe qui aurait déséquilibré le continent, et donc d’aider les Ukrainiens, en particulier par des armes. En revanche, l’ampleur des sanctions économiques était totalement disproportionnée et courait un risque élevé d’être contreproductive. Sur ce dernier plan, les faits ont confirmé cette analyse : la perte sèche de plus de 100 milliards d’actifs européens en Russie a été une grave sottise, sans parler du coût de la guerre, direct ou indirect. Parallèlement, la Russie a progressivement réorienté son activité en la rendant bien plus autonome, et surtout travaille à ressusciter son complexe militaro-industriel, dans la tradition soviétique, ce qui n’est certainement pas une évolution souhaitée par le côté européen.

    Quant au terrain principal, qui est la guerre elle-même, la perspective d’une victoire ukrainienne est désormais plus éloignée que jamais. Si donc la réaction initiale était justifiée, le jugement à porter n’est plus le même. Ni les chances de gain, ni la perspective d’une situation meilleure ne sont favorables. Et une escalade occidentale, que certains appellent de leurs vœux, serait dévastatrice. En termes clairs, pour les Ukrainiens la recherche d’une solution de paix devient de plus en plus seule pertinente, ou au moins de cessation des hostilités.

    La guerre à Gaza

    Passons maintenant à Gaza. De la même façon, l’agresseur immédiat et caractérisé le 7 octobre dernier est le Hamas, marqué en outre par une barbarie révélatrice. De plus, le programme du Hamas prévoit la destruction d’Israël, et il paraît crédible que tel est bien leur but. Dès lors l’attaque d’Israël sur Gaza paraît justifiée en soi.

    Je laisse ici de côté une question pourtant importante : celle des modalités de l’opération, notamment à l’égard des civils, car y répondre suppose une information qui me paraît actuellement trop parcellaire. Certes, à partir du moment où un pouvoir politique utilise sa population comme bouclier, on voit mal comment l’éradiquer sans des dommages sur celle-ci ; encore faut-il les réduire le plus possible, et pour cela il faut savoir dans quelle mesure la méthode suivie par Israël le fait. Je laisse donc ce débat ouvert à ce stade.

    Mais le point qui nous concerne plus directement ici est la suite des opérations. D’un côté, la guerre suscite des réactions émotionnelles considérables, notamment dans le monde arabo-musulman, mais aussi ailleurs dans le monde. On peut certes souligner qu’il y a là deux poids et deux mesures par rapport à bien d’autres situations souvent plus douloureuses pour des populations elles aussi musulmanes, mais qui ne suscitent pas les mêmes indignations bruyantes (Iraq contre Daech avec notamment la prise de Mossoul, Syrie, Yémen, Ouigours etc.). Ce qui est vrai ; mais il faut néanmoins prendre en compte la réalité de cette différence de traitement, sans doute due en bonne partie au fait qu’ici l’autre protagoniste (Israël) est perçu comme occidental. Une telle réaction peut avoir éventuellement des conséquences géopolitiques non négligeables, et pourrait déraper en guerre élargie dans la région – même si ce n’est pas le plus probable à ce stade. Sous un autre angle, on constate la même pression émotionnelle en Israël, pays démocratique obsédé par la question des otages et par là vulnérable.

    D’un autre côté, en soi la logique de l’opération israélienne est de finir ce qui a été commencé : si la guerre s’arrête demain sans élimination de l’essentiel des forces du Hamas, d’une certaine manière son effet sera limité, et par là sa justification éventuelle réduite. Toutes choses égales par ailleurs, au point où ils en sont, il peut être alors légitime pour Israël de continuer. Cela dit, la pression, notamment externe, peut conduire à une issue hybride, qui risque de ne rien clarifier.

    En revanche, il est une autre considération qui sera décisive pour apprécier la justesse de cette guerre : ce que fera Israël sur la question palestinienne. On ne peut en effet apprécier le juste fondement d’une guerre que dans une perspective longue, en considérant l’ensemble de la situation. Et donc, soit Israël propose à un moment approprié un plan de paix raisonnablement crédible, donc avec une forme ou une autre d’Etat palestinien (hors Hamas évidemment) ; mais cela suppose la viabilité des territoires palestiniens, et donc un abandon de la colonisation en Cisjordanie, y compris d’une part appréciable de celle déjà réalisée. Soit Israël écarte cette hypothèse et poursuit sa politique de réduction progressive des territoires palestiniens. Mais cela signifie alors que le problème subsistera intégralement ; la seule stabilisation possible de la situation impliquerait alors d’une manière ou d’une autre le départ des Palestiniens, ce qui n’est ni juste, ni crédible : ils ne partent pas, et leur natalité est forte ; il y en a deux fois plus dans les zones concernées qu’il y a trente ans. Du point de vue de la guerre juste, dans cette deuxième hypothèse l’objectif de la guerre devient contestable ; en tout cas elle ne peut être qualifiée de guerre juste. Dit autrement, en supposant même que la conduite de la guerre soit acceptable, une opération aussi violente et brutale que l’intervention chirurgicale en cours sur Gaza ne peut être qualifiée de juste, que si, par un paradoxe apparent, elle s’accompagne au moment approprié d’une offre de paix crédible.

    Conclusion

    Naturellement, à nouveau, le déluge d’émotions contradictoires que suscitent ces conflits, surtout le dernier, est sans commune mesure avec les considérations précédentes. Mais cela n’enlève rien à celles-ci : c’est en regardant les réalités en face qu’on peut progresser. D’autant que l’utilisation abusive d’arguments moralisants par les divers camps en présence exige de prendre du recul. Plus que jamais, l’utilisation d’arguments moraux dans des conflits suppose une analyse lucide et attentive, en outre susceptible d’évoluer dans le temps. Le raisonnement prudentiel est une chose, la vengeance ou l’émotion incontrôlée une autre.

    Pierre de Lauzun (Geopragma, 4 décembre 2023)

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  • Carl Schmitt actuel...

    Les éditions Dualpha viennent de rééditer un essai d'Alain de Benoist, publié initialement en 2007, et intitulé Carl Schmitt actuel - Guerre « juste », terrorisme, « Nomos de la Terre ».

    Philosophe et essayiste, directeur des revues Nouvelle École et Krisis, Alain de Benoist a récemment publié Le moment populiste (Pierre-Guillaume de Roux, 2017), Contre le libéralisme (Rocher, 2019),  La chape de plomb (La Nouvelle Librairie, 2020),  La place de l'homme dans la nature (La Nouvelle Librairie, 2020), La puissance et la foi - Essais de théologie politique (La Nouvelle Librairie, 2021) et L'homme qui n'avait pas de père - Le dossier Jésus (Krisis, 2021).

     

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    " Depuis les attentats du 11 septembre 2001, Carl Schmitt est de plus en plus souvent cité en référence aux événements qui se déroulent sous nos yeux. Certains sont même allés jusqu'à faire de l'auteur de La notion politique l'inspirateur secret de la politique de la Maison-Blanche. Cette thèse est bien sûr insoutenable. Ce qui est en revanche certain, c'est que toutes les grandes thématiques schmittiennes sont directement impliquées dans l'évolution récente de la politique internationale. La guerre menée en Irak par les États-Unis marque un retour à la « guerre juste », moralo-humanitaire, où l'ennemi devient une figure du Mal, dont Carl Schmitt avait dénoncé les effets dévastateurs. L'avènement d'un terrorise « global » renvoie directement aux thèses exposées par Schmitt dans sa Théorie du partisan. L'instauration dans les pays occidentaux d'un état d'exception qui tend de plus en plus à devenir permanent ne peut se comprendre qu'en référence à ce qu'il a pu écrire sur le « cas d'exception ». Enfin, l'effondrement du duopole américano-soviétique, qui a mis fin à l'après-guerre, annonce de toute évidence la naissance d'un nouveau monde. ainsi que Schmitt l'avait prévu dès 1950 dans ses écrits sur les «grands espaces», la dualité Terre-Mer et l'instauration d'un nouveau « Nomos de la Terre ». "

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  • La guerre au nom de l'humanité ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Alain de Benoist, cueilli sur Boulevard Voltaire et consacré aux guerres "humanitaires" d'aujourd'hui... 

     

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    Les guerres idéologiques modernes ont pris le relais des anciennes guerres de religion…

    Autrefois, des princes cyniques se faisaient la guerre afin d’agrandir leurs territoires respectifs. Aujourd’hui, les conflits semblent avoir changé de nature…

    Ils ont changé de nature parce que le regard sur la guerre a changé. Elle était considérée autrefois comme un événement désagréable, mais dont aucune société ne pouvait faire l’économie. Peu à peu, l’idée s’est fait jour, cependant, que l’on pouvait en finir avec la guerre. Cela a abouti en 1928 au pacte Briand-Kellogg, signé par 63 pays qui déclarèrent solennellement qu’ils condamnaient le recours à la guerre pour le règlement des différends internationaux et y renonçaient en tant qu’instrument de politique nationale. Cela n’a évidemment pas empêché la Deuxième Guerre mondiale d’éclater ! À partir de 1945, la guerre d’agression ayant de nouveau été mise hors la loi, on s’est empressé de trouver des moyens de tourner cette interdiction. L’une des astuces à laquelle on a eu recours a été la notion de « légitime défense préventive », dont les États-Unis et Israël se sont faits les théoriciens. Mais la trouvaille majeure a été de décréter qu’il était licite de faire la guerre lorsque les motifs étaient d’ordre éminemment moral : rétablir la démocratie, sauver les populations civiles, éliminer une dictature. Le recours à la force contre des États souverains a donc été justifié par des considérations d’ordre interne. La charte de l’ONU, élaborée au départ en vue du maintien de la paix, a parallèlement été réinterprétée comme devant assurer le primat du « droit international humanitaire », fût-ce par le moyen de conflits armés. Ainsi sont nées les « guerres humanitaires » inspirées par l’idéologie des droits de l’homme.

    Grande est l’impression que, désormais, non content de battre l’ennemi, il faut l’annihiler, le criminaliser, voire le convertir… N’assistons-nous pas à des parodies de croisade, les droits de l’homme ayant remplacé les Évangiles ?

    Dès que l’on se situe sur le terrain de la morale, une telle évolution est inévitable. Les guerres de religion sont par définition les plus meurtrières, parce que l’ennemi n’y est plus perçu comme un adversaire du moment, qui pourrait éventuellement devenir un allié si les circonstances changeaient, mais comme une figure du Mal. C’est pour en finir avec les guerres de religion qu’au lendemain des traités de Westphalie (1648) un nouveau droit de la guerre (jus ad bellum), lié à l’avènement de ce qu’on a appelé le jus publicum europaeum, a vu le jour. Son but explicite était d’humaniser la guerre, de la « mettre en forme », selon l’expression de Vattel. C’était une guerre à justus hostis : on admettait que celui-là même que l’on combattait pouvait avoir ses raisons. Il était l’ennemi, mais il n’était pas le Mal. La victoire s’accompagnait d’un traité de paix, et nul ne cherchait à perpétuer, au lendemain des combats, une hostilité qui n’avait plus lieu d’être.

    Les guerres idéologiques modernes ont pris le relais des anciennes guerres de religion, avec lesquelles elles ont une évidente parenté : il y est toujours question du Bien et du Mal. Ces guerres modernes ressuscitent le modèle médiéval de la guerre à justa causa, de la « guerre juste », c’est-à-dire de la guerre qui tire sa légitimité de ce qu’elle défend une « juste cause ». L’ennemi est, dès lors, nécessairement tenu pour un criminel, un délinquant, qu’il ne faut pas seulement vaincre, mais dont on doit aussi éradiquer tout ce qu’il représente. Les guerres « humanitaires » d’aujourd’hui sont des guerres au nom de l’humanité : qui se bat au nom de l’humanité tend nécessairement à regarder ceux qu’il combat comme hors humanité. Contre un tel ennemi, tous les moyens deviennent bons, à commencer par les bombardements de masse. Dès lors s’effacent toutes les distinctions traditionnelles : entre les combattants et les civils, le front et l’arrière, la police et l’armée (les guerres deviennent des « opérations de police internationale ») et finalement la guerre et la paix, puisque avec la « rééducation » des populations conquises, la guerre se prolonge en temps de paix. Quant au soldat, comme l’écrit Robert Redeker, l’auteur du Soldat impossible, il est « remplacé par un mixte de policier, de gendarme, d’intervenant humanitaire, d’assistance sociale, d’infirmier et de pédagogue », chargé de « convertir, en punissant les récalcitrants, tous les États aux droits de l’homme et à la démocratie ». Ce n’est plus qu’une apparence de soldat.

    D’un autre côté, on ne cesse de nous vanter des « guerres propres » avec « zéro mort ». N’y aurait-il pas contradiction ?

    Dans le meilleur des cas, le « zéro mort » n’est jamais envisagé que pour « les nôtres » ! Les pertes ennemies ne sont pas prises en compte. L’idée est née de l’évolution des techniques de guerre. On est passé du corps à corps à la flèche, puis au carreau d’arbalète, à la balle, au boulet de canon, à l’obus, à la bombe aérienne. En clair : la distance entre celui qui tue et celui qui est tué n’a jamais cessé de croître. L’avion qui lâche ses bombes incendiaires sur des populations civiles ne prend guère de risques si l’ennemi ne possède ni batteries anti-aériennes ni missiles sol-air. On atteint aujourd’hui un sommet avec les drones qui tuent des gens par centaines en Afghanistan, mais sont manœuvrés des États-Unis par des fonctionnaires qui appuient sur des boutons comme s’ils jouaient à un jeu vidéo.

    Cela dit, le recours à des outillages technologiques de plus en plus sophistiqués n’est pas gage de victoire : gagner une bataille n’est pas gagner la guerre. On l’a bien vu en Irak et en Afghanistan : c’est après le succès initial que les problèmes commencent. « À la guerre, chaque adversaire fait la loi de l’Autre », rappelait Clausewitz. En France, où l’armée de terre ne représente plus que 119.000 hommes, on n’a cessé de diminuer les effectifs et de rogner sur le budget de la Défense (aujourd’hui 1,5 % du PIB), avec comme résultat que l’armée française n’a plus les moyens d’intervenir sur plus d’un front. Ce que rappelait récemment le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre : « Des forces réduites de haute sophistication sont de plus en plus aptes à remporter les batailles et de moins en moins capables de gagner les guerres, adaptées surtout aux conflits que nous ne voulons pas mener. »

    Alain de Benoist, propos recueillis par Nicolas Gauthier (Boulevard Voltaire, 24 avril 2014)

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  • Le retour de la guerre juste...

    Les éditions Vrin viennent de publier un essai de Céline Jouin, intitulé Le retour de la guerre juste - Droit international, épistémologie et idéologie chez Carl Schmitt. Céline est maître de conférence en philosophie à la faculté de Caen et a collaboré à l'ouvrage collectif intitulé Carl Schmitt : Nomos, droit et conflit dans les relations internationales (Presses universitaires de Rennes, 2013).

     

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    " Dans ses écrits de droit international, Carl Schmitt voit émerger une tendance économique et militaire qui conduit à relativiser les souverainetés nationales, tendance que relaie un droit international qui traduit les rapports de force et les équilibres diplomatiques en termes de moralisation du droit. Selon le juriste allemand, un concept discriminatoire de guerre s'est imposé au XXe siècle., fondé sur la distinction des ennemis en agresseurs et agressés au moyen de critères formels discutables. L'ancien concept de la "guerre juste" serait ainsi revenu dans une forme sécularisée et positivée, permettant de désigner un "ennemi absolu" (le non-démocrate, l'Etat-voyou. le terrorisme international, etc) avec lequel il est exclu de négocier. Ce livre ne se contente pas de présenter une synthèse des analyses du juriste en matière de droit international. Tout en soulignant l'idéologie présente dans la pensée schmittienne. il en propose une reconstruction à partir de son épistémologie et de sa "théorie de la vérité". La question de son rapport avec le marxisme y occupe une place stratégique. Il y est montré que Schmitt, représentant du fascisme européen qui s'est compromis avec le nazisme, n'a pas craint de s'approprier les théories marxistes de l'impérialisme pour les incorporer à sa théorie. "

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  • Guerre discriminatoire et logique des grands espaces...

    Les éditions Krisis viennent de publier Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, un recueil de textes de Carl Schmitt, le célébre philosophe allemand du politique. Préfacé par Danilo Zolo, auteur récent de La justice des vainqueurs - De Nuremberg à Bagdad (Jacqueline Chambon, 2009), les textes sont annotés par le politologue allemand Günter Maschke.

     

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    "Cet ouvrage réunit deux textes fondamentaux publiés par Carl Schmitt à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, et qui se complètent mutuellement. Le premier est une vigoureuse critique de la Société des Nations (SdN) et de l’ordre juridique international qu’elle a tenté de mettre en place, ordre lié à la notion de « guerre juste », c’est-à-dire de guerre discriminatoire, où l’ennemi est moralement discrédité et représenté comme un criminel en guerre contre l’ «humanité », qui ne doit pas seulement être battu, mais définitivement éradiqué. Schmitt montre que l’idéologie universaliste exclut la possibilité de considérer l’ennemi comme un justus hostis, un adversaire qui peut avoir ses raisons; elle remplace cette notion symétrique par la notion unilatérale de juste cause (justa causa) dont ne peut être titulaire que l’un des belligérants en présence. Toute conception universaliste du droit des gens apparaît de ce point de vue comme la légitimation d’une guerre qui, sous prétexte d’être « juste », n’est que la plus totale de toutes. L’idée-clé est que la guerre en tant qu’institution juridique ne peut être qu’une affaire d’Etats.
    Schmitt n’en constatait pas moins que la dissolution de l’ordre international fondé sur des bases purement étatiques est un processus irréversible. La question se posait donc de savoir quelle alternative il entendait proposer. Le second texte fournit sa réponse : la mise en place de « grands espaces » excluant l’intervention de puissances étrangères, à l’instar de la « doctrine Monroe » adoptée en 1823 par les Etats-Unis.
    L’actualité de cette analyse est évidente, au moment où l’on enregistre un retour de la « guerre juste » et où la mondialisation appelle la constitution de « grands espaces » qui pourraient être autnt de pôles de régulation de la globalisation dans la perspective d’un monde multipolaire. A partir d’un examen minutieux de l’évolution du droit international, Carl Schmitt, il y a plus de 70 ans, annonçait l’avènement de la « guerre globale ». Il parlait même déjà d’ »intervention humanitaire » et d’ »Etats-voyous ». « Nous pensons aujourd’hui à l’échelle planétaire, par grands espaces », écrivait-il. L’avenir serait-il aux grands ensembles continentaux, aux grands espaces et aux empires qui les protègent ?"

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