Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

gérard chesnel

  • Quelle langue parlons-nous en France en 2024 ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel cueilli sur Geopragma et consacré à l'invasion du mal-parler... Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

     

    franglais.jpg

     

    Quelle langue parlons-nous en France en 2024 ?

    La langue nationale est une des manifestations de la puissance d’un pays. Les grands empires, comme Rome, Byzance, les Abbassides et, plus tard, l’Espagne, le Portugal, la France ou l’Angleterre, qui ont conquis de vastes territoires, ont diffusé leur langue et leur culture dans les régions dont ils avaient pris le contrôle. C’était une composante de leur pouvoir. La défense de notre langue n’est donc pas un caprice de lettrés chauvins mais une nécessité si nous voulons maintenir prestige et influence.

    La langue française a subi, au cours des dernières décennies, de nombreux assauts auxquels elle a tenté de résister, soit en créant des institutions internationales comme la Francophonie, soit en légiférant à titre national (loi Toubon du 4 août 1994). Mais l’invasion de l’anglais ne s’est qu’accentuée avec le développement de l’informatique et des jargons générés par les réseaux sociaux.  Plus désolant encore, on voit aujourd’hui se multiplier les « attaques » provenant de l’intérieur, en raison bien souvent de l’inculture ou du snobisme de beaucoup de nos compatriotes. Citons quelques exemples, qu’on peut regrouper sous certaines rubriques :

    • Les « tics » verbaux collectifs comme « du coup », qui a remplacé depuis plusieurs années « donc » et « par conséquent » ou « voilà » qui dispense certaines personnes peu inspirées de tout autre commentaire (je pense à ce sprinter, très talentueux par ailleurs, qui, interviewé après tel ou tel de ses exploits, ne trouvait rien d’autre à dire que « Voilà »).
    • Un même appauvrissement du vocabulaire est dû à l’emploi répétitif d’un mot passe-partout. Actuellement, le vocable « incroyable » désigne tout ce qui sort de l’ordinaire ou qui est inattendu. Or il existe aussi, en français courant, des mots comme « magnifique, inouï, exceptionnel, extraordinaire » ou même « génial, fabuleux, dingue », etc. etc. Mais leur emploi se raréfie dangereusement au profit d’« incroyable ».
    • Les mots prétendument élégants ou savants comme « paradigme » ou « résilience » (souvent confondue avec « résistance ») la plupart du temps mal compris ou utilisés à contresens. Dans le même ordre d’idées, certains trouvent chic de parler de leur « problématique » alors qu’ils ont tout simplement des « problèmes ». Et il vaut mieux dire aujourd’hui que ces problèmes « perdurent » plutôt qu’ils ne « durent », ce qui serait sans doute trop simple. Mais le pompon dans ce domaine est détenu par un célèbre entraîneur de football qui redoute non pas ses « adversaires » mais « l’adversité ». Je le cite : « Nous avons perdu ce match car l’adversité était trop forte ».
    • L’utilisation détournée de mots anciens comme « maraude » qui signifiait autrefois « vol, larcin » et qui maintenant a ses lettres de noblesse puisque les « maraudes » sont devenues des tournées de travailleurs humanitaires cherchant à venir en aide aux nécessiteux. Ce « maraud » de François Villon en serait bien surpris (ou amusé).
    • La redondance injustifiée comme « Au jour d’aujourd’hui ». Le mot « hui » venant du latin « hodie » qui signifie « ce jour », le mot « aujourd’hui », est déjà une redondance, mais qui est passée dans l’usage. « Au jour d’aujourd’hui » est pour sa part une double redondance. Le verbe « pouvoir » offre lui aussi de belles perspectives comme « être en mesure de pouvoir » ou « avoir la possibilité pouvoir », etc.
    •  L’anglais mal maîtrisé mérite lui aussi quelques remarques. Ainsi, on peut être « supporter » d’une équipe, la soutenir mais pas la « supporter ». Sinon, on en viendrait à dire que l’on ne supporte pas de voir perdre l’équipe que l’on supporte.
    • Le faux anglais offre quelques expressions amusantes voire ridicules comme « rester focus » (rester concentré), « checker » pour « vérifier » ou, le pire du pire, « Il y a du level » (prononcé « levelle ») pour dire que la concurrence (ou l’adversité) a un bon niveau.

    Certes toutes les langues sont soumises à ce type de problème (devrais-je dire à cette problématique ?). Le Professeur Bernard Cerquiglini, l’un de nos meilleurs linguistes, vient de publier un livre plein d’humour intitulé « La langue anglaise n’existe pas, c’est du français mal prononcé », dans lequel il cite Daniel Defoe qui, en 1708, s’insurgeait devant le remplacement du vocabulaire anglais par le français : « I cannot but think, disait l’auteur de Robinson Crusoé, that the using and introducing of foreign terms of art or foreign words into speech while our language labours under no penury or scarcity of words is an intolerable grievance ». Aujourd’hui la situation est inversée et nous voyons arriver de plus en plus de mots étrangers (en grande majorité anglais) alors que leur équivalent français existe bel et bien et est d’ailleurs généralement plus harmonieux. Pourquoi parler d’un « coach » quand nous avons les mots « entraîneur » ou « sélectionneur », pourquoi prendre un vol « low cost » (souvent prononcé d’ailleurs « low coast » !) quand existent des vols pas chers, à bas coût ? Pourquoi le « sweater » prononcé systématiquement « switer » a-t-il remplacé le bon vieux chandail et le « jogging » le survêtement. On pourrait multiplier les exemples.

    L’une des causes de ce mal-parler réside dans l’affaiblissement du niveau des journalistes de radio et de télévision. Jusqu’aux années soixante, ces média faisaient office de bible, s’agissant de la prononciation du français. Ils n’auraient jamais confondu « cote » et « côte ». A cette époque on buvait du côtes-du-rhône et non pas du cotte du ronne, et c’était bien meilleur.

    Faudrait-il que l’Académie française se saisisse du problème ? Après tout, elle n’est pas obligée de se limiter à l’écrit. Mais voilà une problématique que beaucoup ne supporteraient pas ?

    Gérard Chesnel (Geopragma, 22 avril 2024)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Crise mondiale : une aubaine pour la Chine...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel cueilli sur Geopragma et consacré au jeu de la Chine dans le chaos mondial.  Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

    jeu de go.jpg

    Crise mondiale : une aubaine pour la Chine

    Les relations internationales connaissent, depuis plusieurs années, un grand chambardement, qui s’est accentué depuis la crise de l’Ukraine et, tout récemment, la question palestinienne. Les changements en profondeur des équilibres traditionnels, s’ils inquiètent à juste titre les pays occidentaux, sont au contraire, pour la Chine et quelques grands pays du Sud, porteurs de promesses.

    Un exemple parmi beaucoup d’autres : fin 2020, les accords d’Abraham ont permis, sous l’égide des Etats-Unis, une normalisation des relations entre Israël et plusieurs pays arabes, Bahrein, les Emirats Arabes Unis, le Maroc ainsi, un peu plus tard, que le Soudan. Ce fut le plus grand succès diplomatique de Donald Trump. A peine trois ans plus tard, en juillet 2023, c’est sous l’œil bienveillant de Xi Jinping que l’Arabie Saoudite et l’Iran signent, à Pékin, un accord qui entérine leur rapprochement. Washington n’est pas dans le jeu. On peut épiloguer sur les raisons qui ont entraîné cette attitude de Riyad. L’une d’entre elles est sans nul doute le besoin de consolider ses relations avec les pays de la région à l’heure où les difficultés s’accumulent avec Washington (notamment sur les Droits de l’Homme).

    Petit à petit, la Chine, avec la lenteur et la prudence qui caractérisent sa diplomatie, prend des parts de marché aux Etats-Unis. Et, sous ses encouragements, et souvent à son initiative, le Sud s’organise. En 2001 Pékin crée l’Organisation de Coopération de Shanghai, qui réunit six pays (Chine, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan et Ouzbékistan) auxquels vont bientôt s’ajouter l’Inde et le Pakistan en 2016 puis l’Iran en 2021. L’Afghanistan, la Biélorussie et la Mongolie sont observateurs. On peut voir dans l’OCS un galop d’essai du projet tentaculaire des nouvelles routes de la soie (BRI ou Belt and Road Initiative).

    Et l’on n’en reste pas à l’Asie. Le 15è sommet des BRICS, à Johannesburg en août dernier, a entériné l’élargissement de l’organisation, à partir du 1er janvier 2024, à six nouveaux pays (Iran, Ethiopie, Egypte, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis et Argentine).

    La Chine tire derrière elle la Russie, mal aimée des pays occidentaux. Celle-ci fait partie de toutes les organisations susnommées, BRICS, OCS, BRI. La troisième session de bilan des nouvelles Routes de la Soie, le 17 octobre, à Pékin, a permis une mise en scène très réussie sur le plan médiatique, où Xi Jinping trône aux côtés de son hôte d’honneur, Vladimir Poutine (qui, quelques jours plus tôt, était annoncé comme mourant par une certaine presse occidentale). Mais à l’inverse de la rencontre entre Staline et Mao, à Moscou en décembre 1949, cette fois-ci le grand frère, c’est la Chine. Ce renforcement de l’amitié sino-russe est une mauvaise nouvelle pour l’Europe qui n’a pas su l’éviter, et a préféré se rallier sans discernement à la politique américaine de sanctions. Au total, il est remarquable que bon nombre de pays du Sud (32 exactement) se soient abstenus lorsqu’il s’est agi de condamner l’invasion russe de l’Ukraine.

    Certes, il existe aussi des problèmes dans les pays du « Sud ». On fait grand cas, à l’Ouest, de la disparition de plusieurs dirigeants chinois, dont le ministre des Affaires Etrangères nouvellement nommé. Comme si les difficultés que pourrait connaître la Chine devaient nous dispenser d’avoir une politique étrangère clairement définie.

    Mais il faut raison garder : le grand basculement n’est pas pour demain, même s’il a déjà commencé. Les pays africains qui se sont « libérés » de la présence française, avec l’aide de la Russie, n’ont pas encore réussi à installer de régimes stables, dans ce continent où les coups d’Etat sont si fréquents. Et nous ne devons pas les passer par pertes et profits. Notre coopération doit pouvoir reprendre si les conditions le permettent et il faut se tenir prêts. En Amérique du Sud, Lula a repris le pouvoir mais ses opposants, Bolsonaro en tête, n’ont pas baissé les bras.

    L’Europe a certes elle aussi son lot de problèmes qui peuvent hypothéquer l’avenir. La Hongrie se distingue particulièrement par ses réticences à suivre les règles européennes qui ne lui conviennent pas. Il en est de même de la Pologne qui n’a pas voulu se soumettre aux diktats de Bruxelles sur son système judiciaire. Et le nouveau gouvernement slovaque prend ses distances vis-à-vis de la politique européenne à l’égard de l’Ukraine. Mais l’Union Européenne parvient encore à maintenir une certaine cohésion, s’agissant de politique étrangère.

    Quid de l’OTAN ? La Suède n’y est toujours pas admise, face aux objections de la Turquie. Celle-ci joue d’ailleurs un rôle particulièrement ambigu : deuxième puissance militaire de l’Alliance, elle parvient à maintenir un dialogue constructif avec la Russie, notamment sur la question des exportations de blé et du contrôle de la mer Noire. Discrète, comme la Chine, sur la question palestinienne, elle semble attendre son heure pour jouer un rôle accru dans les conflits régionaux (sans oublier les problèmes du Karabagh et du Nakhitchevan).

    De tout cela, la Chine n’a que des bénéfices à tirer. Installée depuis toujours dans le temps long, elle pousse tranquillement ses pions sur le grand échiquier mondial, convaincue que l’avenir lui sera favorable.

    Gérard Chesnel (Geopragma, 19 novembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • La diplomatie américaine en panne ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Gérard Chesnel, cueilli sur Geopragma et consacré aux échecs de la diplomatie américaine. Ancien ambassadeur et agrégé d'histoire, Gérard Chesnel est membre fondateur de Geopragma.

     

    Bombe_sous-munitions.jpg

     

    La diplomatie américaine en panne ?

    La diplomatie américaine a subi ces deniers temps un certain nombre de contrariétés.

    Tout a commencé avec la décision prise par Washington en juillet dernier d’autoriser la livraison à l’Ukraine d’Armes à Sous-Munitions, soulevant la réprobation de tous les signataires de la Convention d’Oslo (112 Etats, quand même). Certes la Russie a été la première à utiliser ces armes en Ukraine, certes ni la Russie ni l’Ukraine ni les Etats-Unis ne sont signataires de cette convention, mais il n’en reste pas moins que l’usage des ASM est considéré comme contraire au Droit International Humanitaire et donc parfaitement condamnable. C’est ce qui a été rappelé la semaine dernière à Genève lors de la 11ème réunion des Etats parties à la Convention d’Oslo. Si la plupart des intervenants se sont contentés de reprendre les principes fondamentaux de la convention sans nommer les pays en cause, renvoyant ainsi dos à dos Washington et Moscou, certains ont dénoncé nommément les Etats-Unis : Cuba, sans surprise, mais aussi la Nouvelle-Zélande et, de manière très surprenante, les Philippines, qui viennent pourtant d’autoriser de nouveau l’installation de bases américaines sur leur sol. Quant aux ONG présentes à Genève, elles ne décolèrent pas, même si, pour ne pas compromettre leurs sources de financement, elles s’obligent à une certaine retenue.

    La réunion du G20 à Delhi, les 9 et 10 septembre, a marqué un nouveau recul de l’influence politique américaine dans le monde.  Le communiqué final, en effet, ne condamne pas l’agression russe en Ukraine et ne limite pas l’utilisation des énergies fossiles. Il faut y voir le résultat des pressions russes mais aussi chinoises. Ces deux pays ont d’ailleurs, d’une certaine manière, snobé le G20 : ni Poutine (de toute façon empêché par un mandat d’arrêt international), ni Xi Jinping ne se sont déplacés. Il faut y voir bien plus que des rivalités régionales (problèmes frontaliers sino-indiens, par exemple). Pour la majorité des participants, l’Occident n’est plus qu’une région dans une planète multipolaire. Le Ministre des Affaires Etrangères indien a d’ailleurs été très explicite à ce sujet : « Il faut que les Occidentaux, a-t-il dit, cessent de croire que leurs problèmes sont ceux du monde ».

    On serait tenté d’opposer le G20 aux BRICS mais plusieurs membres des BRICS se trouvent au G20. Il faut plutôt voir un processus de transition du pouvoir, de l’ouest vers l’est et du nord vers le sud. Les BRICS sont aujourd’hui très courtisés ; de nombreux pays de ce qu’on appelait le Tiers Monde  frappent à la porte. D’ores et déjà, l’Argentine, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Ethiopie et les Emirats Arabes Unis ont été admis tandis que l’Iran, Cuba, le Bangladesh et le Nigéria attendent leur tour.

    Sans que cet élargissement des BRICS soit présenté comme un phénomène spécialement anti-américain, il est clair qu’il ne va pas dans le sens souhaité par Washington à qui beaucoup reprochent d’entraîner l’Occident dans leur inéluctable descente.

    Comme une cerise sur le gâteau, deux des pays les plus honnis par Washington, la Russie et la Corée du Nord viennent de resserrer leurs liens. Pyong Yang est toujours restée proche de Moscou, même à l’époque où la Russie cherchait à se donner une certaine honorabilité. Les échanges entre dirigeants des deux pays ne sont pas nouveaux. Mais la récente rencontre à Vladivostok entre Poutine et Kim Jong-un apparaît, dans le contexte actuel, comme un bras d’honneur à leurs contempteurs.

    La politique hégémonique de Washington trouve des critiques acerbes aux Etats-Unis mêmes. Dans un récent film-documentaire de Tina Satter, « Reality », l’héroïne, Reality Winner, une lanceuse d’alerte lourdement condamnée à plusieurs années de prison, va jusqu’à dire : « Les Etats-Unis, c’est la pire chose qui existe au monde ».

    Gérard Chesnel (Geopragma, 17 septembre 2023)

    Lien permanent Catégories : Géopolitique, Points de vue 0 commentaire Pin it!
  • Tour d'horizon... (224)

    Jumelles Galileo.jpg

    Au sommaire cette semaine :

    - sur la chaîne de Geopragma, Pierre Conesa et Gérard Chesnel s'intéressent à la guerre des mémoires...

    La victimologie : une nouvelle discipline politique - Réflexion sur le Wokisme et les nouvelles guerres de la mémoire

    Conesa_Chesnel_Victimologie.jpg

    - sur le Figaro Vox, le 24 mars dernier, Pierre Brochand, ancien directeur de la DGSE, a donné une long entretien consacré à la question de l'immigration. Faute de pouvoir vous renvoyer vers celui-ci, qui est réservé aux abonnés, nous vous mettons en lien son précédent entretien donné au même journal en 2020, et surtout le texte, essentiel, de sa communication devant la Fondation Res Publica en 2019...

    «L’immigration est le défi le plus redoutable auquel nous sommes confrontés» (1/2)

    «Face à l’immigration, la société des individus n’est qu’un magasin de porcelaine» (2/2)

    Pour une véritable politique de l'immigration

    Pierre Brochand.jpg

    Lien permanent Catégories : Tour d'horizon 0 commentaire Pin it!